T’as fait le mec solide face à Rose, tu as supporté les retrouvailles, tu t’es voilé la face en te disant que tout allait bien et que franchement, après seize ans -soit la moitié de ta vie- t’étais passé à autre chose. T’as regardé les photos de son fils, tu lui as montré les photos de ta fille et tu as tenu face aux larmes qui ont commencé à naître dans ses yeux parce que t’es comme ça, t’as toujours été le roc sur lequel on compte et on s’appuie. Tu lui as serré la main, tu l’as laissé partir en lui promettant de rester en contact parce que, même si c’est douloureux, c’est une bonne chose aussi d’affronter le passé et tu aimes cette belle rousse. Tu l’as aimé à la folie et cela ne s’oublie pas. Pas pour quelqu’un comme toi qui ne donne jamais ton cœur. Tu l’as fait deux fois, c’est peu en autant d’années et tu ne penses pas le refaire.

Quand sa silhouette disparaît au coin de la rue tu sens tout le chagrin s’emparer de ton être et tu t’affaisses un peu, les mains sur le plan de travail et la tête penchée en regardant tes pieds. T’essaies de prendre de grandes respirations comme quand t’as besoin de retrouver ton calme mais rien ne peut y faire, tu sens les larmes qui montent aussi dans tes yeux et tu ne peux pas servir comme ça. La main de Nathan qui se pose sur ton épaule est le signe qu’il s’inquiète, que tout le monde s’inquiète car ton bar est fait d’habitués aussi tu ravales ta peine pour lui offrir un petit sourire. Tu ne sais pas mentir aussi tu te contentes de poser la main sur son épaule. « Je te confie le bar » Tu ne l’as jamais fait comme ça, a l’arrache, mais t’es incapable de servir. Nathan te regarde monter sans comprendre, attrapant son téléphone pour prévenir Sully qu’il y a un soucis.

Tu défais tes affaires sur le chemin entre la porte de l’appartement et la chambre, finissant totalement nu pour te coller sous la couette. Quand tu ne vas pas bien tu n’as jamais su faire autre chose que te lover dans le lit et attendre que ça passe. C’est la même chose tous les ans le jour de la mort d’Eva, ta petite puce de quelques mois et aujourd’hui tu es dans le même état. Tout remonte : la mort de ta fille, le départ de Rose, tout ce qui a brisé ta vie a seize ans parce que tu n’as pas été capable de protéger ta famille comme tu l’avais promis. Seul, au chaud, tu te laisses aller à pleurer. A un moment tu devrais t’écrouler d’épuisement et ce sera mieux que rien…

Quand tu as reçu le sms de Nathan t’as tout de suite su qu’il y avait un problème avant même de l’ouvrir. T’as crains le pire parce que Nathan ne t’envoie jamais de sms quand t’es en famille. Surtout pas quand Angus est là. Tu ouvres son sms et tu changes de couleur. Ta mère te regarde avec surprise. « M’man je peux te laisser Dawn pour la nuit? Angus a un soucis. Je sais pas ce qui vient de se passer au bar mais ça a tellement secouer Angus qu’il a laissé la boutique à Nathan et s’est foutu au lit... »

Ta mère est un amour de bonne femme à la retraite. Et pour ne rien gâcher, elle adore Angus. C’est comme un fils pour elle. En même temps, elle le pratique depuis 16 ans comme toi. Elle sait l’influence calme qu’il a sur toi et surtout elle lui en sera éternellement reconnaissante pour ce qu’il fait au quotidien pour Dawn. Tu ne le sais pas, mais ça fait longtemps qu’elle prie pour qu’Angus et toi ça ne soit plus du cinéma. « Oui bien sûr que je te la garde. Tu n’auras qu’à venir la récupérer demain en soirée. Je l’emmènerais chez ton frère Heinrich pour qu’elle voit sa cousine Maddy. Va rejoindre Angus... Ne t’inquiète pas j’ai encore tout ce qu’il faut de la dernière fois... Aller file... »

