Le vote aurait lieu dans moins de deux semaines. Les Travaillistes gagnent des points chaque jour. Si bien que l’écart des débuts se réduisait à présent à peau de chagrin. Ils se retrouvaient au coude à coude avec ces mal élevés. Un scénario aussi inédit que révoltant aux yeux des Lords. Ils comptaient, au contraire, sur cette campagne pour redorer le blason. Voilà qu'ils étaient bien forcés d’aller accentuer le travail dans les districts les moins favorable envers l’aristocratie et la noblesse du Royaume. Un exercice aussi ingrat qu’il était avilissant.

De fait Edward était ainsi plus irascible qu’à l’ordinaire. Il était épuisé par la cadence des réunions. Il était tendu par les pressions que le Parti mettait sur ses épaules. Ils avaient été clairs. Si les Conservateurs étaient battus les cartes devaient être rejouées. Rien ne pourrait assurer l’entrée du Baron Noir à la Chambre des Lords. Il serait obligé d’attendre le mandat suivant pour avancer. A son âge, cinq ans de plus pouvait retarder son avancement de façon dramatique.

Tels étaient les constats alors que l’Anglais se saisissait du verre de brandy qu’on lui servait. Il s’enfonçait ensuite dans le confortable fauteuil en cuir. Au-delà de la raideur de sa nuque, son corps sec était agile comme celui du prédateur calme et attentif. Il avait choisi cette place pour la vue panoramique qu’elle lui offrait sur la salle principale du club. De cette estrade, il pouvait observer ses pairs sans gêne. Il écoutait le bruit de fond des conversations, étudiant tout à chacun avec qui il discutait. Rien n’était anodin.

Ce fut insidieusement que son regard se faisait attiré par une distraction tout à fait inappropriée. Une silhouette fine et gracile, au fessier joliment dessiné. Une vue qui amenait en lui des envies dangereuses, des idées prohibées, des pensées honteuses. Naturellement son esprit le ramena aux moments qu’il s’étaient octroyés en compagnie de jeunes gens. Il pouvait sentir la pointe de frustration tirailler son être jusque dans la chair. Une frustration que le comportement de Violet avait d’ailleurs le don d'alimenter depuis quelque temps.

Edward se redressa dans le fond du siège, pour juguler l’énergie sombre qui voulait entrer en lui. Il resserra sa main sur le verre d’alcool dont il liquida les deux tiers. La chaleur sur son palais lui provoqua un peu de plaisir gustatif. Mais tout à fait insuffisant pour contrecarrer le désir latent dans le creux de ses reins. Agacé par sa propre faiblesse, il interpella le premier serveur qui passa à portée de l’estrade.

«Vous.» Le Baron vit le jeune homme s’arrêter et lui ordonna. «Un cigare. Et le Times. » Ce fut en donnant cette seconde indication, que le grand blond saisit à qui il s’adressait. Un mélange de surprise, de reproche et de désir muet, qui durcit ses traits. Comment était-ce possible de rester concentrer avec de tels démons sur sa route s’insurgea-t-il contre le tout Puissant ?

Les yeux d’acier d’Edward observèrent le petit manège entre les deux serveurs. Il voit surtout que l’un commande à l’autre. Voilà qui est intéressant. Il pu ainsi apprendre le prénom du petit charmant. Il le regarda tourner les talons, la gorge serré par ce dangereux désir. Il prit sèchement le journal des mains de Cooper. Il haussa un sourcil en entendant sa petite remarque bien placée. Par pur instinct de préservation de Baron posa le journal sur son entre-jambe. «Mh. » La mâchoire serrée, il lança un regard suspicieux sur la salle. Personne ne faisait spécialement attention à eux. « Retrouve-moi dans dix minutes.» Tim ne ferait pas d’histoires. Ils avaient un accord tous les deux.

