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[Clos] Désolé, je suis obligé d'annuler notre déjeuner... [Léandre]
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La pluie s’abattait sur les vitres du restaurant et les rinçait, au sens littéral. Les températures avaient chuté et Vincent réalisait combien le climat londonien déraillait. Le smog allait se dissiper avec ces averses abondantes et les coupures d’électricité ne seraient plus un problème.

La dure réalité se rappela tout de suite à la mémoire de Vincent. Malgré ses prédictions, le restaurant fut plongé dans le noir quelques secondes, le temps que le générateur prenne le relai. Vincent déposait sa veste kardan et le chef de rang le conduit à une table à côté de celle du juge Léandre Tyler. Vincent le salua brièvement et s’installa pour une attente qui s’avérera plus longue que prévue.

Le chef de rang le rassura aussitôt, mais il en faisait trop.

— Ne vous inquiétez, lord MacAskill, nous avons notre propre générateur électrique. Votre repas ne sera pas perturbé.

La voix du chef de rang portait trop loin. Avec le harcèlement médiatique dont était victime vincent, il aurait préféré que le chef de rang taise son nom plutôt que de parler si fort. Quoiqu'il en soit le chef de rang se trompait. Après cinq minutes d’attente, Vincent reçut un SMS de son invité qui décommandait, coincé dans le métro en rade d’électricité. Son repas sera perturbé.

Le téléphone du restaurant ne cessait de sonner. Et la responsable du restaurant qui venait de prendre le dernier appel vint ensuite à la rencontre du juge Tyler pour l’avertir de la même nouvelle :

— Monsieur le juge Tyler, je suis au regret de vous annoncer que votre invité vient d’annuler votre rendez-vous en raison des coupures d’électricité. Souhaitez-vous déjeuner seul ?

Vincent s’en amusa, alors que l’orage redoublait de violence.

— Eh bien, nous sommes tous dans le même bain face aux caprices de la météo. Je serai seul également, précisait-il en rangeant son téléphone.

Sa dernière précision s’adressait à la responsable du restaurant.

— À moins que nous nous déjeunions tous les deux à la même table, qu’en pensez-vous monsieur le juge ?
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19.09.21 15:26
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Léandre Tyler
Léandre n’était pas stressé de se retrouver dans le noir. Cela le faisait même sourire d’entendre toutes ses réactions. Conscient que sa réaction n’était pas socialement approprié, Tyler était discret. Le magistrat avait aussi tout à fait conscience qu’en cas de réels problèmes, son handicap le mettait dans la catégorie des personnes les plus à risque. Si la fin du monde arrivait, il ne ferait pas parti des survivants. Léandre se rendait déjà compte des moments où il ne pouvait qu’être dépendant, en particulier dans ce monde où le numérique devenait de plus en plus présent… Tout en n’était pas pensé et adapté à lui. Chose qu’un de ses enseignants universitaires lui avait bien dit à plusieurs reprises : le monde ne s’adapterait pas à lui. Ce n’était pas juste, mais c’était la réalité.

Si Léandre ne pouvait pas voir, il entendait. Le magistrat était donc non lui de Monsieur Macskill, homme d’affaires réputé et connus pour ses déboires avec la presse. C’était une personne intéressante, riche et ayant clairement le besoin d’avoir une meilleure image publique. Pendant un instant, les pensées du juge se tournèrent vers Jessica. La Rousse devait le connaitre, ils étaient dans le même cercle de privilégier. Léandre savait très bien que ses relations avec l’avocate allaient devenir plus compliquées prochainement, il avait choisi une autre avocate pour le défendre lors du procès Lorca. Jessica allait être particulièrement contrarié et peut-être qu’elle ne lui pardonnerait pas. De toute façon, l’avocate avait très claire sur le fait qu’elle ne l’aimait pas.

