C’était une dame aux airs de hippie, des foulards et des billes dans les cheveux, des lunettes rondes teintées en rose devant ses yeux gris rieurs, et des vêtements fleuris dans lesquels elle flottait comme une méduse se laissant porter par le courant. Desmond aimait ce genre de personne, extravagante, qui ne s’excuse pas d’exister, et durant ses années passées à la boutique, il en avait vu de toutes sortes, et il ne se lassait jamais. Cette dame, Desmond ne l’avait jamais encore vu entrer ici, mais il l’accueillit comme à son habitude. Aimablement, d’un bref sourire, et d’un « Qu’est-ce que je peux faire pour vous? ».
Peut-être même davantage que les gens extravagants, les choses extravagantes le fascinaient. La dame étant porté à la conversation et aux plateries sur sa vie, Desmond appris malgré lui qu’elle avait été fan des Beatles, à l’époque, qu’elle avait voyagé en Thaïlande et en Malaisie dans sa jeunesse, qu’elle ne s’était jamais mariée mais qu’elle avait deux enfants. Desmond écoutait, à moitié. Établir la valeur des choses était plus facile pour lui qu’établir la valeur des gens.
Finalement, la dame expliqua la raison de sa venue. Amateure de plantes exotiques, et surtout celles avec des effets médicinaux, elle s’était procurée au marché noir de Kuala Lumpur une fleur censée être fumée pour ses vertues anti-inflammatoires, mais qui finalement n’avait eu aucun effet. Tout de même, elle avait gardé la plante parce qu’elle était jolie. La fleur était apparement facile à entretenir, mais un peu capricieuse aux changements de température. Aussi, la dame avait emmené la fleur, protégée sous une coupe de verre.
Desmond examina la fleur avec une moue sceptique. Elle ne lui paraissait même pas jolie. Enfin, pas assez pour offrir à quelqu’un, mais Desmond savait que les nobles s’offraient toutes sortes de choses horriblement moches, en autant qu’elles soient chères. La dame n’ayant jamais connu le véritable nom de la fleur, et Desmond sachant que ce ne serait pas lui qui le devinerait, il proposa à la cliente de revenir demain. Un rendez-vous avec son experte s’imposait, d’autant plus qu’il ne se faisait pas confiance pour prendre soin de cette plante.
« Yo Addi! » lança-t-il en passant les portes de la fleuristerie ce soir-là. « Ça va? Je te dérange pas? ». Desmond jeta un oeil autour de lui pour vérifier si ses frères étaient dans les parages. Ceux-là ne semblaient pas le supporter… une mauvaise influence pour leur soeur, ou quelque chose comme ça. « J’ai quelque chose pour toi. Enfin… à te montrer » expliqua Desmond en s’approchant du petit comptoir. Il déballa la fleur pour la révéler sous la cloche de verre. « Une cliente m’a apporté ça tout à l’heure, pour vendre. Elle me dit que c’est un truc rare qu’elle a acheté en Malaisie et que ça se vendrait cher, mais j’y crois pas trop. J’aurai besoin de ton avis ». Il espérait déjà qu’Addison pourrait trouver le nom exact de la fleur. Jamais il ne pourrait vendre une fleur au nom inconnu. Desmond vendait beaucoup de choses dont l’origine était douteuse, mais pouvoir mettre un nom dessus… c’était un peu la base.
Aujourd’hui, c’est une journée comme une autre ; les clients viennent ramasser leur commande. Les dames sont trop heureuses d’avoir de belles fleurs pour leur jardin ou enjoliver leur maison. Les hommes, eux, sont toujours moins démonstratifs, mais généralement ils viennent pour offrir des fleurs à leur femme… ou leur amante. Bref. C’est la routine. Pour ma part, je termine des commandes entre deux clients. J’ai une dame qui m’a appelé pour faire des « sushis ». Sur le coup, j’avais eu envie de lui dire qu’elle s’était trompée d’adresse, mais elle a TELLEMENT insisté pour que j’en fasse qu’après une brève recherche sur internet, j’avais fini par accepter. Je pense lui mettre des orchidées. Ou genre une orchidée et sur son autre sushi une autre fleur. Elle passe dans quelques jours, j’ai le temps de m’organiser.
