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Parlez-moi de vous dame aux cheveux de feu ? ft. Llewyn
Eliott Eirik
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Parlez-moi de vous ft. Llewyn Oswell


Eliott quittait l’austérité du bureau, pour aller faire quelques pas, dans l’une des courettes de l’Hôtel Particulier. Il aimait cette partie du domaine. Elle lui rappelait les cloîtres romans et leur paix ancestrale. Ces lieux où calme et harmonie sont les maîtres. Il s’y sentait comme chez lui.

Au fur et à mesure des mois passés à Londres Le directeur avait entamé la métamorphose du Rosewood. Il avait d’ailleurs réquisitionné un bataillon d’ouvriers pour faire restaurer la vieille pierre grise du bâtiment. Il voulait rendre sa splendeur à cet hôtel. Il en avait eu de bons échos de la clientèle. Il avait aussi vu des couples d’hirondelles venir nicher dans les boulots du grand jardin. A présent, il attendait leur retour tout autant que les couleurs du printemps.

Ce n’était pas la seule chose qu’il attendait en ce doux matin d’avril. Mr Walsh connaissait maintenant suffisamment bien les employés pour ne consulter son chef qu’une fois par semaine. Ils faisaient un point chaque mercredi soir. Il avait ainsi eue connaissance des transactions planifiées pour la fin de la semaine. En parcourant la liste Eliott avait entraperçut un nom qui avait de nouveau éveillé sa curiosité.

Cela faisait quelques temps déjà qu’il songeait à en apprendre plus sur une jeune femme. Aussi avait-il demandé, à ce qu’on lui donne le dossier sur Miss Oswell, la veille au soir. Il en avait fait une lecture intéressée avant d’aller se coucher. Sachant qu’elle devait passer au Rosewood en fin de matinée Eirik avait exigé qu’on la fasse venir jusqu’à lui. Cette petite convocation était le caprice d’un vieil homme.

Dans un souci d'accueil et de bienveillance il avait fait installer une table dans le patio sud, là où la lumière était la plus belle et la plus chaude. Il avait également fait remonter un service à thé et de quoi agrémenter la conversation de douceurs sucrées. Il laissait les scones aux anglais pour leur préférer de simples madeleines, dorées et rondes. Enfin, pour préparer au mieux cette conversation il avait recherché les nouvelles fraîches de Belfast auprès de ses quelques amis irlandais. L’occasion par la même d’organiser une prochaine visite en cette terre de rébellion.

Le vieux Norvégien terminait donc sa petite promenade sous le grand chêne central. Un arbre majestueux qui était ici bien avant que cet cette bâtisse sorte de terre. Eliott conservait ses mains jointes dans le dos comme à l’accoutumé. Il pouvait enfin porter sa veste de mis saison sans avoir froid. Il avait au cou un petit foulard de soie.

Il tendait ainsi un visage serein en direction du soleil. Il ferma les paupières pour mieux écouter le chant d’un rossignole posé par là:
« La nature est belle. N’est-ce pas ? » Le directeur avait un sourire apaisant. Il fit lentement volte-face pour accueillir la jeune femme qu’il avait entendu approcher. Il posa sur elle des yeux doux et curieux.

Il tendit galamment une main vers les chaises de jardin:
« Bienvenue Miss Oswell. Je suis M. Eirik le directeur de cet établissement. J’ai demandé à avoir quelques minutes de votre temps, avant à votre départ. Je vous en prie prenez place. Je nous ai préparé de quoi profiter de cet agréable temps. Voulez-vous du lait avec votre thé ? » Lui même ne suivait pas la mode anglaise. Il aimait y ajouter une lichée de miel en hiver. Mais c’était bien tout.

Doucement le liquide ambré et chaud évaporait des effluve dans l’air matinal. Eliott finissait le service lent, comme le sont les gens sans craintes. Puis, il croisait ses cuisses à la mode des dandys d’une bien lointaine époque:
« Tout d’abord dites-moi ? Tout se passe bien pour vous avec nous ? » La voix était si douce qu’on eût pu oublier qu’il était l’une des personnes les plus redoutées du milieu.

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Eliott Eirik
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08.04.20 12:23
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Llewyn écarquilla les yeux. Les sourcils hauts sur le front, la clope pendue aux lèvres, elle dévisagea le type à l’air vaguement affable malgré sa carrure d’armoire à glace qui venait de l’interpeller. Dans un réflexe stupide, elle tourna le nez vers son collègue de livraison. L’homme, un grand gars au cou si court qu’il semblait toujours renfrogné, haussa nonchalamment les épaules, comme pour signifier qu’il n’avait aucune idée de la raison qui poussait le grand patron à vouloir la voir. La rouquine se pointa doucement du doigt pour s’assurer qu’on s’adressait à la bonne personne avant qu’on ne lui rappelle sèchement qu’il n’y avait pas cent Oz dans le coin. Argument irréfutable, le malabar marquait un point.

La jeune femme se décolla de la camionnette contre laquelle elle se reposait. Elle écrasa sa cancéreuse sous la semelle de sa grolle, épousseta son pantalon utilitaire chargé de poussière et emboîta le pas au gaillard sans se faire prier davantage. Cheminant à travers les boyaux luxueux du Rosewood, la transporteuse tentait de se remémorer chaque course, chaque minute passée derrière un volant pour le compte du gérant hôtelier, cherchant en silence ce qui pouvait bien lui valoir une convocation du maître des lieux en personne. La sensation déplaisante d'avoir commis une erreur lui mordit progressivement la nuque. Et cependant elle ne parvenait à trouver quel reproche on pourrait faire à son travail. Écartelée entre la certitude de n’avoir jamais failli à sa réputation et l’impression cuisante de s’être plantée quelque part, Llewyn sentit son pas s’alourdir à mesure qu'elle approchait l'échafaud.
Le guide bifurqua une dernière fois puis s’immobilisa devant une large porte à double vantaux. Il fit grincer l’un des panneaux sur ses gonds et indiqua d’un signe de tête à son accompagnatrice de continuer sans lui. La rouquine, en passant à sa hauteur, tenta de déchiffrer à l’expression neutre de son visage l’humeur de son dieu. En vain. L’homme lui fit l’effet d’un code indéchiffrable, et ce fut la boule au ventre qu’elle posa le pied sur la pierre grise d’une galerie à colonnes.

Le couloir, aux vagues relents de cloître, courait autour d’une cour intérieure impeccablement entretenue. À pas feutrés, tant pour ne pas déranger la quiétude des lieux que par méfiance, Llewyn approcha le centre de l’espace extérieur. Un homme d’un certain âge, les mains nouées dans le dos, se tenait là, profitant du soleil. On avait préparé une petite table, deux chaises et ce qui semblait être une collation. Bien qu’elle ne l’eût jamais croisé, l’Irlandaise crut reconnaître Eliott Eirik, dieu de cet hôtel et de bien d’autres. Les gravillons crissèrent sous ses lourdes semelles quand elle le rejoignit.

« La nature est belle. N’est-ce pas ? »

Llewyn leva le nez vers le ciel pour aviser le soleil, haut et clair, dont les rayons inondaient le sanctuaire de lumière en l’aveuglant. Ses orbes pâles, trop sensibles aux charmes de l’astre du jour, retrouvèrent le décor qui les entourait. Elle hocha la tête, entendue.