Tu serres ta mère dans tes bras. Puis tu prends ta fille que tu papouilles en lui disant que tu vas revenir la chercher après un gros dodo. Et que là elle reste avec Nana. Ta mère n’aime pas le mot anglais alors toute la famille lui a donné ce surnom à la naissance de sa première petite fille. T’as une fille en or. Pas un cri pas une larme. Des sourires et des câlins. Un petit signe de la main pour dire au revoir. Ouverture et fermeture du petit poing de ta fille. Et tu pars en échangeant des sms avec Nathan. Tu t’arrêtes chez le fleuriste... Tu achètes des Tulipes multicolores hors de prix... Vive le Brexit qui a multiplié par deux le prix de ces fleurs venues d’Hollande mais c’est Angus... Et c’est ses fleurs préférées... Tu prends aussi 3 jacinthes : une bleu ciel, une bleu foncé et une violette.

Quand tu arrives, Nathan t’a préparé ce que tu lui as demandé. Tu lui tends tes clefs. Dessus se trouve une clé usb. Tu lui demandes de mettre un de ces films romantiques qu’Angus adore. Toi t’as aucune culture la dedans. T’as toujours une playlist de secours mais c’est pas ce que tu as en tête. Tu sais qu’il te montera le plateau juste après. Là tu montes sans bruit. Tu vas devoir faire vite sans qu’il ne t’entende. Ce serait mission impossible si tu ne le savais pas roulé en boule sous la couette la porte fermée. Tu le sais pour l’avoir déjà vécu...

Tu poses les fleurs sur la table. T’allumes la veilleuse de la haute. T’as assez de lumière pour te déplacer autour... Heureusement que tu sais où les choses sont rangées... Tu te déploies le canapé. Tu ouvres la chauffeuse sur le côté pour en sortir coussins, draps et couvertures que vous réservez aux amis de passage. Tu ramènes les deux chaises hautes que tu places de chaque côté du canapé et, avec des balais coincés dans les dossiers, tu montes un [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] de draps et de couvertures. Tu vas dans la chambre d’ami et tu vas fouiller les décorations de Noël passé. Tu finis par trouver une guirlande blanche que tu fais courir sur le haut du fort de fortune et sur la télé.

T’es en train de ramasser les fringues d’Angus quand Nathan arrive. Tu chuchotes « Merci. Pose ça sur la table. Ouais près des bougies. Et des fleurs ouais. Putain les fleurs... Merci... Je prends le relais. Je peux te laisser fermer le bar et l’ouvrir demain? Je te revaudrais ça Nathan promis. »Tu prends les fringues que tu mets dans la salle de bain. Tu termines la décoration en mettant des petites fleurs de jacinthes un peu partout sur le chemin, dans la cabane canapé, sur le plateau... tu fais le tour sur toi même... Ah la télé... Tu l’allumes, places la clé à l’arrière et prépares le film que tu connais pas. Tu allumes les bougies parfumées à tu sais pas quoi qui détendent Angus et tu rentres dans la chambre.

« Angus? C’est Ton emmerdeur préféré... Hey Bae... » Tu t’assoies au bord du lit, allumes la lampe de chevet tamisé que vous avez installé pour pas réveiller la petite quand vous l’allumer et tires la couverture. Ça te serre le cœur de le voir le visage mouillés de larmes de ton pote. « Oh... Bae... Pourquoi tu te mets dans un état pareil... » Tu te penches pour caresser sa joue et poser un baiser sur ses lèvres. Tu l’enlacer et tu finis par passer tes bras sous ses genoux et dans son dos pour le porter. Ça fait longtemps qu’il n’y a plus de pudeur entre vous. Et quand bien même, la couette est toujours autour de lui. « Aller mon grand. J’ai une surprise pour toi... » Tu le soulèves et le portes jusqu’au salon où tu espères avoir réuni tout ce qu’il aime... T’espères ne pas t’être foiré quelque part...

