peaceful

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

◊ ◊ ◊

       Maxyne remontait le trottoir avec hâte laissant s'échapper un soupire.
La journée avait été affreusement longue et celle-ci ne sonnait pas encore la fin. Dans un élan de bonté, la brune s'était proposée pour donner un coup de main à une consœur, mais elle ne s'était pas attendue à ce que son planning finisse par se chevaucher sur ses propres obligations. Courir dans toute la ville pour rester à l'heure ne fut aucunement un moment de plaisir. Et son corps donnait l'impression de n'être plus qu'une guimauve qui n'aspirait qu'à s'effondrer dans un lit. Elle en avait souffert, s'était même autorisé une maigre sieste de quelques minutes dans la voiture, avant de continuer son enchainement mouvementé. D'un autre côté, elle appréciait plus les journées plus corsées où le temps défilait à vive allure, lui évitant de regarder sans cesse les aiguilles de sa montre. Au fond, Maxyne n'était guère pressée de retrouver la tranquillité d'une maison bien vide.
Déjà six jours qu'Éden profitait de ses vacances. Six jours que sa mère ne faisait que passer dans son habitacle pour une simple douche et s'affaler quelques petites heures. Quand la petite n'était guère présente, le silence de cette demeure avait un aspect presque pesant. Le silence quand elle se réveillait, le silence quand les couverts tintaient contre les assiettes, quand le lave-vaisselle se mettait en marche, quand les escaliers craquaient, les portes grinçaient, quand les fenêtres commençaient à jouer de leurs gonds sous le vent croissant. Tous ces petits détails qui devenaient soudainement facile à entendre qui n'était pas pour lui plaire. Elle aimait savoir que sa fille bénéficiait de belles vacances, qu'elle se forgeait de beaux souvenir et d'histoire à raconter à son retour, mais elle détestait ce petit sentiment de solitude qui s'incrustait. Comme si cette dernière lui filait entre les doigts, grandissant bien trop vite.

      L'infirmière dévala l'allée rapidement pour atteindre la porte d'entrée. Elle prit une seconde pour s'attacher les cheveux, vérifiant que rien n'avait été oubliée. Il y avait une certaine habitude à respecter chez son patient et elle appréciait ne pas apporter de modification. Plus encore pour ne pas perturber son handicap déjà bien pesant.
Quand elle fut certaine que tout était en ordre, elle poussa la porte encore ouverte. Comme à chaque fois qu'elle passait le voir, celle-ci n'était jamais verrouillé.

« Bonjour Monsieur Tyler. »

Sa voix résonna légèrement à l'intérieur, suivi du bruit de la porte se refermant. Elle avait une douce intonation par lequel on pouvait sentir que son visage s'illuminait d'un petit sourire. À l'heure comme à l'accoutumée. Bien qu'elle fît en sorte de ne jamais dépasser les cinq minutes de retards avec tous ses patients, elle prenait davantage de précautions avec celui-ci.

Elle contourna le canapé, déposa son sac de travail sur le côté et se plaça à la droite du jeune homme. Maxyne avait pris l'habitude d'exécuter le même rituel depuis ses quelques mois ou Léandre Tyler, jeune juge, était devenu son patient. Elle admirait cet homme qui ne se laissait guère abattre par son handicap et qui affrontait le monde farouche dans lequel ils vivaient tous avec autant d'aplomb qu'un être lambda en pleine possession de tous ses sens. Elle trouvait même qu'il paraissait plus sage que la plupart des juges habituels.

« Vous avez passé une bonne journée ? Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? »

(c) oxymort

peaceful

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

◊ ◊ ◊

       À chaque fois qu'elle passait la porte, elle ne pouvait s'empêcher de se demander comment est-ce qu'il faisait pour survivre. Comment est-ce qu'il ne devenait parfait. À sa place, elle aurait peut-être abandonné depuis longtemps, ou dans le cas contraire il aurait été peu probable de l'avoir avec autant d'aplomb. Ou du moins en donner l'impression.

