Le Time annonce ce matin une énième échauffourée, dans le quartier irlandais. Quatre blessés sont un dont le pronostic vital est engagé. Une enquête est ouverte. Les soupçons reposent sur un groupe de suprématistes. Ils auraient attaqué le groupe par surprise au petit matin. Le deuxième cas en dix jours. C’est une affaire vieille comme le monde. Les Irlandais n’ont jamais eu les faveurs de la Couronne. Jamais. Edward replie le journal. Ce genre d’affaires ne provoquent chez lui qu’une once de condescendance. Pourquoi avoir débarqué ici. Pourquoi rester d’ailleurs ? Quand tout indique que ce peuple n’est pas le bienvenue.

Le Baron imagine déjà le titre du journal télévisé. Les racontars de couloirs ministériels. La sidération de la Baronne de Crawley lorsqu’elle comprendra ce qui s’est passé. Edward ne saisit pas d’où lui vient cette compassion pour les petits-gens. Il sait pourtant qu’elle a grandi dans une grande famille. Malheureusement, Violet commence à changer et en mal. Il reste au moins la cadette. D’ailleurs, tout laisse à penser que l’alliance Hanovre Leicester va avoir lieu. Ce qui n’est pas sans le réjouir. Car profitant de l’aura des monégasques le Baron noir compte bien profiter de celles des Blakemore également. Il est possible qu’il croise le Patriarche aujourd’hui. Souvent, le jeudi, une sorte de rendez-vous tacite survient.

Les midi vont bientôt sonner. Alors le grand blond lève index et majeur accolés pour appeler le serveur le plus proche. Il observe la déambulation de ce personnel en uniforme. Il apprécie cette danse silencieuse et efficace dans l’espace. Ce club est décidément le meilleur de la capitale. Il n’y a pas à dire. Tout est là, du bois lambrissé, aux fauteuils louis XV rembourrés, jusqu’à la petite note de tabac qui flotte dans l’air. C’est pour cela qu’il sort son boîtier à tabac. Il prend un bâtonnets de nicotine dont il tape le cul contre l’argent. Il l’allume avant de le pincer entre ses lèvres. Ce fut à ce moment que ses yeux de glace accrochaient une vision.

Edward commanda son verre de brandy, le meilleur de la maison. Une boîte de cigares italiens. Il donna aussi l'ordre de faire prévenir le jeune Ewans et son chaperon qu’ils pouvaient tout à loisir se joindre à lui. Il remarqua d’ailleurs un peu plus loin cet Écossais, l’ami de sa femme, lui aussi. Quelle coïncidence intéressante. C’était un signe. Il donna donc aussi indication de sommer Lord Campbell. Une fois sûre qu’ils allaient arriver Edward glissa une main dans la poche de son pantalon. Il activa le monde recoding de son smarphone.

Une fois la veste lissée, les manches tirées, le noble se senti d'attaque. Toujours soigné et élégant, il incarnait parfaitement cette classe des nouveaux nobles. «Lord Leicester. » Le Baron le saluait avec les honneurs. Bien entendu, il savait que Caleb Blakemore soutenait son épouse dans ses fadaises équines. De même qu’il savait que Swan était son ami d’enfance et un confident… Mais ils étaient assez fins pour ne pas donner tout son crédit à la parole féminine. «Duc!» Il fit signe à l’Ecossais d’approcher et de se joindre à leur petit cercle. Ne manquait plus que ce cher de Lascelle pour l’entourer des complices de sa femme. Quelle ironie délicieuse. «Ne manquait plus que vous Campbell. » Une fois chacun saluer avec les égards dû, Edward se coulait nonchalamment dans son siège.

