La splendeur du monde baroque à l’état le plus pur. La Royal Opera House profite d’une renommée internationale. Et pour cause, les plus grands chefs-d'Oeuvre ont été interprétés sur ces planches. Cet endroit magistral attire les plus grandes personnalités depuis des années. La magnificence de ce cadre convient parfaitement pour le premier acte d’une fantastique tragédie serbe.

Nina avait soigneusement planifié chaque détail. Cela lui avait demandé pas mal de temps et de patience. Elle avait observé les habitudes de Lars. Comment il restait au bras de son ex-femme aux événements publics. Ils faisaient un couple parfait. Ils étaient magnifiques tous les deux. Chacune de leur apparition remuait les tripes de la danseuse. Elle aurait dû être la femme à son bras. C’était elle sa femme.

Pour que la réussite soit totale, elle avait veillé à ce que son aura soit la plus parfaite. Ses cheveux, ses lèvres, sa robe, une robe blanche étincelante. Nina serait le diamant dans la nuit. Lars ne pourrait pas éviter sa vue. Un boa de fourrure blanche sur les épaules, des gangs de la couleur de l’ivoire, afin qu’il se remémore leurs premiers mois d’amour. Oui, la belle voulait qu’il se souvienne de tout ce qu’il avait perdu en l’abandonnant.

Elle était entrée dans le hall au bras d’un de ses collègues de danse. Un jeune prodige Russe nommé Yuri. Il ne savait rien de ses intentions et c’était bien ainsi. A son bras, Matija faisait l’effet d’une magnifique beauté. Elle en avait pris conscience au fur et à mesure des années. Jamais elle ne surenchérissent, mais il est vrai qu’elle acceptait volontiers les aides providentielles de ses admirateurs.

Une fois la cloche sonnée, ils étaient montés pour aller se placer au balconnet. De là-haut, les lustres faisaient éclater sa lumière, c'était tout à fait efficace. Nina pouvait deviner le regard des hommes sur elle. Ils n’avaient aucun effet. Il n’y avait qu’un seul homme dans cette salle dont elle voulait capter l’attention. Ce fût fait, juste avant que les lumières soient éteintes et que la musique retentie. Parfait, le monstre allait devoir se demander… où était le rêve et où la réalité. Il finirait fou…

Les yeux de son ancien amour s’étaient arrêtés sur elle. Nina avait fait en sorte de rester impassible. Tout pour entretenir l’impression de mirage. Alors, elle avait attendu de longues secondes, d’être hors de vue, pour presser sa sacoche avec force. Un mélange de colère et d’envie qui se confrontaient et se faisaient la bataille dans le creux de son cœur.

« Nina… » C’était bien la voix de Lars. Elle savait qu’il était perturbé. Elle l’entendait dans sa façon de dire son prénom. La jeune femme ne bougea pas d’un cil. Elle fit comme si elle n’avait rien entendu, certainement subjuguée par le spectacle. Mais, elle sentait que son ami s’agitait. Parfait.

_ « Monsieur ? » Le cavalier de la danseuse s’était retourné pour constater la présence de l’inconnu. Un homme qui n’avait pas l’air particulièrement dans son assiette. « Monsieur ? » Le jeune Russe quittait son siège pour aller voir cet homme de plus près. « Vous allez bien ? » Son accent était moins marqué grâce à leurs voyages au travers du globe qui avait tout atténué. Une ride circonspect barrait à présent son haut front.

La danseuse se tordit le cou, pour voir d’où venait le tapage. Elle portait une paire de boucle d’oreille que Lars lui avait offertes. Ses yeux étaient mis en valeur par un maquillage. Mais, ils restent impassibles. Nina était déterminée et contrôlait donc ses émotions. Son masque tiendrait pour le temps nécessaire à sa victoire.

Doucement, elle remontait son boa sur ses épaules nues, avant de se lever. Seulement là, elle sembla se soucier de ce qui se passait dans la loge. Mais, elle regardait son bel amant, comme une inconnue qui se souciait d’un autre être humain. Elle s’arrêtait pour qu’ils ne puissent pas être en contact physique l’un l’autre.