Pour le moment, je fais les dernières retouches d’un bouquet de roses multicolores. C’est un monsieur qu’il l’a commandé pour une femme. Douze roses. Je me demande si c’est pour une demande en mariage, c’est souvent pour ça la douzaine, sinon c’est en guise de remerciement. Je préfère la seconde option, parce que c’est plus mignon. D’ailleurs, le bouquet finalement achevé, je passe un rapide coup de fil à l’homme pour lui signifier qu’il pourra venir le chercher ce soir, d’ici la fermeture. Je pose mon téléphone sur le comptoir et j’entends la petite sonnette m’indiquant que j’ai un nouveau client. Je relève la tête et je vois Des’ ! Comme je suis contente de revoir mon ami !
- Deeeeeees !, je m’exclame sans retenue. Il me semble que ça fait une éternité qu’on ne s’est pas vus ! Je vais super bien ! Et toi ? Comment tu vas ?
Bien entendu, normalement je suis beaucoup plus professionnelle, c’est juste que là, j’ai envie de faire la conversation avec quelqu’un… Tiens un câlin même, parce que mes frères sont loin d’ici… Sauf qu’il a un truc dans les mains. Et en plus, ses paroles retiennent mon attention. Quelque chose pour moi ? Tiens ! C’est trop bien ! J’aime bien recevoir des cadeaux de temps à autre ! D’ailleurs, ça fait longtemps que P’pa m’a pas offert quelque chose.
- Oooh ? C’est quoi ?
Il me présente une fleur. Ce qu’elle est drôle elle ! La fleur je veux dire ! Je l’observe un moment. Prenant un stylo pour examiner ses pétales et tout ça. Je réfléchis un moment avant de regarder Des’ avec un petit sourire.
- Elle me dit vaguement un truc… Je suis certaine que si ma grand-mère avait été là, elle l’aurait tout de suite reconnue. Je vais devoir faire des recherches !
Parce que OUI, je pourrais regarder sur internet, j’crois que le google image ça serait facile. Mais je préfère quand même me référer à la grande bible des fleurs. Je pose le gros livre sur mon comptoir et je regarde de nouveau Desmond.
- Elle a l’air d’être une sorte d’orchidée. Allez, raconte-moi des trucs croustillants pendant que je cherche un peu !
Desmond ne savait pas ce que les frères d’Addison faisaient exactement pour leur petite affaire. Des choses sans doute pas toujours légales. Après, ce n’est pas lui qui allaient les juger. « Quels genre d’ennuis? » Avec la police peut-être. Lorsqu’Addison lui proposa d’appeler ses frères, Desmond fronça le nez. « Non non c’est bon, ça serait aussi désagréable pour eux que pour moi. Désolé Addi, mais tu sais ce que tes frères pensent de moi ». Et inversement aussi sans doute. Il ne lui avait jamais dit explicitement ce qu’il pensait de ses frères, mais Addison était assez intelligente pour le deviner. Quand ils enlèveraient le bâton dans leur cul chaque fois qu’ils le voyaient parler à leur soeur, là, peut-être arriveraient-ils à s’entendre. D’ici là, Desmond n’avait pas trop d’espoir.
En revanche, la grand-mère d’Addison était une perle. Desmond poussa un soupir « Elle est courageuse, ta grand-mère. Dis moi quand tu iras la voir à l’hôpital, je viendrais avec toi. Je lui ferai un super cadeau ». Quoi de plus ennuyeux pour une fleuriste que de recevoir des fleurs? Enfin, c’est ce qu’il supposait. Si la grand-mère était comme la petite-fille, un livre lui ferait peut-être plaisir.
