Florence ouvrit doucement la porte. Son regard se posa sur son invitée « Bonjour Rebecca, entre. ». La comptable eut un sourire. Elle était belle, bien coiffée et ses traits étaient plus détendus. La comptable n’était pas la même qu’au travail. Florence n’était pas certaine de prendre la bonne décision, son cœur balançait encore. Elle avait beaucoup réfléchi avant de recontacter sa collègue. Au travail, Florence n’avait pas changé de comportement. Elle était cordiale, mais évitait Rebecca autant que possible. Mais ce n’était pas parce qu’elle était silencieuse que Florence ne réfléchissait pas. Elle s’était doucement mise en action, amassant documents et éléments de preuves.

L’appartement de Florence était de petite taille. La comptable avait un logement modeste, en particulier pour son âge et sa carrière. L’argent avait été utilisé autrement. Madame Tyler avait déménagé après certains événements, d’abord par raison économique puis parce qu’elle en avait éprouvé le besoin. Il ne lui arrivait plus de rêver de la vie qu’elle aurait pu avoir. Si elle n’avait pas été dans cet accident, Florence en avait aussi terriblement souffert. Là où les autres avaient eu le temps de faire leur deuil, la comptable avait été désigné comme pilier et n’avait pas eu le temps de prendre soin d’elle-même. Aujourd’hui, elle avait désormais l’espace mentale pour s’occuper de d’elle et de ses projets.

Le logement était coloré, plusieurs motifs pouvaient être remarqués. A la table de la cuisine, Florence avait un autre invité. La comptable le présenta « Je te présente mon fils, Léandre Tyler. » Des lunettes noires étaient posées sur les yeux du jeune homme, il salua la nouvelle arrivante « Bonjour Mademoiselle Peterson. » Il eut un sourire « Il est rare que ma belle-mère prenne le thé avec une personne de son travail… elle doit beaucoup vous apprécier. » Sur la table, une belle théière était prête, deux tasses avaient été utilisées mais il y en avait une de prête pour l’invitée. Il y avait tout le nécessaire pour prendre un thé dans la plus tradition anglaise.

Léandre se leva et attrapa sa canne blanche et s’habilla. « Cela aurait été plaisir de prendre le thé avec vous, mais je suis attendu. ». Le système de taxi faisait que Léandre n’avait de toute façon pas le choix, une fois sa décision prise, il ne pouvait pas faire attendre le conducteur. Alors qu’il allait à la porte, Florence l’intercepta « Attends… » La comptable remit correctement le col de veste du magistrat « Tu vas finir par attraper froid comme ça. » « Florence… » Il allait surs ses trente ans, il état en âge de se gérer lui-même. Mais cette conversation ayant déjà eu mille fois, Léandre ne commenta pas plus, conscient que sa belle-mère ne changerait pas.

Le magistrat salua les deux femmes « A bientôt. ». Avant de fermer la porte, Florence demanda une nouvelle fois « Fais attention à toi. » Léandre s’arrêta et répondit calmement « Comme d’habitude. » Il assura « Je fais toujours attention. ». Il fit un dernier signe de main avant de s’engouffrer dans le couloir. La comptable ferma la porte, puis avant d’être entièrement concentrée sur son invité, se déplaça jusqu’à la fenêtre. Florence regardait que Léandre prenait bien son taxi et qu’il n’y avait pas de problème. Que ce gosse lui avait fait peur…

Florence se tourna finalement vers son invitée. « Il y aussi du café si tu le souhaite. » Cette fois, c’était à elle d’offrir une boisson. Avec un sourire, elle rejoignit la table, se posa et attrapa sa propre tasse. C’était bien agréable d’être chez soi.

Florence eut un sourire. On n’arrêtait jamais d’être parent, quel que soit l’âge de son enfant. Léandre allait avoir 30 ans, mais cela n’empêchait pas Florence de toujours éprouver une certaine inquiétude. Elle savait bien que cela avait tendance à exaspérer le juge, mais c’était plus fort qu’elle. La comptable avait eu trop peur pendant trop longtemps… puis il y avait toujours un sentiment de culpabilité latent. Tout avait dit. Léandre lui avait bien dit que ce n’était pas sa faute… mais c’était toujours la même chose. Lorsque son fils lui avait demandé de le croire, elle avait préféré se référer à la vérité défini par les équipes médicales. Elle ne lui avait pas assez fait confiance et les conséquences avaient été dramatiques. La comptable repoussa cette pensée difficile avant de nouveau se concentrer sur son interlocutrice.


