La circulation est encore plus désastreuse qu’avant que l’avocate s’envole pour la Californie. Le bouchon commence avant l’intersection pour Westminster Ils n’ont pas avancé de cent mètres en quinze minutes. Quand est-ce que la municipalité va prendre ce cauchemar en main ? 2026 année d’élection en Angleterre. Le déluge des promesses électorales va commencer avant février. Il y en a toujours un qui aborde la question de l’aménagement du territoire. “La chaussée pour tous” Combien de fois le bobard a été lancé.

L’exaspération se ressent dans l’avenue. Les visages des conducteurs sont tirés. Jessica, elle, prend son mal en patience. Assise à l'arrière d’un confortable espace, elle profite du temps pour entamer la lecture des courriels. Son index fait changer l’interface au fur et à mesure de la lecture. Claquement de langue et sifflements ponctuent la lecture. Jess est un être pragmatique. Les circonvolutions littéraires ont tendance à la fatiguer plus qu’à la flatter. Le fleg anglais ne lui a pas du tout manqué.

Coup d'œil à la montre. Douze minutes de retard sur ce qu’elle a prévu. Elle prévient l’assistante de repousser son déjeuner d’une demie heure. Il faut avant tout que l’affaire “ Robert Lam” soit réglée une bonne fois pour toute. Le dossier traîne depuis trois mois et forcément le paternel du garçon perd patience. Cela n’arrive jamais en temps normal. Keenan est une ultra réactive. Mauvais concours de circonstances pour le jeune rebelle accusé de malversations. L’affaire est arrivée un peu avant les congés d’été de l’avocate. Dans l'intervalle la Rousse a été enlevée par un malade mental...

Mais ce n’est pas tout. L’experte en charge de l’analyse des preuves se trouvent être également l’une des captives de l’été. Jessica a appris, après harcèlement de la secrétaire du yard, que l’arrêt de Gomez a pris fin depuis une semaine. Puisque Jessica en a assez de tomber sur des répondeurs et des voix automatiques, elle vient directement à la source. Là où se trouveront toutes les données. Sans cela, elle ne peut pas choisir le meilleur angle pour monter la défense du cas. Le bâtiment de Scotland Yard, enfin.

Première visite de l’année 2026, cependant Keenan vient assez régulièrement dans ces locaux. Une bonne partie de sa clientèle finit ici avant d’être prise sous son aile. C’est le cas du fils de riche dont elle a la défense. Un anglais bien propre sur lui qui a eu la bonne idée de vouloir “brûler” les preuves de ses méfaits dans son appartement chic. Une fois munie d’un badge, Jess n’attend pas de signal. Elle n’en attend jamais.

La paire de talons claquent telle une musique martiale. Son parfum de luxe suit ses pas. Sa chevelure de feu et ses hanches séductrices ne changent pas. Elle monte dans un ascenseur pour se rendre au niveau des laboratoires. Elle se repère grâce au plan dans le couloir et retrouve finalement le bureau de la Portoricaine. Le poing frappe trois coups sur la porte entrouverte.

_ « Hello Rosie.» Les yeux ambrés et malicieux de jess parcourent la jeune femme. Gomez a l’air en forme. Point de raison de mettre trop de miel. « Tu as l’air en forme. Tant mieux. Bonne année.» Les phrases et remarques conventionnelles sont faites. Jessica est déjà en train de tirer la chaise pour y décharger son sac à main grand format. « Écoutes. Il me faut les analyses de Lam. Il me les aurait fallu il y a des semaines déjà. Je suis sûre que tu peux faire quelque-chose. Pro comme tu es. Tu veux bien ? Merci. » Poursuit-t-elle tout en prenant ses aises.

Le sarcasme est à l’honneur! Une réaction directe qui peut avoir un côté charmant. Jess est la première à en faire l’usage.Bien que là ça annonce pas des complications supplémentaires dans l’avancement du dossier. Dommage que la tactique de séduction ne fonctionne pas du tout sur la technicienne. Keenan n’a pas envie d’être frontale avec une camarade de survie. Mais ainsi soit-il! Elle rend donc un sourire aiguisé.

