Florence avait son téléphone dans les mains. Encore une fois, elle hésitait. Léandre était assez grand pour se débrouiller seul, mais elle ne pouvait pas s’empêcher d’être inquiète. C’était peut-être ridicule, mais elle avait soutenu son beau-fils pendant une longue période. Ils avaient traversé des épreuves difficiles. Florence savait très bien ce qu’il était en train de vivre, mais elle savait aussi qu’elle ne pouvait plus faire grand-chose. Alors qu’elle allait ranger son téléphone, elle eut un message de son compagnon « Passe une bonne journée chéri ». Florence eut un sourire. Elle tapota rapidement une réponse avant de réellement commencer sa journée de travail. Ce message lui avait mis du baume au cœur.

Florence se leva et mit en route la machine à café. Elle faisait toujours attention à ce que la machine soit prête pour lorsque ses collègues viendraient dans son bureau. Ce petit rituel quotidien lui suffisait, de boire un café avec ses collègues, de partager un bon moment. Florence ne parlait pas beaucoup de sa vie privée, mais elle écoutait les autres et était toujours de bons conseils. La comptable aimait bien partager le positif. Florence était une personne discrète, au style vestimentaire passe partout voir terne. Elle ne se plaignait jamais et trouver toujours du positif même dans les pires situations.

Alors que la journée s’avançait, Florence prit une pile de dossiers. Il fallait qu’elle aille voir Rebecca Peterson, une collègue qui l’impressionnait un peu. C’était le genre de personne qui n’avait pas sa langue dans sa poche. Florence devait aller la voir un pour récupérer des informations et faire le point sur un dossier en cours. La comptable avait fait particulièrement attention à l’heure pour se présenter au bureau de sa collègue. Rebecca était une femme très occupée et Florence avait appris à repérer les horaires de chacun.

Florence toqua à la porte. « Bonjour Rebecca, excuse-moi de te déranger, mais je venais te voir pour le dossier sur la TVA et des taxes d’importations évoquées hier. Mais c’est que si tu as du temps, autrement je repasserai. ». La comptable n’avait pas encore mis un pied dans le bureau, respectueuse de l’espace de son interlocutrice.

Florence entra dans le bureau, invité par sa collègue. Rebecca était venue vers elle. Mademoiselle Peterson n’avait pas l’air énervé, juste occupé par ses multiples activités. Elle était à un poste où il y avait de hautes responsabilités. Si le salaire ainsi que la reconnaissance étaient meilleur, cela signifiait aussi avoir beaucoup plus d’ennuie. Florence n’avait pas fait ce choix. Dans une autre vie, peut-être qu’elle les aurait fait, mais aujourd’hui, elle aspirait seulement à la tranquillité. Elle avait eu d’autres priorités. Florence se posa à la table ronde, ses dossiers papier près d'elle.

Pendant un bref instant, elle hésita, puis termina par répondre « Oui, s’il te plait. ». Elle précisa « Un café, ça sera très bien. » La boisson classique par excellence. La caféine ne lui faisait plus du tout d’effet, elle avant sans doute déjà trop bu dans sa vie. Florence expliqua « Je suis en train de faire le bilan, mais il me manque des données. » La comptable demanda « Est-ce que tu aurais des éléments qui ne m’auraient pas été transmis ? ». Les informations se perdaient en route par moment. Florence avait abandonnée la mise en place d’un système qualité. Le flou était plus simple pour beaucoup de monde, elle avait fini par se plier à la volonté du groupe.

Ce bilan mettait mal à l’aise la comptable. Non pas qu’elle n’avait pas les compétences pour le faire, mais elle savait très bien qu’une fois son travail rendu, ce n’était pas celui qui était communiqué. A vrai dire, elle craignait même d’avoir des problèmes à avoir pris contact directement avec Rebecca. Son N+1 était en déplacement cette après-midi et ses vipères étaient en vacances. Un moment idéal et rare pour pouvoir penser plus librement. Nombre de ses collègues de travail étaient parti avec le temps, Florence était restée parce qu’elle n’avait pas le choix. La comptable n’avait plus un profil intéressant pour le marché du travail et elle avait surtout perdu toute confiance en elle-même. Il était trop tard pour fuir. Florence avait adopté le comportement pour avoir le moins de problème possible. Elle s’était accommodé au stress que lui infligeait son manager. Elle avait essayé d’aider, témoin et victime, ses mains étaient liées. Mais Rebecca Peterson était différente. Florence avait vu de nombreuses personnes se cassé en venant ici, elle était effrayé que cela puisse arriver à cette jeune femme. La comptable voulait juste la prévenir. Elle prit son courage à deux mains puis demanda « Rebecca, est-ce que je peux te parler franchement ? ».

« Merci. » La tasse de café était fumante et était accompagné par un petit gâteau. La comptable n’avait pas de doute sur la qualité de la collation, même s’il n’y avait plus de lait pour la boisson. Ce n’était pas le plus important. En silence, la comptable écouta sa collègue expliquer ses difficultés pour récupérer les informations. Florence n’était pas étonné. Ce flou donnait des avantages à certains, c’était bien pour cette raison que le système persistait. La blonde prit note de l’avertissement « Je ferai attention. ». C’était ce genre de communication informelle qui permettait à tous d’avancer. Si ce n’était pas définitif, au moins cela permettait de faire un premier bilan. Élément non négligeable au vu du peu de temps qu’elles pouvaient avoir.