Addison confirma que la fleur étrange était bel et bien une orchidée. Leur prix de base étonnant réellement Desmond, et il zyeuta la fleur avec des yeux nouveaux. « 50-60£ ? Vraiment? », demanda-t-il, surpris. Pour une seule fleur, ça faisait beaucoup. Pour le même prix, un client pouvait avoir un bouquet complet de fleurs plus communes, et selon Desmond, plus jolies. Remarque, les orchidées n’étaient pas originaires d’ici, ce qui expliquait sans doute le prix. « Eh ben, j’aurais jamais cru ».
Desmond resta dans un silence perplexe le temps que son amie détermine de quelle orchidée il s’agissait exactement. Lorsqu’elle l’eut trouvée, le nom latin de la plante fut si compliqué que Desmond, aussitôt après l’avoir entendu, l’oublia immédiatement. « Houla… attends un peu que je note ça » dit-il en se penchant vers le livre de botanique. Il tapa le nom de la plante sur son téléphone, et lu le reste de la description inscrite au livre. « Originaire de Malaisie… Ça me semble bien être celle-là! Chapeau Addi. Dieu merci que tu sois là, j’aurais jamais pu trouver ça moi même. Ma cliente va être ravie en tout cas. Son délire hippie aura servi au moins à quelque chose ».
Le prêteur sur gage regarda encore la fleure pendant un moment, avant de reposer ses yeux sur Addison « Alors… Si je lui donne 200£ pour sa fleur, tu crois que c’est un prix juste pour elle? » Desmond avait confiance en ses talents de vendeur pour la revendre beaucoup plus cher, et pouvoir le justifier. À condition de garder la fleur en bon état. « Et… tu crois que tu pourrais garder la fleur ici? Je pourrais jamais m’en occuper. Tiens… si tu veux, quand je réussirai à la vendre, je veux bien qu’on partage le profit. Disoooons… 30% du prix total de la vente. T’en penses quoi? »
Desmond sourit en coin, attentif, en se demandant si Addi avait la fibre négociatrice en elle.
Je lui souris doucement, contente de savoir qu’il va bien. Enfin, c’est sa réaction « normale ». Et rapidement, il me demande si mes frères sont dans les parages. Ça m’amuse qu’il me pose une telle question. Je me fais rassurante pour Des’ parce que sinon, il laisserait sa peau devant mes frères.
- Non, Thomas a des ennuis en ce moment, alors qu’ils travaillent encore plus que d’habitude. Mais si tu veux les voir, je peux toujours leur passer un coup de fil.
Je lui fais un sourire taquin. Je me doute bien qu’il ne va pas vouloir que je les appelle. On sait tous les deux que mes frères ne l’aiment pas du tout, alors je ne vais pas faire exprès pour appeler Sasha ou Nathan pour leur dire que Des était présent. Quoi que ce se pourrait être drôle de les voir se ramener en 30 secondes juste pour me faire de gros yeux. En fait, si je les appelle, je suis certaine qu’ils vont me faire de gros yeux en pensant qu’il est arrivé quelque chose avec lui et vont vouloir lui casser la gueule, c’est certain.
Finalement, Des’ il fait le tour de ma famille. Il me demande aussi des nouvelles de ma grand-mère. Je ne peux pas m’empêcher de faire la moue. J’aimerais que ma grand-mère soit sur pied et qu’elle se remettre à travailler avec moi… Mais je ne crois pas que ce soit pour bientôt. C’est compliqué à l’hôpital. J’espère seulement qu’elle va bien aller. Je continue de tourner les pages du livre, parce que je ne veux pas montrer mon inquiétude à Des’.
- Ça va… Enfin, elle fait style que tout va bien. Tu la connais, elle n’est pas du genre à s’apitoyer de son sort. Elle en a déjà marre de l’hôpital, elle s’ennuie et a bien hâte d’en sortir. Si jamais tu veux venir la voir avec moi, tu me le diras. Je suis certaine qu’elle serait contente de la voir.
