Appuyé contre la devanture de la salle de sport, Desmond mâchouillait pensivement la paille plantée dans son carton de lait au chocolat, déjà vide depuis un moment. Il n’osait pas tout à fait entrer dans la salle de sport. Si Rix lui demandait pourquoi il n’était pas venu avec Louisa, il ne saurait quoi lui répondre. Il venait précisément en sachant que Louisa était occupée ailleurs. Ces temps-ci, il avait envie de voir Louisa tous les jours, et c’était justement ça qui l’embêtait. Qu’elle lui plaise autant que ça lui faisait peur. Elle occupait beaucoup trop de place dans sa tête, et comme d’habitude, c’était en suant à grosses gouttes qu’il se vidait l’esprit.
Desmond soupira, et jeta son carton de lait avant d’entrer dans la salle de sport. Il envoya la main à Rix, et alla se changer au vestiaire. Aussi étrange que cela puisse paraître, Rix était sans doute l’adulte la plus équilibrée de son entourage. Le prêteur-sur-gage ne parlait plus à ses parents depuis longtemps, mais son père comme sa mère ne pouvaient s’être améliorés avec le temps. Il y avait Dallas, mais il était avare de conseils sur ce genre de sujet. En termes de relations humaines, Desmond était laissé à lui-même.
En rejoignant la salle de sport, Desmond commença sa routine habituelle, dans laquelle il avait maintenant intégré la corde à sauter. Pourtant, l’enthousiasme de la dernière fois n’y était pas. Lent, distrait, il passait d’entraînement en entraînement sans joie, telle une âme esseulée dans les limbes. il n’avait même plus le coeur à frapper dans les punching-bags accrochés au plafond.
Il devrait être heureux pourtant. Louisa et lui s’entendaient enfin à merveille depuis quelque temps. Elle avait accepté de partir en vacances avec lui. Il devrait être ravi. Il voulait être ravi. Mais quelque chose l’en empêchait. Une voix intérieure qui lui murmurait que tout ça finirait mal et qu’il regretterait de s’être attaché autant à quelqu’un.
Depuis il ne savait combien de temps maintenant, Desmond était à nouveau perdu dans ses pensées, assis sur un banc, les yeux fixés au plafond. Il se redressa finalement en entendant quelqu’un s’approcher de lui. « Salut Rix. Ça va? J’étais en train de … prendre une pause », dit-il pour justifier son immobilisme.
Même lui savait que ce qu’il venait de dire n’était pas très crédible. Il reprit : « J’suis fatigué je crois. Puis je pense à plein de trucs ». Il poussa un soupir et se gratta la nuque, perplexe. Il regarda un instant Rix, et se demanda si elle pouvait être de bon conseil pour ce genre de chose. Peut-être en lui demandant de manière détournée… « J’ai un pote qui est dans un dilemme pas possible. Il voit une fille super chouette en ce moment et il l’aime bien, mais il a peur de se faire blesser s’il s’engage, et qu’au bout du compte, ça fonctionne pas… Ou je sais pas quoi… j’ai pas tout entendu ce qu’il disait », dit-il en haussant les épaules, pour faire mine d’être à moitié concerné. « T’en pense quoi? ».
Comme toujours, Rix s'entraînait. Encore et toujours. Encore plus quand un combat pointait le bout de son nez. Kylian l'avait inscrite à une soirée de gala. Il était donc important qu'elle soit au niveau que l'on attendait d'elle. Elle n'était pas du genre à s'en moquer, au contraire, elle y allait à fond. Frappant sans s'arrêter dans un sac, capuche sur la tête, musique dans les oreilles, elle ne prêtait aucune attention à ce qu'il se passait autour d'elle. Si quelqu'un avait besoin de sa personne, pas de doute qu'il oserait venir la déranger. Ce qui n'arriva pas. Elle finissait par s'arrêter, pour respirer un instant, sa gourde vide, elle se déplaçait alors vers le bar, pour la remplir à nouveau, remarquant alors le pote à Louisa, qui profitait de venir s'entraîner à la salle quand il le pouvait.