« Quelle aubaine. Messieurs, voilà enfin une occasion de discuter un peu. » Il encourage alors la tablée à prendre une commande tant que le serveur était à leur portée. le Baron Noir patienta, tranquille. Son regard allait de l’un à l’autre, sondant. « Quelles nouvelles pouvez-vous me donner que je ne trouve dans l’un des soliloques de la Baronne ? » Pour ce qui était de ses courriers, bien sûr Violet les lui dissimulait. Mais rien ne pouvait lui échapper sous son propre toit. Il était donc curieux. Car il avait pour chacun d'eux une idée bien précise du jeu à jouer.

Le sourire du Baron noir se tendit pendant une fraction de seconde. A peine le temps d’entrapercevoir la petite lueur d'animosité nimber son iris. Il amena le verre à sa bouche pour toute diversion. Quelques secondes bénéfiques pour recomposer sa persona. « Non. Il n’y a pas encore de coupable. » L’enquête policière concernant la menace est encore en cours. Six mois et aucun suspect sérieux n’a été retrouvé. Edward se demande s’il préfère que ce soit dû à une incompétence professionnelle ou bien à une ingéniosité criminelle. L’un dans l'autre, il y pense le moins possible.

« La seule chose que cela a terni c’est bien l’humeur de votre amie la Baronne. » La maisonnée entière a supporté la déception de la dame. Les plaintes n’ont eu de cesse pendant des jours et des jours. Jusqu’à ce qu’il y mette un terme pour la paix de chacun. Entre-temps Lord Crawley a engagé une équipe spécialisée pour revoir la sécurité de leur propriété. Tout a été mis à neuf pendant l’hiver. Les systèmes sont du dernier cri. La vidéoprotection est en place partout. Bien entendu, le chef de l’équipe de sécurité est un nouvel homme. Il tient l’équipe d’une main de fer. Un homme qui en est tout à fait capable. «Nous avons maintenant la propriété la plus sécure d'Angleterre. » Personne, pas même ce satané duc Ecossais ne pourra venir rendre de visite impromptue.

« Ce qui ne devrait pas déplaire à votre sœur Duc. » Edward n’a pas vue Rose Campbell plus de deux fois. Cependant ces rares rencontres ainsi que l’histoire de famille suffit à sa désapprobation. D’ailleurs, il ne s’en cache pas à sa femme qu’il considère comme idiote. Laisser une parvenue et son bâtard venir sur leur domaine est proprement irresponsable. Il le concède uniquement pour avoir un levier d’appui lorsque Violet se montre trop obstinée. « Il semble que votre neveu est un prodigieux petit jockey. » Ce dont s’est vantée Violet sans en avoir l’air pendant l’un de leur déjeuner commun. Edward s’était abstenu d’une remarque devant la dame. Mais ici entre hommes il pouvait se permettre une petite galéjade.

«Quelles études Duc ? » Sans doute que sa femme lui a donné cette information. Violet et lui sont de bons amis. «Je n’ai pas souvenir à qui êtes vous fiancée ? » Un troisième du nom n’est pas aussi pressé qu’un aîné. Mais plus vite l’homme sera marié et moins il aura de temps pour faire croire à Violet qu’elle est assez forte pour lui tenir tête. L'inimitié ici est tout à fait réciproque. Et personne n’est dupe.

Edward n’a absolument pas l’intention de passer une partie de son été sur une île de sauvages. En revanche, il sait aussi qu’il ne peut le dire aussi ouvertement. Si M. Campbell continue à se faire bon ami avec l'opposition mieux vaut le garder dans son cercle. «L’été est toujours une période très chargée. Comme vous le savez. D’autant que le Roi aime avoir sa petite-nièce non loin. » Il n’était pas forcément utile ici de rappeler l’arbitre généalogique de Violet et Iris. Mais, Tyrgan peut avoir l’oreille de tous les députés. Le pouvoir se passe ailleurs.

