Ma petite mère adorée, vous serez heureuse d’apprendre, que j’ai croisé notre chère Madame Courtenay. Nous avons pu discuter un bon moment. Ce fût une conversation bien agréable. Par trois fois, elle m’a dit combien les dames de Monaco étaient de bonnes danseuses. N’omettant pas non plus de me gronder, pour n’avoir pas suivi les cours spécialisés du conservatoire à l’époque. Visiblement le bal de mon mariage l’a marquée. Une grande et belle dame que cette madame Courtenay. L’âge lui va bien. Saviez-vous qu’elle continue à donner leçon aux enfants du Roi ?

Elle n’est point la seule. Figurez-vous que j’ai été mise à contribution pour former une jeune actrice à la danse de salon. On m’a bien signifié que la formation serait intensive et rapide. La jeune femme doit être sur son plateau dans quelques semaines à peine. Je dois bien vous avouer que ce défi m’a amusé. J’ai donc accepté. Je vous entend sourire d’ici. Il est vrai que je n’étais pas la dernière à écourter les séances. Pourtant, tu vois bien comme je m’en sors. Les gens disent de moi que j’ai tout d’une Princesse. Même Lady Diana a eu une bonne remarque sur mon port de tête.

Comme vous nous y avez élevée je suis arrivée en avance pour préparer la salle. J’avais à ma disposition deux paires de souliers pour que la jeune femme puisse s'entraîner sur talons bas et talons hauts. Ce ne serait qu’une première séance d’initiation. Mais je devais marquer son esprit pour qu’elle se mette dans l’idée d’être en formation perpétuelle. Qu’une fois sortie de la salle elle continue de penser comme une future Lady. Je me suis mise en scène dans une posture forte que le ton soit tout de suite donné. Je reconnais que cette petite comédie m'amuse grandement.

-“ Bonsoir Monsieur.” Avec la grâce attendue je retirais ma main de la sienne, une fois debout. Mon regard était alors sans doute espiègle car je connaissais fort bien la personne qui m'interdisait ainsi devant ma future élève. Que puis-je vous dire d’elle ma mère ? Une fille jolie. Le corps bien fait, équilibré, un visage plutôt aimable. Mais avec des épaules musclées comme celles d’une sportive. Je retenais ma première moue dubitative pour ne point la braquer. “Elle est jolie oui.” Je partageais ensuite une oeillade complice avec le jeune homme. La consigne avait été très clair. Or donc je contenais la moindre marque de sympathie pour l’instant. J’arborais une mine neutre assortie d’une petit mouvement de menton autoritaire. Je devais tout de suite lui faire comprendre le cadre. Ici j’étais la cheffe. “ Mais il faudra faire quelque-chose pour cheveux. Présente-là à mon coiffeur. Il est bon pédagogue pour les fillettes. Il saura lui montrer deux trois techniques. ” J’ajoutais pour apaiser toute inquiétude chez lui. “ C’est un homme de confiance.”

Je me concentrais ensuite sur l’aimée de Swan. L’effort de révérence était plutôt encourageant. Isabel se sentait donc déjà impliquée dans le travail. C’était un bon point pour nous. Mais ce ne serait pas suffisant car nos juges vous le savez sont intrangeants. Je m’avançais donc pour faire le tour de sa personne lentement. Je revenais ensuite devant elle pour enfin lui répondre:

“ Vous avez un bon maintien. Mais il faut travailler la légèreté du mouvement.” Je me décalais pour faire une démonstration, de ce que j’entendais par cette critique. Mon mouvement était d’une autre fluidité mais j’avais à mon actif vingt ans de pratique assidue. Je venais poser un doigt sous son menton pour le positionner de la bonne façon. J’hochais enfin du chef et l'encouragea d’un simple : “ Encore.” Je reculais de trois pas pour lui donner tout l’espace nécessaire à l’exécution. Mon ton était clair nous ne passerons pas à autre chose avant que je sois satisfaite. “ Swan chéri, tu peux nous laisser maintenant. Le reste est une affaire de femmes.” Je le regardais par dessus mon épaule. Je retenais mon clin d’oeil complice, pour ne pas déconcentrer sa novice d’amoureuse, et lui faisait signe de partir. Nous ferions un bilan plus tard.