Madame Tyler prit place sur la chaise en face de son invité. Poli, elle servit sa collègue. Florence n’était pas une grande dépensière, mais elle prenait toujours du thé de haute qualité. C’était un plaisir auquel elle n’avait pas renoncé. « Je préfère que nous nous voyions ici. » Il n’y avait pas de risque, pas de regard indiscret ou de ragots. C’était bien plus rassurant. Florence eut une hésitation, mais franche elle continua « J’ai réfléchi à ce notre dernier échange… » Sur tout ce qui avait pu être dit.

Un peu mal à l’aise, elle expliqua « Je ne sais pas trop par où commencer. » Elle eut un sourire, se sentant un peu idiote. Au moins avait-elle réussi à faire croiser Rebecca et Léandre. Florence avait organisé les choses tout à fait consciemment. Elle voulait que sa collègue puisse réellement comprendre. Florence décida d’être direct. « J’ai travaillé sur les différents sujets que nous avions évoqués. J’ai fait le tour des dossiers et… » Cette fois Florence soupira et posa une main devant son front. Elle était dépassée et surtout, elle se sentait mal. « Rebecca, tu vas être déçu de moi, mais... » Elle se reprit. « Mais je ne suis pas une oie blanche. J’ai ma part de responsabilité dans toutes les magouilles qui ont pu être faites. ». Les yeux baissés vers sa boisson, elle continua « J’ai tous laissé passer… et j’ai dissimulé lorsqu’on me l’a demandé. » Florence avait honte d’elle-même, honte d’avoir laissé passé tout ça alors que sa famille avait été si engagée. Il y avait de quoi perdre son boulot, même de quoi être condamnée. C’était inconcevable. Florence ne voulait pas perdre la vie qu’elle s’était construite, pas une nouvelle fois.

« J’ai honte… mais j’ai fait ce qu’il fallait pour survivre. » Il n’y avait pas d’autre mot. Elle n’en voyait pas d’autre, pas lorsque la sécurité économique devenait aussi compromise. Florence avait bien cru qu’elle n’arriverait pas à rembourser ses dettes. Tout n’avait été que soldé que récemment, avec le salaire de magistrat de Léandre. C’était un miracle qu’ils s’en soient sorti.

Florence ne savait pas ce qu’elle devait faire. Elle savait bien ce qui était juste, mais elle avait peur de se détruire dans ce combat. La comptable n’avait rien d’une héroïne, elle étaie comme tout le monde. Son regard se posa dans celui de son interlocutrice. Florence cherchait une réponse, presque à fouiller l’âme de Rebecca. Que fallait-il dire que ? Que fallait-il penser ? La blonde savait très bien comment aurait réagir Archi, il aurait cherché la vérité. Archi Tyler était mort. Il avait laissé derrière lui un énorme chaos qui se résorbait seulement maintenant.

Florence ne savait pas quoi répondre. Elle baissa de nouveau les yeux. La comptable était face à un choix moral difficile. « Cela prendra du temps… » Elle prit une grande respiration, était-elle en train de faire la plus grande connerie de sa vie ? « J’accepte ton aide Rebecca. ». Consciente de la situation, Florence commenta à voix haute « Il va falloir que j’explique tout ça à mon fils, mais pas tout de suite. » Elle avait toujours à cœur de le protéger. « Tu as dû lire la presse, Léandre a un autre procès à préparer. » Florence avait été totalement contre ce choix. Pour elle, ce funeste évènement appartenait au passé. Cela faisait plus dix ans et la comptable avait fait son deuil. Elle voulait aller de l’avant. Ce qui n’était pas le cas de Léandre, il avait besoin de faire face. La comptable explicita tout de même « Je suis la veuve d’Archi Tyler. » Secret de polichinelle au travail. Tous avaient eu connaissance de l’affaire.