Florence un petit moment de silence. Elle observa de nouveau son interlocutrice. La comptable n’était pas certain que ce qu’elle faisait était une bonne idée, mais c’était ce qui était juste d’un point de vu moral. « Tu ne devrais pas rester à ce poste. » L’information était donnée de but en blanc, mais il n’y avait ni méchanceté, ni manipulation. Florence s’exprimait avec bienveillance. « Tu es jeune, tu es qualifiée, tu as de l’ambition. Ici, tu n’obtiendras rien d’intéressant. ». C’était du gâchis. De telles tête bien-pensante perdaient leur temps ici. Elles ne risquaient que de perdre de la confiance en soi et finir par ne plus pouvoir partir. La comptable ajouta tristement « C’est trop tard pour moi. » Trop vieille, trop peu d’expérience ailleurs, et puis Florence savait aussi qu’elle avait eu trop d’informations sensibles entre les doigts. Ils ne la laisseraient pas partir. Londres restait une petite ville, la comptable avait bien vu que ses employeurs avaient le bras long. Tout se savait.

Consciente que de tels conseils semblaient sortir de nulle part, elle s’expliqua « J’ai vu de nombreuses personnes comme toi. Elles sont toute parti… C’est bien pour cette raison que le turn over du service est aussi important. » La comptable s’exprimait calmement avec un sourire triste aux lèvres. Elle faisait ce qu’elle pouvait pour passer entre les gouttes et éviter les problèmes. Courber l’échine était la meilleure façon de survivre dans ce service. Il ne fallait pas réfléchir. Cela faisait longtemps que Florence avait mis sa carrière de côté. Ce n’était pas le plus important dans sa vie.

La blonde posa son regard sur Rebecca. Cette dernière était déterminée. Elle avait déjà fait remonter nombre de dysfonctionnements. Mais Florence avait déjà vu cette situation arrivait. C’était un film dont elle connaissait déjà la fin. C’était dramatique dans le sens le plus pure du thème. La blonde avait perdu tout idéalisme depuis longtemps. Rebecca était bien là pour des raisons politiques. Cet aspect donnait l’impression que la fin arriverait encore plus vite pour elle. Petterson se baladait avec une cible dans le dos. Sa présence n’était clairement pas désirée. Franche, sans doute trop pour a propre sécurité, Florence expliqua « Les dysfonctionnements que tu as fait remonter… Ce ne sont pas les donneurs d’ordres qui sont inquiétés… Mais ce sont des agents qui servent de fusible. » Ce n’était pas juste, mais c’était la réalité. « Les conséquences se voient déjà. » La tension devenait de plus en plus forte. « Ce n’est pas juste, mais tout le monde te prend comme responsable. » Elle baissa les yeux vers son café. « Même venir te voir pour échanger ce un sujet banal, c’est prendre un risque. ». Florence se sentait profondément mal à l’aise. Elle avait réussi à trouver un certain équilibre dans sa vie et arrivait à être heureuse, mais elle participait tout de même à ce système. Elle n’était pas une héroïne, elle avait simplement fait ce qu’elle avait pu. La vie n’avait pas été facile.

Florence n’était pas certaine que son interlocutrice comprenne. Rebecca avait l’air d’être une femme de tête qui ne pliait pas. Et justement, elle ne savait pas ce que cela entrainer, de plier. Madame Tyler était une femme qui avait sa fierté, comme tout le monde, mais qui avait décider de laisser faire pour survire. Ce n’était pas un faible mot, car ce boulot, elle en avait besoin. L’énergie qu’elle aurait pu y consacrer avait eu besoin d’être investi ailleurs. Florence ne regrettait pas ses choix, mais regrettait d’avoir dû en souffrir. Était-ce lâche de sa part ? Était-elle une personne condamnable moralement ? La comptable n’était pas une héroïne, mais elle avait fait ce qu’elle avait pu, tout simplement. Sa propre santé était importante, surtout lorsqu’il y avait une personne dépendante à la clef.

Impuissante, Florence continua sa mise en garde. « Tu ne te rends pas compte du niveau de méchanceté, de cruauté qu’il y a ici… et de la perversité. » La comptable avait vu trop de gens exploser en vol. Elle avait eu peur pour elle-même. C’était d’ailleurs un sentiment quotidien au travail. Elle n’était que plus satisfaite que son fils ait pu choisir son métier et s’imposer dans sa branche. Le procès allait être difficile, mais la comptable avait compris que c’était important pour le jeune homme. Florence était une personne discrète, mais indispensable. « Il n’y a aucune limite. » LA blonde savait que son interlocutrice avait une fille, alors elle précisa « s’ils ne peuvent s’en prendre à toi, ça sera à tes proches… Ils ont vraiment le bras long. » Au moins, Florence savait que Léandre était désormais hors de tout problème. A une époque, ça n’avait pas été le cas.

Florence resta silencieuse pendant quelques instants. « Cela doit te paraître évident, mais il sera absolument nécessaire de passer par des prestataires externes. » Le service d’audit était viré au fur à mesure et remplacé par des personnes dociles. Florence se leva, elle marqua de nouveau un temps. Est-ce qu’elle était en train de faire une énorme erreur ? Peut-être. Mais c’était tout ce qu’elle pouvait faire pour faire avancer les choses. « Si l’équipe d’auditeurs est correct, je te donnerai les éléments pour que ça soit probant. » Florence n’était pas rassurée. Elle savait qu’il n’y avait aucun risque, mais cela ne l’empêchait pas d’avoir peur. « Je vais y aller. » Elle eut un sourire. « Je te souhaite de tenir. » C’était tout ce qu’elle lui souhaitait.