Moi aussi je fais style que « tout va bien ». Je veux dire… La boutique roule super bien, mais je ne supporte pas que ma grand-mère soit à l’hôpital et que Thomas ait des ennuis en ce moment. Heureusement qu’on délaisse mes problèmes de famille, pour se concentrer sur la fleur. Je me remets à mes recherches, en répondant à mon ami.
- C’est toujours bien des orchidées, tout dépendant la variété, on peut vendre ça 50-60 £. Après, celle-là, on peut la vendre plus cher… Si tu me dis que c’est une fleur rare et tout ça et si c’est vrai… Ça va valoir beaucoup.
J’essaie de me faire rassurante. Après tout, les orchidées ça vaut cher en général, enfin, je peux vendre ça assez cher. En tout cas, moi je n’hésiterais pas à vendre ça au moins le triple du prix d’une orchidée… Minimum. Mais ce n’est pas moi qui vais devoir revendre ça… Je ne sais pas si ça me rend heureuse ou non. Je délaisse un moment le livre des yeux pour sourire à nouveau à Des’.
- Ouais, ça me dit quelque chose, il faut juste que je la trouve dans ce gros bouquin.
Je retourne tourner les pages, je suis rendu enfin dans les « o ». Et ça ne prend pas trop de temps que je vois les orchidées, puis…
- Ah ! La voilà ! Enfin !
J’examine un moment la fleur et l’image que j’ai dans mon livre. Il n’y a pas de doute possible. Je lis pendant un moment la description de la fleur. J’opine de la tête, convaincue d’avoir finalement trouvé notre petite coquine qui trône sur mon comptoir.
- C’est une Paphiopedilum rothschildianum. Je reprends ma respiration avant de reprendre mes explications. C’est l’une des variétés d’orchidées la plus rares. Ta dame n’a pas fumé… Sauf les pétales.
Je ne peux pas m’empêcher d’avoir un petit rire, en repensant que la dame s’est faite avoir. Enfin, c’est le feeling que j’ai. Je continue à lire les informations sur la fleur, au cas où Des’ ait d’autres questions sur elle.
Desmond ne savait pas ce que les frères d’Addison faisaient exactement pour leur petite affaire. Des choses sans doute pas toujours légales. Après, ce n’est pas lui qui allaient les juger. « Quels genre d’ennuis? » Avec la police peut-être. Lorsqu’Addison lui proposa d’appeler ses frères, Desmond fronça le nez. « Non non c’est bon, ça serait aussi désagréable pour eux que pour moi. Désolé Addi, mais tu sais ce que tes frères pensent de moi ». Et inversement aussi sans doute. Il ne lui avait jamais dit explicitement ce qu’il pensait de ses frères, mais Addison était assez intelligente pour le deviner. Quand ils enlèveraient le bâton dans leur cul chaque fois qu’ils le voyaient parler à leur soeur, là, peut-être arriveraient-ils à s’entendre. D’ici là, Desmond n’avait pas trop d’espoir.
En revanche, la grand-mère d’Addison était une perle. Desmond poussa un soupir « Elle est courageuse, ta grand-mère. Dis moi quand tu iras la voir à l’hôpital, je viendrais avec toi. Je lui ferai un super cadeau ». Quoi de plus ennuyeux pour une fleuriste que de recevoir des fleurs? Enfin, c’est ce qu’il supposait. Si la grand-mère était comme la petite-fille, un livre lui ferait peut-être plaisir.
Addison confirma que la fleur étrange était bel et bien une orchidée. Leur prix de base étonnant réellement Desmond, et il zyeuta la fleur avec des yeux nouveaux. « 50-60£ ? Vraiment? », demanda-t-il, surpris. Pour une seule fleur, ça faisait beaucoup. Pour le même prix, un client pouvait avoir un bouquet complet de fleurs plus communes, et selon Desmond, plus jolies. Remarque, les orchidées n’étaient pas originaires d’ici, ce qui expliquait sans doute le prix. « Eh ben, j’aurais jamais cru ».