Tyler fut quelque peu contrarié que son invité appelle le restaurant et non lui-même. C’était un élément révélateur. Léandre conserva précieusement l’information intérieurement, cela serait bien utile par la suite. Conscient que cela ne servait à rien de rester sur un échec, Léandre répondit à la proposition de l’homme d’affaires. « Excellente idée Monsieur Macskill, je vous prie, essayez-vous. » Choix qui paraissait naturelle au juge. Léandre appréciait développer son réseau, cela était tout à faire nécessaire pour la poursuite de ses objectifs. Un jour, Tyler serait celui qui dirigerait le palais de justice de Londres. Cela n’était qu’une question de temps. « L’imprévu a parfois du bon. » Léandre était de ceux qui prévoyait beaucoup de choses en avance. Son handicap faisait aussi que la perturbation de son quotidien pouvait vite devenir très désagréable. Tyler ne fit aucun commentaire quand à la météo au vu des accusation de greenwashing porté contre l’homme d’affaires. Au moins le smog avait quitté Londres. C’était une excellente chose, Léandre étant particulièrement sensible à cet élément météorologique. Il n’avait pas envie de retomber malade. Ouvrant la conversation, Tyler demanda « Quels sont vos sujets du moment ? » De quoi avait-il envie de parler ? Léandre n’avait pas posé de question quand à son invité, tout simplement car il n’avait pas envie de donner de propre réponse lui-même.

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25.09.21 15:52
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Oui, l’imprévu avait parfois du bon. Vincent s’installa face au juge sur les confortables chaises qui devaient chacune coûter plusieurs centaines de livres. L’imprévu avait parfois du bon comme le justifiait avec justesse le juge Tyler. Vincent fut surpris qu’on n’aborde pas le climat, c’était souvent l’entrée de la discussion avant le plat de résistance. Pourtant ce sujet ne vint pas et Léandre le lança directement sur la suite. Les sujets.

Vincent ne tournait pas autour du pot. Il n’évoquerait pas les accusations contre lui, car il comptait bien clore l’affaire rapidement.

— Depuis le Brexit, je fais fortune parce que je vends un poison aux anglais.

Vincent mit les mains en l’air comme pour se dédouaner.

— Je ne parle pas de drogue, mais bien du charbon. La ville de Londres atteint les limites du supportable et la qualité de service laisse pourtant à désirer.

Vincent regardait les lampes éteintes autour d’eux, comme pour rappeler la coupure d’électricité. Vincent n’avait pas oublié la cécité du juge. Il ignorait le détail de cette cécité, mais il savait bien qu’une coupure d’électricité ne passait pas inaperçue. Les ronronnements des moteurs de réfrigérateur, de climatiseur, la chaleur de certaines lampes, la surprise des clients, tant de signes qui ne laissaient aucune place au doute !

— Je voudrais que cela change. Tant sur la pollution que le reste. Vous êtes bien placé pour constater que la police peine à gérer la criminalité, la presse se veut à scandales, les prisons débordent sans pour autant que cela dissuade les criminels. Alors, je répondrais que mon sujet du moment est la politique, même si elle ne suffit pas.

Beaucoup de politiciens pensaient d’abord à leur statut, l’argent, leur réélection. Cela ne le dérangeait pas tant qu’ils faisaient leur job. Mais les conservateurs avaient montré leurs limites et quand bien même il restait quelques idéalistes, les loups de mers avaient abandonné leurs idéaux, y compris chez les travaillistes.

Vincent n’a vraiment que peu d’informations sur le juge. Évidemment, il est au courant de sa cécité, c’est dramatique comme cela semble le qualifier. Pourtant cela ne se remarque pas au premier regard. En revanche, il paraît frêle et bien jeune, alors Vincent en déduit qu’il doit se battre deux fois plus pour obtenir ce qu’il mérite. Comme une femme dans un monde d’hommes. En fait, la seule information que Vincent a pu vérifier, c’est que le juge Tyler est un bourreau de travail et cela lui plait.

Vincent voulait s’entourer des meilleurs. Il aimerait bien en dire plus, mais il préfère d’abord nouer un meilleur contact.

— Et vous ? Quels sont vos sujets ?
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24.10.21 22:21
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Léandre Tyler
Ces sujets de moment ? Les femmes, enfin, une femme. Léandre avait une vie sentimentale compliquée. Mais ce n’était pas un sujet que le magistrat avait envie de partager. Il expliqua « Les affaires sur lesquelles je suis actuellement me prennent beaucoup de temps. » Et accessoirement le procès Lorca était à préparer. Ce qui était un autre sujet que je le juge ne pouvait pas aborder avec l’homme d’affaires. « De ce fait, je suis moins informé de l’actualité londonienne… même si la politique reste un sujet important. » Léandre était très égoïste sur ce point. Il ne mêlerait de ça uniquement lorsque l’indépendance de la justice serait touché et dans ce cas-là, il sortirait les crocs.