« Bienvenue … Voulez-vous du lait avec votre thé ? »

Elle déclina poliment l’offre en s’installant, gardant sous silence son manque crevant de sympathie pour le thé. Cette boisson bénie des dieux aux yeux des Anglais et de ses compatriotes ne trouvait autant de grâce aux siens. Qu’on puisse à ce point se passionner pour de l’eau chaude infusée aux plantes la dépassait. Elle ne pipa pourtant mot, laissant tout le loisir à son interlocuteur de lui servir une tasse brûlante qu’elle s’empressa de pimenter de trois morceaux de sucre pour lui donner un tant soit peu de goût. Ne sachant que faire de ses bras, de ses mains, de sa respiration, elle résolut de glisser ses doigts contre la porcelaine ainsi réchauffée et entreprit de briser les petits cristaux restés au fond du bout de sa cuillère.

S’il était malvenu de dévisager une âme qu’on rencontrait tout juste, la coursière ne put s’empêcher de détailler les traits assurés et sages de son hôte. Défiante, elle chercha dans son regard les traces d’une animosité ou de reproches qu’elle ne trouva pas. Lentement, comme soumises au magnétisme rassérénant de la figure qui lui faisait face, les appréhensions qu’elle avait de cette conversation s’éloignèrent.

« Tout d’abord dites-moi ? Tout se passe bien pour vous avec nous ? »

Elle battit des paupières, pour s’habituer à l’éclairage toujours aussi éblouissant comme pour se laisser le temps d’analyser cette question inattendue. La rousse suspendit le mouvement circulaire de sa cuillère et s’éclaircit la gorge pour demander d’une voix rayée :

« Oui ? Elle corrigea immédiatement son intonation pour affirmer : oui. »

Le crissement métallique et régulier du métal au fond de la tasse reprit doucement. Les courses missionnées par le Norvégien ou ses subordonnées se passaient au mieux, à ses yeux en tous cas.

« Merci pour le thé, commença-t-elle. Je ne voudrais pas paraître désobligeante, mais je ne sais pas ce que je fais ici. Elle fronça les sourcils. Quelque chose ne va pas dans mon travail ? »
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15.04.20 2:58
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Eliott Eirik
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Le rossignol pipeta pendant que la jeune femme aux cheveux flamboyants entrait dans la lumière. Eirik capturait du regard la grâce sauvage de cette silhouette tout en prenant place. Elle avait l'attrait d’une héroïne. Ils baignaient dans une atmosphère féérique. D’ailleurs, il venait au vieux poète les verres d’un romantique anglais. Il les gardait pour lui, ne voulant pas mettre cette jeune femme mal à l’aise. En tous les cas pas plus que nécessaire.

L’inquiétude sincère d’Oswell était judicieuse, sage. Elle témoignait d’un sens de la modestie tout comme d’un désir d'efficacité. Qualités que Mr Eirik recherchait chez chacun des employés. Il avait demandé son avis à Hector. Il avait également sondé les quelques hommes en contact avec Llewyn. Tous les avis étaient concordants.

Il prenait délicat la cuillère d’argent pour aller remuer le thé. Un sourire pacificateur vint tranquilliser la jeune femme:
« Non. Il n’y a rien à redire sur votre travail madame. » Pas une livraison en retard alors que les conditions étaient de plus en plus dure depuis la fin 2024. « Vous exécutez les contrats avec un zèle que j’apprécie. J’ai d’ailleurs exigé que cette excellence soit récompensée. » Une approbation qui serait observable lors de la prochaine rémunération.

Eirik était équitable en tout point. Il était un leader éclairé. Il ne faisait pas excès d’autorité ou d’intimidation. Raison qui rendait ses ires efficaces. Un travail bien fait devait être remarqué. C’était peu à peu, lentement, qu’une relation de confiance se tissait. Ce qui était d’autant plus complexe quand on évoluait dans les sphères les plus sombres de la société.

La cuillère posée de côté. Le Directeur portait la tasse à ses lèvres. Il était soigné et délicat:
« Je voulais connaître la femme derrière ce bon travail. Vous ne m’en voudrez pas trop de profiter de ma position, j’espère ? » La voix et le vocable étaient également très délicats. Il ressemblait à un homme du monde plus qu’à un mafieux. On l’imaginait mal manipuler des armes ou même se salir les mains. Pourtant, c’était bien lui la tête pensante d’un réseau de criminels international.

Un doux rayon de soleil venait éclairer la table. L’argenterie brillait de mille-feux. La modestie de la table cachait d'autant mieux, le pouvoir en présence dans ces murs:
« Connaître aussi vos perspectives d’avenir ? Quelles sont vos aspirations ? » La demande était simple et intéressée. Si Eliott était apprécié de beaucoup c’est parce qu’il était un homme sincère. Il méprisait la triche et la manipulation. Il usait donc de ces outils le moins souvent possible. D’ailleurs tout ceci n’était pas foncièrement contradictoire. Il voulait vraiment savoir devant qui il se trouvait.

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Llewyn ne savait pas faire de frais. Elle s’armait, depuis toujours, d’une franchise mordante, parfois désobligeante, qui lui avait souvent valu d’être remise à sa place à coups d’insultes ou de poing, et qu’elle recherchait désespérément chez les autres. Qu’elle forçait même, parfois, pour s’épargner les longues et impérieuses discussions futiles dont on aimait tant barder les conversations pour mieux faire passer une pilule. Malheureusement, enrober de sucre un cacheton avant de le lui enfoncer dans le gosier ne changeait rien au message. La rouquine était de toute manière plutôt salé.

Le temps d’un battement de cils, la jeune femme regretta d’avoir été si directe. Il y avait certainement un protocole à respecter lorsqu’on s’adressait à un homme aussi influent. Mais personne ne s’était donné la peine de l’en informer. Le guide qui l’avait menée à travers les artères de l’hôtel n’avait pas jugé bon lui apprendre l’étiquette. Une éducation différente de celle qu’elle avait reçue lui aurait certainement permis de connaître les codes hypocrites dont on devait bercer un supérieur hiérarchique. Mais Vina n’avait pas grandi dans un château, un titre de noblesse accolé à son nom. Quant à Cian, il aurait fallu qu’il ait transmis quoi que ce soit à ses enfants. Sa priorité n’avait jamais été là.

Inquiète, la gorge brièvement nouée, Llewyn contempla son interlocuteur dont les traits se réorganisaient. Une expression franche de calme illumina le visage de vieil homme, soulageant instantanément les épaules de la transporteuse.

« Non. Il n’y a rien à redire sur votre travail madame. »

Tant de politesse. l'expatriée n’était pas habituée à ce qu’on lui serve du Madame, en temps normal. Elle n’en fut qu’un peu plus déstabilisée. Tout dans l’attitude de son interlocuteur, de sa manière de se tenir à sa diction impeccable, témoignait le contrôle qu’il avait sur son environnement. Comme s’il tenait entre ses mains toutes les cartes d’un jeu dont il avait lui-même dicté les règles.