« Eh bien, à mes journées sont mouvementées en ce moment. Mais ça va. Je me dis que j'ai fait face à plus compliqué. »

L'infirmière soupira légèrement, cette histoire de smog était déjà bien compliquée en soi, ajoutant à cela ses problèmes habituels qu'avaient tous ses patients, il y avait de quoi devenir rapidement dingue. Et en perdre la tête. Mais il lui était impossible de comparer cela avec les déboires de Léandre. De monde bien différent et qui pourtant bataillait sans cesse à la sueur du front. Maxyne avait bien du mal à comprendre comment et pourquoi l'être humain prenais plaisir a enfoncé des clous dans les démarches bienveillantes des personnes telles que lui. Beaucoup d'entre eux seraient relayé au banc de bon à rien à sa place. Il n'avait même pas la moitié de sa force de caractère. C'est pour cela qu'elle admirait, parce qu'il ne se laissait guère abattre par les autres.

Son visage se crispa légèrement quand elle le vit tousser. Elle redoutait des séquelles plus graves causé par la pollution et craignait de voir son état empirer. Mais tant que les signes ne faisaient pas encore leur apparition il allait pour le mieux.

« Bien sûr, répondit-elle, je vais me laver les mains et je vous annonce ça. »

Maxyne contourna le canapé et se dirigea d'un pas rapide jusqu'à la cuisine. Tandis qu'elle se désinfecta les mains avant de toucher ses affaires, elle se demanda si dernièrement il mangeait à sa faim. Loin de lui trouver de la peau sur les os, elle avait l'impression qu'il manquait bien plus d'énergie qu'à l'accoutumé. Quand elle revint auprès de lui, elle attrapa le courrier et l'observa un instant. Parmi les lettres habituelles et importante de manière générale, elle détestait voir celle qui comptait des menaces de mort. Au mieux elle aurait aimé les brûler, mais elle ne pouvait le faire dans son dos.

« Il y a une lettre d'impôt, deux fascicules de publicités ménagère, une offre pour des chaînes supplémentaires. Elle se mordit la lèvre hésitante. Et trois menaces de morts. »

Impossible de comprendre la logique de ces gens qui envoient ce genre de choses, le plaisir d'effrayer quelqu'un et de le laisser constamment dans la peur que quoi que ce soit arrive. Léandre devait, selon elle, être un homme avec une protection presque constante ne serait-ce que pour chez lui. Mais cette décision ne lui appartenait pas. En aucun cas elle pouvait se permettre d'émettre un quelconque avis sur la question. Elle déposa les lettres et attrapa son matériel pour commencer.

« Je vais vous prendre la tentions, annonça-t-elle en premier, le bras gauche, ajouta-t-elle en s'asseyant à ses côtés. Je vous jetterai ce qui n'est pas important en partant. »

Ses doigts effleurèrent légèrement sa peau, elle l'attrapa avec délicatesse et entoura son bras d'un tensiomètre pour la mesure de pression. Elle n'avait pas spécialement peur qu'elle soit mauvaise, mais mieux valait en être certaine. Le stress devait être suffisamment présent à chaque fois qu'il quittait les murs de sa maison. Néanmoins, une fois assurée qu'elle tombait dans de bonne norme, elle ne put s'empêcher de laisser de passer sa petite pensée.

« Vous savez, vous êtes en droit de riposter contre toutes ces menaces qui ne cessent de revenir. Et... Si les gens ne veulent rien faire pour venir en aide... Il paraît que le Polonium est indétectable... Enfin c'est ce que j'ai entendu. »

(c) oxymort

peaceful

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

◊ ◊ ◊

       Comme pour tout le monde il était toujours possible de porter plainte, de mettre des protections en place, ou simplement avoir quelqu'un qui protège cette demeure en la rendant plus sécurisé. Quand bien même cela ne peut empêcher les menaces de pleuvoir, les choses pouvaient devenir plus supportable et la solitude moindre. Elle l'imaginait ainsi, puis si cela ne suffisait guère, la deuxième option devenait plus abordable, du moins d'après elle. Les poisons elle en connaissait quelques-uns de non, elle savait quel effet cela produit, mais non n'avait jusqu'à présent jamais eu recours dans sa vie. Il lui était même possible de savoir où s'en procurer. Camenko avez eu la bonté de lui dire en cas d'extrême urgence et le fait qu'elle ne s'en soit jamais servi en plusieurs années confirmant que les besoins n'étaient pas encore survenus. Cependant, cette idée, aussi faussement innocente soit elle, ne paraissait pas au goût de tout le monde. Ce n'était qu'une idée glissée à un juge. Il était tout de même assez grand pour savoir qu'elle voie prendre.

