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Le réseau ft. Colin
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Le réseau ft. Colin

Avec la pluie et la brume, la ruelle abritant le fameux Black Lady était encore plus lugubre que d’habitude. Le gentlemen’s club lui manquait presque, s’il n’y avait pas tous ces anglais snobs. Au moins, Colin était gallois. Voilà l'étendue des connaissances de Tyrgan au sujet de son hôte. Enfin, mis à part que lui aussi, appartenait au club sélect des bootleggers du pays. S’il devait faire affaire avec d’autres criminels, autant que ce soit des gens «du coin» plutôt que des italiens, ou des irlandais. Sa production de whisky était une opération de petite envergure après tout, montée sur pied simplement pour garder les employés au travail plutôt que de gâcher leur talent, et aussi pour continuer la vieille tradition familiale des Campbell, amateurs d’alcool forts de génération en génération.

Cependant, dans ce coin mal famé de la capitale, perpétuellement envahi d’une vague odeur de pauvreté, Tyrgan se sentait bien loin de son château écossais, et de ses ancêtres. Son costume sur-mesure et ses chaussures en cuir vernis lui manquaient tout autant, mais ç'aurait été imprudent de venir ici vêtu, eh bien, comme un petit duc. Sur sa tête était enfoncée un bonnet de laine grise, dissimulant ses boucles rousses, tandis qu’un manteau noir fortement rembourré prêtait au haut de son corps une silhouette de baril. Pour le reste, jeans, bottes d’hiver, et lunettes teintées. Il n’y avait que son Acqua Di Gio, parfum hors de prix, qui lui collait encore à la peau.

Il était ridicule et il le savait, mais on ne risquerait pas de le reconnaître. Que quelqu’un le reconnaisse ici était sans doute la pire chose qu’il pouvait imaginer. Surtout pendant la campagne électorale. Son parti avait fait plusieurs gains importants, donc valait mieux être prudent, et éviter les scandales.

Tyrgan passa la porte du Black Lady, et immédiatement, balaya l’endroit du regard, avant de retirer ses lunettes fumées. La voie était libre. « Bonjour Davies, comment allez-vous? » demanda-t-il en reconnaissant le propriétaire de l’hôtel, qui devait avoir à peu près le même âge que lui. « Les autres sont-ils là? ». Après tout, la raison de son déplacement ici n’était certainement pas pour profiter des services des prostituées du coin, ni pour prendre un verre, puisqu’il avait tout ce dont il avait besoin chez lui. Entre producteurs locaux, il fallait bien se rencontrer de temps à autre, question de garder la bonne entente, et de ne pas se marcher sur les pieds. « J’ai apporté ceci pour vous, vous m’en direz des nouvelles. C’est cadeau. » dit-il en détachant son manteau énorme pour en sortir une petite bouteille de whisky, dénuée de quelconque inscription. « C’est aimable de votre part de prendre le risque de nous recevoir ici. » Malgré l’état des lieux, se garda-t-il de dire.


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19.02.21 2:40
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le réseauTyrgan et Colin

- Bonjour…

Le propriétaire du Black Lady a donné à sa voix la douceur, presque le suave, des réceptionnistes qui tentent d’avoir l’air aimables, même quand la clientèle n’est pas fortunée, même quand il pleut dehors, même quand ils sont fatigués. Il a cette ténacité des animaux marins, de vouloir rester ondes et délicatesse, même quand le monde ne sourit pas, même quand le monde devient pierre et granit.

Il comprend qui vient de franchir le seuil gris de sa porte jadis dorée.
Il s’étonne.
Sa prononciation ralentit.

- … Campbell.

Le duc ne se ressemble plus. Le duc ressemble à un homme comme les autres. Presque. Colin ne saurait dire pourquoi, il a l’impression que le duc reste duc.

Tu as l’air de bonne naissance, Tyrgan
Tu as l’air riche
Encore

Ou est-ce moi qui ne vois que nos différences…
Je te jalouse, tu sais
Toi et ta richesse
Toi et ta facilité
Toi et tout

- Je vais assez bien, merci. Et vous ?

Le regard de Colin glisse sur le déguisement. L’acteur qu’il fut se laisse adoucir par l’effort de Campbell.
Il a toujours, contre les parois de son cœur, l’amour des actes et des scènes, des rôles endossés, de l’effort pour autrui, pour le public, même quand le public est dur et ingrat. Et à Londres, dans les fêtes fastes ou dans les taudis sans fards, devant ses pairs ou en famille, les publics sont sans pitié. Colin n’a pas cette dureté.