« Vous exécutez les contrats avec un zèle que j’apprécie. J’ai d’ailleurs exigé que cette excellence soit récompensée.
- Merci … »

Décontenancée, Llewyn noya son trouble dans une gorgée de thé si sucré qu’elle sentit son taux de cholestérol grimper en flèche. Au moins le goût herbacé du breuvage ne lui agrippa pas tant les papilles. Elle reposa la tasse dans un tintement de porcelaine et, les doigts toujours noués autour, releva le nez vers le maître des lieux dont l’expression rassérénante n’avait pas changé.
Les compliments étaient rares dans le milieu, si rares qu’ils étaient presque plus difficiles à avaler que les reproches. C’était qu’on n’était jamais bien sûr, quand on s’entendait dire quelque chose de positif, que la critique ne serait pas suivie d’un coup de massue bien placé.

« Je voulais connaître la femme derrière ce bon travail. Vous ne m’en voudrez pas trop de profiter de ma position, j’espère ? »

La rouquine hocha la tête de droite à gauche, ses longues mèches ondulant entre ses omoplates. Avait-elle seulement le choix ? Elle jeta furtivement un œil du côté de la porte par laquelle elle était entrée. Nulle trace du malabar qui l’avait accompagnée jusqu’ici, soit qu’il se planquait dans un couloir, soit qu’il était revenu sur ses pas. Était-elle libre de s’en aller si elle le voulait ? Pouvait-elle abréger les souffrances de son interlocuteur ? Le pauvre homme devait ignorer qu’il n’y avait rien de bien intéressant à raconter sur la femme derrière le volant.

« Connaître aussi vos perspectives d’avenir ? Quelles sont vos aspirations ?
- Mes perspectives d’avenir, répéta-t-elle en haussant si haut les sourcils qu’ils manquèrent se fondre dans sa chevelure. »

Le regard clair du sexagénaire la transperça de part en part avec une étrange violence. Llewyn sentit presque un abîme s’ouvrir sous ses pieds. Elle déglutit difficilement une gorgée de thé noyé de lait. Il y avait bien longtemps qu’on ne lui posait plus la question de ce à quoi elle aspirait. À bientôt trente ans, elle s’était crue débarrassée de cette problématique épineuse.
Eirik la ramena involontairement à Belfast, sur les bancs de l’école puis du collège, quand ses professeurs lui demandaient ce qu’elle voulait faire lorsqu’elle serait grande. Elle rétorquait, plus jeune, un grand sourire édenté flanqué sur les lèvres : astronaute, aventurière, gangster, danseuse ! Mais ses projets d’avenir changèrent, et elle s’était mise à répondre, à l’adolescence, qu’elle ferait ce qu’il faudrait pour mettre sa fratrie à l’abri. Cette version n’avait pas bougé depuis, cristallisée avec le départ de leur mère.

L’expatriée tritura doucement l’anse de sa tasse, ses yeux pâles rivés sur les petites ondes que chaque tapotement de doigt faisait naître à la surface du liquide. Elle haussa les épaules, passa finalement une main dans ses cheveux pour les plaquer en arrière, en vain. Ses mèches rouillées, indociles, revinrent encadrer son visage.

« Vous allez être déçu. Je n’ai pas de grand plan d’avenir, d’idée révolutionnaire ou de projet d’entreprise à monter pour faire fortune. Je veux simplement que ma famille se porte bien. Elle eut un sourire contrit, navrée de n’avoir rien de plus pertinemment à offrir au directeur de l’hôtel. Et peut-être acheter un camion un jour, ce serait beaucoup plus facile, ajouta-t-elle en battant indolemment l’air d’un moulinet du poignet. Et vous ? Une retraite au soleil à l’horizon ? »

Une lueur mutine passa dans son regard.
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03.05.20 2:18
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Eliott Eirik
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Parlez-moi de vous ft. Llewyn Oswell


Avec un brin d'imagination et un peu de fantaisie à l'esprit, il était possible de voir en cette jeune Irlandaise, un peu de Dame Eirik. Il n'y avait qu'à la voir dans une robe saillante et les beaux cheveux relevés sur la nuque. Le vieux veuf prenait conscience, de cette ressemblance, tandis que Llewyn évoluait devant lui. Elle était aussi vive dans ses expressions et aussi charmante dans sa confusion. Peut-être était aussi cela, au fond, qui le conduisait à l'approcher. Il était si doux de retrouver ne serait-ce que le mirage de son adorée.

Eliott scrutait ce minois désolé avec un élan d'affection paternel, qu'il cachait de son mieux, derrière un sourire :
« J'entends pourtant l'un des plus beau projet de vie qui soit. »
L'ambition n'était pas plus intéressante parce qu'elle était grande. Elle était intéressante quand elle amenait un individu à se dépasser, à montrer ses aptitudes, son potentiel. Il n'y avait pas de doute possible que la seule ambition de Miss Oswell était également la seule à pouvoir la révéler à elle-même.

Le directeur passait donc sur la recherche d'un poids lourd. C'était pour ainsi dire une contingence. L'affaire pouvait être réglée en deux minutes. Le Réseau avait un pied dans toutes les industries du monde. L'automobile était une filière où investir d'autant qu'il fallait préparer un monde sans le pétrole. Le Norvégien croyait très peu aux batteries électriques dont la production et la destruction créaient autant, si ce n'est plus de soucis, que les modèles actuels. Pour lui, la vie, tout comme l'avenir seraient avec l'eau douce. Il pouvait d'ailleurs apporter de larges contribution pour la recherche dans ce domaine et ne s'en privait pas.

Il se concentra pour l'instant sur le cœur de la fille aux cheveux de feu:
« Vous avez un frère et une sœur. » Continuait le sage comme pour nourrir une conservation qu'il menait avec sa douceur coutumière. Il aimait savoir quelle était la situation personnelle des employés. Cela en disait beaucoup sur l'individu et donc sur sa capacité à œuvrer. Il savait donc que la cadette étudiait à Saint Thomas et que le garçon fricotait avec les souterrains de Londres. « Comment vont-ils ? » Il n'attendait pas une réponse plate mais s'en contiendrait probablement, pour ne pas l'échauder.

Bien entendu, toutes les familles d'origines irlandaises avaient fait l'objet d'une enquête après l'attentat à la bombe. Mr Eirik avait été personnellement visé par les détracteurs. La famille de la jeune femme avait rapidement été écartée des suspects. Ils n'avaient aucune affiliation directe avec le kamikaze, ce qu'ils savaient tous deux. Pourtant, il n'aurait pas été neutre de savoir ce que pensait cette immigrée d'un acte revendicatif aussi direct.

« Londres n'est pas la plus tendre avec ceux qui la choisisse n'est-ce pas ? » C'était une petite rhétorique facile pour pousser la demoiselle à faire acte de confession. Lui même, après deux années à siéger au Rosewood se retrouvait épuisé par la tâche.