Desmond resta dans un silence perplexe le temps que son amie détermine de quelle orchidée il s’agissait exactement. Lorsqu’elle l’eut trouvée, le nom latin de la plante fut si compliqué que Desmond, aussitôt après l’avoir entendu, l’oublia immédiatement. « Houla… attends un peu que je note ça » dit-il en se penchant vers le livre de botanique. Il tapa le nom de la plante sur son téléphone, et lu le reste de la description inscrite au livre. « Originaire de Malaisie… Ça me semble bien être celle-là! Chapeau Addi. Dieu merci que tu sois là, j’aurais jamais pu trouver ça moi même. Ma cliente va être ravie en tout cas. Son délire hippie aura servi au moins à quelque chose ».
Le prêteur sur gage regarda encore la fleure pendant un moment, avant de reposer ses yeux sur Addison « Alors… Si je lui donne 200£ pour sa fleur, tu crois que c’est un prix juste pour elle? » Desmond avait confiance en ses talents de vendeur pour la revendre beaucoup plus cher, et pouvoir le justifier. À condition de garder la fleur en bon état. « Et… tu crois que tu pourrais garder la fleur ici? Je pourrais jamais m’en occuper. Tiens… si tu veux, quand je réussirai à la vendre, je veux bien qu’on partage le profit. Disoooons… 30% du prix total de la vente. T’en penses quoi? »
Desmond sourit en coin, attentif, en se demandant si Addi avait la fibre négociatrice en elle.
Des’ me demande des informations sur mon frères, enfin ses ennuis. Je ne sais pas trop exactement comment lui dire ça… Je pousse un petit soupir, embêtée par toute cette histoire, histoire que j’ai bien hâte qui se termine. Je suis inquiète pour lui ! Je ne voudrais pas que Thomas reste à prison pour toujours. Je ne veux même pas qu’il aille en prison. P’pa ne serait pas content du tout de personne son plus grand garçon… et celui qui l’aide le plus dans la business. Je regarde Des’ une mine un peu triste et anxieuse.
- Genre d’ennuis qui fait qu’il pourrait finir en prison… La routine si on veut… C’est seulement là… C’est un peu plus important.
Et si le plan s’était bien déroulé aussi ! Thomas ne serait pas mal pris comme cela. Même P’pa doit faire encore plus attention qu’habituellement. J’ai un petit haussement d’épaule, ennuyée par tout cela, puis reprend sur la fleur. Ça me fait un peu plus de bien de parler des fleurs que des problèmes de ma famille. Je suis assez fière de mon effet, Des’ semble assez surpris par tout ce qu’il apprend et ça me fait plaisir. Ça veut dire que je suis une assez bonne fleuriste. Ce serait cool un jeu d’étudier la botanique… Quoi que je ne sais pas… Je suis bien ici en fait.
Le prix de la fleur… On revient un moment sur le prix de la fleur. Je réfléchis un moment, si le prix est vraiment juste. Je réfléchis à tout ça, puis je finis par opiner de la tête.
- Je crois qu’à 200 £, c’est très bien.
Des’ me demande ensuite de la garder. Ouais, c’est pas trop difficile de s’occuper d’une orchidée… Enfin quand on ne s’appelle pas Desmond Gold. Je suis certaine que s’il laisse la fleur à sa boutique, c’est fini pour elle. Je consens rapidement à accepter de la garder – pour le bien être de la fleur avant tout, mais aussi pour me permettre de revoir mon ami prochainement –, et l’idée de la contribution me fait immédiatement plaisir.
- 30% ? Mmh, je ne serais pas contre 40% du prix total de ta vente. Après tout, tu veux la laisser ici, de toute façon, ta boutique n’aurait pas les installations adéquates pour s’occuper de l’orchidée.