Il sourit avec tendresse, en repensant aux pièces de théâtre qu’il a jouées, dans un passé pas si lointain. Et il se demande ce que le noble ressent, dans les fripes d’un univers qui n’est pas le sien.

Et je sais que c’est injuste pour toi
Tu me rends injuste, Duc

- Félicitations pour la vêture. Vous vous fondez bien dans le style de ce quartier.

Il retient son rire, un peu.

Il quitte la réception de vieux bois outragé par des milliers de mains, pour aller à la rencontre de son invité. Pour son invité de noblesse haute, il a aussi fait un effort. Cette nuit, il porte son style habituel, un pantalon de ville noir et une chemise blanche, mais neufs. Il les a trempés quelques minutes dans l’eau claire puis repassés légèrement, afin de leur retirer leur lustre de sortie de magasin, et de ne garder à leur trame que leur virginité de pliure et de salissure.

Tu me rends nerveux, Duc
Forces-tu les autres ?
Sans le savoir ?
En le voulant ?

Pour toi, moi, je me force

- Par ici.

D’un geste de la main et en marchant, il indique le corridor qui mène au restaurant - vide, en cette heure. Comme dans presque tous les hôtels, le corridor est aménagé afin de ressembler à un salon très aéré, où les belles dames de jadis pouvaient discuter, se lever, se pavaner et siroter un cocktail tout en montrant leurs fort jolies robes. Aujourd’hui, de ce corridor aux brillances, il ne reste plus que des murs de bois fatigué et quelques tables et fauteuils élimés.

« Les autres sont-ils là? ».
- Non, la police semble sur les dents pour le moment… Jason, les élections proches… On les croirait sous caféine constante.

Les producteurs d’alcool ne sont probablement pas la première priorité de la police à l’heure actuelle, pas quand un éventreur sillonne encore les rues et que les esprits s’échauffent pour les élections qui s’annoncent serrées entre les deux partis principaux. Mais personne n’a envie de se montrer imprudent quand la police ouvre grands tous ses yeux…

- Les autres ont préféré m’envoyer leurs questions et leurs propositions. Il n’y aura que vous et moi.

La richesse et le glauque…
La noblesse et la plèbe…
Réunies pour l’alcool…

« J’ai apporté ceci pour vous, vous m’en direz des nouvelles. C’est cadeau. »
- Oh, c’est fort aimable de votre part. Merci.

Il est un peu dérouté par ce cadeau.
Il le prend délicatement avec les deux mains.

Quand il voit Campbell, il se sent tendu. Sur ses gardes. Campbell, c’est un alien pour lui. Une personnalité et une façon de voir les choses qu’il redoute, au fond. Et qui l’attire à la fois. L’inconnu est source de méfiance et de curiosité.
Cette nuit, pourtant, l’autre le surprend.

Mais tu me fais un cadeau
Et tu fais des efforts
Il faudrait être cruel pour te détester ce soir, Duc

Le propriétaire du Black Lady indique la table la plus proche de la réception. Il l’a recouverte d’une nappe blanche et d’un petit pot en terre cuite qui contient deux jacinthes blanches.

- Ici, je pourrai vous recevoir tout en tenant la réception. Voulez-vous quelque chose à boire ? Il commence à être tard, un café fort ou un thé noir ?

Si son invité demande une boisson, il ira en cuisine et lui apportera la boisson. Sinon, il va en cuisine déposer la bouteille d’alcool.
Il propose de prendre le manteau et de le suspendre ailleurs.

- Comme nous ne serons que deux, j’ai gardé mon tour de permanence à la réception. Je devrai vous quitter quelques minutes, de temps en temps, pour donner des clefs, mais ça ne dure jamais longtemps… Les colonnes cachent votre visage et votre corps. De la réception, personne ne peut vous voir. Mais d'ici, nous pouvons tout voir et tout entendre.

Ce soir, je serai ton gardien
Ton ange qui veille sur toi
Moi qui te jalouse
Moi qui me tends

Il s’assied en face du duc. Il dépose une petite farde en carton brun entre eux.

- Les messages des autres. Je les brûlerai ensuite dans un des vieux fours.

Il pose ses coudes sur la table, il pose son menton sur ses mains croisées.
Il sourit de malice.