Il attrapa le cigare, le journal sous son aisne, il bondit hors du fauteuil molletonné. Son regard évite soigneusement la danse des serveurs en uniforme, dans leur pantalon noir ajusté. Le baron s’imposa à ne pas marcher de façon trop vive. Il ne devait pas avoir l’air de battre en retraite. Il salua les personnes présentes sur son passage. Il poussait la porte battante pour entrer dans un couloir. Lui-même donnait sur des petites salles, plus intimes.

Ces pièces étaient aménagées pour le confort et la confidentialité totale des échanges. Edward pouvait donc si réfugier. Il passa la porte. Une fois à l'intérieur, il lança le journal sur la table basse en bois d'ébène. Il retira sa veste pour le replier et la pose sur le bas du sofa. Les épaules tendues, il fit jouer ses épaules, sa nuque, pour tenter de libérer ses muscles. Un grondement remonta de sa gorge alors qu’il sentit son phallus s’imposer dans ses chausses. « Bon sang !» Sifflait-il entre ses lèvres pincées de mécontentement.

Répondre à cette injonction charnelle était une très mauvaise idée. Le grand blond se mit donc à faire les quatre cent pas. Il était un lion en cage qu s’exerçait à faire le tour de ses barreaux invisibles avec concentration. Il convoqua dans son esprit des images déplaisante pour se faire débander. Quand la poignée de la porte bascula il était presque lui-même. « Te voilà. Bien. Dis-moi les nouvelles.» Il n’était pas question des nouvelles des journaux, ni même des fumoirs comme celui-ci, mais des nouvelles qui circulaient dans les lieux infréquentables pour la bonne société londonienne.

Edward ménage un air nonchalant alors que ses yeux d’acier suivent l’air de rien le petit déshabiller du serveur. A la simple vue de cette pomme d’Adam une myriade de pensées érotiques le traverse. Telle une dague chauffée à blanc qui se moque de tout abîmer sur son passage. C’est bien le signe qu’il a trop tiré sur la corde. Il n’y a que quand il est fatigué que sa vigilance est si mal en point…

Il resta debout devant le jeune homme. Cela lui donne un minimum de contrôle sur ses propres sens. Il évite donc de détailler la morphologie du joli minet. Il va attraper le cigare ce qui l’occupera très bien pendant leur petite discussion. «Rien à craindre...» Si ce n’est que le jeu ambigue de sa femme devant les médias le fasse passer pour foutu démocrate! «Ces soirées de dépravés. » Il s’est renseigné. Cela avait l’air totalement déplacé. Le Baron n’était pas certain d’aimer l’affichage collectif de la déviance sexuelle. Il n’y avait pas mis les pieds.

«Oui. Le Duc de Campbell. Dis-moi s’il couche avec ma femme.» Tyrgan lui avait promis son siège à la Chambre. Il se montrait cordial. Ceci dit, lui et Violet se connaissaient depuis longtemps. Edward savait qu’elle n’était pas satisfaite de leur vie commune. Il connaissait la tendance des femmes à aller voir ailleurs. Elles étaient si propres à trahir leurs promesses même celles à Dieu. «Trouves moi ses faiblesses.» Il n’avait aucune confiance en ces deux-là. Mieux valait savoir comment faire couler ce sale petit Ecossais. De toutes les façons, ce peuple était appelé à se rappeler sa place. Ce n’était qu’une question de temps. Dés qu’il aurait la main il accélérait leur exclusion des organes internes.

La proposition du minet figea le Baron. Son regard tomba finalement sur les belles mains du jeune homme. Soit. Un massage ne pouvait le mettre en défaut. Le blond vient donc s’asseoir dans le confort du fauteuil. Il prend le temps de poser le cigare dans le cendrier à disposition. Le parfum du tabac aidait à se décontracter… un peu. Il cala son dos contre le dossier. Il pris «... » Il savait que Cooper avait raison. Mais le reconnaître à voix haute faisait trop de mal à son égo. Il ne voulait pas. «Masse bien.» Les épaules et le dos du noble étaient un bloc de nerfs. Il devait régulièrement se faire malmener par un soigneur pour décoincer ses trapèzes. Il avait bien essayé d’apprendre à Violet de le détendre. Mais cette femme n’avait aucun talent… Edward frappa le sol à la cadence de ses pensées surtout pour contrôler son corps et sa tête. «Plus fort..»

