Les prémices de septembre étaient des plus doux. L’on aurait cru être en plein été indien. Le soleil chaud attirait les travailleurs et travailleuses dans les parcs et sur les bords de la Tamise jusqu'à tard le soir. Si bien que les habitants se sentaient moins concernés par la révolte des mineurs, l’alerte des météorologues. Chacun se disant que ces quelques jours d’été étaient somme toute fortement mérités. Comme tout citadin vivant à la capital M. Eirik savourait lui aussi la douceur estivale.

Il délaissera son bureau pour les charmes de la vieille ville, les bords du fleuves, voire même s'écartent du centre tonitruant. Dans l’optique de fuir l’animation citadine, il avait donné rendez-vous à Miss Winchester dans un jardin public. Bien que ce dernier eut été réduit de moitié pour laisser place à de nouvelles résidences, il conservait un certain charme. Eliott se souvenait très bien avoir été présent le jour de son inauguration. Freya était présente s'émerveillent de trouver des coqlicots si rouges en plein Londres. Son veuf les regardaient immobile sous le soleil de fin d’après-midi, leurs tiges penchées vers la terre.

Le Norvégien était installé sur un banc, son chapeau melon posé sur le haut de son genou gauche. Un numéro du Times, plié en quatre, lui tenait compagnie. Eliott n’avait pas eu le courage de finir la lecture de l’article de fonds sur les paradis fiscaux. Depuis les années 30 le monde financier tournait en rond. Pour les anciens comme lui venait une sorte de lassitude. Il imposait une comptabilité saine depuis la créature du Réseau. Certains en avait même perdu leur tête au sens propre. Ils devaient donc davantage se préoccuper des conséquences sociales qui surviendraient au prochain effondrement.

Discernant la silhouette de l’avocate, M. Eirik se leva par éducation et galanterie:
« Bonjour Miss Winchester. » Il lui trouvait une jolie mine. Après une poignée de main, un sourire, il l’invitait à le suivre dans une déambulation au sein du jardin d'horticulture. Du fait de la douceur exceptionnelle, il était encore vivace et coloré pour l’époque. Eliott joignit ses mains dans son dos faisant d’abord quelques pas en silence.

Poli et attentif, il ne faisait jamais de manque aux bonnes manières. Elles faisaient partie de lui :
« Comment allez-vous ? Et comment se passe cette prise de poste ? » Il lui parlait bien sûr de celle qui le concernait. Bien qu’il était informé de ses avancées au sein de la cour de justice londonienne. Carso continuait de lui donner des nouvelles et la presse s’occupait de les compléter.

Eliott avait été intrigué de trouver dans un papier les noms conjoints de la jeune femme et du Juge Tyler. N’étant pas homme à se fier au hasard, il avait fait faire des recherches. Ce qui avait appris l’avait beaucoup fait réfléchir sur la suite. Néanmoins, avant de prendre toute décision, notre loup avait besoin de connaître le ressenti de cette recrue. « Avez-vous fait ce que je vous ai demandé lors de notre dernier entretien ? » C’était une petite évaluation tacite, puisque le directeur était régulièrement mis au fait de l’avancée de chaque dossier en cours. Maintenant il attendait que la charmante Elisa soit aussi convaincante que la première fois.