Nathan ne sait pas trop ce qui se passe mais quand tu es comme ça, ce qu’il a pu constater quelques fois depuis qu’il travaille au bar depuis de nombreuses années, il sait qu’il tient le bar. Il a découvert cette déprime parce que Sully est toujours agité, à préparer des tonnes de choses pour toi. Cette fois ci il ne s’y attend pas car normalement vous êtes toujours ensemble lors de ses moments et là Sully est chez ses parents avec la petite. L’échange des sms est rapide et il s’active pour trouver tout ce que son pote lui demande, demandant à un habitué de faire deux courses pour lui. Personne n’ose trop demander ce qui se passe mais les conversations se font fait plus rare parmi les habitués qui ont même tendance à dire à Nathan qu’ils vont rentrer.

Le jeune homme rassure tout le monde avant de préparer le plateau que Sully demande en arrivant avant de le monter. Il hallucine clairement sur ce qui est en train d’être fait mais se retient de faire tout commentaire genre « Ah oui… Pas en couple quoi… » ou autre car vu l’état du pompier il sent que c’est pas du tout le moment. « T’inquiètes je gère ! Prends soin d’Angus ! Je pourrais même prendre les deux services si y’a besoin » Pour lui vous êtes la famille donc il peut faire ça sans soucis et n’a pas besoin qu’on lui en doive une. Vous lui avez donné sa chance alors qu’il était un latino étudiant a la dèche, il vous aime autant que les siens.

Toi t’entends rien, t’es plongé dans tes souvenirs et rien n’arrive à te faire sortir de cette boucle terrible de déprime dans laquelle tu es plongé depuis que Rose est sortie du bar. Tu as l’habitude de voir arriver l’anniversaire de ta défunte fille, le psy t’a appris à y faire face et c’est la seule journée de l’année que tu passes au lit car tu as toujours eu la déprime ainsi. Tu pleures, tu dors et après cela va mieux. Pas plus, pas moins. Là tu n’as pas eu le temps de te préparer à tout ça, ça t’est tombé sur le coin du cœur sans prévention et tu sens toute cette partie morte qui essaie de battre de nouveau et qui saigne. Tu n’arrives pas à endiguer les larmes ou tes tremblements ou cette habitude que tu as de te fustiger de tout ce qui s’est passé alors que tu sais que tu n’y es pour rien. Mais ça tu te le réalises quand tu es assez calme pour y penser, pas maintenant.

T’entends sa voix mais tu ne bouges pas. T’as pas envie qu’on vienne te parler mais t’es bien incapable de lui dire de partir car, en même temps, tu ne veux pas être seul. Tu sens la couette qui descend et essaies de la retenir mais t’y arrives pas. « Chroi… Laisses moi… » Tu sais même pas si c’est compréhensible ou audible en fait… Tu ne réponds pas au baiser, t’es anesthésié par les larmes et est totalement sans force quand tu te prends dans ses bras. « Non… » Mais t’es pas en état de te débattre aussi tu poses ta tête contre son torse, collant ton oreille contre son cœur parce que ça t’a toujours apaisé et t’es bien là. Il te porte, tu captes à moitié ce qu’il est en train de te dire avant d’ouvrir légèrement les yeux quand tu sens qu’il s’est arrêté.