« Comme vous avez pu le souligner la criminalité est en hausse, l’état des prisons est déplorable et les pics de pollution se font plus nombreux. » Léandre était contraint de faire attention à ces pics. Cela pouvait le rendre gravement malade. Si cela ne finissait pas par baisser, il finirait par devoir s’éloigner de cette ville pour des raisons de santé. Ce qu’il n’avait vraiment pas envie de faire. Léandre aurai pu être en colère contre cet homme, mais cela faisait longtemps qu’il avait appris à réprimer ce sentiment. L’environnement n’était que rarement adapté à sa situation, que cela soit par rapport à la pollution ou tout le reste. Il ne pu s’empêcher de demander « Quelle sont vos actions pour faire réaliser vos souhaits ? » Le juge avait l’habitude d’entendre des promesses. C’était le meilleur moyen de défenses des inculpés, qu’ils allaient se racheter. Presque amusé, Léandre se demanda intérieurement si cet homme ne risquait pas d’être poursuivi à cause de cette pollution. Dès lors que l’origine d’une mort serait liée à cette industrie, les risques de procès allaient pleuvoir. C’était intéressant.

Bon joueur, Léandre offrit tout de même une porte de sorti à l’homme d’affaires « Enfin, j’imagine que ce n’est pas de ça que souhaitez parler ce soir. » Ils n’étaient pas au travail, du moins, pas officiellement. Il demanda « Vous écoutez de la musique ? ». Par pitié qu’il ne parle par d’opéra. Trop de personne semblaient être obstinées par cet art et Léandre n’aimait pas ça. Pour tenir la conversation, il s’était mis à niveau, mais cela restait tout de même bien désagréable.
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26.10.21 20:37
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Est-ce que Léandre aurait vu venir Leroy a des kilomètres qu’il lui expliquait déjà que ses journées étaient trop remplies ? Ses affaires lui volaient tout son temps. Vincent connaissait bien cela. Il déléguait beaucoup, c’était beaucoup plus facile pour l’entrepreneur, car il n’avait pas une hiérarchie moribonde qui n’avait de cesse que de réduire les effectifs de la fonction publique. Vincent garda le sujet dans un coin de sa tête.

D’autant que la question suivante lui permettait d’ouvrir le débat.

— Je réunis des fonds pour accélérer la production d’électricité verte.

La réponse de Vincent avait été particulièrement directe, car il appréciait la remarque. Trop de gens râlaient, surtout dans le pays de sa mère, la France. On râlait contre tout, chacun expliquait ce que les politiques devaient faire, mais personne ne faisait rien. Alors, Vincent agissait.

— Je pense que l’électricité peut être produite par de superstructures, du off-shore en mer, mais elles ont leur limite. Les retards des EPR français nous l’ont prouvé. Je pense qu’on peut aussi répondre à la demande avec une multitude de micro-générateurs. Imaginez tous les toits de nos campagnes remplacées par des tuiles photovoltaïques. Le souci est le financement initial. Entrepreneur, c’est mon quotidien de financer des projets. Alors, je tente de monter des partenariats avec des banques, le Royaume. L’installation ne coûterait rien au propriétaire, il ne toucherait aucune recette tant que le crédit ne serait pas remboursé, son seul engagement serait de maintenir le produit en l’état. Les lobbies pétroliers ont réussi à faire croire que l’écologie ne créait pas d’emploi. Prouvons le contraire en faisant exploser la demande et en créant une pénurie d’installateur.

Vincent s’interrompit et moulina du bras comme pour dire que la suite coulait de source. Il avait peur d’ennuyer son interlocuteur avec les démarches administratives.

D’ailleurs le sujet changea du tout au tout quand le juge lui demanda s’il aimait la musique.

— Non.

Une réponse à moitié franche.