Pour le coup, il était assis, le regard perdu sur le plafond. Il avait l'air en profonde réflexion. Pour s'assurer qu'il allait bien, la boxeuse finit par s'approcher, ce qui attirait l'attention du jeune homme. Elle eut un petit sourire pour lui, alors qu'elle prenait une bonne gorgée de sa flotte.
- Hey Desmond. Hochant de la tête. Ouaip et toi? S'installant un instant sur le banc à ses côtés. Petite? T'avais l'air d'être très intéressé par la peinture foireuse du plafond. Un peu taquine bien sûr. Oh. Si t'es fatigué, c'est peut-être pas le mieux de venir manger toutes tes forces. Mieux valait venir s'entraîner en ayant une bonne énergie.
Elle fût alors légèrement surprise de la suite de la discussion, ne s'attendant clairement pas à ce que le jeune homme balance quelques informations qui lui titillait l'esprit aussi facilement. Même s'il parlait d'un "ami", Gabrielle n'était pas née de la dernière pluie et elle comprenait parfaitement de qui pouvait parler son interlocuteur. Elle les avait vus, les deux p'tits jeunes l'autre fois, quand Louisa l'avait mené ici, au Dornálaíocht. Pas besoin de s'appeler Einstein, pour voir l'alchimie qu'il y avait entre eux, leur attirance. Pourtant, il semblait que ce soit compliqué. Pourtant, sympas, Rix ne souhaitant pas mettre ce jeune homme dans le malaise, elle gardait l'idée d'aider cet ami.
- Mmm... qu'il se complique sans doute un peu la vie? Parfois, faut oser se lancer. Mieux vaut souffrir un peu, que d'avoir des regrets de n'avoir rien fait. Enfin... pourquoi il a peur d'être blessé ton pote? Il a eu des mauvaises histoires? Ou c'est la nana qui est compliquée?
Oui oui, elle jouait le jeu. Si c'était le moyen que Desmond ose parler, autant le mettre en confiance. La boxeuse n'avait guère de retour de Louisa, cette dernière était assez silencieuse à ce niveau. Mais il y avait des regards, des gestes, qui ne mentaient pas. Si ni l'un, ni l'autre, ne faisait le premier pas, ils pourraient passer à côté d'une histoire sympa.
- Façon, les histoires de coeur, c'est jamais simple. Mais quand ça peut se faire, c'est plutôt cool.
La taquinerie de Rix le fit sourire. Louisa avait raison de dire que cette femme était vraiment sympa. Peu de gens de l’entourage de Desmond l’étaient. Touché par sa sollicitude, il répondit : « Je dors pas très bien non plus. Je pensais que vider vraiment mon énergie m’aiderait peut-être ». Il haussa les épaules. En dehors de son histoire avec Louisa, il se passait des choses de plus en plus louches, à la boutique. Le Pawn Shop, côté business, n’avait jamais été parfaitement clean, il faut le dire. Cependant, Dallas insistait pour gonfler les prix, alors qu’auparavant, il laissait Desmond juger lui-même la valeur marchande, comme si les liquidités leur manquait, alors que la boutique fonctionnait toujours aussi bien. La culpabilité d’arnaquer les gens pesait sur sa conscience, puisque ça n’avait jamais été son but. Il acceptait parce qu’il n’avait pas le choix, mais ça ne lui plaisait pas.
Desmond écouta l’avis de Rix sur les déboires amoureux de son «ami». Aurait-il des regrets, si Louisa trouvait quelqu’un d'autre? Il ne s’était jamais posé la question. Peut-être. Pouvait-on vraiment regretter quelque chose comme ça toute sa vie?
Quand Rix lui demanda si la fille en question était compliquée, Desmond fronça le nez. « Je crois pas. Je pense qu’elle a eut une vie compliquée, mais c’est pas le problème ». Louisa lui avait un peu raconté sa vie, le genre de parent qu’elle avait eu, ses années de lycée merdiques. Elle ne lui avait pas tout dit, notamment, pourquoi elle avait cette cicatrice au cou, mais il ne tenait pas à le savoir à tout prix. Il respectait les secrets qu’elle pouvait avoir.
