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[CLOS] Le nouveau whip (solo)
Invité
Le nouveau whipft. solo

- Soyons clair, Campbell. La charge de Whip ne confère aucun rang de ministre de plein droit. Nous ne sommes pas à la tête d’une grande administration ou d’une fonction publique aux effectifs infinis. Vous, ainsi que les autres Whip, avez été choisi pour votre relative insignifiance. Vous êtes également là parce que le Premier Ministre ne veut pas de nobles aux devants de ses rangs. Nous œuvrons en coulisse et de manière anonyme, loin des micros, des feux de la rampe et des plateaux télévisés. Me suis-je bien fait comprendre?

Le Chief Whip imposait le respect, avec ses années d’expériences dans sa fonction. Son magnifique bureau se situait au 12 Downing Street, à deux pas seulement de celui du Premier Ministre. Chargés d’histoire, les murs de ces lieux vibraient d’une autorité intimidante. Tyrgan se redressa dans le fauteuil de cuir où il était assis, face à son supérieur. Rien à part la famille royale n’avait été au-dessus de lui, mais il ravala sa fierté.

- Bien sûr monsieur.

- Le travail de Whip n’est pas glorieux, mais il est nécessaire. Nous veillons à la bonne conduite des élus. Pour que les membres du Parlement votent en temps et en heure, en séance de jour comme de nuit, vous devrez savoir où se trouvent nos ouailles à chaque instant.

- À chaque instant? répéta-t-il, incrédule. Mais comment?

- En connaissant les secrets de chacun. Qui conspire avec qui, qui couche avec qui, qui est trop ivre pour venir voter, qui avait la main fureteuse dans la poche des autres ou baladeuse sur leurs épouse. Ne prenez pas cet air choqué, Campbell. Vous vouliez entrer en politique? Eh bien vous y êtes. C’est pour leur bien que nous faisons ça. Pour la survie du parti, encore plus maintenant que nous avons un gouvernement minoritaire sur les bras.

- Autrement dit, vous utilisez ce que vous savez contre eux.

-Si des députés de base se portent à la rébellion, ou bien si leurs ambitions dépassent le cadre de leurs fonctions, nous les amenons à reconsidérer leurs positions en évoquant simplement leurs errements passés, sur lesquels le Parti avait passé l’éponge, mais n’avait rien oublier. Vous serez étonné de constater à quel point les politiciens peuvent se montrer accommodants lorsque leur vie privée risque soudain d'entrer en collision avec leur personnage public. D’ailleurs, je veux tester vos aptitudes avec le directeur des communications. Jetez un œil à ceci, et dites-moi si vous remarquez quelque chose.

Le Chief Whip tendit à Tyrgan le bilan financier de la campagne, rédigé par le responsable des finances de l’agence de communication du parti. Le duc éplucha plusieurs pages, perplexe, avant de froncer les sourcils.

- Eh bien… il y a plusieurs irrégularités.

- Développez.

- Hum… Il y a au moins 20 000 livres d’emprunt au cours du mois dernier seulement. C’est une somme énorme pour le parti.

- Vous avez saisi. D’après vous, pour quelle raison le directeur des communications s’est-il permis ses dépenses?

- Cela devait être pour la campagne j’imagine.

- Vous n’avez pas l’esprit assez tordu, jeune homme. Venez avec moi, nous allons féliciter le directeur, et vous me direz si vous avez deviné ce qui cloche chez lui, après notre rencontre. Ne parlez pas à moins que je vous y invite.

Le chauffeur du Chief Whip les déposa au Royal Country Club, là où ils trouvèrent le directeur des communications, Roger O’Neil, un cigare havanais à la main, était assis confortablement dans l’un des profonds et vénérables sièges de cuir disposés autour d’une table dans la salle de billard. Quand personne n’y jouait, comme c'était le cas en ce moment, c’était un endroit calme où les membres du Club pouvaient discuter en toute confidentialité. Le Chief Whip félicita le directeur pour la campagne rondement menée, avant de présenter Tyrgan, s’asseoir, et échanger quelques platteries. Le duc mit un moment à comprendre où son supérieur voulait en venir, d’autant plus que les manières d’O’Neill étaient pour le moins troublantes, et Tyrgan ne put s’empêcher de les remarquer. L’homme était agité de tics nerveux. C’était comme si une seconde vie, déconnectée du reste du monde, était tapie à l’intérieur d’O’Neill et ne se manifestait que par les mouvements saccadés de ses mains et de ses yeux, où il brillait une lueur vacillante.