Je lui fais un sourire mignon pour le convaincre de me donner 40% de la recette de vente. Ça me ferait un minimum de 80 £, s’il la vend seulement 200, après s’il la vend plus cher, ce pourrait être 100. J’espère pratiquement qu’il la vende plus cher pour que je puisse en faire un plus grand profit moi-même, seulement pour lui avoir donné l’information. D’un autre côté, je me doute bien que Desmond me laisse un aussi grand pourcentage. Mais si nous arrivons à 35%, ce serait déjà vraiment pas mal.
Je crois les bras, un air un peu plus sérieux, attendant sa réponse.
Desmond ne feignit même pas la surprise en apprenant que Thomas avait des ennuis avec la police. De tous les frères d'Addison, c’est sans doute lui qu’il aimait le moins, même s’il avait un bon fond. Il tenait beaucoup à sa sœur en tout cas, et à ses grands-parents, ce qui était, tout de même, le minimum de décence exigé. Thomas travaillait dur aussi, et c’est quelque chose que Desmond pouvait respecter. Pour le reste, il ne l’approchait pas trop. « Qu’est-ce qu’il a bien pu faire encore, le Tom... » demanda-t-il, sur le ton de la question rhétorique. Desmond était intrigué de connaître les détails, mais il ne voulait pas mettre son amie mal à l’aise. Et puis, Thomas ne disait peut-être pas tout à sa soeur. « S’il a des problèmes d’argent et qu’il a besoin de faire du fric rapidement, tu lui diras de passer à ma boutique. Je peux peut-être lui faire un deal, à lui aussi ».
Enfin, Desmond savait d’avance qu’il ne serait pas aussi généreux avec lui qu’avec sa soeur, mais tout de même, si ça pouvait éviter d’inquiéter Addi et ses vieux, pourquoi pas… Le prêteur sur gages n’avait pas envie de les voir fricoter plus que nécessaire avec les mafias du coin.
« 200 £ alors. Parfait! », lança Desmond, ragaillardit « Pour une seule fleur tout de même, j’en reviens pas… C’est ma cliente qui va être contente ». Il sourit de toutes ses dents en songeant à la tête que ferait cette vieille hippie. « C’est dommage qu’elle doive se séparer de cette plante, mais au moins, elle aura l’argent qu’elle mérite en retour. C’est jamais facile pour les gens de vendre ce qu’ils ont de plus précieux. J’espère que ce que je fais aide un peu », dit-il, songeur, en se grattant la nuque.
Quant à la plante, elle était en bon état, visiblement. Un acheteur se présenterait sans doute, plus ou moins rapidement. Puis heureusement, Addison s’occuperait de la fleur. D’ailleurs, son amie renchérie avec une autre offre. Desmond plissa les yeux, un fin sourire aux lèvres. « Eh bah, t’as hérité du sens des affaires toi! », dit-elle après avoir écouté attentivement sa demande. Desmond n’étirerait pas trop les négociations. Après tout, elle était son amie. Faire des affaires avec des proches est une chose qu’il savait risquée, et qu’il préférait éviter. Soit les conflits brisaient les amitiés, soit il se montrait trop généreux, comme maintenant « Bon, aller… On fait un deal! », dit-il, avant de poursuivre. « Si je la vends en premier, c’est 40% pour toi et 60% pour moi. Si tu la vends en premier, c’est 60% pour toi et 40% pour moi. T’es aussi bonne vendeuse que moi non? », demanda-t-il, une lueur de défi dans son regard bleu. « Accepté ou refusé? ».
Non seulement il aimait bien les défis, mais il était également curieux de voir comment Addison se débrouillerait. Elle avait de bonnes chances de gagner après tout, puisqu’elle vendait des fleurs toute la journée. Une fleur aussi chère par contre… ça ne risquait pas de se vendre si facilement. Puis, que ce soit elle ou lui qui remportait le challenge, ils y gagneraient quelque chose tous les deux!
