Une soirée tranquille
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En me rendant dans l’établissement dont Jean-Baptiste avait fait l’éloge, je ne savais pas à quoi m’attendre. Dans les maisons closes de Cordoue, on ne servait pas à manger, ni à boire, car le sexe était un art pour lequel on doit être investi, corps comme esprit. Certaines femmes, les plus belles et les plus intelligentes, arrivaient à se frayer un chemin vers le harem d’un Walid, d’un général, d’un vizir, et pour les plus chanceuses, jusqu’à celui du Sultan. C’est ce qui était arrivé à ma chère Sharzad, puisse-t-elle être heureuse aujourd’hui. Elle a toujours été ambitieuse, et mon statut de médecin la décevait.

Il m'apparut clairement que les moeurs ne se ressemblaient pas, puisqu’ici, les hommes ne possédaient pas de harem, ni de favorites, ni plusieurs épouses. Il n’y avait que les maisons-closes. Sur le chemin vers celui de madame Kane, je décrivais au Français à quoi ressemblait les nôtres « Celui où je me rendais le plus souvent possédait un hammam. De grands bassins d’eau chaude qui remplissaient le hammam de vapeur. Un bassin réservé aux hommes, et un autre réservé aux femmes du hammam ». Elles étaient nues pour la plupart, pour que les clients potentiels puissent admirer leur corps au loin, sans les toucher. Elles devenaient alors de véritables actrices. Certaines jouaient les vierges timides, d’autres les femmes joueuses et coquines, et d’autres encore les beautés langoureuses aux yeux de braises.

Il y en avait presque pour tous les goûts et toutes les envies : celles aux formes discrètes et filiformes, celles aux courbes plus généreuses, des nubiennes, des perses, mais jamais de blanches. Celles-là avaient trop de valeurs, étaient trop rares pour se retrouver dans un simple hammam. Ma mère ne s'était pas retrouvé favorite de mon père si ça n'avait pas été le cas. Les Caucasiennes, les Européennes, étaient farouchement gardés, telles des trophées de guerre. Ils étaient tous fous de leurs cheveux pâles et blonds, leurs yeux colorés.

Pour ma part, je ne pouvais ignorer que ces femmes, même après des années passés dans le monde Arabe, n'étaient pas venue ici de leur plein gré. Ainsi, je ne les avais jamais convoités.

« Quand notre choix se portait sur l’une d’elles, on appelait l’eunuque, et on quittait le hammam pour se rendre dans la maison attenante, et la femme nous rejoignait dans une chambre privée… Je ne vous explique pas le reste » dis-je à mon compagnon, un sourire en coin sur les lèvres. « Y a-t-il un type de femme qui vous plait davantage, Jean-Baptiste? ».

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Le marquis était content, content de pouvoir amener une nouvelle âme dans l'antre de la belle rousse. Content surtout, parce que c'était un compagnon sympathique, un ami avait-il dit, alors autant le voir ainsi. Il s'aidait d'une canne pour marcher, juste le temps d'arriver à la porte, ensuite, il n'en aurait beaucoup moins besoin. Un petit sourire marquait ses traits, l'écoutant avec un intérêt grandissant. Même dans un pays dont il ne connaissait rien, il y avait toujours un endroit où les mœurs étaient les mêmes, ou presque. Tous les hommes du monde, avaient besoin des femmes, et il y avait toujours un endroit où en trouver. Ces établissements avaient l'air curieux, intéressant, dédié au sexe et à rien d'autre. Voilà qui attisait sa curiosité. Bien qu'il trouvait dommage de ne pouvoir boire un verre, tout en profitant de la bonne compagnie, mais son compagnon de soirée, lui avait fait comprendre que l'alcool dans son pays... n'était pas la chose la plus permise qui soit. Quelle drôle de coutume. Enfin, Jean-Baptiste ne se permettait pas de la critiquer, tout simplement pour ne pas froisser son invité.

- Est-ce utile, ces... hammam? Tu verras qu'ici, nous pouvons demander d'avoir droit à un bain et se faire nettoyer. Elles sont très habiles de leurs mains. Avec un léger sourire en coin.