— Disons qu’elle me distrait et que je dois rester concentré, alors je ne l’écoute pas. J’ai peur en l’écoutant d’être moins efficient. Qu’est-ce qu’il vous faudrait pour que vos affaires vous prennent moins de temps ?
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01.11.21 20:39
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Léandre Tyler
Léandre passait beaucoup de temps à fréquenter les voyous, les manipulateurs et les menteurs… Si bien que lorsque l’homme d’affaires expliqua sans difficulté ses objectifs, le juge en fut surpris. Macaskill était donc sincère dans sa démarche ? C’était étonnant. Tyler était habitué aux fausses promesses et à une fiabilité plutôt basse de l’humanité. Les indicateurs étaient différents ici. Le projet de l’homme d’affaires était en plus particulièrement intéressant. Léandre n’était pas un fervent défenseur de l’écologie, mais il était évident qu’une meilleure qualité de l’air et des emplois était nécessaire pour la nation. Intérieurement, Tyler nota toutes ces informations. Cet individu avait piqué sa curiosité. Léandre commenta « Et bien, je serais curieux d’observer cette évolution. » Le magistrat n’avait pas de prise dans ce domaine, mais ce projet l’avait interpelé.

La réponse franche et concise fit sourire le juge. La personnalité de Macaskill avait l’air d’avoir une franchise plutôt agréable. C’était spontané et offrait une tranquillité d’esprit qui contrastait avec les multiples actions de manipulation du palais. Tyler était dans son élément en tant que magistrat, mais changeait d’air était agréable.

Léandre n’eut absolument pas besoin de réfléchir à la question pour répondre, mais il avait besoin de modérer ses propos. La colère était toujours présente, même après tout ce temps. Tyler répondit tranquillement « L’accessibilité. » La réponse était simple mais méritait d’être expliqué. Les valides n’arrivaient pas à comprendre à quel point c’était impactant. « Cela fait désormais plusieurs années que je travaille en tant que magistrat, mais même les mesures les plus simples ont du mal à être prises. » Le poids de l’administration était difficilement surmontable. Tout ce qui était différent était trop compliqué à gérer pour eux. Le fait que Tyler soit arrivé à ce post en devenait une erreur statistique. D’autant plus que Léandre savait très bien qu’il était devenu une des bêtes noires du service des ressources humaines. Les aménagements demandés, ses absences… C’était trop compliqué à gérer pour eux. Le magistrat avait fini par apprendre de source sûre sur la directrice des ressources inhumaines l’insultait systématiquement lorsqu’elle parlait de lui. Au début de sa carrière, Léandre avait failli renoncer à cause de tout ça… mais il avait fini par arrêter de constamment s’excuser pour son handicap. Ils pouvaient bien aller se faire voir ! Tyler n’hésitait plus à aller au tribunal administratif. Ses études et son statut l’aidait énormément sur ce point.

« La majorité de ces mesures sont de simples habitudes, mais ne pas laisser une porte entrouverte, s’annoncer lors de son arrivé ou encore simplement dire ce qu’il y a d’afficher sur un powerpoint semblent bien trop compliqué pour mes confrères. » Heureusement, Tyler avait nombre d’alliés. Mais cela restait tout de même insupportable de ne pas pouvoir être indépendant pour des mesures aussi simples. Léandre donna un autre exemple. « Nous sommes en période de fin d’année, il est évident que la direction ou des collègues vont vouloir installer des décorations… Mais ils ne penseront pas à les signaler au sol. » Tyler eut un sourire. « C’est à cause de ce genre de comportement que je prends sans cesse le risque de me blesser. » Nullement gêner par la situation, Léandre continua de donner quelques exemples « Dans les dossiers que l’on me transmet, les photos ne sont généralement pas décrites, ni les pièces à conviction. » Il tempéra tout de même « Heureusement, mes collaborateurs finissent par comprendre avec le temps… mais je suis forcé de constater qu’il est nécessaire d’utiliser la force. » Léandre était un excellent juge. Il connaissait ses forces. On ne pouvait absolument rien lui reprochait d’un point de vue professionnel… et vu comment il était contraint de batailler, il était nécessaire qu’il le reste. Tyler savait qu’il s’était fait des ennemis de cette manière. « Je ne demande pas à avoir plus que les autres, mais juste que l’on me laisse faire mon travail. » Ce n’était jamais un caprice.
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20.11.21 14:30
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Ainsi qu’il l’avait synthétisé en un seul mot, les difficultés de Léandre se résumaient plus à l’accessibilité qu’à de l’assistance pour traiter des affaires. Vincent avait eu besoin de quelques exemples pour comprendre, car Léandre ne lui était jamais apparu comme souffrant d’une déficience visuelle.

— Je suis certain que si je demande à un autre juge, il me donnera une version différente.

La phrase de Vincent était ambiguë, Vincent le savait et il en jouait quelque part.