Des’ se demande ce que mon grand frère a fait pour se mettre les pieds dans les plats et, honnêtement, je préfère ne pas le dire. C’est assez délicat et ça me met dans tous mes états de seulement y penser. Tout ce que je pourrais lui dire, c’est qu’il risque la prison et c’est bien l’une des choses que je ne veux pas imaginer. Je sais que P’pa serait absolument furieux de voir Thomas en prison et qu’on serait tous très tristes. Après tout, c’est lui qui travail le plus fort ou presque dans la famille.
Cependant, je suis vraiment reconnaissante de savoir que, même si mon ami n’aime pas mon frère plus qu’il le faut, – après tout, Thomas l’a certainement intimidé quelques fois parce qu’il était un peu trop près de moi – Desmond était prêt à dépanner mon frère en cas de soucis financiers. Je ne sais pas si cela pourrait arranger quelque chose, il faudrait que je voie avec eux… Même si je me doute bien que ma famille ne voudra pas que je m’implique trop dans les problèmes pas trop légaux.
- Je crois que pour l’argent, ça devrait aller, mais je lui passerais le message. Merci Des’.
J’ai bien envie de l’embrasser sur la joue pour le remercier, mais le comptoir qui nous sépare m’en empêche un peu et je n’ai pas envie de le faire trop rougir pour cela. Il aura un câlin lorsqu’il partira.
Notre sens des affaires reprend bien rapidement le dessus, alors qu’on s’entend sur le prix de l’orchidée.
- Oui, c’est dommage, c’est une jolie plante, mais si elle a des soucis, ce n’est pas « trop » dramatique de s’en débarrasser pour s’en sortir.
Et puis, ça me permet de la garder un peu dans ma boutique, personnellement, je ne dis pas non ! Desmond et moi on est prêt à faire des affaires. Je crois que s’il n’avait pas été mon ami, je crois que je lui aurais demandé un pourcentage beaucoup plus élevé. Une prochaine fois.
- J’ai appris des meilleurs, dis-je en lui faisant un petit clin d’œil. Bien sûr que Des’ y était pour quelque chose, mais aussi de ma grand-mère. C’était un peu grâce à eux si je savais mettre les prix justes. Grand-maman m’a toujours martelé les prix des fleurs, chacune avait sa valeur et tout dépendait aussi l’occasion. Les roses étaient surtout pour la Saint-Valentin… Et cette fête était un bon prétexte de vendre les bouquets juste un peu plus chers.
Je suis agréablement surprise lorsqu’il propose son deal. Je pourrais avoir jusqu’à 60% du montant si je vends la première. C’est vraiment une offre en or ! J’ai un immense sourire aux lèvres, je peux très mal cacher que cela fait amplement mon affaire !
- Accepté ! Et le perdant devra un resto à l’autre ! Comme ça, ça va être une bonne raison pour se revoir et avoir du fun !
J’espère que quelques mamies fortunées seront intéressées par cette fleur unique. J’ai déjà une bonne idée de la façon dont je pourrais bien la vendre… Et quelques idées de clients qui pourraient être satisfait. Je tends la main vers mon ami pour qu'on scelle notre offre.
Ah! Pour aimer les plantes, elle les aimait! Il n’y avait pas meilleure fleuriste qu’Addison. Pour elle, aucune fleur n’était trop moche pour s’en occuper. Même ces affreux rhododendrons, qui rappelait à Desmond la tapisserie du petit salon de la maison de son enfance. Il se demandait toujours dans quel monde ça avait pu être à la mode, ce genre de décor fleuri, écoeurant et kitsch à souhait. Il n’y avait plus qu’à espérer que la mode, dans son renouvellement cyclique continuel, oublierait les tapisseries ornées de rhododendrons.