Il y avait quelque chose d'exotique à imaginer des femmes nues, se baladant autour d'eux, pouvant laisser ses yeux glisser sur les courbes, sans tenter de vouloir deviner ce qu'il se cache sous les vêtements. Enfin, l'effeuillage est un moment que notre marquis apprécie particulièrement. Il tentait de s'imaginer toutes ces formes, ces couleurs, ces femmes différentes. Si dans le pays de Prem, les hommes se battaient pour toutes celles qui pouvaient avoir la peau blanche, ici... voilà qui était l'inverse.

- Finalement, même s'il y a beaucoup de différence entre nos deux pays, la chose ne change pas. Avec un petit rire, posant une main sur l'épaule du médecin. Tu verras que chez miss Kane, le choix est grand, il suffit de se montrer intéresser, on te prend par la main et... la suite tu la connais aussi. Avec un petit sourire, tout en s'approchant de la porte du bordel. Les rires et les chants se font entendre. Mmmm.... j'aime les femmes qui m'enflamment, Miss K. est sans doute celle qui se rapproche plus de mon type. Petit clin d'œil. Et toi, mon ami? Une préférence? Il lâchait alors son épaule, pour aller la poser sur une porte. Ne t'inquiète de rien, je m'occupe de tout.

Poussant alors la porte, il prenait une grande respiration, tout en passant la porte, saluant d'un grand sourire le grand blond qui s'occupait de la sécurité.

- C'est un ami, je réponds de lui, sur ma vie, Elias.

Avant même que ce dernier ne puisse dire quoi que ce soit. Le marquis souhaite que son invité puisse vivre cette expérience comme n'importe quel homme. Il est suffisamment connu dans l'établissement pour qu'on lui fasse confiance, alors le grand blond laisse passer Prem, sous en lui lançant un regard de méfiance, comme pour tout nouvel arrivant, encore plus quand c'est un étranger.

Lemoine pose à nouveau sa main sur l'épaule de Prem, pour l'amener au bar.

- Commençons par boire! Enfin, si ta religion le permet? D'un ton taquin. Ici, les Dieux restent à la porte. Levant la main pour appeler la belle derrière le bar, qu'elle leur serve son meilleur vin!

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Je dois avouer avoir trouvé la question que me posa Jean-Baptiste quelque peu étrange. Pour moi, l’utilité des hammams allait de soi, mais je lui répondais tout de même. « Eh bien, je dirais que oui. Le sang circule plus facilement quand le corps est chaud », lui dis-je, satisfait de ma réponse. C’était bien pour cela que les bordels s’y établissaient. Lorsque mon compagnon me parla des bains offerts et donnés par les habiles employées de Miss Kane, je souris avec lui, curieux d’en faire l’expérience. Outre le fait de pouvoir profiter de la vue… je n’avais pas pris de véritable bain depuis plus longtemps que je ne souhaite avouer ici.

Le Français eut la réflexion que finalement, nos royaumes n’étaient pas si différents l’un de l’autre. Je ne pouvais être totalement d’accord avec lui, mais alors que nous nous approchions de la porte de l’établissement, je réservais mes opinions pour plus tard. « Mh. Je crois que tout est dans son regard, ou son sourire. J’aime me faire envoûter », avouais-je, connaissant mon penchant pour les femmes aux airs gracieux, ou mystérieux.

Étrangement, ce qui me troubla sans doute le plus fut d’entendre les rires et les chants depuis l’extérieur. Je ne me considére pas comme particulièrement puritain, mais à ce moment-là, et plus tard en entrant à l’intérieur du bordel, je me rendais compte à quel point le rapport entre les femmes et les hommes de mon pays était ritualisé. Structuré. Ici, ils étaient décomplexés, et je me sentais perdu.