Eliott avait rarement autant donné de sa personne pour l'exercice de ses fonctions. Il trouvait donc très à propos la curiosité de son interlocutrice. Elle n'avait pas idée comme la question de la retraite était au centre des préoccupations du Directeur. Si Jack l'Eventreur avait été retrouvé, voilà longtemps que la question ne se poserait plus.
« En fait, je préfère le froid. » Il avait une dérision au fond du regard. Si Madrid était planifiée, ce n'était guère pour sa chaleur, mais pour ses enjeux internes. Voilà une autre citée dont laquelle les cartels faisaient bien souvent n'importe quoi. « Le problème, n'est pas tant de trouver un lieu, qu'un moment. » A entendre les médecins Eliott aurait dûe quitter ses fonctions depuis bien trois ou quatre ans. Malheureusement, le climat actuel en Angleterre, comme ailleurs, le maintenait sur ce trône de fer. Quelle ironie pour un homme qui ce serait volontiers fait homme de lettres plutôt que prince de la nuit. « Une suggestion ? Pour le lieu. Je ne sais pas me décider. »

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05.05.20 8:39
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Certainement, après une vie passée à tenir les frontières d’un territoire neutre en plein cœur de la pègre et du crime organisé, ce pacificateur devait songer à se retirer dans un endroit calme où il pourrait tirer ses vieux jours sans plus se soucier des frasques londoniennes. Llewyn, pourtant, n’était pas certaine qu’il puisse prétendre à une retraite. De ce qu’elle en savait, ce genre d’hommes étaient tués à la tâche. Violemment, la plupart du temps. On ne construisait pas un tel empire sans se faire d’ennemis ; on ne pouvait non plus vieillir sans que certains aient en tête de vous en arracher les clés plus rapidement. Étrangement, la perspective de voir le visage si serein de son interlocuteur crevé d’une balle entre les deux yeux n’enchantait guère la rouquine. Eirik dégageait une force douce et tranquille qui lui donnait envie de le croire immortel. Toute objection lui semblait improbable. Presque douloureuse.

Le sourire malicieux de l’Irlandaise perdit un peu de sa saveur, se couvrant d’une teinte fade qu’elle s’empressa d’effacer lorsque son interlocuteur la rassura sur ses plans d’avenir.

« J’entends pourtant l’un des plus beau projet de vie qui soit. »

Un soupir entendu passa les lèvres de la jeune femme. Elle se contentait parfaitement de cet avenir-là et l’admettait volontiers. Certains y trouvaient pourtant à y redire. C’est qu’on avait pas idée, à presque trente ans, de ne songer qu’à sa famille. La deuxième décennie aurait dû être celle de l’égoïsme, de l’individualisme. Celle où l’on envoyait tout paître pour se recomposer en dehors du foyer qu’on avait connu jusqu’alors.

« Vous avez un frère et une sœur. Comment vont-ils ?
- Deux frères, corrigea-t-elle, mais l’un d’entre eux est à Belfast. Et une sœur. Ils vont bien, merci. Elle souffla dans un sourire : la petite est sur le point de terminer ses études. Elle est brillante. »

Llewyn ne se rendait que trop compte du ridicule de cette affirmation. On devait toujours penser ses proches plus doués qu’ils ne l’étaient réellement, les encenser, les placer sur un piédestal. Pour autant, la transporteuse se trouvait très lucide quant aux capacités de ses frères et sœur, et critique quant aux siennes. Ailbhe et la cadette étaient les cerveaux de la fratrie. Les gamins du milieu qu’ils faisaient, Tadgh, Rhys et elle, ne s’en tiraient pas à si bon compte.

« Londres n’est pas la plus tendre avec ceux qui la choisisse n’est-ce pas ? »

Elle tiqua, écarquilla légèrement les yeux avant de noyer son trouble dans une lampée de thé. Attendait-il une réponse ? Llewyn n’en avait guère à donner. Elle se considérait bienheureuse d’avoir trouvé dans cette ville une terre d’accueil. L’exil, bien que volontaire, n’avait pas été évident, mais la vie ici était plus douce que sur l’Île. Elle l’était pour la survie de sa famille, en tous cas.

« En fait, je préfère le froid, conclut finalement le maître des lieux pour répondre à sa précédente question. »

Le froid … Il y avait grandi, de ce qu’elle avait cru comprendre la première fois qu’elle avait travaillé pour lui. Suédois ? Ou Norvégien ? Elle ne s’en rappelait plus, à son plus grand regret. Que l’homme qui lui faisait face sache tant de choses à son sujet, sans mauvaise pensée apparente pour motiver ce fait, quand elle ne connaissait rien de lui, avait une saveur déplaisante.

Llewyn n’avait jamais poussé vers les pays nordiques et la Scandinavie. Elle avait avalé l’asphalte du Royaume Uni et de l’Irlande, des côtes ouest de l’Europe et des pays de l’est, mais les routes vers le nord lui restaient inconnues. Dieu savait pourtant qu’elle aurait aimé voir ces paysages enneigés et calmes, rongés par la puissance du silence.

« Le problème, n’est pas tant de trouver un lieu, qu’un moment. »

Là résidait donc la difficulté … Eirik n’avait-il pas de successeur pour reprendre le flambeau et le laisser profiter de ses dernières années ? Ce devait être terriblement dur de trouver une personne capable de continuer votre œuvre sans la saccager, sans la dénaturer. L’Hôtel Particulier ne tournait correctement que parce que son dirigeant tenait les affaires d’une main de maître ; rien ne garantirait son bon fonctionnement si le directeur changeait.

« Une suggestion ? Pour le lieu. Je ne sais pas me décider.
- J’ai cru comprendre que la Terre de Feu valait le détour. Je crois qu’il y fait frais. Froid, même. Elle haussa les épaules et réfléchit pour elle-même : pourquoi ce nom …? »

Llewyn, plus détendue qu’à son arrivée, attrapa une madeleine du bout des doigts. L’explosion de saveurs douces et sucrées qui frappa ses papilles lorsqu’elle croqua dedans lui tira un sourire simple. Elle prit une gorgée de thé pour faciliter la descente et reposa la tasse sur sa soucoupe.

« Vous n’avez jamais pensé à tout quitter pour vivre pour vous ? Laisser l’hôtel et les affaires à un autre ? Elle se risqua : à un fils, peut-être ? »

À condition qu’il en ait un. Et même s’il avait des enfants, ce sage aux cheveux blanchissants n’avait peut-être pas envie de les mêler à de sombres histoire de pègre et de corruption. La rouquine se prit à fantasmer la manière dont elle se serait comportée avec sa famille, si elle avait été à la place de son interlocuteur. Sans doute, elle aurait tout fait pour éloigner sa progéniture de ce monde.
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14.08.20 13:00
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Eliott Eirik
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Parlez-moi de vous ft. Llewyn Oswell


Le front du Norvégien se striait alors qu’il prenait en compte son erreur au sujet de la famille Oswell. Comment se faisait-il qu’il n’avait pas retenu l’existence d’un deuxième frère ? Cela arrivait à présent. Les petits oublis sur lesquels il n’avait pas de contrôle. Ils étaient certainement le symptôme léger d’une surcharge cérébrale. Un homme de son âge ne pouvait pas réfléchir comme à quarante ans et il n’avait que de peu, amenuisé la cadence de son exercice professionnel ou personnel. Cause d’ailleurs de beaucoup de contrariétés médicales. Les responsabilités étaient le prétexte le plus aisé, la diversion la plus facile, pour ne pas écouter les Enfants d'Hippocrate.