_ « Je t’entend ! Ça fait un moment que je prône la simplification des procédures.» Lui rétorque-t-elle sans abandonner un sourire, qui se fait ironique. Bien sûr la mise en bouche est un peu au débotté. Mais, elles ne sont pas femmes à arrondir les angles. _ « Beaucoup trop de temps perdu.» Certes le document est un outil irremplaçable dans le fonctionnement de la Justice. Néanmoins, il y a trop, que remarquent bien des professionnels du milieu. Qu’ils soient ou non du même avis que la rouquine.

Elle hôte le long manteau d’un mouvement d’épaule leste. Elle est de ces créatures séductrices dont chaque mouvement est fait pour charmer, captiver. Ce qui a été un apprentissage est devenu un état de fait. Jessica est séductrice ce que cette téméraire complice n’a sans doute pas eu l’occasion de voir dans les circonstances de leur rencontre. Enfin les choses sont rentrées dans l’ordre. Jessica s’assoit donc sur une des chaises. Une cuisses l’une au-dessus de l’autre, les jambes galbées mise en valeur par la posture.

_ « Je suis en pleine formes!» Confirme-t-elle en lui offrant un sourire complice et taquin. Il est vrai que Jess resplendit. La Californie lui a fait un bien fou. Si bien qu’elle est d’attaque comme jamais pour gagner. « Bien ! » Ce qui est vrai même si c’est exagéré. Mais pourquoi s’attarder sur les détails ? Keenan n’est pas le genre de personne qui montre une faiblesse. Elle la cache et l'embellie pour en faire sa force. Il n’y a qu’à voir ce qu’elle a fait de son enfance; de son adolescence, de tout ce que le monde doré à de pervers et de malfaisant. « Et toi ? »

_ « C’est parfait. » Dit l’avocate en regardant par-dessus son épaule pour observer Gomez se déplacer. Elle ne se soucie plus du côté technique. C’est elle l’invitée. Le seul bon côté est de venir jusque dans ce trou paumé pour avancer. Elle pince les lèvres en entendant la petite réplique. C’est bien ce qu’elle a entraperçu à travers les échanges de documents sur le net. Rosario est de la tranche des chevaliers blancs. La langue claque au palais. Jessica contient sa petite exaspération naissante. Elle a très bien entendu. Ceci dit, de bonne humeur générale, et se considérant comme bienveillante, elle ne lâche pas encore le principe d’une conciliation entre filles. « Techniquement ce n’est pas illégal. Il suffit que je ne les touche pas. » Sachant que la négociation peut s’avérer rude, Jess contrebalance avec un rappel à leur passé commun. « Puisqu’on se voit, on peut se fixer une date pour ce fameux lèche-vitrine. » Elle attrape son sac à main, sort le smartphone et active le calendrier pour vérifier ses disponibilités. « Un samedi ? Mmm dans deux semaines. 11h00. Je connais un bon endroit où t’enmener déjeuner. » Ce qui est peut dire du carnet de Miss Keenan.

La campagne électorale est un sujet qui ne touche pas du tout Keenan. Américaine, elle ne votera pas. Elle n’a absolument aucune confiance envers les personnalités politiques. De fait, elle a réussi à en corrompre plusieurs depuis son arrivée sur l’île. Ils sont manipulables à souhait. Il n’y a rien à attendre d’eux.

_ « Hum. Non. Sauf si tu trouves un moyen de pression. » Ces batailles sont les mêmes partout. Le dialogue est une utopie dans ce monde. Seul le rapport de force fait obtenir des victoires. Même si ça froisse les esprits des grands penseurs, c'est la réalité crue. « Ralentit toutes les démarches pendant deux semaines. Paralyse le circuit. Je peux t’assurer qu’ils écouteront. » Une technique anarchiste qui a fait ses preuves dans d’autres administrations. Certes l’information est donnée. En revanche l’avocate ne cache pas qu’elle n’a aucune intention d’aider.

L’essentiel ici est d’obtenir assez de confiance chez Rodrigez. Tout ceci pour obtenir le dossier. Le dossier et pouvoir le clore dans les temps. Jess regarde le sourire de façade de l'analyste. Cela fait partie de son travail de débusquer la tromperie et le mensonge. En plus étant donné ses angoisses, elle doute que Rosario soit plus avancée. _ « T’es fortiche. » Comment-t-elle avec un soupçon de provocation.