Heureusement, mon ami de ce soir était là pour me guider. La familiarité de l’échange que Jean-Baptiste eut avec l’homme blond devant la porte m’indiqua qu’il était bel et bien un habitué de l’endroit. Il nous laissa passer, non sans me jeter un regard méfiant. Par réflexe, je rabattis ma capuche sur ma tête, et suivis Jean-Baptiste jusqu’au bar. « Je n’ai jamais vu autant de gens en état d’ébriété dans une même pièce », déclarais-je, amusé, avant de prendre place aux côtés de mon nouvel ami. Évidemment, je ne comptais pas m’abstenir de profiter du vin et de la bière.

« Ma religion ne me le permet pas, mais ça ne serait pas la première fois que je déroge à ses préceptes » dis-je en acceptant volontiers la coupe de vin que la femme derrière le comptoir nous servit. Je levais mon verre à Jean-Baptiste « Fi Sihatik!* » avant de boire une gorgée. Je ne m’y connais pas du tout en vin, mais je dois dire que je trouvais celui-là plutôt bon. « Bien meilleur que les vins espagnols! Quel dommage que Mahomet n’ait pas su transformer l’eau en vin. Je comprends mieux pourquoi le Christ a tant de fidèles », dis-je en riant. Si on ne peut pas blasphémer dans un endroit comme celui-ci, on ne le pourrait nulle part, pensais-je.

Je regardais discrètement autour de moi les femmes présentes dans le bordel. Jean-Baptiste n’avait pas menti : elles étaient toutes fort jolies. Mais je remarquais bien vite une femme dont la couleur de la chevelure était la plus incroyable que j’ai jamais vu. « Cette femme là-bas » dis-je en la désignant « Que lui est-il arrivé pour que ses cheveux soit de cette couleur? » Ils avaient la couleur de la rouille, une sorte d’orangé que je n’avais jamais vu auparavant. Je me disais que ça ne pouvait pas être normal. Tout de même, je la trouvais magnifique.

Lorsque la femme derrière le bar s’éloigna pour répondre à d’autres clients, j’en profitais pour retirer le médaillon de ma mère que je portais autour de mon cou. «… Je crois que si tu avais voulu me dénoncer aux gardes, tu l'aurais déjà fait », concluais-je, avant de boire une autre gorgée de vin. « Je ne sais lire ni l’anglais, ni le latin, et bien sûr, je ne connais aucune des familles de ce pays… Est-ce que ce sceau te dit quelque chose? » demandais-je en déposant le médaillon gravé devant lui.


*Santé!

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Lemoine n'y connaissait rien au monde de Prem, il se montrait donc curieux de tout ce qu'il pouvait lui raconter, expliqué. Il hochait alors de la tête à son explication sur ces hammam, bon pour le sang donc, mais est-ce que cela rajoutait de l'érotisme à l'échange avec ces dames? Il se le demandait, il serait presque curieux de tester. Mais pour le moment, c'était plutôt son mode de vie qu'il présentait, pour cet étranger qui débarquait dans ce pays, qui n'était pas le sien, mais dont les mœurs étaient plus proches de la France que de celui de son nouvel ami.

Se faire envoûter, c'était bien là toute la réussite des dames de chez Miss K. Il lui tapotait l'épaule, avec un grand sourire.

- Je pense que tu ne seras pas déçu, alors.

Lui se faisait envoûter sans trop de problème. Il aimait les charmes des dames, qu'elles lui fassent tourner la tête, sans être trop demandeur. Pas besoin d'être exigeant, quand elles étaient prêtes à tout pour vous plaire. Bien sûr, il y avait des écus en échange de tout ce petit jeu, mais ce n'était rien à ses yeux. Le plaisir passait avant tout et bien sûr, Prem aurait droit à tout, il était son invité, il ne dépenserait pas un centime.

Jean-Baptiste ne manqua pas d'éclater de rire à la remarque de son ami. Alors ça... c'était peu dire. L'alcool coulait à flot, les gens déboursaient plus facilement tous leurs sous une fois que l'alcool remplaçait le sang dans les veines, ce n'était pas pour rien. Toutes les dames de cet établissement savaient parfaitement comment tenir leurs clients. Il tapotait le dos de Prem.