« Les parents de mon pote ont une relation toxique depuis sa naissance, et ça l’a affecté je crois. Sa mère trompe son père régulièrement, et le père, bah il boit pour oublier que sa femme le trompe. Il est malheureux, mais il ne divorce jamais, et elle ne le quitte pas, parce que quand elle revient, il lui pardonne tout, et fait tout ce qu’elle veut, en oubliant tout de reste. Puis tout recommence, comme une peine d’amour qui ne finit jamais ».
Demond faisait un effort pour ne pas laisser transparaître sa colère, en triturant nerveusement ses doigts. Oublier tout le reste… c’était peu dire, lorsqu’on savait qu’ils avaient souvent oublié leur fils. En tout cas, oublié de l’aimer, puisque, visiblement, ils étaient occupés à autre chose. « Je pense que mon pote a pas envie de devenir comme eux. Ou comme son père en tout cas », résuma-t-il en reniflant.
Bref, que s’il aimait trop quelqu’un, que l’amour l’aveugle et le rende malheureux. « J’sais pas. Je me demande si ça vaut le coup. Mais… toi, Rix… T’es mariée? », osa-t-il demander.
Il avait conscience que tous les couples n’étaient pas aussi autodestructeur que pouvait l’être celui de ses parents, mais il n’avait pas d’exemple de ce qui fonctionnait.
Installée aux côtés du jeune homme, Rix l'écoutait avec attention. Elle savait que les jeunes de son style, ceux qu'on délaissait, qu'on n'était pas prêt à aider, car considérer comme perdu, étaient, ceux qui avaient le plus besoin d'un peu d'attention. Aucunement besoin de les materner pour autant, mais juste être présent, écouter, discuter, les considérer. Desmond était un peu comme Louisa.
- Pour mieux dormir, vaut mieux faire face et comprendre ce qui te fait mal dormir, justement. Plutôt que de vouloir aller jusqu'à l'épuisement. Ça t'aidera quelques temps, mais sur le long terme, c'est pas top de se laisser bouffer par des pensées parasites.
Elle parlait en connaissance de cause. Elle aussi, avait eu du mal à avoir un sommeil paisible, depuis la mort de Simon. Il avait été comme un doudou depuis son retour du terrain. Il lui avait permis, avec l'aide d'autres professionnels bien sûr, à se remettre des traumatismes, de pouvoir enfin dormir sans faire de cauchemars. Gab' préférait donc donner des conseils à d'autres, pour éviter qu'ils vivent les mêmes expériences qu'elle. Finalement, mal dormir n'aidait en rien
Gab' trouvait bien que ce jeune homme ne soit pas repousser par le fait que la jeune femme puisse avoir eu une vie difficile. Un bon point pour lui, pourtant, elle ne répondait pas et écoutait toujours avec attention ce qu'il avait à dire. Oh elle pouvait aussi comprendre la problématique d'avoir des parents toxiques. Les siens n'étaient pas vraiment mieux, c'était aussi pourquoi elle avait fui ce foyer qu'elle détestait profondément. Sans jamais y revenir, car le jour où elle le fera, ce sera pour cracher sur la tombe de son père et rien que cela.
- Tu peux rassurer ton pote, on ne reproduit pas toujours ce qu'on fait nos parents. Et heureusement. S'il a envie de tenter avec la demoiselle, faut essayer. Je te le redis, c'est dommage de passer à côté d'une histoire qui pourrait être sympa. Et si ça va pas, et bien on s'arrête sans trop pousser.
La question la laissa silencieuse quelques instants. Elle aurait pu répondre d'un mot simple, veuve, mais ce n'était pas ce que la boxeuse dont elle incarnait le rôle avait vécu. Mais il lui était souvent difficile de ne pas avoir réellement de réactions quand on lui posait ces questions qui étaient sensibles chez elle. Caplan préféra donc en rire un peu, secouant la tête.
- Non, je ne le suis pas. Je passe mon temps ici, imagine si j'avais quelqu'un? Je vois plus mon entraîneur, que le mec ou la nana avec qui je pourrai être. Lui faisant un clin d'œil. Mais toi, faut pas que tu te prennes trop la tête, elle est sympa Louisa, une fois que tu passes les barrières.