J’ai dû lui faire répéter le même mouvement une bonne dizaine de fois. Même si les deux dernières étaient satisfaisantes, je savais que le corps mémorise plus rapidement via l'exagération. Je lui accorde ensuite une courte pause. Je profitais de celui-ci pour aller chercher, chapeau, gants, sac-à-main. Oui, j’avais tout prévu pour lui montrer les premières bases. Tout commençait par l’image que l’on donnait de soi.

“ Bien. Maintenant commençons par quelques règles élémentaires. ” Je l’observais se tenir. Je lui indiquais en miroir comment tendre son dos et relever ses épaules. Le tout était d’être droite, sans être raide, d’être fière, mais sans être trop arrogante. C’était en tout et pour tout un mélange subtile. “ Le regard. Pas de maquillage aux yeux. ” Comme cela est frustrant n’est-ce pas de devoir toujours être aussi sage que Saint Marie. Enfin… en apparence! “ Nous ferons un point sur les tenues vestimentaires. Swan pourra vous acheter les tenues indispensables.” Je ferais un point sur ce que l'on pouvait ou non porter en public.

-“ La première des leçons, une dame ne sert pas la main. Elle l’offre, avec élégance, pour le baisemain du gentilhomme. Et seulement, si elle l’en juge digne. Tout dépendra de vos rangs respectifs. ” je lui saisissait la main droite et exécutait la marque de respect masculine. Je reconnais que ce travestissement avait quelque-chose de terriblement amusant. Je repensais à nos jeux adolescents avec Pearl et Swan. Nous avions fait tant de jeux de la sorte. J’adorais alors jouer les Chevalier Blanc. C'était moins l'Ainée de la bande donc la grande Protectrice. Celle qui montrait l'exemple depuis nos débuts. Dernièrement, j’avais des élans de nostalgie en songeant à nos été passés. J’adressais un regard entendu à la belle Italienne avant de libérer sa main. Je m’avançais ensuite, pour venir déposer sur ses joues douces deux baisers volatils. Tout l’exercice était d’imiter un battement d’aile de papillon sur la peau. “ Ainsi… Aussi délicate qu’un pétal de rose qui effleure la joue.” Je sais que les métaphore peuvent paraître désuètes. Mais il y avait peu de moyens pour expliquer toute la poésie corporelle que nous devions incarner.

Je continuais sur le sujet de l’attitude et de la prestance en société. Ce qui serait vu et jugé en premier lieu. La chance d’Isabel était son charme naturel. Mais je voyais en elle la fougue des méditerranéennes. Si celle ci faisait vibrer le cœur de Swan elle provoquerait colère et mépris des aristocrates de la coure royale.

- “ Les femmes tiennent leurs sacs à main à hauteur du ventre et non du bassin ou des cuisses. ” Je lui faisais une démonstration du mouvement et de la posture à observer dès que l’on se trouvait en société, en présence des deux sexes. “ Elles tiennent toujours le sac des deux mains. Comme ceci. ” J’avais tant aimé voir les actrices de cinéma les tenir au bras que j’avais longtemps résisté et débattue avec Mère sur ce point. Il m’en avait coûté le droit de monter ma jument deux mois. Je baissais mon regard sur les pieds. “ Regardez. Les pieds. Ainsi. ” Jambes droites, pieds alignés, nous n’étions pas plus libres d’agir que la mannequin sur son podium. J’espérais qu’Isabel se ferait à cet écrin, avec plus d'allégresse que j'en avais moi-meme.

Je voyais la main d’Isabel se lever. Je terminais tranquillement ma présentation avant de poser un regard sur elle. J’attendais encore deux secondes supplémentaires avant de l’inviter à prendre la parole. Nous ne devions jamais montrer des signes d’empressement. Une dame se devait d’être un être de pondération et de calme. Ce n’était pas aussi facile que cela le paraissait quand nous étions en société. C’était là tout l’Art des faux semblants.