- Et ce n'est que le début mon ami. Taquin. C'est une ambiance, tu verras, on finira bien par les rejoindre! Toujours avec son grand sourire, il appréciait de le voir être prêt à faire un pied de nez à sa religion, pour embrasser la plus belle des religions, le sexe et la boisson. Ah voilà des paroles qui me plaisent! Je suis bien d'accord avec toi! Oh, je ne crois pas que ce soit le vin de messe qui attire les fidèles... crois-moi, il est infecte! Amusé, lui crachait sur sa religion, sans en rougir. Les grenouilles de bénitiers ne savent pas ce qu'elles ratent. Mais cela en fait plus pour nous. Souriant charmeur à la belle qui les servait, avant d'avoir son attention attirée par les paroles de son invité, qui semblait subjugué par la rousseur d'une des belles de la maison.

- Oh... rien, Aileen est née avec cette couleur de cheveux. C'est du roux, une chevelure de flamme et crois-moi... le caractère est assez le même. Pour attiser la curiosité. Tu veux que je te la présente?

Mais l'homme devenait d'un coup presque plus sérieux. Ce n'était pas l'endroit pour être sérieux. Ils étaient ici pour s'amuser, pour s'oublier. Enfin, puisqu'il voulait lui parler, autant ne pas le décourager tout de suite. Il observa alors le pendentif, en haussant légèrement un sourcil, pour le prendre dans sa main afin de mieux le voir.

- Mmm... où est-ce que tu as trouvé ce pendentif? Lui jetant un regard curieux. Aucunement suspicieux, mais il était curieux de comprendre pourquoi un homme tel que lui, avait un tel objet avec lui. Ne t'inquiète pas, je ne te dénoncerais pas plus, même en connaissant ton histoire. Avec un léger sourire. C'est un écusson d'une famille proche de la Reine, de ce que je vois.

Une soirée tranquille
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Je ris à la remarque de mon nouvel ami au sujet des vins de messe. C’est un concept que j’ai toujours trouvé un peu glauque, de «manger» la chair du Christ et de «boire» son sang. D’ailleurs, les chrétiens étaient bien souvent considérés comme des barbares, là d’où je viens. Je partageais assez ce sentiment, jusqu’à ce que je me sois installé ici. Sur certains points, ils sont plus souples que nous, comme boire du vin et de la bière, et manger du porc, même si le porc est définitivement un animal grossier qu’il me répugne toujours de manger. Enfin, j’aurais tout le temps de parler de religion, entre autres, avec mon cher ami au cours de la soirée.

J’appris d’ailleurs que la couleur des cheveux d’Aileen — quel prénom magnifique! — était tout à fait naturelle. Je regarda Jean-Baptiste, stupéfait. « Je ne savais pas que des cheveux d’une telle couleur existaient », avouais-je, confessant ma propre ignorance. Dans tous les cas, c’était magnifique. Mon compagnon me proposa de me présenter la jeune femme. « Euh… oui, peut-être ».

Peut-être avais-je fourré mon médaillon sous le nez de Jean-Baptiste pour gagner du temps… Quoi qu’il en soit, ce dernier examina le bijou assez rapidement, et tout comme Marguerite me l’avait mentionné, Jean-Baptiste prétendit également que le symbole appartenait à une famille bien nantie et proche du pouvoir. Entendre cela me fit crisper mes doigts autour de mon verre. Je ne pouvais plus nier les faits. J’aurais tant préféré que ma mère n’appartienne pas à une telle famille! Maintenant que j’avais retrouvé d’où elle venait, rencontrer cette famille m’exposait à d’énormes risques.