C’est… si beau…

Tu passes ta main sur tes yeux pour en virer les larmes. « Chroi… Je mérite pas tout ça… » Pas après tout ça, pas après tout ce que tu as fait ou plutôt n’as pas fait et pour une fois tu lâches cette phrase, celle que tu n’as jamais dit « C’est de ma faute… Ma faute si ma fille est morte… » Ça tu l’as jamais dit, tu as gardé ça sur ton cœur comme si c’était un secret inavouable, comme si le fait de ne pas le dire pouvait faire que ce n’est pas réel mais ça l’est, ça l’a toujours été et le psy t’a toujours dit que tu devais l’extérioriser pour l’accepter... Ce que tu n’as jamais su faire et qui ressort aujourd’hui. Tu en as le souffle coupé de l’avoir dit ainsi, hoquetant avant que les larmes ne coulent de nouveau, te laissant porter jusqu’au nid qu’a préparé Sully en te collant contre son corps, submergé par la culpabilité et le chagrin.

Tu tapotes l'épaule de Nathan et lui fais entièrement confiance pour gérer le bar. Toi tu t'occupes d'Angus qui te fait super peur là tout de suite. Alors après avoir laisser Nathan sortir et retourner au bar, tu te diriges vers la chambre. Tu le trouves en boule sous la couette où rien ne dépasse, même pas un cheveu. Alors tu t'agenouilles et tu tires sur la couverture qui t'oppose une légère résistance. Et tu le vois en pleurs, les yeux rouges et le teint cireux. Et ça te fend le coeur.

Tu le regardes, lui caresses le front, l'embrasses... Si d'habitude tu te contentes de rester là, près de lui, sans rien faire de particulier, juste être là s'il a besoin, là tu ne peux pas te résoudre à ne RIEN FAIRE. Alors même s'il te semble entendre une protestation, tu n'y prêtes pas attention et le soulèves pour l'emmener dans le salon où tu te stoppes. Il finit par sortir de sa torpeur et tu vois qu'il ne s'y attendait pas du tout.

Mais ce qu'il te sort... toi tu ne t'y attendais vraiment pas. T'as failli en tomber à la renverse. Angus ... Une fille? Mais quand? Tu le connais depuis tellement longtemps... Jamais il n'aurait pu... Et là ça te frappe. Ca devait être d'avant que tu le connaisses. Après tout vous aviez 16 ans, presque 17 ans quand vous avez eu le coup de foudre amical tous les deux. Et tu percutes... T'as toujours connu Angus avec ce jour de déprime et jamais il avait voulu t'expliquer pourquoi il était en PLS une fois par an. Mais maintenant c'était plus... simple à appréhender... Il avait donc perdu une fille.

Et c'est aussi pour ça qu'il est aussi précautionneux avec Dawn, qu'il a crissé pratiquement toutes les nuits jusqu'à ce qu'elle passe les six mois... Et même encore maintenant quand elle fait des nuits complètes sans se réveiller... Dude... Pourquoi il ne t'a rien dit... Jamais tu ne lui aurais infligé une torture pareille s'il t'avait dit qu'il avait perdu un enfant. Tu réalises seulement maintenant tout le mal que tu lui fais depuis deux ans. Tu le serres un peu plus fort contre toi avant de t'avancer vers le canapé et de l'y déposer avec douceur. Tu l'allonges et te déchausses avant de te poser à ses côtés et de l'attirer dans tes bras. " Oh Bae non... Je suis sûr que non. Chutttt arrête de pleurer. Je suis sûr que tu as fait de ton mieux avec les moyens que tu avais. T'es un homme si doux et attentionné... Je suis sûr que ce n'est pas ta faute. Allons calme toi mon Amour. Ca va aller. Je suis là... Tu veux m'en parler? " Tu n'es pas doué pour réconforter les gens, tu ne l'as jamais été. Mais là t'aimerais bien savoir le faire. Alors tu lui caresses doucement le dos avec tendresse, le gardant contre toi.