- “ Hum. Oui. Eh bien vous serez celle la plus modeste en rang.” Bien entendu Miss Stevens en avait conscience. Je n’en avais pas de doute. Je le lui répétait pourtant plusieurs fois, non pas pour la rabaisser, ce n’était pas mon but, mais pour l’habituer. D’aucun ne se priverait de lui rappeler ses origines sociales. Le fait qu’elle était issue du peuple et n’avait pas sa place. “ Vous devez attendre que l’autre vous interpelle pour lui répondre. C’est la coutume. Ensuite vous débutez en rappelant le titre de la personne. Ceci toujours accompagné d’un signe de respect qui se traduit comme ceci.” Je lui montrais la bonne manière de plier la nuque devant une personne de rang supérieur. Je la laissais pour le moment tranquille, sur le placement des pieds. Je ne voulais pas aller trop vite. Le plus important restait la tenue du buste et de la tête. Surtout de la tête. “ Aucun contact physique. A moins que votre interlocuteur en soit lui-même initiateur. Un gentilhomme peut vous proposer une bise, ou bien encore une dame de la même génération. Ainsi...” Je vins saisir ses mains, je me penchais pour voler près de ses joues. La “bise” n’était en fait que le mouvement. Il n’y avait pas de contact corporel. A moins bien entendu d’être des amis intimes et ceux depuis des années tels que Swan et moi le sommes par exemple.

Je la sentais tout à fait disposée à poursuivre cette introduction ce qui était positif. Il me paraissait voir un peu de cette adolescente qui vagabondait sur la propriété des Evans les beaux jours d’été. Isabel ne s’en souvenait probablement pas, mais nous nous connaissions en réalité depuis longtemps. Ma famille et celle de Swan se connaissait depuis des années. Nous allions régulièrement les uns chez les autres. Nous passions des journées entières ensemble. C’était ainsi que j’avais connu Pearl, et toute cette bande, à présent disloquée aux quatre coins de l’Europe.

Je lui montrais comment se tenir, comment se déplacer, la façon de porter le cou. Les choses à ne pas faire, comme le roulement des hanches ou les encore les minauderies excessives qui étaient l’apanage des filles du petit monde. Comme pour le moment, il n’y avait pas eu trop à redire je décrète une courte pause. Cela nous permettra de discuter un peu plus ouvertement.

-“ Asseyons-nous, un instant.” Ce qui me permettait aussi de lui montrer comment approcher un siège et comment s’assoir avec grâce. Ce n’était pas évident quand on ne l’avait pas appris toute petite. Je ralentissait mes gestes qu’elle puisse les imités. “ Sachez que je suis ravie de pouvoir vous aider vous et Swan. Je propose de vous donner mon numéro personnel. Vous pourrez me poser toutes les questions qui vous viendront, en dehors de nos séances j’entends. ” Je nous versait à chacune un verre d’eau avant de reprendre la parole. “ Vous en avez sûrement beaucoup déjà. Dites-moi ? Je vous répondrais au mieux.” Je me voulais encourageante et appuyais mon conseil du sourire le plus amical, qu’il m’était possible de faire, sans quitter ma posture “professorale”.

J’approuve sa façon de se tenir d’un petit sourire. Quelque soit notre âge on n’a jamais trop d’encouragement de ce genre. Elle allait s’en faire sa propre idée dans les prochains mois. Lui transmettre ces bases me donnait un peu l’impression d’être une grande soeur avec elle. Je l’étais d’ailleurs sans doute plus que je n’avais pu l’être avec Iris dans notre enfance. Iris est ma cadette. Mais Iris est la plus “âgée” de nous deux en bien des aspects.

A écouter Isabel, j’étais de moins en moins inquiète, pour son futur, dans la fosse aux lions d’or. Je trouvais en elle la force de caractère que j’admire chez ma soeur depuis que nous sommes jeunes. Ceci dit, je ne pourrais en être fixée qu’une fois cette femme introduite comme il se doit dans l’arène dorée.

Quant au sujet de nos valeurs et de nos idéaux… Elle toucha au point le plus sensible. Elle avait raison aussi de penser que c’était le plus important de tous.