« Il appartenait à ma mère » lâchais-je finalement. « Je ne t’ai pas tout dit dans la forêt, tout à l’heure ». Après tout, qui va raconter l’histoire de sa vie à un inconnu au milieu de nul part? Je bus une gorgée de vin, puis continua. « Ma mère n’était pas courtisane pour le sultan, elle était l’une de ses concubines. Elle ne m’a jamais parlé de sa vie ici. Je sais seulement qu’elle a suivi son mari dans son pèlerinage jusqu’à Jérusalem, avant de se faire enlever par l’armée de mon père ». C’était un résumé court, mais vrai. Jean-Baptiste savait déjà pourquoi j’étais venu ici : trouver la famille de ma mère. Ainsi, il savait toute l’histoire, ou presque…

« Je ne connais rien de cette famille, mais je me dis que si elle est proche de la Reine, je n’arriverais jamais à les rencontrer ». Ce serait courir à ma perte que de faire une chose pareille. Perdu et dépité, je pris mon médaillon pour le rattacher à mon cou. Si j’ai fait tout ce chemin pour rien, le pire n’est même pas cela. Il est que je ne peux même pas retourner chez moi, pour des raisons évidentes. Mes frères me foudroieraient sur place, après ce que j’ai fait à notre père. Cela m’étonne même qu’ils n’aient pas encore envoyé d’assassin à ma recherche. En pensant cela, je bus ma coupe de vin d’un seul trait.

J’haussa les épaules, puis fis signe à la jeune femme derrière le bar de remplir ma coupe. « Enfin, pardon, je ne veux pas t’embêter avec mes histoires. On est là pour s’amuser » me rassénais-je en me redressant sur mon siège. « Et si tu me disais de comment je suis censé faire la cour à une femme de chez toi, avant que tu me présente Aileen? Je t’avoue que chez moi, les jeux de séduction sont assez mal vus, et réprimés même, sauf si on a réellement l’intention de se marier. Et même encore… »

Même dans les hammams, tout était très codifié. Tous savaient pourquoi ils et elles étaient là. Il suffisait d’un échange de bons procédés pour ensuite repartir chacun de son côté. Même avec Sharzad, avec qui je m’entendais aussi bien qu’avec une amie, il aurait été impensable qu’on me voit avec elle sur les genoux entrain de chanter dans le hammam, comme le faisaient ici les hommes et les femmes. Tout ce faisais derrière des portes closes. Même chez les couples mariés, les marques d’affections en public étaient scandaleuses. Comment me débrouillerais-je ici?

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Comme quoi, même ce pays avait quelques surprises, qui pouvaient réellement marquer ce Sarasin. Tant mieux. Surtout si cela touchait aux femmes. Le marquis aimait bien surprendre ceux qui l’accompagnaient chez miss K. Il gardait donc son petit sourire en coin aux paroles de Prem, tout en hochant légèrement de la tête. Il avait l'air plus qu’intéressé. C'était un fait. Il frappa des mains une fois.

- A la bonne heure! Je ferai donc les présentations, après, à toi de faire part de tes charmes. Tout en lui faisant un petit clin d'œil.

Bon pour le moment, il fallait rester un peu sérieux et se concentrer sur l'histoire que lui racontait alors son invité. Il était donc le fils d'une occidentale? Lemoine haussait un sourcil, tout en l'écoutant, il compatissait avec cette femme qui avait été enlevée, mise dans un monde contre son gré, alors qu'elle n'avait rien demandé. Après tout, il était un peu dans cette situation, lui aussi.

Ce qui était curieux, c'était bien de savoir pourquoi Prem choisissait de retrouver cette famille dont il ne savait rien, après tout s'il était le fils d'un sultan, donc d'un roi, qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire de venir ici, comme un pouilleux, qu'avait-il à gagner ?

- Et pourquoi recherches-tu cette famille? Le français observait mieux l'écusson, s'il pouvait aider cet homme, il était prêt à le faire. Avec moi, tu pourrais avoir tes entrées. Avec un léger sourire. Après tout, je suis moi aussi à la Cour et même si je n'ai pas la meilleure des réputations, je peux y entrer à loisir. L'avantage d'être considéré comme un "membre" de la famille. Ce n'était pas un vrai plaisir pour lui, mais enfin, si l'on pouvait profiter des avantages, autant le faire. Cela ne lui coûtait rien. Si c'est bien la famille à laquelle je pense, son représentant est un homme assez ouvert et à l'écoute.