Il avait un petit dodelinage du menton pour saluer le parcours sororal:
« C’est une bonne chose. » Pour quelqu’un comme Eirik, issu de la classe dominante, il n’y avait pas d’illusions possibles.

Eliott connaissait les failles du système. Les injustices qui en ressortent, ne pouvaient être adoucies que par des outils émanant de la classe dominante, elle-même. Les diplômes étaient de ceux-là. Le mafieux aurait pu intervenir là aussi, par une lettre de support à la jeune femme. Il avait cependant l’intuition que ce mécénat pourrait heurter la sensibilité de son interlocutrice. Il attendait donc patiemment que son intention trouve le meilleur des échos dans cet esprit survivaliste.

Pour autant Llewyn n’était pas autant inculte que n’indiquait sa posture. Elle pouvait citer une région du monde dont peu de personnes, en dehors des Argentins, connaissaient réellement. Eliott eu un demi sourire, car il possédait un souvenir de Buenos Aires tout à fait agréable.

L’interrogation de la jeune femme attira l’attention du vieil intellectuel:
« Tierra del Fuego » est le nom donné à l’île par les premiers explorateurs européens qui se sont aventurés sur ces terres. Ils ont vu des feux en mouvement dans l’obscurité. Les peuples indigènes qui habitaient ces terres, portaient peu de vêtements. Ils utilisaient des feux pour se réchauffer. Des feux qui perçaient de partout dans la nuit noire. » Il y avait beaucoup d’autre choses qu’auraient pu conter le Directeur sur cette péninsule reculée. Pour autant il se contentait de cette précision étymologique pour répondre à la curiosité de sa jeune interlocutrice. « C’est une idée à laquelle je n’avais pas du tout songé.» Il avait un ton aimable, comme l’homme qu’on prend de court après lui avoir donné une bonne nouvelle. Il posait d’ailleurs un regard empli de songeries glacées sur Miss Oswell. « Je vous remercie pour cette ouverture… C’est une excellente piste que je ne vais pas manquer d’explorer. » Ce qu’un vieux intellectuel comme lui ne disait point sans le penser. Il pouvait ainsi consacrer son esprit à un nouveau sujet de découverte. C’était, pour lui, un vrai cadeau.

A la double question retour, Eliott eu un sourire un rien plus paternel, et non paternaliste. Il était sensible à la considération de cette demoiselle pour son propre confort. Il ne s’y attendait pas. Bien qu’il n’ait pas envie de conserver des distances professionnelles excessives avec elle, il devait rester mesuré dans sa franchise. Les informations allaient plus vite que les poisons. Elles pouvaient faire encore plus de dégâts. C’était encore plus vrai pour un homme tel que lui. Terriblement plus dangereux dans une époque comme la leur. Il prenait donc le temps de libérer ses deux mains.

Il considérait ensuite tranquillement l’Irlandaise:
« Madame Eirik est décédée avant de pouvoir nous donner cette joie. » Oui le Directeur avait été un jeune veuf.

Odin avait été un veuf détruit. Il s’était jeté âme et corps dans son travail pour étouffer sa peine. Même tant d’année après, il sentait le poids de l’absence de son aimée dans son existence. Cette mort brutale et prématurée avait fait chavirer plus d’un destin. Cela ne voulait pas dire qu’Eliott n’était pas un géniteur. Malheureusement, et à son plus grand regret, la vie ne lui avait pas permis d’être un père.

Il posait un regard apaisant sur cette belle fée sauvage:
« Ceci dit, vous avez raison de dire qu’une retraite ne se refuserait point. Malheureusement, je ne peux laisser la place vacante. Vous vous en doutez. » Eliott se réveillait parfois la nuit à présent. Il avait des crises d’angoisses nocturnes. Il se questionnait quant à l’avenir de ce beau projet quand il ne serait plus là pour entretenir l’esprit initial, contrer les idées trop contradictoires, repousser les ambitieux mal intentionnés. « Mais, il est vrai aussi que nous devons faire confiance aux nouvelles générations.»

Tout en posant la base de sa réflexion intérieure, il poursuivit de façon plus personnelle:
« Dites-moi Llewyn y a-t-il quelque-chose que je puisse faire pour soutenir la vôtre ? » Car le mieux était bien de connaître la réponse par la personne directement concernée. C’était là, l’unique véritable moyen d’être bienveillant selon M. Le Directeur.

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Quelque chose lui disait pourtant que toute la volonté du monde n’aurait jamais pu préserver ses proches - non pas des autres, mais d’eux-mêmes. Llewyn avait dans le sang un entêtement tout irlandais qu’elle partageait avec sa fratrie et craignait laisser à des enfants, comme une tare héréditaire. Il n’y avait qu’à considérer ses frères : il s’étaient jetés à corps perdu dans l’IRA ; et si elle n’avait jamais songé à les empêcher de rejoindre la Cause, elle se doutait bien qu’elle n’en aurait pas eu la force si elle s’y était opposée. On ne pouvait interdire à quelqu’un de s’intéresser à l’univers dans lequel on évoluait soi-même, moins encore lorsqu’il rayonnait d’une réputation aussi crasse qu’intrigante qui poussait à la curiosité. La rousse s’estimait déjà heureuse d’avoir réussi à garder Siobhan à distance, suffisamment pour qu’elle ne soit qu’un dommage collatéral, non une actrice de cette machine infernale.

« « Tierra del Fuego », entama le sage pour répondre à sa réflexion personnelle, est le nom donné à l’île par les premiers explorateurs européens qui se sont aventurés sur ces terres. Ils ont vu des feux en mouvement dans l’obscurité. Les peuples indigènes qui habitaient ces terres, portaient peu de vêtements. Ils utilisaient des feux pour se réchauffer. Des feux qui perçaient de partout dans la nuit noire. »

Un sourire discret glissa sur les lèvres féminines. Llewyn approcha sa tasse de thé pour reprendre une gorgée. Comme ces paysages devaient être beaux pour ceux qui les découvraient. L’Europe, malgré ses richesses, devait paraître bien insipide lorsqu’on voyait pour la première fois un territoire jusqu’alors inexploré. C’était sans doute l’une des premières motivations de ces voyageurs, outre l’aspect financier : l’excitation de la traversée et de la nouveauté, le besoin d’ailleurs, d’autre chose. De mouvement. Elle ne les comprenait que trop bien. Sa mère s’était assurée de lui transmettre cet héritage.

« C’est une idée à laquelle je n’avais pas du tout songé, précisa Eliott. Je vous remercie pour cette ouverture… C’est une excellente piste que je ne vais pas manquer d’explorer.
- Ravie d’avoir pu vous aider. Elle se risqua à plaisanter : j’attendrai votre carte postale ! »

La transporteuse doutait avoir l’opportunité de se rendre dans cette partie du monde un jour. Si elle rêvait de découvrir les pays outre-Atlantique, il fallait énormément de temps et de ressources pour se permettre de descendre à l’extrême sud. Tant qu’à se ruiner pour voyager en Amérique, elle aimait mieux un pays plus chaud bordé de plages de sable fin. Le soleil lui manquait terriblement depuis qu’elle vivait à Londres, le brouillard qui plombait la ville l’empêchant souvent de traverser.