« Ils argueront que le pays est trop rigoriste »] Le Baron n’a pas du tout confiance envers le Parti. Le social est un prétexte à la dérive. « Si ce gouvernement veut faire des économies en sécurité, je leur donne la solution. Expulsion de tous les étrangers. Le blond coule un regard entendu à son adversaire de première lisse. « Ceux qui pourrissent les sous bassement du royaume. Bien entendu. » Il y a toujours quelques maux nécessaires.

La baronne profite d’une belle aura. Le peuple aime la Baronne de Crawley. Même si quelque-chose échappe à son mari, qui lui peut la voir une fois qu’ils sont hors des protecteurs. Il faudrait davantage exploiter cette affiliation directe à la Princesse lady D. Si seulement Violet se montrait moins obstinée et moins prompte aux refus. « Il est vrai. Si seulement elle mettait autant de cœur à l’ouvrage dans ses devoirs, qu’elle en met dans cette charité.» Le Seigneur peut en convenir le premier que l’une de peut se faire au détriment de l’autre. S’il s’était attendu à de la résistance intérieure, il aurait peut-être pris la cadette au lieu de l’aînée. Enfin, il suffira d’un peu plus de rigueur.

Une aigreur noire frappe l'estomac du Baron. Pendant deux secondes son masque se fissura et dévoile un élan de rage froide. Il n’est pas idiot. Il sait fort bien que Evans est le confident de son épouse. Elle lui a certainement fait le menu récit de la complexité face à laquelle ils se trouvent. Bientôt un an et elle n’est toujours pas fécondée. A croire que la Nature se joue de lui. Il met pourtant toute son ardeur à répondre aux obligations de ce type. « Oui. La Baronne a déjà évoqué votre nom pour un parrainage d’ailleurs. Elle semble croire que vous serez l’homme de la situation. » Mais si Arture épouse Iris entre temps le choix sera fait et bien fait. Mieux vaut un Blakemore qu’un allié de Violet. Elle lui donne déjà bien assez de fil à retordre.

Quant à partir en Écosse, que ce soit pour voir des coutumes de barbares ou bien un Cerf blanc, n'a qu'un intérêt limité pour le marchand d'armes. Il aime la chasse comme le sport que cela est, pour son efficacité mondaine et son côté dominant. Ceci dit, il ne doit pas négliger la menace planantes des îles. Il faut peut être aller voir sur place qu'elle est la teneur de l'hostilité. Violet pourra sans doute servir dans un semblant de mission diplomatique. Quand elle ne sera pas occupée à... Il n’achève pas sa pensée doutant de pouvoir conserver son calme, sans cela. Lèvres closes, Edward les écoute et retient.

« Réduire la sécurité.» Edward n’en revient pas que ce soit “cela” la solution que ce gouvernement défend. Quand Londres devient un réservoir à vermines, à meurtriers. Il a l’impression que ce pays marche sur la tête. Le Roi avec cela qui reste silencieux. «Le peuple Anglais veut être en sécurité. Ceux ne sont pas ces minorités qui vont l’amener.» Il n’y a pas à être conservateur pour croire cela.

La proposition du Juge est tout de même plus sensée. Il a l’avantage de l’expérience. De plus, le fait de s’occuper de la Justice doit donner un regard particulier sur la société. Lui doit bien voir de ses yeux que ce sont bien les émigrés qui amènent le chaos dans le royaume. Ceux sont eux qui arrivent avec leurs cultures, leurs rites et cherchent à contaminer toute l’Angleterre. « Il faut également plus d’établissements pénitenciers.» Si cela ne tenait qu’à lui la peine de mort serait rétablie. Voilà un outil dissuasif. Il faut traiter le mal par le mal.