Ouais bon, ils n’allaient pas encore tourner autour du pot pendant des heures. Rix savait bien qu'il parlait de lui et de la petite blonde qu'elle entraînait depuis quelques mois.
- Lance-toi, tu verras, je suis certaine que le retour sera positif!
Pouvoir se confier sans se faire juger. Voilà qui était nouveau, mais agréable. Qui aurait pu croire que la boxeuse émérite était également une oreille attentive? Elle était aussi de bon conseil, et sa confiance donnait presque à Desmond l’envie de croire en l’amour. Ça semblait si simple, finalement. Il avait toujours perçu l’amour comme quelque chose de dangereux, où il se perdrait. En fin de compte, ça pouvait peut-être être beau, et la séparation, la fin d’une relation, n’était pas toujours destructrice ou déchirante.
Au fur et à mesure que ses réticences s'étiolaient, Desmond cru percevoir quelque chose dans le silence de Rix. Il n’aurait su dire quoi. Puis, elle se mit à rire. Elle n’était donc pas mariée… D’ailleurs, elle affirma être trop occupée ici, au Dornalaiocht pour avoir un ou une partenaire dans sa vie. Desmond trouva cette réponse étrange, pour quelqu’un qui disait que les histoires d’amour sont sympas.
Alors que Desmond commençait à croire que ce qu’elle disait était une excuse, son visage vira à l’écarlate, lorsque Rix devina qui était réellement «son ami». Le jeune homme regarda la boxeuse d’un air coupable. « Ouibond’accord », bredouilla-t-il d’un ton frénétique. « Je parle de moi et Louisa. J’savais pas trop comment en parler. Ça m'embarrasse c’est trucs-là. Désolé, c’était pas pour te mentir ». Desmond avait bien des défauts, mais menteur n’était pas l’un d’eux. « C’était évident à ce point? »
Si Rix avait deviné si facilement, c’est que ça devait l’être. Malgré ça, elle l’encourageait à se lancer. Desmond offrit un sourire reconnaissant à la boxeuse. « Au moins, si tu pensais que j’étais un gros connard, j’imagine que tu ne me dirais pas tout ça, hein? Tu penses vraiment qu’on irait bien ensemble? Pourquoi pas après tout. J’suis pas pire qu’un autre. Puis ça me ferait mal de la voir avec un autre gars, c’est sûr, sauf si elle veut pas de moi ». Après tout, il fallait toujours qu’elle ressente la même chose pour lui, que lui pour elle. Desmond baissa les yeux. « Si c’est le cas au moins j’en aurais le coeur net, si je lui dis ». Et il se serait tourmenté pour rien.
Desmond perdit alors son sourire. Il ne savait pas à quel point Rix et Louisa étaient proches, et ce que Louisa pouvait lui avoir dit au sujet de son job à la boutique. Ou si elle lui en avait seulement parlé. Desmond s’éclaircit la voix. « Il y a autre chose », dit-il, à voix basse, sur un ton confidentiel. Son regard se posa à nouveau sur Rix, une lueur appréhensive au fond des yeux. Il soupira, puis secoua la tête. « Ton opinion sur moi va peut-être changer, mais tant pis. Je fais pas exactement le job le plus net. Je suis prêteur sur gage, donc… c’est rien de grave, mais c’est pas net non plus quoi ». Dans l’esprit de Desmond, c’était toujours mieux ça qu’un mafioso, et autres criminels. En vérité, les seuls qu’il arnaquait réellement, c’était la police. Le reste était du business.
« Mon boss a engagé Louisa pour faire des livraisons. Je sais pas ce qu’il y a dans ses paquets, mais je connais assez mon boss pour savoir que c’est sans doute illégal. J’ai pas envie que des emmerdes retombent sur Louisa à cause de ça ». Qu’elle se fasse choper par la police par exemple. Elle pourrait dire adieu à l’enlèvement de son casier, où à la poursuite de ses cours. « Je lui ai déjà dit tout ça, mais elle tient à continuer ces foutus livraisons. J’sais pas pourquoi. Bref, y'a ça aussi qui me fais hésiter ».