La boisson chaude est la bienvenue. Jess est addicte de nature et la caféine et sur la liste. Elle peut penser, une seconde, que le café instaure un climat complice. Mais force est de constater que Rosie ne manque pas à sa réputation. Bien. La Tigresse accepte cette riposte technique parfaite. Elle prend le temps de boire une gorgée. Ce qui lui permet de refaire le fil de son savoir administratif. Chaque procédure à une faille. _ « Je connais oui. » Souffle-elle mis amusée mis contrariée. « Il est en cours de transmission évidément.» La belle décroise et recroise ses cuisses, dans une théâtralisation parfaite. « Mais tu as entendu parler de la Circulaire de septembre 2024. “Quand une avarie technique est avérée, si un impératif exceptionnel est avéré, sur accord des parties, le document peut en tout ou partie, être transmis”. » Oui, Keenan peut réciter de tête, forcément. Elle a des favoris vers les ressources numériques pour couper la chique aussi. Un sourire fourbe valide sa contre-attaque.


_ « On commence par la lingerie, on fait les robes et on termine par les accessoires. La totale. J’ai un carnet d’adresses. Je peux nous avoir dans des salons privés. Je vais réserver. Ce sera mieux. » L’informe-t-elle maintenant que la date est avérée. D’ailleurs, la rouquine attrape son téléphone pour se le glisser dans l’agenda directement. « On se fait la journée. Je t’invite à déjeuner. » Ce qui n’est pas par bonté d’âme du tout. Jess laisse les gens gérer leur bourse. Elle sait exactement ce qu’elle a envie de faire. Avoir le contrôle est donc beaucoup plus simple.

_ « Faire reposer tes espoirs sur un vote. Ca c’est de la croyance! » D’un côté ou de l’autre de l’Atlantique c’est le même résultat. Personne ne croit en la politique. Personne ne fait confiance aux politiciens. Parce que la réalité crue c’est qu’il n’y a pas de politique. Ce n’est qu’une oligarchie. Avec quelques individus qui se trouvent très bien où ils se trouvent. A la tête. Ils n’ont pas envie de partir. Donc ils se sont arrangés pour tout garder. C’est aussi simple que ça. « Si tu en as marre, change. Je t'assure que privé te proposera des trucs plus excitants qu’ici.» Ce triste bureau est le reflet des services en général. Le public plus personne n’en veut. On veut des esclaves.

La rouquine garde un petit sourire amusé sur les lèvres. La diatribe de Gomez sonne bien. Ça peut même faire une réplique pour une série TV qui passerait en boucle sur le câble. Le décor serait le même qu’ici. Là, les filles se souviennent que même si elles ne sont pas dans les mêmes camps, elles se ressemblent. A ceci près, que Keenan s’est sauvée tout de celle. Cette fois-ci, comme la fois d’avant. La fois encore d’avant.

_ « Faudrait nous le couper. Pour qu’on les baisse. Ça c'est clair. Ça les fait chier d’ailleurs. » “Les” c’est plein de monde en même temps, que ce soit dans Yard ou au palais. Les fortes têtes, personne n’aime ça.

Jessica se retient ou bien de rire, ou encore de claquer la langue contre son palais. Elle ne sait pas encore trop. Mais ce qu’elle sait c’est que la résistance de Rosario excite son cerveau. Tout comme cela l’intrigue. Elle change légèrement de perspective. Si ce n’est pas qu’une adversaire professionnelle. Mais un bon moment en perspective… Un moment qui leur rappelle le plaisir d’être vivantes. Intéressant.

_ « Tu sais bien que les Tech détestent reconnaître qu’ils sont bloqués devant la machine. » Il y a bien des informaticiens ici aussi. Des petits boutonneux, au teint pâle, qui vivent trop mal les beug informatiques. Qui préfèrent se taire plutôt que de reconnaître que le binaire les a eu. « Ne fais pas obstruction à la Justice… Rosie. » Lui souffle "gentiment" l’avocate.