Ca sort comme ça… Mal… Tu aurais du le faire bien plus tôt, prendre le temps de formuler ce que tu as sur le cœur depuis des années pour que ça ne mette pas une baffe aussi bien à toi qu’à lui mais tu peux vouloir prendre toutes les bonnes résolutions du monde, y’a des choses qui sont difficiles à dire correctement. Est-ce que seulement tu aurais réussi à le faire sans ce choc ? Puisque ça fait maintenant seize ans que tu caches la vérité à ton meilleur ami… Tu ne sais pas… Tu ne sais plus à vrai dire, tu te contentes de le laisser te porter comme un poids mort jusqu’au salon où tout ce qu’il a préparé te fait dérailler parce que c’est parfait. Ce que tu n’es pas… Loin de là... Et tu penses ne pas avoir le droit à tout ça parce que tu es coupable de tant de chose alors que Sully est si adorable avec toi, lui qui est a tes côtés depuis tant d’années. Tant de moments partagés tous les deux, tant d’épreuves affrontées.

Tu sens ton dos reposer sur le canapé et tu en frissonnes, la peau rendue hypersensible par ton état avant de te cacher de nouveau dans ses bras comme tu le fais rarement. Le nez enfoui dans son cou tu l’écoutes. Il est si peu objectif quand il parle de toi… Ou tu es trop dans ta boucle pour en avoir conscience, c’est difficile à dire. Tu secoues la tête négativement. « J’aurais du faire mieux, j’aurais du comprendre qu’il y avait un soucis, elle ne dormait jamais aussi longtemps, j’ai juste pensé qu’elle se reposait, j’aurais pu sentir qu’il y avait un problème. » Comment est ce possible de ne pas se rendre compte de ça ? Tout simplement parce qu’on est humain et surtout parce que ça n’a rien d’étrange un bébé qui dort un peu plus longtemps. Rien d’étrange… Tu détestes ce syndrome qui t’a enlevé ta fille.

Les larmes continuent de couler dans le cou de Sully alors que tu te colles un peu plus à lui, allant chercher sa peau pour te sentir mieux et restant ainsi a sangloter encore.. Est-ce que ça va se tarir à un moment ? Oui tu as la gorge sèche, tu ne le réalises juste pas. « Eva… » Première fois que tu le dis a haute voix depuis tout ce temps… Ça t’arrache un léger gémissement de douleur de le dire. Et en même temps un léger soulagement. « Nous étions jeunes… Seize ans… Mais on s’aimait alors on a tout fait pour que ça fonctionne et elle est arrivée. Elle était si belle, autant que Dawn… » Ta seconde fille… Les deux amours de ta vie. « … On a été comblé six mois… Jusqu’à… » Les mots s’étranglent dans ta gorge et les larmes reprennent… Mais tu te fais violence. « … Jusqu’à ce qu’elle ne se réveille pas… J’aurais du m’en rendre compte Chroi… Elle ne dormait jamais autant, j’aurais du comprendre, j’aurais du vérifier que tout allait bien… » Tant de choses que tu aurais pu faire pour éviter ce drame… Tant de vérifications que tu as fait avec Dawn tellement tu avais peur de la perdre comme Eva. Tant de choses qui tournent en boucle dans ton esprit.

Oh Angus... Ce poids sur son âme tout ce temps... Et jamais il ne t'en a parlé. Jamais. Quelle chose terrible cela doit être de se sentir si impuissant face à la mort de son enfant. Tu ne sais pas toi même comment tu réagirais si on t'arrachait Dawn un jour. Tu te jures de l'aider à passer ce cap parce que c'est ce que vous faîtes. Vous surmontez ensemble les obstacles que l'on met devant vous. ENSEMBLE. Depuis seize longues années, contre vents et marées. Et tu ne le laisseras pas s'enfoncer plus.

Tu l'as dans tes bras, tremblant comme une feuille, la voix rendue rauque par l'émotion et les larmes. Il refuse de prendre en considération ce que tu lui dis. Mais pourtant c'est vrai. On ne peut pas prévoir ce genre de chose, on ne peut rien y faire. Tu le berces dans tes bras du mieux que tu peux. " Oh Angus... Il n'y a rien d'anormal à ce qu'un enfant dorme. Surtout un Bébé. Il peut dormir longtemps comme peu... C'est tellement aléatoire... " Surtout les premier mois. Vous l'avez constaté avec Dawn.