Rix avait eu une vie assez chaotique, mais elle savait qu'une des choses qui l'avait le plus touchée quand rien n'allait chez elle, ça avait été l'écoute de certains. Le fait de pouvoir parler à cœur ouvert, d'être écoutée, et qu'on essaie de l'aider, du mieux que l'on pouvait. Mais l'écoute, c'était déjà tellement important.
Elle eut un petit sourire taquin en voyant le rouge monté aux joues du jeune homme. Desmond avait ce côté mignon, du mec qui ne savait pas encore trop comment faire quand quelqu'un lui plaisait. Y avait quelque chose qui lui disait que c'était un bon mec, en tous les cas, que Louisa pourrait avoir quelqu'un de safe à ses côtés. Il n'était pas là pour lui faire du mal. Elle lui faisait une petite tape sur l'épaule. Pour lui montrer qu'il n'avait pas à avoir honte de ses sentiments et qu'elle n'allait clairement pas s'en moquer.
- T'inquiète, je le prends pas comme un mensonge. T'es pas le premier à pas savoir comment dire que ça te concerne. Toujours compréhensive. Ohh comme le nez au milieu de la figure. Suffit de voir comment vous vous êtes tournés autour, c'est assez flagrant. Mais c'est toujours plus simple de le voir chez les autres, que chez soi-même. Un léger rire. Peut-être que je te le dirai aussi, avant de te dire de ne pas l'approcher, c'est sûr. Elle pouvait être assez protectrice envers les jeunes qu'elle prenait sous son aile, encore plus quand c'était des jeunes femmes qui pouvaient avoir eu un début de vie pas facile. Mais ouais, t'es un type cool Desmond et ça se voit qu'elle apprécie ta compagnie, donc bon... pis vous êtes des adultes, j'peux pas vraiment empêcher quoi que ce soit. Ouaip, le pire que tu auras c'est un "non".
Rix remarqua vite la perte du sourire du jeune homme. La lourdeur de l'atmosphère se faisait alors sentir, comme s'il y avait des secrets si lourds, qui pouvaient mettre à mal une histoire qui n'avait pas encore commencée. Elle se demandait alors ce quel était le problème. Il n'attendait pas pour lui expliquer. Elle haussa alors légèrement les sourcils. C'était une grande confiance qu'il avait en elle, pour oser lui dire qu'il ne faisait pas dans la légalité. Après tout, il ne pouvait savoir qu'il parlait à une agente du FBI infiltrée. Heureusement pour lui, ce n'était pas le genre de poisson après qui elle courrait. Eliott traversa un instant sa pensée, avant qu'elle ne revienne à la conversation présente.
- Je vois. Ce qui pouvait plus l'inquiéter, c'était la description de ce que pouvait faire son boss. Elle resta silencieuse un instant, essayant, elle aussi, de comprendre pourquoi Louisa tenait à continuer, alors qu'elle savait que tout ceci n'était pas très légal, en avait-elle parlé à son père adoptif? Elle t'a pas dit pourquoi elle voulait continuer? Petite pause. Pourquoi ça te fait hésiter? T'as peur qu'elle se mette dans des affaires encore moins nettes?
Il fallait juste espérer que Louisa avait une bonne raison qui la poussait à ne pas arrêter le travail directement.
Le compliment de Rix lui fit chaud au coeur. C’est vrai… il pouvait être cool. Peut-être pas souvent au premier abord, cela dit. Louisa en savait quelque chose. Pour Rix, c’était surtout parce que Louisa l’admirait qu’il lui faisait tant confiance. Desmond sourit en coin, puis il soupira. « Ouais, au pire j’aurais un «non». Ça sera gênant, mais c’est quand même pas la mort », relativisa le jeune homme.
Desmond appréciait que Rix veille autant sur Louisa. Elle lui avait appris se défendre, et mine de rien, ça lui avait sauvé la peau, quand il avait été dans la merde. Rix l’écouta sans l’interrompre, du début à la fin. Quand il eut fini, Desmond essaya de déchiffrer son expression. Elle semblait surtout pensive, et peut-être étonnée qu’il se confie à elle si facilement. Pourtant, il lui faisait confiance.