« Vous n'imaginez pas le nombre de patients que je vois et les histoires que je peux entendre. À force ces petits détails là on les retient sans même le vouloir. »

Elle n'insista pas davantage sur le sujet, ce genre de confidences n'était pas à prendre à la légère même dite pour une bonne cause. Elle n'oubliait pas son titre, son poste, les responsabilités sur ses épaules. Et en même temps elle ne lui jetterai pas la première pierre si et cette idée venez à lui effleurer l'esprit. Quelquefois le « légale » n'est pas la meilleure des solutions.

Maxyne retira le tensiomètre autour de son bras et s'affaira à noter ses résultats sur son cahier de santé qu'elle suivait précisément.

« Évidemment, la voie légale reste la meilleure, les sanctions appliquées sont juste, la plupart du temps. Ce que je veux dire c'est que malheureusement certaines personnes sont horriblement mauvaises et la prison n'est pas une peine suffisante. Mais ce n'est que mon avis en tant que personne peu importantes. En tant qu'infirmière chaque vie est précieuse et peut-être sauvé d'une quelconque façon. »

Elle inscrivit quelques notes un peu trop fortement sur le cahier, le problème de vouloir sauver tout le monde c'est que ceux de la pire espèce en faisait partie.

« La semaine prochaine il faudra faire une prise de sang, je voudrais vérifier votre taux de fer. »

(c) oxymort

peaceful

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

◊ ◊ ◊

       Maxyne n'avait guère envie de retrouver son patient à nouveau entre quatre murs d'une chambre d'hôpital. Elle se souvenait à quel point il avait pu en souffrir et la mine désespérée qui étira durement ses traits. La situation n'était pas facile, elle le concevait bien et pour cela il valait mieux prendre certaine précaution. Vérifier son taux de fer n'était qu'une étape comme une autre tout aussi importante, la liste était longue à vraie dire. Elle nota mentalement qu'elle ne l'avait pas froissé avec son point de vue de la situation. Il aurait pu se sentir offusqué par ses mots, son raisonnement, son jugement trop différemment. Il aurait pu lui demander de partir, ne comprenant pas. Il aurait pu s'emporter sans raison, ou tout bonnement l'ignorer. Au contraire. Elle en resta un instant surprise, avant de se détendre légèrement.

Son expression s'en alla pour sourire à nouveaux. Sans savoir si ses dires étaient sincères ou non, elle sentis tout de même un élan plus apaisé. Tout le monde ne voyait pas les choses de cette manière-là. Plus particulièrement la structure sociale.

« Vous êtes un charmant flatteur monsieur Tyler. »

Maxyne le pensait vraiment, après tout, il s'agissait d'un rôle qui paraissait lui sied à merveille. Et puis n'était-ce pas un peu le cas au fond ? Elle rangea son petit carnet bien remplit. Sa main se déposa délicatement sur celle de Léandre pour le rassurer avant qu'il ne s'inquiète pour trop.

« Non rien à déclarer, mais je préfère m'en assurer complètement. Il est important que tout t'aille bien. Et puis, mieux vaut prévenir que guérir n'est-ce pas. »

Une simple affaire de précautions. Tant qu'il n'y avait rien de plus alertant, il n'y avait pas de s'en faire plus que de raisons. Il pouvait continuer à travailler sans être obligé de passer en arrêt. Elle aurait aimé lui dire que tout cela, toutes ses lettres de menaces ne constituaient qu'un stress suffisant qu'il n'avait pas besoin de sentir en plus sur ses épaules, mais elle s'abstenu. Il n'avait peut-être pas envie d'entendre une chose qu'il savait déjà. Elle ne voulait pas l'affoler, alors, elle chercha plutôt à détendre l'atmosphère.

« Vous savez à force de me complimenter autant, je vais rougir. Néanmoins, je suis vraiment ravie de savoir que je compte pour vous. Elle émit une pause, avant de reprendre plus sérieusement. À moins que ce ne soit pour s'assurer que je tienne ma langue sur vos petits secrets. »

Et quel secret ? Elle n'était pas en possession de beaucoup de dossier à son sujet. Bien au contraire, hormis sa santé qu'elle connaissait probablement par cœur, qui était réellement Léandre Tyler, jeune juge ? Un petit air taquin elle ajouta finalement :

« Ne vous en fait pas, je ne dirais à personne que vous aimez vous pavaner dans un slip kangourou. Et un t-shirt rose. »

C'est évident qu'il s'agissait de la première chose qu'il ferait une fois qu'elle aurait passé la porte.