« Madame Eirik est décédée avant de pouvoir nous donner cette joie. »

L’Irlandaise releva les yeux de son gâteau en fronçant les sourcils. Sa franchise naturelle lui faisait souvent mettre les pieds dans le plat ; et si ce fait ne la dérangeait habituellement pas, elle se sentit gênée de son manque de délicatesse.

« Je suis désolée. »

Un poste à responsabilité et une existence de solitude, donc. C'est qu'on ne pouvait espérer mener une vie de famille normale lorsqu’on était à la tête d’un réseau comme celui des Hôtels Particuliers. Le travail devait primer sur tout.

Eirik, s’il ne montra pas le moindre signe de trouble, son regard restant rassérénant, changea pourtant de sujet.

« Ceci dit, vous avez raison de dire qu’une retraite ne se refuserait point. Malheureusement, je ne peux laisser la place vacante. Vous vous en doutez. »

Elle grignota un nouveau morceau de madeleine, étonnée. N’avait-il jamais songé à former un successeur ? À prendre sous son aile une âme dans laquelle il se serait reconnu, plus jeune, et qu’il aurait eu envie de façonner pour s’assurer que les affaires soient correctement reprises ?

« Mais, il est vrai aussi que nous devons faire confiance aux nouvelles générations. Dites-moi Llewyn y a-t-il quelque-chose que je puisse faire pour soutenir la vôtre ? »

La jeune femme haussa un sourcil inquisiteur. Parlait-il de sa génération, ou de sa propre place ? Elle s’était faite depuis longtemps à l’idée d’appartenir à une population sacrifiée. Ses frères, sa sœur, les visages plus jeunes qu’elle croisait dans la rue, … Ils n’étaient qu’une phase de transition entre une époque complexe qui ne laissait pas entrevoir de futur particulièrement resplendissant et une autre, pire encore. En Angleterre, en tous cas, l'avenir ne s’annonçait guère brillant pour les nouvelles générations ; tout au plus, elle se le figurait recouvert d’une épaisse couche de charbon. Elle aurait eu plus de chances de s’en sortir en Irlande du Nord depuis la prise d’indépendance de sa nation.

« J’ai l’impression que ma génération se retrouve au pied du mur parce qu’on ne lui a jamais laissé de choix. Toutes les décisions prises pour elle, pour nous, ont été prises par d’autres, par des hommes et femmes trop âgés qui n’avaient aucun moyen de la comprendre ou de savoir ce qui était bon pour elle. Il faudrait peut-être simplement, pour une fois, faire confiance aux principaux intéressés et les laisser décider pour eux-mêmes. »

Llewyn haussa les épaules. Elle se sentait déjà trop vieille et trop fatiguée pour mener ce combat-là. Ses guerres étaient ailleurs, plus personnelles, plus égoïstes. Peu lui importait sa génération et la survie de l’humanité si elle était la dernière de sa famille ou de ses amis à pouvoir en admirer le déclin.

« Excusez mon manque de tact, mais que se passerait-il s’il vous arrivait quelque chose ? Si votre place se retrouvait vacante par la force des choses ? Pour les hôtels, pour les nouvelles générations, justement ? J’ai grandi dans une ville déchirée entre deux communautés, où les terrains neutres n’existent pas. Je peux vous assurer qu’un endroit comme le Rosewood est nécessaire à Londres pour éviter qu’elle implose. Mais si vous n’êtes plus là et que vous n’avez pas de successeur … »
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Soudain le regard d’Odin s’alluma:
« Une carte postale. » L’homme de lettres enfoui sous l’apparat du Directeur s’éveillait quelque peu. Il fut une -lointaine- époque où il s’était fait ami épistolaire de fabuleuses plumes. Eliott avait eu des échanges passionnés autour de sujets aussi vastes que la Place de L’Homme dans le Monde; la Nature humaine; le concept du bien et du mal. Toutes ces questions qui bousculaient son âme encore jeune et brillante d’idéalisme. Puis, étaient venues les romances, les amours, les lettres d’amours. Il lui plaisait de reprendre cet art avec une jeune femme d'aujourd'hui. « Avec joie. » M. Walsh noterait cela dans un carnet, comme toutes ces autres choses à faire, au jour du départ.

Il acceptait l’excuse de la jeune femme sans autre procès. Sachant qu’aucun malice n’en était à l’origine. Miss Oswell ne faisait qu’éclairer une triste vérité historique. Le Norvégien aurait eu une vie totalement différente s’il ne s’était pas retrouvé tel un loup solitaire. Il s’interdisait d’y penser. Pourquoi donner plus de poids à la peine ? La peine immobilisait le corps et l’esprit. Elle pouvait mener à des erreurs.

Les réactions de Llewyn n’échappaient point à son interlocuteur. Il attendait donc la question naturelle concernant une passation de fonction, pour ne point dire de pouvoir. Cependant, la franchise de la Rousse demeura muette cette fois-ci. Eliott ne su s’il en était étonné ou bien amusé. Il n’avait pas de réponse satisfaisante concernant cette problématique. Jusqu’à présent, la Relève ne s’était pas encore présentée à lui. Il n’avait éprouvé que des échecs en désignant lui-même des Apprentis. Cela n’avait encore jamais fonctionné. Chacun voulait refonder le Réseau, en faire un outil, pour des objectifs individuels. Le principe de “Bien Commun” était loin des préoccupations.

Ils en vinrent donc à aborder un éternel débat. Celui que les Antiques formalisent comme la bataille entre les anciens et les nouveaux. Une génération accusait la précédente. L’Héritage était disputé. Le désir de changement embrassait le cœur de la jeunesse. Quelquefois, même, cette jeunesse en venait à se soulever. M. Eirik avait assisté à plusieurs mouvements de société, à de nombreuses révolutions intérieures. Il n’avait pas l’expertise des auteurs de Sciences Humaines. Mais il avait vu ce qui faisait basculer un peuple.

Il s’interrogeait donc devant cette incarnation de l’Avenir :
« N’est-ce pas le propre d’une génération d’agir en réaction aux actions passées ? » Il y avait la nécessité structurelle d’une société d’avancer. Les rapports de forces faisaient partie intégrante d’une société. Elle en avait besoin pour changer. Eliott le constate d’ailleurs sans haine ou amertume. « Il ne me semble pas que le pouvoir soit une chose qui se donne. On conquiert le pouvoir. Puis on bataille pour le conserver. C’est là le but principal de ceux qui obtiennent ce pouvoir de le garder et ce le plus longtemps possible.» Tandis qu’ils discutaient de cela, il y avait dans le Monde de nombreux pays qui étaient embrassés par cette lutte intérieure. Le “Monde Arabe” était toujours en proie à des révoltes. L’Afrique, oui, mais sur chaque continent la jeunesse aspirait au changement. Le Réseau n’échappait pas à cela. « Ce n’est que quand un soulèvement collectif provient qu’une société bascule. »

Eliott posa un regard intrigué sur la transporteuse. Elle avait habilement détourné le sujet de leur conversation. Ils n’étaient plus en train de parler de son avenir personnel. Cependant, la question qu’elle posait n’était pas sans importance concernant le futur de toutes les Irlandaises et Irlandais. Le Réseau était à Dublin. Comme elle le soulignait, sa présence avait d’or et déjà peu d’influence sur la guerre intestine qui prenait ce pays en otage.