Cela me trouble
Cela me gêne
Cela me plait

- Vous ne devez pas souvent fréquenter ce genre d’endroits… n’est-ce pas ? Je suis désolé pour le décor.

De l’autre, il ne sait pas grand-chose. A part qu’il est de la haute société, un concurrent particulier et un fournisseur en même temps.

Le Black Lady a beau être décrépi et dépassé, en ses vieux flancs, lorsque les hommes ont bien baisé, le besoin de chaleur persiste parfois. Quand ils sont assez fortunés, ils demandent un alcool fort. Quand ils sont bien gais, ils demandent un alcool fort et de qualité. Alors, Colin leur propose le produit du Duc. Colin produit aussi un alcool, mais pour les plus modestes. La classe moyenne. Celle qui veut surtout l’effet, et moins le goût. Ceux qui veulent la finalité, sans le raffinement de la façon.

Il ouvre la farde. Il prend les deux premiers messages, les tend à son concurrent – fournisseur – protégé.

- J’ai découpés et classés les messages par thème. J’ai noté les initiales de l’émetteur derrière chaque petit papier. Certains veulent impliquer les distributeurs à nos réunions. Comme le contrebandier Rackham. Je pense que c’est une bonne idée mais que cela augmente les risques de fuite d’informations… je suis partagé...

Colin écoute l’avis, attentivement, de son vis-à-vis. Pour la première fois, il prend le temps d’observer les yeux, la voix et les gestes du jeune noble.
Sans le vernis des dorures, soudainement, l’autre parait plus humain. Plus similaire. Moins inconnu. Colin ressent moins de méfiance. Son intérêt reste le même. Il aime les gens, après tout. Même les aliens. Surtout les aliens.

Le carillon antique.

- Oh, désolé, je dois recevoir des clients.

Il se lève, il reprend son sourire et sa voix de réceptionniste discret et délicat.

- Bonsoir Monsieur Lewis.
- Heeey Colin ! Comment tu vas ?

Beugle un homme bedonnant.

La cinquantaine. Cheveux gris. Joues rouges et rondes. Un habitué. Eméché. Comme d’habitude.

- Très bien, comme d’habitude. Et vous Monsieur ? Bonsoir Madame Suzy. Vous allez bien ?
- Salut Colin. Ouais ça fait aller.

Elle, une beauté passée. Voix rauque à force de crier de faux orgasmes. Cheveux colorés. Rouge trop rouge. Des lèves rouges. Des seins trop rebondis qui frémissent quand elle rit.

- T’as vu la poulette que je vais me taper ce soir, Colin ?

Le client tient la femme dans son bras gauche, qu’il serre un peu plus fort et qu’il embrasse. Il a l’air fier. Peut-être l’est-il vraiment, derrière les vapeurs d’alcool.

- Oh oui j’ai vu. Madame Suzy est une des fiertés de notre rue.

Dit Colin en décrochant une clef du mur.

Il la tend au client.

- Comme d’habitude, je suppose ?
- Comme d’habitude, Colin.

Le client donne une claque très sonore sur les fesses de Madame Suzy. Elle rit.

- Chambre cent deux, beauté. C’est ma chambre préférée, il y a de grands miroirs. Prépare ton cul, il va chauffer.

Tandis que Madame Suzy monte les escaliers, Colin s’absente, rapidement, dans les cuisines, et revient avec une bouteille d’alcool.

- C’est l’alcool habituel mais je viens de recevoir un alcool de qualité supérieure, si vous voulez un verre…
- Ooooh la belle bouteille chérie. Ben écoute, on verra. Si elle prend bien, je lui offrirai un verre de qualité supérieure après, hein.
- Je suis certain que madame Suzy prend très bien. Amusez-vous bien, en tout cas.

Colin fait un geste d’au revoir au client qui monte les escaliers à son tour. Qui boit une goulée à la bouteille donnée par Colin. Et qui gueule, soudain.

- J’VAIS T’DILATER, SALOPE !!!

Le propriétaire du Black Lady se rassied devant le duc.

- Un habitué. Il est très gentil. Juste un peu expressif. Mais tous mes habitués sont gentils et affectueux. Ne vous inquiétez pas.

Il sourit, plutôt content d’avoir revu le monsieur un peu bedonnant et madame Suzy.

A Londres, il y a si peu de pitié
Si peu de bienveillance
Où sont les âmes sans dureté ?
Ou sont les regards sans jugement ?