— Je veux dire que, dans le privé, chaque entrepreneur s’entoure en fonction de ses besoins. Je ne comprends pas pourquoi dans la justice et le public en général, cela ne fonctionne pas de la même façon. Par exemple, si un juge a une demande standard, comme gérer son agenda, il va demander une assistante ou on va lui fournir un logiciel quand les fonds s’amenuisent. Mais s’il a deux heures de transports en commun par jour, il aimerait peut-être avoir un greffier qui lui lit les dossiers, les procès verbaux pour qu’il puisse les écouter et donc ne plus perdre son temps dans les transports à lire les publicités ou le journal. Ce genre de problème ne trouve jamais de réponses concrètes.

Vincent goûta le plat qu’on venait de lui servir et en apprécia les subtilités. Il finit sa bouché tranquillement pour mettre ses idées en place et généraliser ce concept.

— Dans le privé, un directeur d’opération est libre de s’organiser comme il le souhaite. Il gère son budget, il a des objectifs et s’il ne les remplit pas, il doit en répondre. Je sais que dans le public, on vérifie chaque penny comme si un juge pouvait détourner de l’argent. J’ai envie de dire : peu importe ! Si les objectifs sont remplis, je me moque complètement que et que mon directeur d’opération a utilisé l'intégralité du budget pour s'augmenter, grand bien lui fasse. J’aimerais que ce soit pareil dans le public. Et je suis sûr qu'on peut trouver des solutions en responsabilisant.

Vincent posa sa fourchette et son couteau de chaque côté de son assiette et fixa Léandre.

— Je souhaite en toucher deux mots au gouvernement travailliste, si vous le permettez.
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13.12.21 17:03
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Léandre Tyler
Léandre écoutait tout en mangeant. C’était une chose simple, mais il se souvenait très bien de la première fois qu’il était allé au restaurant après être devenu aveugle. C’était quelque chose lui avait toujours paru évident… et puis le handicap était arrivé. Tyler éprouvait régulièrement et silencieusement cette victoire. Peu de gens pouvait comprendre.

L’homme d’affaires était une personne habituée à avoir du pouvoir, gérer de l’argent et des personnes. Léandre n’avait jamais travaillé dans le privé. Il savait que c’était différent. Le juge n’avait jamais regretté de s’être engagé dans le fonction publique, tout d’abord à cause de son poste bien particulier, mais aussi par rapport à son handicap. Il n’était pas certain qu’une entreprise privée ait un jour fait le choix de l’embaucher. Les dernières campagnes de communication à ce sujet le faisaient grincer des dents. Être aveugle faisait parti de lui désormais. Ses compétences étaient différentes et demandaient des adaptations. Les valides voulaient oublier le handicap et faire comme s’il n’existait pas, mais le monde ne fonctionnait pas de cette manière.

Le point de vu de Monsieur MasAskill était intéressant. Heureusement pour lui, Léandre avait appris à être pondéré et à réfléchir avant de répondre. Tyler expliqua « A quel sujet exactement ? L’organisation du travail ou bien les problèmes que je rencontre à cause de mon handicap ? » La juge savait que la discussion était en train d’appuyer sur un élément émotionnel fort. La colère était là. Avant de perdre la vue, Léandre n’avait jamais été sensible à ces questions. Mais maintenant, il comprenait à quel point la situation était injuste et énervante. Tyler restait malgré tout tranquille. Son métier lui avait permis de développer son sang-froid. « Pour ce qui est de l’organisation de la fonction publique, un pont de vu extérieur serait extrêmement pertinent. » Il encouragea l’homme d’affaires « Un des problèmes ait qu’il n’y a que très peu de mouvement. Les agents sont fonctionnaires toutes leur vie et ne voient pas comment cela fonctionne ailleurs. Il y aurait forcément à gagner. » Il assura « De plus, une réflexion générale quant aux conditions de travail et aux bien être des agents me semble aussi être une piste pertinente à étudier. » Léandre avait la directrice des ressources inhumaines dans le collimateur. A chaque discussion avec elle, il y avait des phrases surréalistes. Tyler savait qu’il restait malgré tout un privilégier, quand était-il de ceux qui ne pouvait pas se défendre ?