Il lui posait une main sur l'épaule, pour la tapoter, montrant ainsi qu'il n'était pas dérangé par la conversation, c'était même plutôt touchant qu'il se confesse ainsi. Mais il était vrai aussi, que parler des femmes et du plaisir était plus amusant et intéressant, que des sujets trop sérieux.

- Tu ne m'embêtes pas, mon ami. Et si je peux t'aider, je t'aiderai. Mais tu as raison, ce soir, nous sommes là pour nous amuser. Tout sourire. Ton chez toi m'a l'air bien morose et triste, si on ne peut même pas montrer à une femme qu'elle nous intéresse! Il eut un nouveau sourire. Il y a pleins de façon de faire la coure, mais tout dépend de la classe de la femme qui t'intéresse, bien sûr, quelqu'un de la royauté ne peut être approchée de la même façon qu'une femme se trouvant ici. Elles sont plus simples, mais si tu veux lui faire plaisir, tu peux lui offrir quelques cadeaux, leur montrer que tu t'intéresses à elle. Sans oublier que les femmes de cette maison, sont payées et que bien entendu, si ta bourse est pleine, tu l'intéresseras particulièrement.

Après tout, c'était bien pour cela que ces femmes faisaient ce travail, des écus d'or, qui peut-être, un jour, leur permettraient de sortir d'ici. Il commandait à son tour une nouvelle tournée de vin. Il fallait que son ami se détente un peu, il avait l'air encore de bien trop réfléchir.

- Surtout, laisse-toi porter. Et l'alcool aide toujours à se décoincer. Il levait la main pour attirer l'attention de la magnifique rousse. Qui s'approchait alors d'eux. Aileen toujours aussi magnifique à ce que je vois! Tu intéresses beaucoup mon ami ici présent, j'espère que l'exotique ne te fais pas peur. Tu l'es aussi pour lui, rassure-toi. Taquin.

Bien entendu, la jeune femme jouait le jeu, après tout, elle était là pour ça. Et puis, cet étranger n'avait pas l'air méchant et elle faisait confiance à Jean-Baptiste pour ne pas qu'il amène les pires chez Miss K.

Une soirée tranquille
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J’ai toujours été curieux de découvrir le pays natal de ma mère. Elle ne m’en a jamais beaucoup parlé, sans doute pour échapper à la mélancolie. Elle ne m’a jamais parlé de sa famille non plus, sauf à une occasion, lorsque je lui ai demandé d’où venait son pendentif. Un bijou de famille. « Je voudrais leur remettre le pendentif. Leur sceau y est gravé. Il leur appartient davantage qu’à moi », résumais-je à mon ami français. J’avais beau partager leur sang, je n’appartenais pas à leur monde, même si Jean-Baptiste semblait convaincu de leur ouverture d’esprit et de leur écoute. « Son écoute est tout ce que je voudrais de sa part. Eh bien… Si tu réussis à m’avoir une audience avec cet homme, je te remercie d’avance », dis-je en souriant, avant de commenter, moqueur. « Ainsi, nous serons quittes! ».

Puis, avec beaucoup de détails — car la séduction en semblait avoir aucun secret pour lui — Jean-Baptiste me décrivait les moeurs entourant les femmes de ce pays. Les femmes de la royauté ne s’approchaient évidemment pas de la même façon qu’une femme du peuple. Chez moi, elles ne s’approchaient pas du tout. Il y a une raison pour laquelle les harems sont gardés par des eunuques.

Quant aux femmes de Miss K, elles étaient séduites par les présents et les écus, sans surprise. J’hochais la tête « Tout travail mérite salaire ». Puis, il faut avoir du talent, pour faire oublier aux hommes ce qu’elles étaient vraiment : des magiciennes. Ou des actrices, qui faisaient croire à tous leurs clients qu’elles n’avaient jamais rien connu de mieux qu’eux entre leurs cuisses. À condition d’avoir les moyens. Je les avais heureusement. J’acceptais une autre coupe de vin lorsque mon ami français fit signe à la jeune femme rousse avec une facilité et un naturel déconcertant, presque comme l’aurait fait quelqu’un appelant un vieil ami. J’essayais de l’imiter, avec plus ou moins de succès « Euh… Jean-Baptiste exagère. Ce sont vos cheveux qui ont attiré mon attention. Enfin… ça ne veut pas dire que je ne m’intéresse qu’à vos cheveux! Vous êtes splendide, Aileen. Je m’appelle Prem ».