Tu lui caresses le dos doucement et de ton autre main tu tires le plaid à vous, tu l'en couvres comme tu peux comme tu ne sais pas s'il tremble de froid ou d'émotion. Peut être un peu des deux. Il redouble de larmes. Et toi t'es tellement perdu. Tu as l'impression que tout ce que tu peux dire augmente ses crises de larmes. Alors tu ne dis plus rien. Tu te contentes d'être là, contre lui. Ta tête contre la sienne, une main dans son dos, l'autre sur sa cuisse en travers de toi.

T'essaies de te montrer tendre, à l'écoute, réconfortant aussi. Il traverse quelque chose que tu n'as jamais connu, que tu ne connaîtras surement jamais. Mais tu veux faire de ton mieux. Tu l'écoutes en lui frottant le dos doucement. " C'est un joli prénom. Elle était très jolie, j'en suis certain. Mais Bae... Comment veux tu prévoir ce genre de chose? Tu ne peux pas. C'est impossible. Tu n'avais que SEIZE ANS. Tu te rends compte? SEIZE ANS. Tu étais toi même encore un enfant. Mais tu es un homme bien Bae. Regarde tout ce que tu fais pour Dawn ou pour moi? Tu ne me feras pas croire que tu n'étais pas un bon père. Tu as fait tout ce que tu as pu dans la mesure de tes moyens et de ton expérience. Jamais je ne m'en serais sorti avec Dawn sans toi. Oh Bae... Je sais que c'est dur. Je sais que tu te sens responsable. Mais tu n'y pouvais RIEN. Personne n'a le contrôle sur ce genre d'événement. "

Dans ses bras tu pleures, les larmes coulent sans que tu puisses rien y faire, il faut que ça sorte, il faut que tu dises enfin ce que tu as sur le corps depuis seize longues années. Lui dire la seule chose que tu ne lui as jamais dit pour qu’il comprenne enfin ton être dans son entier car tu n’as jamais eu le courage de lui dire. Parce que c’était mettre en mots ce qui te faisait le plus souffrir, c’était vraiment faire le deuil d’Eva car tu le disais à la personne la plus importante de ta vie mais aussi parce que tu restes honteux de ce qui s’est passé. Tu t’en rends coupable. Parfois tu arrives à relativiser parce que tu suis les conseils de ton psy depuis des années mais quand le passé te frappe aussi fort, tu te rends compte que ta thérapie n’a clairement pas abouti. Parce que tu n’as jamais réussi à passer les dernières étapes que le médecin t’avait conseillées.

Et tu restes à inonder son cou en exprimant pour la première fois tout ce que tu as sur le cœur, frissonnant quand il remonte la couverture sur vous car ta peau est trop sensible. Tu te colles un peu plus à lui, préférant sa chaleur à toute autre chaleur qu’il peut apporter, tu ne veux rien d’autre que lui et tu passes la main dans ses cheveux, le visage toujours caché dans son cou comme si cela pouvait te protéger de tout. Contre lui tu te sens mieux même si tu pleures, même s’il a l’impression que tu ne l’écoutes pas mais ses paroles te touchent quand même, tu as juste du mal à ce qu’elles passent et détruisent la barrière de culpabilité que tu as dressé en seize années. Cependant le seul capable de la faire plier c’est lui parce que tu l’aimes, tu n’as aucun doute sur tes sentiments aussi son avis compte plus que n’importe quel autre.