« Lord Campbell, savez-vous ce qui se passe lorsqu’on coupe la tête d’un Hydre ?» Les yeux bleus du jeune lord luisent d’une sombre ironie. « Le chaos. » Les peuples sous-tutelles ont des âmes révolutionnaires. Cela vient de loin dans le passé. Combien de fois Irlandais et Écossais ont mené la fronde. Combien de fois ont-t-il menacé de quitter le Royaume-Unis ? Ils ne savent faire que cela : se plaindre et menacer. Mais, enfin de compte, ils sont encore là, à leur table, à boire de leur whisky et à regarder leurs femmes… « C’est la révolte que vous voulez Lord ? » Un ricanement bas et sombre accompagna cette accusation. «L'Anarchie est bonne pour les barbares. » Les enfants du royaumes ne sont pas de cette espèce. Voyons.

Le petit duc n’en finit donc pas de lui tenir tête. Une chance pour lui qu’ils ne soient pas dans une salle de sport. Même s’il est vrai aussi qu’un contexte pareil aurait amené… d’autres avantages. « Cher Duc Evans, je ne peux vous en vouloir. Après tout, vous n’êtes pas encore marié. Nous pourrons débattre sur la façon de tenir une épouse, lorsque vous en aurez une.» Voilà qui met fin au sujet. Vraiment, Violet est plus maligne qu’elle ne veut bien le faire voir. Retourner ainsi la tête des hommes les mieux éduqués du Royaume.

Il n'apprécie pas l'impertinence de Tyrgan. Il prit sur lui pour ne pas partir sur le même registre. Même s’il en a de plus en plus envie avec celui-là. « Eh bien oui. En quoi aurait-il besoin de réflexion ? Il a pour fonction d’exécuter les ordres. Ni plus. Ni moins.» L'instruction la vraie leur a été réservée. Il n’y a que de cette façon que le Royaume est gouverné de façon sensée. Voilà pourquoi laisser plus de pouvoir et d’influence à des Travaillistes est dangereux. L’Histoire contemporaine était forte d’exemples. Edward a bien du mal à comprendre ce que veulent les sujets. Ils n’ont tout simplement pas conscience du mal qui peut être fait par ce mandat.

Les yeux d'acier du baron se figent sur l’Ecossais. Il comprit pourquoi celui-ci lui a cédé son siège à la Chambre. Il semble qu’il ne croit plus en l'Institution monarchique. N’est ce pas le propre de la jeunesse d’être ingrat ? Edward a de plus en plus la sensation que sa génération est folle à lier. Quelque-chose semble avoir raté dans la formation. Un sourire froid vint aux lèvres du blond. «Désuet ? Choix amusant, venant d’un homme qui a profité de l’influence de cette même Chambre. Etes vous seulement conscient de l’influence que nous donne cet organe ? » La réplique suivante provoque un sec claquement de la langue sur le palais. « La faute à qui ? Si vous ne vous étiez présenté contre vos pairs.» Beaucoup des leurs en voulaient à ce Duc et à raison.

Quant à se faire prélever un peu plus d’argent, bien sûr ce serait un mal nécessaire. Cependant, la fortune des Crawley ajouté au patrimoine de la Dynastie Hanovre est plus que solide. Edward et Violet est l’un des couples les plus riches. « Je peux même faire mieux. Fournir des armes à nos agents. Voilà qui serait efficace. » L’entreprise d’armement du Baron est dans le top trois des ventes et bientôt la majoritaire dans certains domaines d’exploitation. Ils ont de quoi soutenir la couronne.

Treize sonnent du gros pendule de l’horloge. Il faut tout de même que le Baron ait le temps de déjeuner avant d’aller à sa partie de golf avec son beau-père. «Messieurs, que diriez-vous de poursuivre cela autour d’un déjeuner ? Le club a un très bon menu.» Edward a bien envie de voir, si ces messieurs vont avoir assez de cran, pour faire une prolongation à cette discussion. Tranquillement, il déplie ses jambes pour initier le mouvement de la troupe au sang bleu. Plus ou moins bleu, il est vrai. Edward lève deux doigts pour attirer l’attention de l’un des serveurs. Son regard s’égare, un battement de cœur, en voyant la démarche de son favori. Il est décidément temps de changer de cadre.