-“ Faire semblant oui.” Je ne lui mentirais pas. Cela aurait été la tromper et tromper la confiance de Swan. En plus de se retourner contre eux cela pouvait également se retourner contre moi. J’étais disposée à assumer mes actions mais pas à en faire porter les poids à quelqu’un d’autre. “ Ce monde existe par les faux semblants. Pour eux aussi, je crois.” Je ne lui en aurais pas voulu si elle moquait ou même méprisait cet univers hypocrite. Vous vous souvenez comment j’étais à 20 ans ? Rose avait presque réussi à me rallier à sa cause. Ce n’était pas uniquement par fantaisie romanesque. Non, je savais que les bases de cette société était malsaines. Je savais que c’était un monde dangereux. Isabel prenait des risques réels. “ Dites-vous que dés que vous êtes en leur présence vous tenez un rôle. Dites-vous que vous devez le tenir tout le temps. Même quand vous serez lasse, fâchée, hébétée. ” Cela n’avait rien de facile. Une fois encore je ressentais un élan de sympathie et de désolation pour cette amoureuse. Elle allait être rien de moins qu’une captive volontaire… “ Vous ne pourrez être vous-même qu’avec votre compagnon… Et maintenant moi. Vous n’aurez rien à craindre de moi.” Je tendais une main qu’elle pourrait saisir si un jour elle en avait besoin.

-“Ce ne sera pas facile. Mais j’aime à croire que l’amour donne beaucoup de courage. La preuve vous êtes venue. Vous allez vous forger. Votre intégration sera une belle leçon. Et aussi une belle revanche pour nous toutes. ” Je sais ce que vous pensez des idées féministes. Mais tout de même, n’est-ce pas une belle ironie d’aider cette femme à bousculer nos geôliers ? “ Autre chose ?” Lui demandais-je encore pour écarter d’autres appréhensions.

J’avais scruté le visage d’Isabel, pour vérifier son état d’esprit. J’étais, là encore partagée entre la désapprobation et l’admiration face à son effronterie naturelle. Elle n’avait pas nos codes et elle était libre, libre d’exprimer sa pensée et ses idées. Mon regard devait trahir cette perplexité intérieure dont j’étais otage. Mon réflexe était alors l’indignation. M’en rendant compte, je me rebellais contre ce mode de pensée archaïque. Ne m’en voulait pas mère. Admettez seulement que notre caste évolue selon des règles qui n’ont plus autant de prise sur la société qu’à l’époque de Grand papa.

-“Juste ciel, comme vous y allez. ” Lui rétorquais, en accentuant le ton par comédie. Une façon très simple de lui montrer le type de réaction à laquelle elle devait s’attendre en étant aussi frontale avec ses futures pairs. Je plissais les paupières et lui souriais avec taquinerie. “ Vous me prêtez une vie bien romanesque. ” Je déclinait la possibilité en secouant légèrement mon chef. “Rien de tel non. ” J’avais adoré Tyrgan. J’en avais été secrètement amoureuse. Mais, je savais sans jamais le lui avoir confié que ces sentiments n’auraient trouvé un écho chez lui. Cela n’avait rien à voir avec nos lignées ou nos titres. “Mais je comprends que cette idée soit séduisante. ”

Je pris alors un temps de silence. Je ne voulais pas qu’il y ait de quiproquo. Je ne voulais pas non plus que Miss Stevens se fasse une mauvaise idée sur moi, ou sur les autres femmes de la noblesse anglais.

-“JBien que les sciences aient prouvé l’inverse, les femmes sont toujours inférieures aux hommes ici. ” Nous ne nous connaissions pas encore suffisamment. Il était trop tôt pour se faire confiance. Même si j’avais fois en le jugement de Swan il était plus prudent de ne pas prendre de risque. Je ne devais pas entrer sur le terrain idéologique, ou politique avec elle. Je pinçais les lèvres un peu frustrée. “Vous êtes une pionnière pour révolutionner les lois internes. On n’a pas vu cela depuis Edouard et Wallis. ” Le fils de Georges V avait été assez courageux pour abdiquer. J’en avais entendu parler dés mes première leçons de généalogie royale. Depuis l’entre deux guerres aucun autre monarque n’avait renoncé au trône d’Angleterre. Aucun noble, même vicomte n’avait ouvertement brisé les règles.