À mon grand regret, ma mémoire me fait défaut sur le déroulement exact de la soirée à partir de ce moment. L’alcool est réellement une chose fascinante, et embêtante lorsque vient le temps de conscrire le passé. Il embrouille les esprits, mais délit la langue, et j’ai la certitude d’en avoir abusé ce soir-là. Je ne m’étais pas senti aussi bien depuis longtemps, et petit à petit, je gagnais la même confiance qu’avait Jean-Baptiste envers les femmes. En entrant dans l’établissement de Miss K, mon intention avait été de garder profil-bas. Cependant, les quelques éclairs de lucidité dans le brouillard de mes souvenirs me confirmaient que j’avais été tout sauf discret, finalement. Je me souviens avoir dit des profanités sur l’Église, puis, à un autre moment, m’être retrouvé à chanter, à avoir encouragé Jean-Baptiste à chanter en français, et à taper des mains sur la mélodie avant d’entraîner Aileen à danser. Je me souviens avoir rit à en avoir mal aux côtes, mais impossible de me souvenir pourquoi.

Évidemment, je me souviens de la fin de la soirée. J’avais le beau visage d’Aileen près du mien, alors qu’elle me susurrait des choses que je n’ose pas écrire ici, mais qui étaient très invitantes. Je lui promis de la rejoindre, dès que j’aurais pris l’air. Je me levais et, chancelant, je me dirigeais vers la sortie. L’air froid du soir me fouetta le visage, et je courus vers le tronc d’arbres le plus proche pour me soulager de tout ce vin. Je retournant vers le bordel, j’aperçu que deux hommes se tenaient près de l’entrée, pour me bloquer le passage.

Boui? Plait-il?

Dégage, le Sarrasin. Retourne dans ton pays et touche pas à nos femmes.

En temps normal, je n’aurais pas cherché la confrontation, mais un autre effet intéressant et dangereux de l’alcool était la perte totale de mon inhibition.

Eh ben vos femmes, elles veulent pas de vous et de vos p’tit zeub! Elles aiment les exotiques.

Qu’est-ce qu’il dit le Chiennaille?!

Nazaréens!!

Tu veux qu’on te bute?!

C’est moi qui vous bute, chelb! Comme j’ai buté mon père! Je suis le fils du grand Malik Al-Muazzim d’Al-Andalus, et je ne me laisserai pas-!

Avant que j’ai pu faire quoi que ce soit, l’un des deux me saisit par le col et écrasa son poing contre mon visage. Je tombais aussi mollement qu’un chiffon qu’on lance au sol. Je sentis qu’on m’empoignais par les cheveux, puis, on me fourra le visage dans la boue, pour tenter de m’asphyxier.

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Le marquis ne voyait pas pourquoi ce pendentif appartiendrait plus à la famille Blakemore qu'au fils de cette dernière. Enfin, il y avait des modes de penser qui le dépassait et si c'était le besoin de Prem de le faire, qui était-il pour lui dire qu'il se trompait? Ce serait un moyen, comme un autre, de le mettre en contact avec cette famille qu'il ne connaissait pas. Honnêtement, le français était curieux de voir comment réagirait le comte à une telle annonce. Après tout, il cachait bien le fait que sa soeur avait disparue. Sans doute la croyait-il morte. A voir comment il prendrait cette nouvelle, d'avoir un neveu, plus qu'étranger qui plus est.

- Je ferai en sorte que tu puisses le rencontrer. Avec un air on ne peut plus sérieux et sûr de lui. Ce ne sera sans doute pas trop compliqué à organiser. Il lui fallait simplement pouvoir échanger un peu avec l'anglais et les choses se mettraient en place d'elles-mêmes. Si en plus cela comble ma dette... avec un petit sourire taquin.

