- P’pa, j’y vais ! - Fais attention à toi, ne parle pas aux inconnus… - Oui, je sais p’pa, lâche-moi, tu m’serres trop fort… - Pardon ma princesse, allez, je t’aime… Merci encore.
Il me lâche enfin et je respire. Avec la chaleur qu’il fait dans l’appart’ et son câlin interminable, j’en pouvais plus. Je m’éloigne rapidement de lui, avant qu’il décide de m’en faire un autre. Il me regarde tout sourire, comme s’il était fier de son coup… Comme d’hab’. J’prends mon sac, je mets mes sandales. En gros, je vais pour sortir, mais je m’arrête. J’retourne voir mon vieux P’pa que j’embrasse sur la joue avant de fuir de notre petit four. C’est sûr que c’est moins pire que le mois de Juillet, mais j’ai tellement de mal avec la chaleur de cet été. En dirait que c’est de pire en pire.
J’suis un peu nerveuse. Dans une main, je tiens mon téléphone, dans l’autre un bout de papier avec une adresse. J’sais pas trop où je vais… C’est P’pa qui m’a donné une adresse dessus. Et une grosse enveloppe. Ça lui arrive parfois de me demander de faire des courses pour lui. Jamais des gros trucs, mais là, c’est important. Genre Thomas a des ennuis. P’pa il dit que c’est parce qu’il ne fait pas assez attention. J’pense que c’est de la faute à P’pa, il demande des trucs trop dangereux pour Thomas. Il est beau parleur, mais un jour, ça va lui causer des ennuis encore plus graves, j’en suis certaine. Et j’veux pas…
J’suis jamais allé à vrai dire... À l’adresse que P’pa m’a donné, j’veux dire. Et c’est ça qui me rend anxieuse. J’chiffonne de puis en plus le morceau de papier. J’écoute ma musique pour penser à autre chose. Je l’entends, mais je ne l’écoute pas. Je regarde le paysage défiler alors que mes cuisses collent contre le tissus du banc du bus. Il y a pas mal de monde, j’étouffe un peu, mais je prends mon mal en patience.
J’suis un peu inquiète aussi parce que P’pa m’a dit qu’il allait prendre soin de la fleuristerie pendant mon absence. Les fleurs c’est pas trop son truc, il va pas survivre… Ou les clients vont tous le fuir en voyant sa tête de gros ours rochon. Oui, je suis certaine qu’il va faire fuir tout le monde. Grand-maman va être furieuse après lui ! De toute façon, je ne le dirais pas à grand-maman, sinon elle va aussi être furieuse après moi. Et je ne veux pas qu’elle sache que Thomas a des ennuis. Je regarde le trajet qu’il me reste à faire plusieurs fois. Je veux vraiment être certaine de ne pas me tromper, sortir au mauvais arrêt, ça me déplairait beaucoup. Après de très longues minutes, je finis par sortir du bus.
Il était temps !
J’ajuste ma robe une fois sortie et regarde autour de moi. Je ne traîne pas trop par ici, alors ça me fait vraiment bizarre. Je passe une mèche de cheveux et je me mets en route un peu incertaine. Heureusement, je n’ai pas trop de difficulté à trouver l’emplacement. J’entre sans plus attendre dans le bâtiment, puis dans le cabinet… C’est calme et j’avance sans trop faire de bruit devant celle qui doit être la secrétaire.
- Eum… Bonjour, je viens voir Madame Winchester…
La dame me demande si j’ai rendez-vous avec elle et j’opine doucement de la tête… Enfin, c’est mon père ou mes frères qui auraient dû la voir… Mais P’pa voulait que j’y aille cette fois-ci. Elle me demande d’attendre alors que la secrétaire fait ses trucs. J’en profite pour ranger mon téléphone et mes écouteurs, alors que je suis assise et que j’attends la dame.
En vrai, je ne la connais pas. P’pa m’a un peu parlé d’elle, me disant qu’elle est une bonne avocate, mais ça s’arrête pas mal là… Et qu’elle a réglé quelques petits trucs pour la famille. J’espère qu’elle acceptera d’aider Thomas.
Une petite journée normale au cabinet. Elisa n’avait que deux rendez-vous aujourd’hui, sans compter les gens qui viendraient éventuellement sans rendez-vous. L’un d’eux était ce matin, et en ce début d’après-midi elle travaillait le plan de ce dossier à chaud pour ne rien oublier de ce qui avait été dit pendant le rendez-vous. Elle avait déjà tout noté, il fallait maintenant organiser les choses d’une manière satisfaisante. Et filtrer. Elle enlève déjà ce qui n’a pas assez d’importance pour être un élément central de la défense pour les mettre tout en bas, comme points qui peuvent servir d’à côté pour appuyer un point majeur. La douce musique de son téléphone retentit et elle laisse quelques secondes pour vérifier ce qu’elle vient de faire avant de répondre. Sa secrétaire, Carolyn, lui indique que son prochain rendez-vous est là.