« Je me veux pas perdre Dawn… Te perdre… » Pas après avoir perdu Eva. Tu t’es remis de la perdre, tu as avancé, tu l’as fait parce que vous vous l’étiez promis avec Rose même si votre couple a explosé avec cette perte mais tu ne pourras pas supporter de les perdre tous les deux. Dawn a passé la période critique mais si… Et s’il y avait autre chose ? Et si Sully disparaissait lors d’une mission ? Tu acceptes son travail et est fier de ce qu’il est mais tu remets tout en question ce soir… Beaucoup trop même. « On est des bons pères à deux » Ensemble comme toujours. Tu n’es pas capable de t’ôter toute la culpabilité que tu ressens mais tu es capable de savoir qu’à eux vous êtes invincibles parce que ça fait longtemps que vous avancez côte à côte. Tout ceci te fait réaliser pas mal de choses mais ce n’est pas le moment, tu as juste besoin de lui pour te sentir moins perdu.

Tes larmes se tarissent doucement mais tu restes contre lui, les yeux brûlants à force d’avoir pleuré aussi tu ne les ouvres plus, respirant profondément son odeur. Parfois les larmes reviennent parce que ton esprit se perd mais ses battements de cœur régulent les tiens et tu restes contre lui. « Merci Chroi… » D’être là à essayer de faire que tu ailles mieux, à avoir autant confiance en toi alors que toi tu doutes. Tu ne veux pas qu’il se pense impuissant face à ce qui t’arrive car sa présence et ses paroles te font du bien. Tu viens l’embrasser tendrement sur les lèvres avant l’attirer contre toi pour qu’il te prenne complètement dans ses bras et que tu sentes l’étau de ses bras autour de ton corps. Tu veux dormir comme ça et ne plus jamais bouger.

Tu le gardes dans tes bras, sans rien dire de plus. Tu es juste présent, physiquement, en contact avec lui. Tu as le cœur qui se serres de l’entendre pleurer comme ça, de le sentir frissonner de tristesse, de le voir tellement fragile. Tu ne sais pas ce qui a déclenché cette phase. On n’est pourtant pas ce fameux jour… Non quelque chose a du se passer. Quelque chose qu’il n’avait pas prévu, qu’il n’a pas vu venir. Tu ne sais pas quoi faire pour endiguer le flot de larmes alors tu refuses de le lâcher tout simplement. Heureusement que Dawn est chez ta mère ce soir. Tu n’aurais pas su gérer les deux.

Tu caresses doucement ses cheveux de ta main droite et déposes un baiser sur son front. « Allons Angus. Tu ne nous perdras pas. Jamais. Où tu veux qu’on parte ? Tu ne te débarrasseras pas aussi facilement de moi… Ni de Dawn. Elle a trop besoin de son Dada. » Et toi tu as trop besoin de ton Bae. Tu n’étais pas prêt de le laisser seul. « La seule façon que tu as de te débarrasser de moi, c’est de me dire de partir. De me chasser parce que tu ne voudras plus de moi à tes côtés. Parce que je serais devenu chiant. Mais Dawn aura toujours besoin de toi. Tu es bien plus son père que moi tu sais… On est une Famille ANGUS. Et une famille ne se détruit pas. »

Et tu le pensais vraiment. Il était bien plus présent pour elle que toi depuis qu’elle était née. Il te dira que c’est l’avantage de travailler à domicile et d’avoir des horaires fixes. Mais tu sais qu’il l’aime comme son propre enfant et c’est pour cela que tu lui fais une confiance aveugle. Tu lui rends le baiser qu’il te donne et tu l’installes un peu mieux entre tes jambes que tu relèves de chaque côté de lui. Tu lui donnes ton torse et ton cou pour oreiller et tes bras pour couverture. Tu as callé ton dos contre les oreillers et tu en as glissé un sous ta tête. Lentement tu caresses son dos pour l’aider à s’apaiser, à s’endormir. « Repose toi Bae. Tu en as besoin. Je ne bouge pas, je te garde contre moi. » Tu lui souris et l’embrasses à nouveau. Quand il sera endormi, tu tendras la main pour allumer la télé au volume minimum, histoire d’occuper les quelques heures qui te sépareront du sommeil.