Jean-Baptiste n'était pas dépité de lui valoir la vie, bien au contraire. Il était heureux d'avoir croisé son chemin. Parce que déjà, il l'avait soigné avec le moindre mal et ensuite, surtout, parce que la relation entre eux se passait plutôt bien. Il était presque étonné de pouvoir échanger aussi facilement avec un homme avec qui il ne partageait presque rien, que ce soit au niveau de la culture, des connaissances du monde, voir même de la religion. Comme quoi, il ne valait mieux pas trop écouter attentivement tous ces prêcheurs qui disaient du mal de ceux qui vivaient de l'autre côté de la mer. Ce n'était pas parce qu'ils n'étaient pas semblables, qu'ils ne pouvaient être amis. Tous les deux en étaient bien la preuve, n'est-ce pas?

Notre ami s'amusait de voir son invité, car oui, c'était bien ce que Prem était, il ne débourserait pas un écu ce soir, tenter tant bien que mal de discuter avec la belle rousse qu'il venait de faire venir à lui. Ah bah, il fallait bien rapidement se plonger dans le vif de l'affaire. Pas trop de sérieux pour cette nuit, ils reparleraient de tout ceci, avec une bonne gueule de bois.

Les dames jouaient le jeu, comme elles savaient si bien le faire, l'alcool coulait à flot, le marquis ne s'en privait pas. Il suivait le mouvement, se laissait porter par l'ivresse, chanté et rire, voilà bien ce qui faisait une vie bien remplie. Il laissa partir son ami pour se soulager un instant, alors qu'il avait la bouche occupée par celle d'une belle française, l'une des seules de la maison, avec qui il avait un attachement tout particulier. Etait-ce étonnant? Pas vraiment. Après tout, ils venaient du même endroit, il y avait ce plaisir de se retrouver aussi en compagnie d'une compatriote. Mais le temps d'absence de Prem finissait par se faire remarquer, il n'était pas normal qu'il mette autant de temps. Ce fût Aileen qui vint prévenir Jean-Baptiste du problème. Ce dernier quitta alors, à regret, la chaleur de la belle blonde, pour se redresser et aller voir ce que trafiquait Prem.

Quelle ne fût pas sa surprise, quand il entendit des bruits de combat à l'extérieur... bien sûr qu'il avait attiré l'attention. Tous n'était pas comme le français, tous n'acceptaient pas que des sarrasins viennent salir leurs femmes. Il grogna un peu et ouvrit la porte pour aller prêter secours à Hadid qui était en train de boire la tasse. Mais pas seul...

- Elias?!

Le grand viking, de la sécurité de miss K débarquait dans son dos, le grabuge devant la maison close n'était de la bonne pub pour personne, alors il venait donner un coup de main. Surtout qu'il appréciait suffisamment le marquis, pour venir balancer des droites aux manants qui prenaient un peu trop à cœur de protéger leur territoire. Lemoine fonçait sur celui qui tentait de noyer son ami, le ceinturant, il le faisait tomber sur le côté. Ce qui était stupide, quelque part, vu qu'il avait un genou un peu en rade. Mais l'alcool et l'adrénaline faisaient un peu oublier toutes ces douleurs... il risquait de le regretter plus tard. Bien sûr, en voulant se relever, c'était lui qui prenait une droite magistrale.

Finalement, pourtant, la bagarre termina plus rapidement que prévu, quand on vint prévenir que la garde allait débarquer s'ils continuaient à faire un tel boucan. Les uns partaient dans la nuit, les autres revenaient vers le bordel. Jean-Baptiste claudiquait quelque peu, se tenant aux épaules d'Elias et Prem, mort de rire. En voilà un qui passait la meilleure des soirées.

- Regardez les courir, ces couards!

Il se retrouvait à nouveau assis dans un fauteuil de cuir, de belles mains fraîches venaient nettoyer son visage, maculé de sang et de boue, tout comme celui de son invité d'ailleurs.

- Tu as trouvé le meilleur moyen de te faire choyer, Prem. Rieur, encore, alors qu'il prenait une grande rasade de vin. La lui tendant ensuite. Comme un frère d'arme.