L’arrivé du cirque avait été un petit vent de fraîcheur sur la ville... Après que le smog se soit dissipé, évidemment. Disons que c’était une distraction bien mérité, et le serait certainement encore lorsque le prochain scandale, la prochaine catastrophe se produira, car ce n’était qu’une question de temps. Pour l’instant, dans les bureaux du New Herald, c’était le calme plat. Le pouls de l’actualité se perdrait lentement sous les doigts des journalistes, depuis que cette histoire de kidnapping s’était estompée. Peut-être reprendrait-elle vie, un jour ou l’autre. Prem n’avait pas abandonné l’idée d’éclaircir ce qui s’était passé. Cependant, avec le seul témoignage de maître Keenan, qui d’autant plus souhaitait rester anonyme, il était évident que ce ne serait pas suffisant. Quant à avoir des informations auprès de la police… Risqué. Il avait eut de la chance quand ce policier écossais, peut-être moins à cheval sur les règles que ses collègues de Scotland Yard, avait révélé plus que ce qu’il n’aurait dû, au sujet de ce qui s’était passé là-bas. Après la publication, plus aucun policier n’avait voulu commenté. Même pas les écossais. Sans surprise, on avait ajouté son nom sur la liste noire, et son enquête stagnait.
Il fallait donc chercher ailleurs. Les sujets de reportages ne manquaient pas; ce qui était complexe, c’était d’en trouver un intéressant. Pour ça, il suffisait de fouiner, et c’était ce que Prem faisait le mieux. Assis à son cubicule, devant son ordi, Prem zyeuta sa liste de contacts. Zac pouvait peut-être l’aiguiller sur quelque chose, mais avec ses jumeaux tout neuf, il n’aurait probablement pas la tête à lui filer des infos sur quoi que ce soit. Il y avait la Strike Team, qu’il n’était pas aller emmerder depuis longtemps, mais s’il était vraiment sur une liste de noire, valait mieux pas pousser le bouchon. Prem délaissa la liste de contacts pour son carnet de notes. Relire ce qu’il avait écrit depuis longtemps, sous un angle différent, lui permettait de comprendre certaines choses sur lesquelles il avait été aveugle au moment de les écrires, ou simplement, de se souvenir. Le témoignage de Jessica, les commentaires du policier, le vox pop, le smog, le cirque… « Cirque Butterfly, à voir », avait-il écrit.
Il se rappela avoir trouvé l’arrivé du cirque un peu étrange, apparu en pleine nuit, et installé dans Hyde Park de façon peut-être illégale. Peut-être. Finalement, le smog avait étouffé l’actualité, et pendant un certain temps, on n’avait plus parlé que de ça. D’autant plus que «trouver quelque chose bizarre» était plutôt faible comme argument pour faire enquête. Néanmoins, maintenant que les choses s’étaient calmées, Prem n’avait plus grand chose à perdre d’aller fouiner là-bas. Au pire, le supposé médium qui se trouvait là-bas lui confierait peut-être le prochain scoop du siècle qui sait, se dit-il en poussant un soupir, peu convaincu que cela mènerait à quelque chose de tangible. Prem rangea ses affaires, et enfila son manteau, et prit la direction de Hyde Park. Au milieu de la grisaille de l'automne, le cirque était une jolie tache colorée, joyeuse, où malgré le temps qui s’était refroidit, attirait encore quelques visiteurs. Prem avait toujours aimé ce genre d’ambiance, festive et colorée, comme on retrouve dans les mariages sikhs, et les gurdwaras. Après avoir payé son entrée, et trouvé le chapiteau du médium, Prem écarta d’une main les pans de tissus pour y entrer. Une silhouette enroulée de voiles aux couleurs chatoyantes, dont seul les yeux étaient découverts, attendait. Prem sourit, impressionné par le sens du spectacle du médium. « Bonjour, je suis Prem Hadid, je suis reporter pour le New Herald ». Sauf à de rares exceptions, c’était une grave faute professionnelle de ne pas divulguer sa nature de journaliste à quelqu’un dont on souhaite obtenir des réponses, ou du moins, des infos. Comme le médium n’avait pas fuit, ou ne lui avait pas sommé de sortir, c’était sans doute bon signe. Prem sortit sa carte de presse de son portefeuille, et la déposa devant la silhouette. « Je pari que vous ne l’avez pas celle-là, dans votre jeu de Tarot », lança-t-il, toujours souriant. « Je ne sais pas si c’est un bon ou un mauvais présage pour vous, mais je souhaiterais vous poser quelques questions à propos du cirque, si vous êtes d’accord ».
Tu tousses un peu sous ton voile aussi tu prends quelques instants, faisant signe aux circassiens qui sont à l’entrée de la tente de fermer quelques instants les voiles. Tu te redresses pour faire quelques pas, cherchant la ventoline dans tes voiles pour en prendre une bouffée et te sentir mieux. Doc a dit qu’il ne fallait pas que tu hésites quand tu sentais une crise arriver. Tu vas bien mieux depuis ta semaine à la mer à te reposer avec un bon traitement de choc mais parfois tu as encore de bonnes toux, comme si quelque chose était tombé sur tes poumons. Pourtant tu n’as jamais été malade mais depuis que tu es à Londres, tu n’arrives pas à faire une cérémonie sans avoir des quintes de toux ensuite. Parfois ça te fait mal aux poumons, parfois cela passe tout seul.