Faut-il compter sur une véritable enquête approfondie, d’un jeune minet à double veston ? Voila toute la question que se posa le Baron Noir en le regardant prendre toutes ses aises vestimentaires. Si c’est une tentative pour le charmer cela fonctionne quelque peu. Uniquement parce qu’Edward a envie d’un moment comme celui-ci depuis des jours, que dire, des semaines. Parfois, il songe tout de même à prendre un membre de son personnel sous sa coupe. Mais ce serait bien trop compliqué à gérer en interne. «Fais donc cela oui.» Concernant l’Ecossais, il y a d’autre façon d’avoir des informations. Comme cette détective dont de deux de ses camarades de politique lui ont donné le nom. Il doit se renseigner sur cette Kapoor.

Edward valide la demande d’une main désinvolte. Il retient un frisson dans ses épaules. De toute façon il a beaucoup trop chaud. Il se sent mieux respirer. Naturellement, il se met à pencher la nuque pour donner plus de prise au masseur. Il apprécie la fermeté. Sous les yeux mis clos, il n’a qu’un pas à faire pour imaginer cette fermeté sur une autre partie de son corps. «Mh. » Il veut seulement que ce plaisir-là puisse durer un maximum de temps. C’est tout ce qu’il s'octroie en plusieurs semaines de surtension. «C’est bien. » Edward se love contre le dossier quand on lui lâche la nuque. Il a un frisson léger alors que le jeune homme revient sur le devant. Le simple fait d’avoir une caresse ainsi nourri son appétit est bien vrai. Doucement, Edward déboutonne lui-même sa chemise pour l’ouvrir. Il a un torse clair, ferme, car il fait de l’escrime, de la nage et de l’équitation plusieurs fois dans le mois. Peut être moins avec la campagne et cela lui manque. « C’est vrai que tu n’as pas intérêt à me contrarier.» Edward peut devenir très mauvais quand on s’en prend à lui.

Il cale un peu mieux sa nuque sur le rebord du fauteuil. Il inspire profondément. Puis le souffle s’évapore lentement de sa bouche un peu pincée. Naturellement, ses yeux se ferment pour mieux apprécier le moment. L’air de rien cela lui fait déjà du bien. Il n’a qu’à imaginer la suite pour nourrir son fantasme interdit. Il visualise très bien le serveur de tout à l’heure. Le petit sourire sur ces lèvres rondes. Le sang descend dans son bas-ventre. Le désir inexploité revient le tarauder. Edward se met à gronder de mécontentement. Pourquoi faut-il qu’il soit désaxé à ce point. «Masse mon ventre maintenant. » Il y a un mot pour tout. Le baron sait très bien ce qu’il dit. Jamais il n'emploie les mots interdits. D’ailleurs, il n’est pas vraiment un pédéraste. Il trouve seulement que les femmes, surtout les nobles, ne savent pas très bien comment fonctionne le corps d’un homme. C’est un gros manque dans leur éducation. Il faudra qu’il veille à ce que ses filles sachent comment rendre leur maris heureux. Cela évitera qu’ils soient aussi mal loti que lui!

Le minet a raison sur toute la base. Oui le Baron a sérieusement besoin de repos. Il faut qu’il y pense. Mais comment se reposer correctement alors qu’il y a tant de choses à faire, de commandes à remplir. Il n’y a pas que cette campagne politique sur le feu. L’entreprise a aussi besoin de sa prise en main. Dès qu’il n’est pas là pour veiller à ce que tout se passe bien, il y a des soucis et des gros soucis. «Tu n’as pas tort.» Il va organiser un séjour sur une des îles. Là où personne ne viendra l’ennuyer dans ses petites affaires. Violet ira chez ses parents. Il pourra enfin se détendre.