Au commentaire d’Addison, Desmond haussa les épaules. Ce n’était pas « trop » dramatique, c’est sûr. Il y avait pire… Comme ce que devait faire la famille d’Addison pour s’en sortir. Le prêteur sur gage ne trempait pas dans les affaires les plus clean, ça c’est sûr. Mais ce que faisaient les frères Williams étaient possiblement encore plus louches, vu le bar clandestin. « C’est sûr… mais quand je pense que son bien le plus précieux était une fleur, je me dis que le reste ne doit pas valoir grandchose ».
Ils revenaient ensuite aux affaires. Effectivement, grand-mère Williams bel et bien la main verte : pour les plantes et pour les billets de banque. Sans faire de jeu de mots, les comptes de la boutique semblaient fleurissants. Desmond espérait vraiment que la dame s’en sortirait. Elle était la grand-mère que tout le monde souhaitait avoir, et Desmond savait qu’Addison connaissait sa chance. Elle adorait sa grand-mère. Desmond se souvenait de ne jamais avoir autant bien mangé que lorsqu’elle l’avait hébergée. C’était un peu grâce à elle, s’il n’était pas mort de faim dans la rue.
Desmond sourit devant l’expression étonnée, et ravie, d’Addison lorsqu’il proposa son défi. Il siffla en entendant parler de restaurant. Elle le prenait par les sentiments, bien souvent associés à son estomac. Sourire en coin, il attrapa la main tendue d’Addison pour sceller leur deal. « Que la ou le meilleur gagne! Je te dirais de penser au restau que tu souhaites, mais c’est moi qui vais gagner », dit-il avec un petit air suffisant. Desmond vint alors serrer les épaules d’Addison, et lui taper le dos d’une main franche, avant de partir. « Content de t’avoir revu, Miss Williams. Fais attention à toi ».
Je lui fais une grimace, bien déterminée de gagner ce défi ! Non mais je veux quand même mon resto gratuit ! Pour qu’il me prend, Des’ !? Mais je suis bien contente au final, ce petit défi me plaît bien et change un peu de tous mes dramas familiaux, tout ce dont je dois m’occuper avec la fleuristerie. Le pire, c’est que j’ai déjà quelques idées de potentiels clients qui voudraient acheter cette orchidée plutôt particulière. En tout cas, la garder ici, est un gros avantage, plusieurs personnes pourront passer pour la voir… Et peut-être engendrer quelques profits. Bref, je suis bien contente de tout ça, dans tous les cas, je suis pas mal gagnante, je garde de l’argent seulement en gardant une fleur ici.
La poignée de main scelle notre engagement et voilà que nous sommes tombés des rivaux, du moins, temporairement. Je sais bien que cela ne changera rien à l’amitié que j’ai pour Des’, enfin, sauf s’il me fait un coup de p*te, là, je ne serais pas contente. Là, il va discuter avec mes frères ou même mon père. Je ne suis pas certaine que Des’ va apprécier me faire un coup si bas.
J’ai une petite pointe de déception lorsque Des’ me dit qu’il doit partir. C’est dommage qu’il ne reste jamais bien longtemps ici. J’aimerais bien des fois pouvoir lui montrer quelques-unes de mes fleurs, mais avec mes frères qui ne sont jamais loin, je sais que c’est pas trop une bonne idée. J’apprécie son accolade, même si sa tape dans mon dos est quand même assez violente, mais je ne suis pas si frêle ! Je tiens bon et le regarde, tout sourire.
- J’ai été contente de te revoir. Reviens quand tu veux ! Je suis toujours prudente, promis ! Toi aussi fais attention à toi !
Je le laisse me saluer, j’en profite pour lui faire un câlin rapide avant qu’il se sauve.
Dès que Des’ franchit la porte de ma fleuristerie, je ne perds pas un seul instant. Je prends le bottin téléphonique de ma grand-mère et je me mets à passer quelques coups de fil. Non mais franchement, clairement que c’est moi qui va gagner.