Le magistrat prit tout de même le temps d’expliquer « Pour ce qui est de mon handicap, je suis capable de me débrouiller seul. » Il eut un sourire. L’homme d’affaire risquait de mal le prendre. « J’apprécie votre proposition. Je comprends que c’est une volonté de bien faire et je respecte cela… Mais la parole est rarement laissé aux personnes en situation de handicap. » Monsieur MasAskill était un homme riche, probablement blanc. C’était le genre de personne qui n’avait pas besoin de faire d’effort pour se faire entendre. Léandre avait fini par comprendre l’importance des discriminations en le subissant lui-même. « Beaucoup de personnes ont tendance à penser que comme je suis aveugle que je ne suis pas apte à m’exprimer ou à prendre des décisions… Bien que cette situation ait évolué depuis que je suis juge. » Tyler savait aussi qu’il avait une tête de gamin. Il avoua tout de même « C’est extrêmement humiliant d’être infantiliser de cette manière. D’autant plus que les personnes veulent globalement bien faire. » Léandre s’était rendu compte que refuser une aider pouvait aussi provoquer de la colère. Ce n’était parfois pas que des mots et cela pouvait même devenir très effrayant.

Tyler n’était pas certain de pouvoir être compris, mais il espérait que cela serait le cas ici. Léandre était sensible par rapport à son image. Depuis qu’il y avait le procès, le juge avait marqué les médias. Un magistrat aveugle ne s’oubliait pas facilement… Au tant en profiter.

Curieuse, le juge demanda « Vous connaissez une personne en particulier au gouvernement travailliste ? »
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14.12.21 16:39
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— Pour cela, il faudrait que je vois votre cécité comme un handicap. J’y vois une opportunité. Je ne suis pas hypocrite. Je ne souhaite pas être aveugle, mais j’ai remarqué que chaque malvoyant comble sa déficience avec des atouts se développant au-delà du commun.

Certains malvoyants avaient une ouïe extraordinaire, d’autres lisaient le braille avec une facilité déconcertante pour un voyant. Nombreux développent une forme d’empathie extraordinaire les rendant capable d’entendre le sens caché des mots prononcés.

— Je lis entre les lignes, d’autres entendent entre les mots.

J’imagine qu’un juge à même d’entendre chaque nuance de la voix de son interlocuteur aide à discerner l’ivraie du bon grain. Vincent l’écouta détailler la vie d’un fonctionnaire. Oui, il changeait rarement. Certains fonctionnaires venaient du privé, mais peu y retournaient. Cet écart était encore plus marqué en France.

— D’un autre côté, le statut de fonctionnaire aide à lutter contre la corruption. Imaginez la pression qu’un supérieur hiérarchique pourrait avoir sur un subordonné s’il pouvait le virer.

Il échangèrent quelques instants sur la fonction publique. Vincent apportait quelques remarques en comparant le système anglo-saxon aux méthodes françaises. Vincent prit néanmoins bonne note de l’infantilisation qu’il y avait dans certains gestes des aidants. Il n’était pas d’accord. Tout le monde ne réagissait pas de la même façon.

— Je ne sais pas. Ce que vous dîtes me trouble. Dans les aéroports mauriciens, on ne lit pas “accès handicapé”, mais “accès pour personnes autrement capables”. J’ai bêtement cru que c’était de l’hypocrisie. Mais vous avez raison. La plupart savent gérer. Cacher le handicap et lutter contre celui-ci me semblent aujourd’hui de mauvais angles d’approche. Je préfère profiter de la différence. Prenez une styliste avec un don, personne n’est choqué que les grands noms de la mode se l’arrachent. Ça ne choque pas qu’une entreprise privée dise “C’est elle que je veux !”. Un procureur ne peut pas choisir un enquêteur nommément. Pour choisir un enquêteur, il doit respecter les règles d’un concours. Et comme tout système avec des règles, il y a des renards pour contourner le grillage. Si j’étais procureur, je choisirais un enquêteur avec un don : un aveugle pour les confrontations avec les suspects, car certains “entendent” les mensonges.

Vincent espérait à son tour être compris. Certains sujets pouvaient être épineux et froisser alors qu’on était presque sur la même longueur d’onde. Ayant donner son point de vue à son tour, il rebondit sur la discussion travailliste.