-“Vous n’abusez de rien. Dites-moi ? ” Je reculais le dos à la dernière question qu’elle me posa. J’étais embarrassée. C’était une question fort simple. Mais elle me plaçait la encore face à un paradoxe. Je me sentais schizophrène tant les réponses qui me venaient étaient opposées. Si je n’avais pas de scrupule à éluder ma vie, je n’assumais pas de lui dissimuler la vérité sur la sienne. “L réponse à cette question est compliquée. Ce que je vais vous dire ne regarde que vous et moi. ” je fis alors une pause pour qu’elle intègre ce que je venais de dire. “Une femme qui travaille c’est assez mal vue.” Même les stages d’Iris faisaient jaser la bonne société. Une femme noble ne doit pas s’abaisser à gagner sa vie. C’est le privilège d’être de la noblesse. “Cependant, je vous recommande de le garder. ” Je plongeais mon regard dans le sien. Swan m’en voudrait peut-être pour les paroles à venir. “On ne sait pas ce que réserve l’avenir. Peut-être qu’un jour vous serez heureuse d’avoir cette autonomie. ” Il va de soi que je leur souhaite de s’aimer longtemps, très vieux, jusqu’à ce que la mort les sépare. Mais de mon expérience c’est quelque-chose qui n’est pas donné à tout le monde. Je lui adresse alors un sourire désolé devant tant de pragmatisme. Je n’allais pas noircir le tableau. Malheureusement, c’est un fait, nombre d’entre nous sont encore mariées parce qu’elles ne pourraient conquérir leur indépendance financière. “Vous avez une chance inouïe par rapport à nous. Ne la gâchez pas Isabel. ” Je le lui disais comme je l'aurais dit à une bonne amie. Mais je ne pouvais deviner comment mes mots seraient pris. Je lui offrais le temps de réagir avant de me lever. La gardienne m'avait demandé de veiller à bien éteindre toutes les lumières avant de quitter les lieux.

-“Rentrez-vous avec Swan ? Sinon mon chauffeur peut vous déposer à l'endroit de votre convenance. ” J'avais toute confiance en Tommy. Nous pouvions l'intégrer dans ce secret sentimental.

La vie d’Isabel allait en effet être étudiée au peigne fin. Il n’y avait rien qui échapperait au Comte et à ses hommes de main. Une fois que l’on entrait dans la cage dorée on pouvait dire adieu à ses secrets. Le moindre petit secret devenait une arme contre vous. Voilà pourquoi, je devais prendre autant de précautions pour aller visiter Peter. Ou pourquoi je ne me permettais pas de répondre aux beaux sourires du jardinier. Si Edward avait l’ombre d’un soupçon, que j’envisageais de le trahir, c’en serait fini de mon peu de liberté.

-“Oui. Préparez-vous. Ce ne sera pas agréable. ” Je posais une main sur la sienne. Un geste de soutien et d’amitié. Parce qu’elle ne se figurait pas encore la solidité de la prison dans laquelle elle entrait de son plein gré. Elle le verrait rapidement. Une part de moi avait très envie de la mettre en garde. Mais je ne voulais pas non plus que Swan me repproche de troubler la femme qu’il aime. “ N’essayez pas de cacher. Plus vous le ferez et plus ils chercheront. Croyez-moi. ” Il n’y avait pas de Loi pour les contenir. Ce n’était pas comme pour la Police ou les Détectives. Ils faisaient ce qu’ils voulaient. Nous étions seules ici. Je pouvais donc lui parler selon ma pensée. “Ce sont des vautours. Vous êtes la proie. ” L’image était affreuse. Je ne voulais pas l’effrayer. Mais une fois encore, je ne pouvais entretenir un fantasme ou une illusion au sujet de notre monde. Cela ne ferait que la rendre plus faible. Ces charognards en profiteraient sans hésiter.
Je la regarder se mouvoir. Il y avait un changement depuis son entrée. Je pouvais le constater déjà. Je lui souriais tout en prenant le pas pour avancer vers la porte d’entrée de la salle de danse.

-“Oui faites-le. Nous nous reverrons très prochainement. Cette fois, je vous montrerais des pas de danses. ” Je m’arrêtais devant le seuil. Je n’allais pas avancer plus loin. Je devais attendre mon chauffeur. J’avais aussi envie d’avoir un moment seule dans ce sanctuaire de mon enfance, avant de le quitter. Je prenais les deux mains d’Isabel entre les miennes. Je les pressais avec affection. “Surtout entraînez-vous. Préparez-vous. Il n’y aura pas de seconde chance. ” J’aurais pu avoir un discours plus motivant pour une fin de session. Cependant je ne pouvais pas être trop tendre. Swan m’avait explicitement recommandé d’être dure. Je savais pourquoi. Il avait raison. “Rentrez bien Isabel. ”