Florence ne cherchait pas de pitié, mais il était nécessaire d’expliquer. Sa vie avait été bousculé par ces évènements. Elle n’aurait pas été le même. Confuse, elle demanda « Que faut-il que je fasse ? » Fallait-il qu’elle prenne un avocat ? La seule personne qu’elle connaissait dans ce domaine était Jessica Keenan. Une avocate qui l’avait contacté et qui lui avait paru sympathique… Dont le comportement avait excédé Léandre. Florence était confuse.

« Je vais y réfléchir. » A voir comment elle devait s’organiser, mais la présence de Rebecca pourrait aider… bien que pour le moment il fallait surtout attendre le procès. Florence savait que c’était très important pour son fils, plus que pour elle-même. Elle avait un mauvais pressentiment, mais elle ne pouvait que le garder pour elle-même. Il y avait beaucoup de choses que la comptable devait dire à son fils, beaucoup trop de secret qu’elle conservait pour le protéger. Florence aurait voulu en parler à quelqu’un, mais il n’y avait personne. Rebecca était déjà d’une grande aide. Il était probable qu’elle entraine une partie de ses secrets dans la tombe. Si un mensonge restait indécouvert jusqu’à la fin, devenait-il une vérité ? Florence aurait voulu faire mieux.

La comptable noya son regard dans sa tasse. Oui, elle savait que cette période allait être difficile. C’était aussi pour cette raison qu’elle la redoutait. Florence était toujours resté debout, malgré tout, mais elle fatiguait aussi. Elle ne voulait pas repartir dans une telle boucle. La déclaration de sa collègue la fit doucement sourire. Lorca aurait-il ce qu’il méritait ? Non. Jamais. Cet homme était déjà en prison, un nouveau procès permettrait juste de s’assurer qu’il y reste bien jusqu’à la fin. Une peine de prison lui paraissait bien légère face à tout ce qu’elle avait vécu. Ce procès ne faisait que remuer le couteau dans la plaie. Archi était décédé, Léandre avait perdu la vue, il était impossible de revenir en arrière. Son fils croyait fermement à la justice, mais ce n’était plus le cas de Florence. C’était trop dure. C’était un idéal qui ne pouvait pas exister. Ce qui aurait été juste, cela aurait été une aide plus importante pour elle et pour Léandre, pas une punition supplémentaire pour Lorca.

Florence était surprise « Tu avais préparé un dossier à mon nom ? » Qu’avait imaginé Rebecca ? Il y avait-il autre chose de préparé ? La comptable ne savait pas trop quoi pensé sur le moment, mais cela l’inquiétait tout de même un peu. Florence expliqua « Je crois que c’est un encore un peu tôt pour rencontrer un avocat. » C’était assez terrifiant. Elle avait peu de mettre les doigts dans des rouages dangereux. La comptable se souvenait très bien des nombreux rendez-vous qu’elle avait eut lors de la mort de son compagnon. Il y avait eu beaucoup de promesses et aucun retour. Florence n’aimait pas les bans des tribunaux et avait peur de s’y rendre. « Enfin, je sais qu’il faudrait que je fasse une mise au point. Mais cela se fera après le procès Lorca. » Florence ne pouvait pas être sur tous les combats en même temps. La situation était difficile.

Elle répondit rapidement « Non, non , ne t’inquiète pas pour moi. » La comptable savait que c’était tout de même étrange de sa part comme réaction, mais elle expliqua tout de même « Je sais que tu veux bien faire, mais s’il y a un changement de comportement, ils vont se douter de quelque chose et cela va devenir bien plus compliqué. » Florence eut un sourire « Je sais me débrouiller, cela fait longtemps qu’ils m’ont oublié. » La comptable était rentré dans le rang. Tout le monde la prenait pour une idiote, mais ce n’était pas le cas. Elle interrogea sa collègue « D’ailleurs, le sujet de l’audit a-t-il avancé ? » C’était un élément qui pouvait tout changer.
Plus détendu, Florence bu une gorgée de son thé.

Florence eut un sourire devant la démarche de sa collègue. Rebecca se positionnait comme un soutient et c’était bien agréable. Mais la comptable avait besoin que cette relation se base sur le même niveau d’investissement et il lui fallait aussi du temps. Florence avait été marqué par le comportement de certain de ses proches. Dans les périodes les plus difficiles, elle avait été défini comme la veuve qu’il fallait protégée. Si l’intention avait été louable, le côté plus négatif avait été difficile. Florence s’était senti en totale inégalité dans ses liens… Qu’ils n’éprouvaient que de la pitié envers elle. La pitié n’était pas compassion, c’était une forme de mépris. La comptable aurait besoin de temps pour créer de nouveau lien désormais. La méfiance était devenue nécessaire. Florence répondit simplement « J’y penserai. » Mais la fardeau était encore trop lourd pour être partagée. Un jour… un jour peut-être finirait-elle par parler de tout ça.