Tu souffles un bon coup en faisant signe que tout va bien aux tiens qui sont inquiets de ta faiblesse passagère. Tu en profites aussi pour récupérer ton téléphone et répondre à quelques sms. Austen doit t’envoyer des nouvelles du dossier pour Eden et tu espères bien que tout ira bien pour ton petit protégé et qu’il pourra rester loin de sa famille qui le fait tant souffrir. Apparemment il faut que tu passes signer un papier aussi tu lui réponds rapidement que tu viendras le soir, dès que tu n’auras plus de consultations. De toute façon il y a des heures où Butterfly n’est pas là, tu as besoin de repos comme tout le monde.
Tu fais signe que c’est bon et reprends ta place derrière la petite table au milieu de ton chapiteau quand un homme rentre. Tu penches la tête sur le côté en l’observant, le détaillant de tes yeux lumineux, le regard très doux. « Bonjour, bienvenue. » Un reporter. Tu ne connais pas le journal par contre tu es assez déconnecté du reste du monde même si tu peux plus sortir depuis quelques temps. « Je vous en prie, installez-vous. » Tu n’as aucune raison de le mettre dehors même si un des circassiens plisse les yeux, se mettant non loin de l’homme. Il n’est pas menaçant mais il désire te protéger de toute agression possible, plutôt verbale en ce qui concerne ce nouveau venu, il doute d’autre chose mais un journaliste reste… une possible menace.
Tu regardes la carte et souris sous tes voiles. « Il y en a beaucoup que je n’ai pas, le monde est créé par beaucoup plus de cartes que juste les miennes » Ta voix est douce et tendre alors que tu étales ton [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] devant toi pour lui montrer toutes les cartes qui le composent. Il y a aussi des pierres sur la table, des fleurs et des arômes. « Pourquoi cela devrait il être un mauvais présage ? » demandes tu toujours sur le même ton. « Allez y mais je doute être le mieux placé pour vous parler de cela. » Car tu n’es que le petit taromancien du cirque, pas dans le conseil des gérants de cet endroit aussi tu ne pourras pas lui parler de grand-chose mais tu n’es pas du genre à empêcher les gens de faire leur demande.
L’un des employés du cirque, à son arrivé, se rapprocha de Prem. Comportement normal vis-à-vis un journaliste, se dit-il, et il l’ignora, reprenant alors sa carte de presse pour la ranger dans son portefeuille. Après l’invitation du médium, Prem s’installa devant lui. Celui-ci paraissait jeune, à peine adulte, et parlait d’une voix douce. Ce n’était pas à quoi Prem s’était attendu; à une personne qui avait eu besoin d’un petit boulot pour l’été et qui n’avait rien trouvé de mieux, ou un acteur en recherche d’emploi. Le jeune homme qui se trouvait devant lui n’entrait dans ni l’une ni l’autre de ces catégories. À première vue en tout cas.
Prem zeuta les cartes que le médium venait d’étaler devant lui. Tout ceci était étranger aux yeux de Prem, sceptique, mais néanmoins curieux. « La carte du journaliste est à double tranchant. » répondit-il, souriant, pour jouer le jeu. « Elle peut autant nuire que protéger celui ou celle qui la possède ». Elle pouvait parfois réussir à mettre la lumière sur certaines choses, ce qui n’était pas rien. « Merci tout de même d’accepter de me parler. » Peut-être qu’effectivement, il aurait eu plus d’informations en parlant directement au gérant du cirque, mais Prem avait toujours préféré fouiner dans l’ombre, par le bas, avant de s’attaquer au patron de l’endroit. Les employés sont souvent beaucoup plus bavards qu’eux. À voir si cela serait vrai avec ce jeune homme.
Prem ouvrit son carnet, remplis de notes, ou plutôt, d’un amalgame d’anglais et de sanskrit. Par où commencer? D’abord, la question de l’identité du jeune homme devait être réglée. « Souhaitez-vous que votre nom demeure confidentiel? Je comprendrais, si c’est le cas. » Car si les employés étaient effectivement plus bavard que leur patron, rarement ceux-ci acceptaient que leur nom soit publié. Avec raisons, bien sûr. Quant à Prem, il ne souhaitait pas que quiconque perde son emploi par sa faute. Après avoir eu la réponse du jeune homme, il commença par ce qui lui semblait être le plus évident : « L’arrivé du cirque n’a pas fait l’unanimité, au départ, mais maintenant que la mairie et tout le reste ont accepté de garder le cirque dans la ville, il fait plus ou moins partie du paysage de Londres. » dit-il, avant de poursuivre. « Cependant, où se trouvait le cirque avant d'arriver ici? Étiez-vous un cirque ambulant?... Vous travaillez pour lui depuis combien de temps?.» Ça faisait sans doute beaucoup de questions en même temps, mais il en savait très peu, au sujet du cirque.