(c) oxymort

peaceful

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

◊ ◊ ◊

       Cette idée soudaine de son patient dans cette tenue avait quelque chose de très... amusant. Elle ne pouvait se délaisser de son sourire à ses mots, tant cela paraissait trop absurde et si loin du style du juge. Ce qui était justement marrant, cette image faisant un beau contraste avec ce qu'il était réellement. Maxyne aurait aimé qu'il puisse voir pour en rire à ses côtés. Mais hélas, tout n'était pas aussi simple. Silencieusement elle écouta sa mésaventure passée et s'imagina facilement la scène se déroulant sur une journée entière. Elle voyait bien cette bande de jeune adulte à peine sortir de l'âge pré-pubère rire d'une situation qu'un infirme ne pouvait contrôler. Même si une partie d'elle aurait eu un élan d'hilarité sur le moment, sur le coup de la surprise, elle n'aurait pas été aussi cruel en le laissant ainsi des heures durant. Malheureusement, tout le monde n'avait pas autant de clémence. Fort heureusement, cela ne l'avait pas découragé dans cette voie pour devenir l'homme qu'il était aujourd'hui.

« Bien sûr, je ne vous laisserais pas vous ridiculiser avec quelques vêtements. »

S'il n'y avait que ça, elle voulait bien fouiller toute suite dans ses affaires et retirer tout ce qui pourrait être compromettant pour son image. Mais elle attendrait le moment où cette demande serait formulée d'une quelconque façon.
Tandis qu'elle se mit à préparer son pilulier, elle senti le son de sa voix prendre des octaves plus graves et plus sérieuses, au point que son petit sourire s'effaça. Elle avait répondu négativement à sa proposition de boire un verre, ne sentant pas le manque d'eau la démanger. Et ses oreilles eurent toute son attention. Ses menaces revenaient encore, quelque chose qu'il serait bien difficile à se débarrasser à moins que les principaux concernés ne disparaissent. Mais ce n'était pas à elle de prendre part à cette histoire. Ou de prévenir la police sans son accord.

« Je n'en doute absolument pas monsieur Tyler , répondit-elle après son silence. Et là-dessus je vous fais confiance. »

Que Léandre n'ait plus la capacité de voir, ne semblait pas la déranger outre mesure quant au fait de pouvoir prendre soin d'elle. La vue n'était pas le plus essentiel tant les personnes adéquates étaient à portée de mains.

« Mais ne vous en faites pas trop pour moi, il paraît que je suis bien plus robuste qu'on ne le croit. Ajouta-t-elle. Je sais pouvoir compter sur vous en cas de besoins. Même si au fond je préfère que ce jour n'arrive jamais et que tout se passe dans le meilleur des mondes. Probablement trop féérique comme idée. Quoi qu'il en soit, je n'y manquerais pas. Et puis... ceci va dans les deux sens, pas seulement sur une question de santé. »

Qu'on se le dise, Maxyne avait de quoi se défendre et les raisons en étaient toutes plus diverses et variées. Elle possédait un révolver sous le matelas de son lit, pouvait riposter avec en arc en cas de besoin et, si on la laissait en pleine forêt, elle avait l'expérience des sorties en nature pour ne pas se mettre à paniquer et réfléchir de façon plus ou moins logique pour s'en sortir. Le seul hic, fut qu'elle n'avait pas pratiqué tout cela depuis bien des lustres et se sentait un peu rouiller. Il faudrait peut-être qu'elle reprenne des sessions au club de tir, ne serait-ce qu'en guise de protections si les menaces autour de Léandre venaient à se répandre davantage. Quoi qu'il en soit, il n'avait pas tant à s'en faire pour elle. Ce genre de morceaux de papier gribouillé et déposé dans la boîte aux lettres ne l'effrayer pas autant que ses propres démons qu'elle avait fuis.

« Bien, j'en ai terminé pour aujourd'hui. Tout va bien et votre pilulier est prêt. Si vous n'avez besoin de rien d'autres, je vais y aller. Son sourire revint sur son visage et sa voix se mit à nouveau à chantonner légèrement. Avant de prendre définitivement congé, elle ajouta : Oh, tant que j'y pense. Mangeait un peu plus, j'ai la sensation qu'il vous manque un ou deux kilos. Si vous voulez tenir la cadence il vous faut des forces. Et si c'est l'appétit qui vous manque... je connais un très bon traiteur qui fait des plats succulents à partager à deux. »

Était-ce là une proposition future ? Peut-être. Amicale certes, mais tout de même !

(c) oxymort