— Disons que je m’entends mieux avec les progressistes qu’avec les conservateurs. Je connais bien le député écossais Campbell, nous venons des mêmes contrées. Je connais bien aussi la syndicaliste Peterson. La sœur, plus que le frère.
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20.12.21 16:00
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Sur le point des fonctionnaires qui ne pouvaient pas être licencié, Léandre ne pu que reconnaitre que l’homme d’affaires avait raison… Même si licencié une personne était une manière particulièrement visible de réagir, il y avait d’autres manières de faire. Il ne fallait pas être naïf. Le plus évident et le plus pratique était de réussir à pousser à bout une personne pour qu’elle parte d’elle-même… le tout en étant assez malin pour ne pas se faire prendre. Tyler n’avait pas mis en œuvre ces pratiques, mais il les avait subi par moment… bien qu’il doutait fortement que cela soit été volontaire (sauf pour Blakemore, mais le cas était à part). Le plus difficile avait été ses premières années d’études. Ses proches avaient eu la force de se battre pour lui face à l’administration et à l’université de manière plus générale. Si Victoria ne s’était pas au tant intéressée à l’informatique et si sa mère n’avait pas fait le forcing comme elle l’avait fait, alors Tyler ne serait pas magistrat.

Léandre eut un sourire discret mais sincère quant à la réaction de MasAskill. Il avait un point de vue positif, rare aussi, et cela faisait du bien. Le magistrat ne put tout de même pas s’empêcher de demander au chef d’entreprise « J’imagine que votre entreprise doit être exemplaire dans ce domaine. » Mais l’homme d’affaires avait montré auparavant qu’il était engagé par rapport à ses idées. Tyler avait besoin de preuve sur ce point. Il avait eu tellement de faux espoirs qu’il ne restait qu’aux faits.

Tyler connaissait Madame Peterson, une syndicaliste qui travaillait avec sa mère. C’était intéressant. Intérieurement, Léandre se demanda bien quel type de lien pouvait avoir Vincent avec ces personnes… Cela pouvait en dire long sur leur manière d’être. « Je n’ai pas encore eu l’occasion de les rencontrer. » Cela finirait bien par arriver. Le monde était petit.
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08.01.22 20:25
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Vincent apprécia la remarque de Léandre. Cette attitude positive et avenante avait lu de la sincérité dans cette réplique.

— Je ne pense pas.

Pourtant la réponse de Vincent allait à contresens. Il s’en expliqua aussitôt. Il avait besoin de s’en expliquer.

— Je crois que c’est lorsqu’on pense qu’on a tout fait pour réduire les injustices qu’on sombre plus avant. Quand on est convaincu d’avoir atteint un idéal, on baisse les armes et c’est à cet instant qu’on en est de facto le plus éloigné. Le travail est encore long.

L’humilité de Vincent n’était pas feinte. Il côtoyait, peut-être pas au quotidien, mais avec suffisamment de régularité des mineurs en mauvaise santé à cause de leur travail. Elle s’aggravait tant qu’il souffrait de réels handicaps dans la vie de tous les jours. Vincent ne pouvait l’oublier. Ils travaillaient dur pour fournir de l’énergie aux Anglais. Ces mêmes Anglais dénigraient pourtant leur travail parce que cette énergie polluait alors que ces pauvres mineurs y laissaient leur santé. Ils n’étaient en rien responsable, si ce n’est de se faire parfois entendre quand on menaçait leur maigre gagne-pain.

— Je ne doute pas que vous les rencontriez. C’est un réel plaisir d’échanger avec eux. Ils sont directs, francs, ce qui est plutôt rares pour des politiciens.


La conversation se poursuivit en toute tranquilité sur les qualités et défauts de tout un chacun et sur l’économie du pays. Vincent, bavard, finit par ajouter quelques mots au moment de partir :

— Je souhaite créer un cercle. Je ne sais comment l’appelé. Cercle d’initiés a une tonalité trop illuminé, cercle d’expert est trop vaniteux, cercle d’amis quelque peu hypocrite. Un cercle d’échanges peut-être. En tout cas, je suis convaincu que c’est en échangeant avec des personnalités de toute origine qu’on étoffe ses convictions. Si vous m’y autorisez, je me permettrais de vous contacter la prochaine fois que nous nous verrons. J’aimerais vous inviter à partager avec nous.

Vincent le laissait y réfléchir. Vincent prit soin de ne régler que sa note, avec sa carte de crédit personnelle. Il laissa Léandre payer sa note, il considérait comme une insulte de payer la note d'un fonctionnaire. Quelque part, cela mettait le fonctionnaire en situation délicate. Du moins, c'est ainsi que Vincent voyait la chose.
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28.02.22 14:38
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