Le Directeur détendit son visage pour sourire.
« Je suis heureux de savoir que vous pensiez cela du Réseau. C’est en effet un désir d’apaisement qui a amené à son émergence. Je suis également d’accord avec vous à propos de l’importance de sa continuité. Spécifiquement à l’époque dans laquelle nous nous trouvons.» Bien entendu, autrement, il aurait pris cette retraite. Il se serait libéré de ces responsabilités. Mais c’était précisément parce qu’il voyait le danger qu’Odin essayait de tenir. « il n’y a aucun doute sur le fait que le Réseau me survivra Llywelyn. » L’Organisation était solide. Elle s’était adaptée à l’ère moderne. Elle se réinventerait encore. « Personne n’est irremplaçable.» L’inquiétude d’Eliott Eirik n’était pas de savoir si l'œuvre de son existence lui survivrait. Mais plutôt si elle continue à faire ce pourquoi il l’avait imaginé et créé. « La question est plus de savoir comment il va évoluer. Si la philosophie qui en est à l’origine est celle qui restera. » C’était ce qui le réveillait de plus en plus souvent en pleine nuit. L’idée que la raison d’être du Réseau soit corrompue. C’était une réalité très difficile à concevoir pour quelqu’un qui avait mis toute son énergie dedans. Mais le Norvégien était dépourvu de vanité ou d’orgueil. « Cela je ne peux l’affirmer. A moins qu’une jeune personne comme vous se dise prêt à reprendre la main.» Le regard gris du vieux loup se teintait alors d’une affection paternelle. « Peut-être, que contrairement à ce que nous espérons, ce monde ne veut plus de garde-fou. » Une théorie effrayante sans être non plus totalement irréelle au regard des faits.

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L’hôtel à l’abandon et son directeur absent, il n’y aurait plus de juge, plus d’arbitre, plus de personnification de la Tempérance pour calmer les esprits qui rêvaient de se déchirer. Retirer ce garde-fou, c’était offrir tout le loisir à certains groupes tirant les ficelles des réseaux illégaux de s’entretuer. S’ils ne faisaient pas tous usage des passes du Rosewood, certains ne tenaient encore debout que par la grâce d’Eirik et de ses équipes. Llewyn n’avait que trop conscience de la nécessité d’une zone où la communication pouvait se faire sans être ponctuée de balles.

« N’est-ce pas le propre d’une génération d’agir en réaction aux actions passées, médita l’homme en réponse à ses vaines tentatives de porter un jugement sur la politique. »

La rousse haussa les épaules, peu convaincue. Sa génération - ou celle qui la suivait - construisait tant bien que mal un avenir sur les ruines du passé, sur les restes d’un pays à la dérive qui s’était condamné lui-même, par orgueil. Le Brexit avait été une aubaine pour l’Irlande du Nord qui avait pu réclamer son indépendance pour s’éviter le naufrage à venir. L’Angleterre, elle, n’avait fait qu’en souffrir. Ce qui aurait dû faire la fierté de toute une nation la condamnait en réalité : on crevait ici, crachait ses poumons sur les pavés crasses, se ruinait la santé à coups de fumées de charbon et d’opium.

« Il ne me semble pas que le pouvoir soit une chose qui se donne. On conquiert le pouvoir. Puis on bataille pour le conserver. C’est là le but principal de ceux qui obtiennent ce pouvoir de le garder et ce le plus longtemps possible. Ce n’est que quand un soulèvement collectif provient qu’une société bascule. »

Un mince sourire passa sur les lippes mouchetées d’éphélides de la jeune femme. Son interlocuteur invitait-il ses pairs à se révolter ? Les Français l’avaient bien fait : en décapitant leur roi, ils s’étaient fait entendre, avaient imposé la démocratie dans leur pays. Fallait-il que les Anglais de moins de quarante ans en fassent de même pour espérer un avenir ?

« Je suis heureux de savoir que vous pensiez cela du Réseau. C’est en effet un désir d’apaisement qui a amené à son émergence. Je suis également d’accord avec vous à propos de l’importance de sa continuité. Spécifiquement à l’époque dans laquelle nous nous trouvons. Il n’y a aucun doute sur le fait que le Réseau me survivra Llywelyn. »

Un soupir amusé souleva les épaules de la rouquine lorsqu’elle entendit ce nom. Elle devait laisser au Sage la capacité pour le moins exceptionnelle dans ces contrées de savoir prononcer correctement le double -l gallois qui donnait tant de fil à retordre au monde entier. Pourtant, si son prénom rappelait celui du roi Llywelyn, il n’en était pas réellement la contraction.

« Personne n’est irremplaçable. »

Elle fronça les sourcils, cette fois, et se réfugia derrière une dernière gorgée de thé. L’Irlandaise reposa sa tasse, la porcelaine cliquetant doucement contre la petite soucoupe.

On ne pouvait remplacer qui que ce soit, quand bien même on le souhaitait. On perdait au change, d’une manière ou d’une autre : les compétences étaient différentes, l’état d’esprit, l’âme de la personne en elle-même, l’appréciation qu’on lui portait ou les sentiments qu’on lui vouait. On pouvait passer à autre chose, tenter de se faire à l’idée qu’il faudrait avancer, mais il était simplement impossible de remplacer quelqu’un. Llewyn était bien placée pour le savoir ; l’absence de Vina, de Cian et surtout de Rhys lui crevaient encore le cœur.

« La question est plus de savoir comment il va évoluer. Si la philosophie qui en est à l’origine est celle qui restera. Cela je ne peux l’affirmer. A moins qu’une jeune personne comme vous se dise prêt à reprendre la main. Peut-être, que contrairement à ce que nous espérons, ce monde ne veut plus de garde-fou. »
- Une personne comme moi ? Elle hocha la tête, incertaine de ce qu’elle devait comprendre dans les propos du Norvégien. Il faut être neutre pour se tenir à votre place, et j’ai déjà choisi mon combat … J’avantagerais l’Armée, si je reprenais vos affaires. Sans trop vouloir m’avancer, je crois que ce n’est pas le but de la manœuvre. »

Un sourire contrit déforma un instant les traits de la rouquine. Il n’y aurait aucun intérêt à laisser le Rosewood à une personne déjà politisée, déjà partisane ; les hôtels particuliers s’effondreraient les uns après les autres, se retrouvant entre des mains qui voudraient certainement servir une cause qui leur semblerait juste. Là résidait peut-être la difficulté : comment trouver quelqu’un qui n’avait pour bannière que celle de la cohabitation et la cohésion ? Llewyn ne s’était jamais considérée comme une figure capable de neutralité. Elle était bien trop engagée dans l’IRA pour se croire capable d’en sortir, pour ne serait-ce qu’imaginer sa vie sans. Bercée par les idées de l’Armée dès son plus jeune âge, elle avait grandi dans le nationalisme, la haine de l’autre, la rage au ventre. Jamais elle ne pourrait faire taire la loyauté qui la rattachait à la Cause.