- Dites-moi Roger, quels sont vos projets maintenant que l’élection est passée? Comptez-vous continuer à travailler pour le Parti? Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des éléments de valeur tel que vous.

- Francis, je vous assure que je reste au service du Parti aussi longtemps que le Premier Ministre voudra bien de moi, répondit-il, un sourire de vainqueur sur les lèvres.

- Mais comment ferez-vous pour joindre les deux bouts, Roger ? Je ne veux pas me montrer indiscret, mais je sais combien les rémunérations offertes par le Parti sont modestes. D’autant qu’après une élection, l’argent se fait plus rare. Les deux prochaines années ne vont pas être glorieuses.

- Eh bien, ce n’est pas toujours facile, Francis, comme vous l’avez deviné. Mais ce n’est pas le salaire qui me motive en premier lieu. Je travaille dans la politique parce qu’elle me fascine. Et que j’adore être au cœur de l’événement. En revanche, tailler dans mon budget serait une véritable tragédie. Il y a encore tellement à faire.

- Bien entendu. Et que dit le président du Parti ? Il vous soutient ? demanda Urquhart en haussant un sourcil.

- Comme si les présidents faisaient une chose pareille…

- Je peux peut-être faire quelque chose pour vous, Roger. J’aimerais vraiment vous aider. Si vous voulez, je peux aller plaider votre cause auprès du président.

- Vraiment ? Je ne m’y attendais pas. Ce serait très aimable à vous, Francis.

- Mais je dois d’abord vous demander quelque chose, Roger. Vous me pardonnerez de me rendre droit au but. J’ai reçu un appel du responsable des finances de l’agence de communication du Parti et il m’a fait part de ses préoccupations. Il est très discret, mais il était aussi très soucieux. Il m’a dit que vous aviez pour habitude de demander des sommes considérables à l’agence pour couvrir vos dépenses.

L’intégralité des petits mouvements nerveux cessa d’un coup. Urquhart se dit qu’il n’avait sans doute jamais vu O’Neill aussi parfaitement immobile.

- Roger, croyez bien que je ne suis pas en train d’essayer de vous piéger. Cette conversation reste strictement entre nous. Mais pour que je puisse vous venir en aide, je dois d’abord m’assurer de la réalité des faits.

Les soubresauts reprirent de plus belle. O’Neill lâcha nerveusement un éclat de ce rire jovial et communicatif, dont il semblait avoir une réserve inépuisable.

- Francis, je vous assure qu’il n’y a absolument rien de répréhensible. Rien du tout. C’est idiot, bien sûr, mais je suis content que vous abordiez la question avec moi. Ce n’est rien ; simplement, quand j’engage des frais dans le cadre de mes activités publicitaires, c’est moins compliqué pour moi de me les faire rembourser par l’agence plutôt que de passer par la machine administrative du Parti. Ce sont des notes de frais, par exemple, quand je prends un verre avec un journaliste ou lorsque j’invite un contributeur à déjeuner.

O’Neill débitait sa petite explication à un rythme soutenu – signe évident qu’il l’avait déjà beaucoup utilisée. Tyrgan jeta un oeil à son supérieur, silencieux. Pour le duc, il était clair qu’O’Neil mentait. Pourtant, le Chief Whip continuait de le laisser débiter ses arguments.

- Vous voyez, quand je paie de ma poche, il faut ensuite que je me fasse rembourser. Et le Parti prend toujours son temps pour m’envoyer mon chèque. Deux mois… parfois plus. Vous savez comment ils sont. Et franchement, vu ce qu’ils me paient, c’est un luxe que je ne peux pas me permettre. Donc je me fais rembourser par l’agence. Ainsi, je reçois mon argent immédiatement, et elle se fait rembourser en imputant les sommes dans sa comptabilité. Pour le Parti, c’est un peu comme un prêt sans intérêts. Grâce à cette solution, je peux poursuivre mon travail sans avoir à m’inquiéter. De toute manière, il ne s’agit que de petites sommes.

Incrédule, Tyrgan se mit à rire.

- Parce que 20 000 livres en deux mois, c’est une petite somme?