Colin a le cœur assez tendre et assez grand pour vouloir veiller, sans s’en rendre compte, sur les âmes de passage. Sur les cœurs qui battent malgré eux, des rythmes savoureux, des rythmes amers.
Il aime bien ses habitués. Et ses putes de passage.

- Je me sens presque responsable d’eux…

Comme je me sens responsable de toi ce soir
Mais accepterais-tu de l’entendre… ?

- J’ai oublié de vous demander… vous aviez un sujet à mettre sur la table ? N’hésitez pas.






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22.02.21 3:02
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Le réseau ft. Colin

Alors ce ne serait que lui et le propriétaire? Tant pis, se dit-il, puisque les autres étaient trop trouillards. Il lui semblait qu’il avait le plus à perdre, s’il on découvrait sa présence dans ce genre d’endroit. Le duc suivit son hôte jusqu’à une table à l’écart, et ce dernier lui proposa quelque chose à boire « Pourquoi pas l’un de vos alcools maison? Celui que vous préférez » répondit-il d’un ton aimable. Savoir de quoi était faite la concurrence était à la base de tout marketing qui veut se démarquer. Lorsqu’il prit place à la table, Davis, assis en face de lui, y posa une pochette de carton contenant les messages des absents. Même à l’ère du Cloud et du Big Data, les lettres manuscrites étaient encore le moyen de communication le plus sûr, quand on veut détruire définitivement ses traces. Et le feu était toujours le meilleur moyen de le faire, comme le prévoyait Davis, qui se permis alors de demander au duc quel était son rapport avec les endroits tels que le Black Lady.

Il y eut un moment de silence où Tyrgan ne sut s’il devait éclater de rire ou s’insurger d’indignation. Ne voulant ni insulter son hôte, ni révéler le fond de sa pensée au sujet du décor, Tyrgan émit un raclement de gorge. « Non, en effet. Ne vous excusez pas», dit-il, plein de politesse, sans tomber dans l’exagération. Il n’allait tout de même pas prétendre que ce bâtiment était autre chose qu’une plaie sur le visage de Londres. Cependant, il fut impressionné par le sens de l’organisation de Davis. Le premier sujet à l’ordre du jour fut à propos de la potentielle implication des distributeurs lors de leurs réunions. Tyrgan plissa les lèvres, perplexe. « L’idée n’est pas mauvaise, si cela permet une meilleure entente. Seulement, il faudrait peut-être trouver un endroit de réunion. Quelque part où il y a des pièces fermées ». Après tout, les sujets discutés étaient de nature délicate… Et criminelle, aussi.

L’ouverture de la porte d’entrée du Black Lady fit tinter une clochette, et alors que Davis s’excusa auprès de Tyrgan, ce dernier reposa prestement ses lunettes de soleil sur son nez avant de marmonner « ‘Pas de mal ». Même si les deux… individus lui était inconnu, on ne saurait être trop prudent. Le verre teinté de ses lunettes ne l’empêcha toutefois pas d’entendre l’échange, et ce fut malgré lui que le duc assista au plus grand étalage de vulgarité de toute sa vie. Mortifié, Tyrgan aurait donné n’importe quoi pour pouvoir fuir son propre corps. Comment Davis faisait-il pour garder un tel professionnalisme? Seigneur… ce genre de conversation avait-il lieu plusieurs fois par jour pour qu’il en soit complètement désensibilisé? Au moment où Davis le rejoignit, les couleurs s’étaient complètement drainé du visage du duc. Il retira ses lunettes. Le regard figé de Tyrgan exprimait l’horreur absolue. « Hum… un sujet… »

Tyrgan cligna des yeux plusieurs fois, et se pinça l’arête du nez pour reprendre son sang froid. « Pardonnez ma curiosité, Davis, mais est-ce que ce genre de… clientèle est fréquente chez vous? Je comprends que vous teniez à vos habitués, mais vous n’avez jamais pensé à effectuer des rénovations? » demanda-t-il, le ton rempli d’une naïveté dont seuls pouvait faire preuve les fils de riches tels que lui. « Ça élèverait peut-être un peu le niveau de la clientèle, n’est-ce pas? ». Le problème qu’avait le Black Lady était également celui de certains domaines que les propriétaires nobles avaient négligés au fil du temps. C’est ainsi que naissent les ruines, et le Black Lady n’était pas loin d’en être une. « Ce ne sont que des suggestions, évidemment », précisa-t-il. « Vous êtes propriétaire depuis longtemps? »

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01.03.21 21:44
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