— Votre prochain rendez-vous, pour la famille Williams, est là. — Très bien. J’arrive.
L’avocate prit une note pour se retrouver plus facilement par la suite dans le travail qu’elle interrompait. Elle lut ensuite rapidement ses notes sur la famille Williams, pour savoir de quoi elle allait parler, avant de sortir de son bureau. Laisser ses clients penser qu’on était complètement dévoué à leur cause, ce qui était bien sûr humainement impossible, était une part non négligeable du travail. Elle ouvrit la porte qui donnait sur la salle d’attente pour découvrir une jeune femme qu’elle n’avait jamais vue. Cacher sa surprise était devenu un réflexe, elle resta donc impassible, lui offrant un sourire avenant alors qu’elle réfléchissait à toute vitesse. Elle se souvenait que le père lui avait dit avoir une fille, et elle trouvait des traits communs entre les deux. Ça ne pouvait qu’être ça. Il n’empêche, elle aurait préférée être prévenue.
Elle tendait la main à sa cliente pour se présenter, un air accueillant sur son visage. Elle attendit la réponse de la jeune femme avant de poursuivre.
— Si vous voulez bien me suivre.
Elle l’accompagna dans le bureau assez imposant et traditionnel, mais dont le reste de la décoration moderne et assez minimaliste donnait un peu de fraicheur et une atmosphère moins oppressante. Une plante verte, des étagères sur lesquelles trônaient les ouvrages nécessaires à tout avocat, des dossiers et quelques cadres de photos artistiques. Il s’en dégageait de la sobriété et de la simplicité.
— Je vous en prie, installez-vous.
Elisa désignait le siège vide de l’autre côté du bureau pour inviter sa cliente à s’y installer. Comme le voulait l’étiquette qu’elle suivait à la lettre, elle s’assit en dernier, joignant les bouts de ses doigts dépliés.
— En quoi puis-je vous aider ?
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27.09.21 22:29
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Les yeux de la justice
Je me sens un peu nerveuse, je ne peux pas m’empêcher de frotter mes mains, pour tenter de me calmer. Je ne peux pas m’empêcher d’avoir un petit sursaut lorsqu’elle se met à me parler. Cependant, je me rends rapidement, je finis par lui faire un petit sourire avant de me faire aimable.
- Je suis également enchantée de vous rencontrer.
Je lui serre la main doucement, puis je relâche sa main avant de la suivre dans son bureau. Je regarde d’ailleurs l’aménagement de celui-ci. C’est tout simple, pas dégueulasse. Elle a quand même un peu goût, l’avocate. Sauf que sa plante mériterait qu’on lui donne un peu d’eau. Je suis tentée de le lui dire, sauf que finalement, je préfère me retenir.
Je prends place sur le siège qu’elle me désigne, après que je lui ai fait un petit merci silencieux.
- D’abord, je tenais à m’excuser. Je sais que vous aviez initialement convenu un rendez-vous avec mon père. Malheureusement, il a une urgence à régler et c’est pour cela qu’il ne pouvait pas se présenter auprès de vous.
P’pa m’a dit que Madame Winchester était une personne de confiance, mais en vrai, j’ai peur. J’ai peur de tout lui déballer et qu’il se passe un truc. Elle est visiblement plus vieille que moi, assez jolie je dois dire. Mais ce n’est tout de même pas une raison pour lui faire immédiatement confiance ! J’veux dire… On ne sait jamais. Elle pourrait juste décider… Je ne sais pas. Elle n’est peut-être pas « propre ». Bref. Je la dévisage un moment avant de finalement lâcher le morceau… Du moins, en parti.
- C’est mon grand frère, Thomas, il a des ennuis. Probablement que vous le connaissez déjà. Et il faudrait que vous nous aidiez, on voudrait qu’il évite la prison.
Je suis restée vague, je n’avais pas envie de tout lui déballer mon sac en cet instant précis. Je veux dire… Je veux voir ce qu’elle pourrait dire ou faire avant tout de chose. C’est un peu un test, oui. Je lui jette d’ailleurs un petit regard rempli d’inquiétude, pour savoir ce qu’elle pourrait faire pour le sauver. Honnêtement, je ne crois pas qu’il serait possible de sauver Thomas, après tout ce qu’il s’est passé.