_ « Entendu parler. Jamais testé encore. Hum. Si tu dis que c’est bon… Je vais te croire. On pourra aller y faire un tour. » Le cuir c’est une matière qu’elle apprécie. Elle donne la place à tout un tas d’idées et de fantasmes. Keenan aime bien l’idée de découvrir cette femme dans un autre environnement que celui-ci et où elle pourra de nouveau la voir en sous-vétement, par dessus le marché! Si ce n’est pas amusant.

_ « Ah. Mais oui. Le libre arbitre sert à ça. Je dis ça pour t’économiser du temps. C’est tout. Fais ce que tu veux. » S’amuse l’Américaine avec une bonne dose d’ironie. L’humanité lui a bien montré à quel point elle est pitoyable. Elle déçoit. Le plus simple est donc de ne pas s’investir soi-même. C’est une simple question de survie. Jessica connaît des personnes forgée par leur amour de l’humanité. Elle voit quand Ludovic subit une déception devant les travers de ses frères et soeurs humains. La façon dont cela l’attaque et le peine. C’est presque triste. Autant, ne rien attendre de spécifique des individus.

_ « Grand temps! … Tu peux aller loin. » Encore faut-il être capable de faire un examen neutre de sa situation. Il faut lâcher les rêves d'enfance. Il faut juste accepter le fait qu’on peut faire mieux ailleurs. Gomez est une femme avec un bon tempérament de battante. Elle n’est pas faite pour le ronron du public. Il lui faut des défis à la hauteur de son potentiel.

Keenan est issue d’un milieu où il ne manque rien. Enfant, elle a eu accès au meilleur. Elle n’a jamais entendu “non” de la part de ses parents. Ou de la part de ses nourssisses. Ou bien encore de ses am.es. Personne ne lui a jamais rien refusé. En tous cas jusqu’à ce qu’elle entre dans les études supérieures. Donc, c’est un fait, pour elle le “non” est loin de la freiné. Ce n’est qu’un stop temporaire. Tout le jeu est de trouver comment contourner ce menu refus.

_ « Quand j’obtiens leur “oui” tu me mail le document. » Tout de suite, elle attrape son porte-feuille et remet une de ses cartes de visite sous le nez de la laborantine. Il y a un mail professionnel sur lequel l’avocate réceptionne les documents à portée délicate. L'interface est encodée, sécurisée, pour ne pas être hackée. « Cette adresse. » Rosario va coopérer avec elle que ce soit tout de suite ou un peu plus tard. Jessica ne renonce jamais. D’autant que si la portoricaine quitte le publique elles vont pouvoir collaborer sur des dossiers. Cela donne des perspectives intéressantes. Avec leurs esprits obtinés sur des cas le parquet n’aurait qu’à bien se tenir.

La rousse sourit en coin en amenant la tasse à sa bouche. Elle écoute avec attention. La lueur malicieuse de son interlocutrice ne lui échappe pas. Elle voit bien que Rosie peut être une copine. Si elle ne l’avait vue courir vers un mec pendant la fin de la chasse à l’homme, elle aurait ouvert sur une fin de journée luxurieuse. Mais se récolter un rire et un “non” franc contient son idée dans un coin de sa tête. « Super. Tu pourras me donner tes conseils. » C’est sûre avec son œil d’experte elle verra ce qu’il faut pour que l’avocate soit encore plus attirante. Cela peut être utile. Jess a encore quelques gros poissons à férer dans son planning. Ceux ne sont pas les plus faciles à attraper.

Bien donc les deux tigresses ont un plan à venir. Il vaut mieux rester sur ça pour ne pas faire monter le ton tout de suite. Jessica sait qu’elle peut entourlouper les collégues de la jeune femme en moins d’une demie-heure. Or, cela reste vrai, elle est pressée par le temps. La rouquine sourit avec malice elle aussi. _« Bien. Je vais aller croquer tes petits camarades. » Bien entendu qu’elle va repartir avec ce qu’il lui faut. Elle attrape ses affaires en se relevant. Ses longues jambes devraient être mise en valeur pour la prochaine attaque. Jessica va donc aller faire un petit tour aux WC avant de remonter à l’étage des techs. « Beauté ! A plus tard ! Take care! » Lui lance-t-elle avec son petit accent d'ailleurs. Ce détour n'a pas été inutile. Yard est encore plus mal en point que ce que Jess aurait pensé. Voilà qui est bon pour ses affaires!