« Je suis désolée, je fais un mauvais interlocuteur pour disserter politique et philosophie, mais je pense très sincèrement qu’il n’y aurait rien de pire que de retirer les barrières qui nous retiennent. S’il vous faut un successeur, choisissez quelqu’un capable de comprendre votre vision du monde et de la respecter. Quelqu’un qui pourra continuer et améliorer ce que vous avez fait sans rien détruire. »
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06.12.20 22:43
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Eliott Eirik
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Eliott se trouvait en présence d’une véritable guerrière. Ce qu’il avait compris dès l’instant où il était entré dans cette courette de pierres. Cette jeune femme, avec ses cheveux couleurs de feu, était animée d’un feu discrét et sacré. Ce feu, qu’il voyait luire dans le regard de certaines femmes de pouvoir ici à Londres. Telle la bien nommée Noa de Santis, cheffe de proue de la mafia sicilienne. Il y avait également ces grandes dames de la politique britannique. Mrs Richards la procureur était également une forte tête. Il y avait, pour chaque époque, des Hera.

Elliot pouvait répondre à la douce ironie de son interlocutrice par un sourire:
« Je n'ignore rien de votre militantisme en effet.» Armée républicaine irlandaise avait un siècle d’existence. L'Hôtel Particulier qui se trouvait à Dublin était en conversation avec eux depuis des décennies. Cette organisation était trop politisée pour la charte du Réseau c’était un fait.

Une main apaisante se levait pour arrêter les excuses de l’Irlandaise. Oswell n’était en rien responsable de la tournure de cette conversation. Le Directeur, aurait dû de lui-même dévier sur autre chose:
« Non. Je vous en prie. Ne vous excusez pas. C’est moi qui suis impoli à vous parler politique pendant le goûter. » Il gardait un sourire paternel sur son visage parcheminé. Son regard gris quitte alors celui de son interlocutrice pour vérifier où ils en étaient de leur collation. Le thé était semble-t-il bu. L’heure approchait donc de libérer cette âme sauvage pour la rendre à ses intrigues.

L’oiseau s’en était allé lui. Le pépiement n’était plus. La lumière solaire paraissait hésitante à présent. Tout ceci augurait la fin d’un chapitre. Mais non pas la fin du livre, qui lui était bien loin d’être terminé.:
« Je prend bonne note de votre conseil jeune dame. » M. Eirik souriait un peu encore. Il songeait à sa propre fille. Elles avaient approximativement le même âge. Lydia était pourvue de la même énergie indépendantiste. Mais le vieil homme ne pouvait préserver aucune des deux. Pas s’il voulait respecter les femmes qu’elles étaient. « A présent, je vais vous rendre vos obligations. Je vous remercie. J’ai passé un très bon moment en votre compagnie Llewyn Oswell. » Bien sûr les paroles étaient suivies d’actions. Tel qu’il en était depuis toujours avec cet homme de raison. Eliott se relevait, lentement, cachant grimaces et fatigue.

Il avançait vers la jeune femme d’un pas tranquille de loup fatigué. Ses grandes mains protectrices venaient prendre les siennes pour délicatement les presser entre les siennes. Un geste d’amitié et même de pudique affection:
«Je le redis, si un jour vous aviez besoin de mon aide, venez me voir. » Hector Walsh apparaissait, comme par magie à l’angle du cloître. Il était tout aussi guerrier, tout aussi indépendant et roux, que celle qu’il venait chercher. Quant à Eliott, il souriait, tel le protecteur disposé à laisser son enfant favorie s'envoler.

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Llewyn n’était pas assez passionnée - ou peut-être, sans doute, n’était-elle simplement pas assez éduquée - pour débattre des heures durant de politique. Si elle savait asseoir ses opinions sur les dernières frasques du gouvernement qui faisaient crisser des dents la communauté irlandaise, elle peinait à expliciter sa manière de penser à une personne qui ne partageait pas nécessairement ses opinions. Au mieux, la rouquine passait pour une extrémiste avide de sang et d’explosions, au pire, on la prenait pour une idiote fermée d’esprit qui ne savait pas regarder plus loin que le bout de son nez et se contentait de répéter les phrases pré-faites entendues dans la bouche d’un autre ou lues à la va-vite entre deux stories instagram. On la jugeait facilement, avec son langage fleuri et son métier qui ne s’accordait pas, dans l’esprit des gens, avec une réflexion poussée. Et elle ne pouvait pas démentir tant l’évidence était criante : l’Irlandaise avait arrêté l’école trop tôt et ne s’y était pas suffisamment intéressée quand elle le pouvait encore. En d’autres circonstances, avec une histoire différente, elle aurait peut-être réussi à faire de longues études elle aussi. Que voulait-elle faire, toute petite, avant que Vina ne prenne le large en lui laissant la gestion d’une famille bancale ? Elle ne parvenait pas à s’en souvenir.

« Non. Je vous en prie. Ne vous excusez pas. C’est moi qui suis impoli à vous parler politique pendant le goûter. »

La douceur et la simplicité qui frémissait dans la voix de son interlocuteur lui tira un sourire rassuré. Cet échange avait une saveur étrange, presque hors du temps. Combien de fois les simples pions dans son genre se retrouvaient-ils en tête à tête avec un homme de l’envergure d’Eirik ? Pour échanger autour d’une tasse de thé, et non subir des foudres et remontrances ?

« Je prends note de votre conseil jeune dame. »

Elle se doutait bien, au fond, qu’Eliott se montrait poli et courtois plus que réellement intéressé par sa recommandation. Il était presque impossible qu’à sa place, avec un tel empire de neutralité à conserver, il n’ait pas déjà exploré toutes les possibilités dans sa quête d’un successeur.

« A présent, je vais vous rendre vos obligations. Je vous remercie. J’ai passé un très bon moment en votre compagnie Llewyn Oswell. »

Le Norvégien se leva avec une lenteur parfaitement maîtrisée, de celles qu’on contrôlait pour ne pas donner l’impression à son hôte qu’on le renvoyait à grands coups de pieds dans le derrière. Llewyn recula son siège et se leva à son tour. Elle épousseta ses vêtements, replaça correctement sa chaise pour ne pas passer pour une rustre, et pivota vers l’homme qui approchait. Il lui saisit les mains et les pressa entre les siennes dans un geste paternel qui ouvrit un gouffre dans sa cage thoracique. Elle fut bien incapable de se rappeler la dernière fois que son propre père avait eu une telle marque d’affection envers elle.

« Je le redis, si un jour vous aviez besoin de mon aide, venez me voir.
- Je n’hésiterai pas, conclut-elle en opinant du chef. Merci pour votre accueil et votre confiance. »

Elle ne s’éternisa pas davantage et emboîta le pas de l’armoire à glace qui l’avait menée jusqu’au maître des lieux pour le suivre dans le dédale interminable de l’hôtel. Llewyn retrouva la cour, sa liberté, et une cigarette qu’elle planta immédiatement entre ses lèvres en ressassant la scène qui venait de se jouer. Elle ne disait pas non à une prime, moins encore aux bonnes grâces d’un homme aussi influent qu’Eirik. S’il était sincère - et il semblait l’être -, son contact pourrait grandement lui servir.
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06.01.21 0:30
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