_ « Faut-il faire venir un médecin ? » Elle avait parlé dans un anglais plein de délicatesse. Elle ne s’adressait point à son mari mais à l’homme qui lui servait d’épouvantail.

_ « Monsieur ? Voulez-vous voir un médecin ? » Il y en avait toujours un de service quelque part quand une salle pareille était pleine.

_ « Hey. Mais! » Le pauvre danseur n’était qu’une victime collatérale. Il ne s’attendait pas à une telle prise sur sa personne. La panique était lisible sur son visage, sur son corps tout entier. Personne ne l’avait violenté avant ce soir. La jeune femme fit un pas en avant comme pour arrêter la brutalité de Lars. Par chance, ici bas, le Réseau n’était jamais loin d’eux. Voilà une chose que la jeune mariée avait appris à ses dépends.

Tandis que Lars reculait lentement hors de la loge, Nina venait aider son cavalier à reprendre forme. Elle se faisait réconfortante en quelques mots. Quand son regard capta celui du Serbe elle s’imposait d’effacer toute émotion de ces pupilles. Cet homme n’avait plus droit à rien venant de sa personne. Il avait perdu ce droit le jour où il avait abandonné leur domicile, leur vie de couple, elle.

Du coin de l'œil Nina vérifiait que l’homme de main était encore sur le qui vive. C’était le cas. Doucement, elle se détachait de son cavalier pour aller à la rencontre de son agresseur. L’aspect angélique de ses traits était durci par la colère. _ « Êtes-vous fou ? » Nina pointait son complice de l’index, en fustigeant Lars. _ « Vous en prendre à l’homme qui vous vient en aide. » La proximité entre eux était dure à tolérer. Une partie d’elle-même rêvait d’aller de nouveau se réfugier dans les bras du Serbe. L’autre espérait plutôt planter une dague dans sa poitrine. Qu’il ressente la douleur de l’abandon !

Nina prenait son téléphone. _ « Votre nom monsieur ? » Le contact était fait. Maintenant, il fallait que sa présence s’implante dans l’esprit du mafieux. Qu’il ne puisse plus reprendre sa route, sans se demander qui elle était ? Sans se torturer l’esprit pour comprendre ce qui était en train de lui arriver.

Cela marchait au-delà des attentes de la jeune femme. Elle observait son bel amant se décomposer de seconde en seconde. Cela lui procurait un plaisir particulier. Enfin, oui enfin, il pouvait expérimenter la violence de la trahison à son tour. Nina ne lui répondait pas. Elle voulait qu’il perde pied. L’ignorance était sa meilleure arme. Une dague tranchante qui pouvait s’enfoncer dans l’âme.

_ « Je m’appelle Matija. » Yeux dans les yeux avec son amour déçu. Lars se souvenait-il encore du deuxième prénom de son épouse ? Il avait été si prompt à tirer un trait sur leur passé. Et puis à la remplacer aussi! Nina tirait son poignet pour le libérer de la prise. Aujourd’hui, elle n’était plus l’amoureuse éplorée. Elle s’était reconstruite, seule. C’était elle qui menait la danse à présent.

_ « C’est une menace ? » La question avait été posée plus forte que la mise en garde de Lars. Ainsi, les personnes de la loge, comme l’homme de main, tendait l’oreille. Ce soir, Wilanowski n’était pas le prédateur. Il était la proie de son vieux fantôme. Nina l’affrontait du regard, lui laissant entrevoir ce que son comportement avait créé. Comment il avait transformé leur amour en haine. _ « Maintenant, laissez-moi avant que j’appelle à l’aide. » Ce chuchotement était à mille lieux des mots d’amour de leur passé.

La belle se détournait de sa victime sans un regard. Elle se rendait à sa place. L’homme d’Odin approchait donc pour poser une main sur le bras du mafieux. Il le somma calmement de quitter la loge. Que les invités puissent reprendre la représentation tranquillement.