La comptable éprouva un véritable sentiment de soulagement. Ce ressentie fut visible dans ses gestes, les épaules retombèrent et elle paru immédiatement plus détendue. Cela allait dérangeait. Ils allaient avoir de nombreux bâtons dans les roues. Tout allait être fait pour faire échouer ce projet. Florence le savait très bien. Mais ce qu’elle voyait en face d’elle, c’était une femme capable de faire avancer ce projet malgré tout. C’était rassurant. Florence avait de l’espoir.

A la proposition de Rebecca, la comptable ne savait pas quoi répondre. Elle hésita. La peur était toujours là, malgré tout. Florence savait très bien que rien n’était acquis et qu’il fallait se méfier. Sa présence à ce repas était une information qui pouvait se répandre. La réponse fut donc la plus logique « Je décline pour cette fois.» Elle se justifia « Je préfère ne pas prendre de risque. » Florence préférait vivre cachée et être dissimulée aux yeux du monde. Elle paraissait être une force négligeable et oubliée. Un insecte qui ne méritait même pas d’être écrasé.

Florence eut un moment de silence. Elle avait beau avoir acquis de l’expérience avec le temps, les relations humaines restaient définitivement quelque chose de compliqué. Madame Tyler était calme et souriante, à l’instant, elle se sentait en sécurité et en confiance. Elle expliqua « Nous n’avons pas vraiment eut le temps de discuter au bureau… mais tu commence à connaître beaucoup de choses de ma vie personnelle. » Le procès, le fait qu’elle soit veuve, son fils, cela faisait pas mal d’éléments. Florence continua « Mais je ne connais pas grand-chose de la tienne… Est-ce que tu veux bien me parler de toi ? » C’était important qu’il y ait un niveau d’égalité dans une relation, qu’importe le type de liens qui pouvait en ressortir.

Il fallait du temps. Florence finirait peut-être par venir à un moment donné, mais pas maintenant. La comptable avait besoin d’avancer petit pas par petit pas. Il était nécessaire qu’elle se sente tout d’abord en sécurité avant d’aller plus loin. Un autre besoin était de voir les actions qui allaient être réalisés. Florence avait bien trop souvent vu des engagements mais aucune action. La comptable restait méfiante et il était nécessaire de gagner encore un peu plus sa confiance.

Florence comprenait ce que voulait dire Rebecca. Mais si les informations n’étaient pas très nombreuses, elles étaient suffisantes pour faire mal. La comptable n’avait pas du tout eu cette vision à la base, mais le travail lui avait forcé à observer la réalité via ce prisme. Tout était sujet à blesser.

La comptable se tu et laisse tout le temps nécessaire à Rebecca. Florence avait la sensation que Rebecca faisait aussi particulièrement attention à ce sujet. Blesser quelqu’un sur sa vie personnelle était facile bien que lâche. La comptable demanda « Tu peux tout de même aller voir ta fille de temps en temps ? » Florence espérait que c’était le cas. L’argent ne faisait peut-être pas le bonheur, mais c’était surtout lorsqu’on n’en avait pas. La comptable avait gardé l’habitude de tout compter, à l’euro près. Elle avait eut beaucoup trop de soucis à ce niveau-là. Le fait d’être sorti de cette galère était soulagement. Curieuse, Florence continua d’interroger son invitée « Ta fille fait des études pour être styliste ? » La comptable avait bien du mal à imaginer quel autre métier était possible.

Florence expliqua « Cela fait aussi très longtemps que je n’ai pas voyagé. » Depuis le décès d’Archi. Cela finirait par arriver de nouveau, surtout depuis qu’elle n’avait plus du tout de soucis financier. « Tu aimerais partir dans quel pays ? » Qu’est-ce qui faisait vibrer Rebecca ? Quand aux éléments plus politique, Florence ne fit pas de commentaire particulier. Elle respectait cet engagement. C’était important de le faire.