Le Chief Whip jeta un regard noir son apprenti. O’Neill faillit s’étrangler.

- Il n’y en a pas pour autant d’argent! protesta-t-il. Je refuse qu’un duc me fasse des leçons au sujet de l’argent.

- Roger, intervint alors le Chief Whip. Depuis le début du mois de janvier, le total des frais dont vous avez demandé le remboursement à l’agence s’établit très précisément à 22 300 livres. Les sommes relativement modestes du début n’ont cessé d’augmenter, pour atteindre ces derniers temps 4 000 livres. Personne ne dépense autant en verres et dîners, même lors d’une campagne électorale.

- Francis, je vous assure que j’ai des justificatifs pour chaque livre dont j’ai demandé le remboursement !

- C’est cher, n’est-ce pas ? La cocaïne.

Le regard figé d’O’Neill exprimait l’horreur absolue. Soudainement, les pièces du puzzle s'emboîtent dans l’esprit de Tyrgan. Les tics nerveux, les dépenses aux motifs nébuleux… Jamais il n’aurait soupçonné la cause de ceux-ci. Pourtant, son supérieur n’avait pas hésité un seul instant avant d’attaquer O’Neill, comme un vieux loup qui savait précisément où planter ses crocs dans la jugulaire de sa proie. D’ailleurs, il semblait prendre plaisir à regarder le spectacle devenu soudainement terrifiant à voir. Le Chief Whip fit alors un aparté pour s’adresser à son apprenti

- Voyez Campbell, mes fonctions de Chief Whip m’obligent à tout savoir des problèmes de la vie. De la vie des autres, évidemment. J’ai déjà eu à m’occuper de cas de maltraitance conjugale, d’adultère, de malversation, de troubles mentaux. J’ai même connu une affaire d’inceste. Si, si, je vous assure. Bien sûr, nous n’avons pas autorisé le fautif à se représenter sous nos couleurs, mais il n’y aurait rien eu à gagner à un déballage public. D’ailleurs, c’est pour cette raison que ces histoires font généralement aussi peu de bruit. Pour moi, l’inceste est une ligne rouge. Pour le reste, nous ne jugeons pas. À mes yeux, tout homme a droit une fois à l’indulgence, du moment qu’elle reste privée.

Tyrgan ouvrit la bouche, pour la refermer presque aussitôt. Que pouvait-il répondre à cela. Inversement, O’Neill sembla retrouver l’usage de la parole, niant tout d’un ton geignard.

- Que...Qu’est-ce que vous racontez? Je ne suis pas un drogué!

- Bien sûr que non Roger, répondit le Chief Whip d’un ton rassurant. Cependant, il faut admettre que certains pourraient en arriver à de fâcheuses conclusions à votre sujet. Des conclusions qui pourraient bien arriver aux oreilles du Premier Ministre. Pour des gens comme lui, vous ne valez pas grand chose.

Les paroles semblèrent atteindre O’Neill droit au coeur. Le publicitaire se mit à pleurer.

- Aidez-moi, Francis. Qu’est-ce que je dois faire?

- Faire ? Mais, Roger, il suffit juste de me faire confiance. Ne vous inquiétez pas. Je vais parler en votre faveur et dire à l’agence que chaque livre dépensée pour vos frais est parfaitement justifiée. Vous n’avez rien à craindre. Aussi longtemps que vous aurez mon soutien…

Tyrgan frissonna en entendant les paroles de son supérieur. Cela sonnait comme une menace. Dans quoi s’était-il embarqué? Devrait-il lui aussi être aussi menaçant? O’Neill était si terrifié qu’il remercia Francis, avant que celui-ci ne prenne congé, Tyrgan sur ses talons.

- Comment avez-vous deviné qu’il était cocaïnomane? lui demanda-t-il, en chemin vers la voiture.

- L’un de mes whips est médecin, ce qui est bien pratique pour repérer les signes d’épuisement chez nos membres. Vu le contexte actuel, nous devrions étendre notre surveillance sur les partis d’oppositions. Vous avez certaines connaissances qui en sont supporters, je crois?

- C’est exact...

- Les journalistes ne sont pas à négliger non plus, mais il ne faut pas leur faire confiance. Quant à vous, jeune homme, tâchez d’enterrer profondément tous vos secrets. Bienvenue en politique, votre grâce.



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04.03.21 0:37
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