« Entre toi, version blonde du Terminator, et Jean-Baptiste, son père d’adoption, Louisa est bien entourée. C’est un support que beaucoup pourraient envier. Moi le premier. C’est ça que je comprends pas. Pourquoi prendre le risque de gâcher tout ça et se mettre dans la merde? Si j’étais à sa place, je ferais tout pour rester droit », dit-il, les sourcils froncés en un pli soucieux.
Qu’est-ce que cela disait sur le caractère de Louisa. Qu’elle était inconsciente? Ou ingrate? Pour Desmond, elle n’était ni l’un ni l’autre. Alors pourquoi continuer de faire des boulots louches? « Elle m’a dit qu’elle le fait pour l’argent. Mon boss la paye bien, c’est vrai. Sauf que je ne vois pas pourquoi elle aurait besoin d’autant d’argent. Je ne lui ai jamais demandé parce que ça ne me regarde pas trop ». Chacun faisait ce qu’il voulait avec son fric : telle était sa devise, lui qui acceptait généreusement l’argent sale des mafieux en échange de gros bijoux clinquants. Il était bien mal placé pour commenter la façon dont Louisa dépensait sa paye.
« Puis merde, je l’aime vraiment Louisa », lâcha-t-il, avant de se lever les points sur les hanches. « J’ai juste envie de croire qu’elle épargne ce qu’elle gagne pour ses études, ou pour s’acheter un appartement, ou autre chose de totalement banal. J’ai juste envie de croire qu’elle bosse pour nous parce que c’est moins chiant que travailler chez MacDo, et que c’est plus payant. Je m’inquiète pour rien peut-être. C’est ce que je souhaite. Mais c’est plus fort que moi. Je veux pas faire les mêmes erreurs que mon daron ».
Rix avait un petit rire et lui mettait un petit coup dans l'épaule, rien de méchant, c'était vraiment amical, rien pour faire mal. Petite bousculade entre personne qui s'appréciaient et s'entendaient bien, quoi.
- C'est comme ça qu'il faut voir les choses Des'! Et puis, la gêne partira d'elle-même.
Gardant son petit sourire amusé, elle doutait pourtant qu'il ait droit à un non, s'il osait se lancer dans l'aventure. Louisa était méfiante, la confiance en elle était parfois dans le négatif, mais ce jeune homme avait réussi à l'intéresser. La boxeuse l'avait vu, si Louisa prenait la main qu'il oserait lui tendre, elle avait sans doute, tout à y gagner. Et lui aussi, après tout. Elle était aussi amusée de la façon dont il la voyait elle. Terminator... c'était une vision intéressante.
- Oh, je ne tue personne, au moins. Taquine. Tu sais, ce n'est pas parce que tu es bien entouré que tu le voix et le comprends, ou que cela ne t'empêche pas de faire des conneries. Marquant un temps. Mais c'est vrai que c'est étrange qu'elle veuille continuer, ou alors... c'est pour rester en contact avec toi.
Qui sait? C'était un bon moyen de passer du temps avec le jeune homme. Parfois l'amour faisait faire bien des conneries. Il n'y avait pas que l'alcool, la bêtise ou les drogues illicites qui faisaient faire des trucs pas normaux.
- Mmm... l'argent c'est une vraie motivation pour beaucoup. Si elle veut pouvoir être indépendante, sans devoir rien à personne... parfois ça suffit à mettre le reste de côté. Après, je ne pense pas que Louisa soit attirée par la richesse plus que ça, mais pouvoir avoir un peu de thune de côté, c'est toujours rassurant. Elle attend peut-être aussi de trouver un meilleur truc, qui sait? Comme tu le dis toi-même, c'est peut-être pour une bonne raison qu'elle reste. Petit sourire en coin, sur le fait qu'il disait l'aimer vraiment, c'était chou de le voir s'inquiéter comme ça. Je comprends, mais t'inquiète, tu feras pas les mêmes erreurs que ton père. Et puis, si tu continues à vivre dans cette inquiétude, tu verras jamais ce que ça fait, d'être avec quelqu'un qu'on aime vraiment. Donne une chance à cette histoire et tu improviseras avec ce qui arrive. J'te le dis, vaut mieux avoir des remords que des regrets.
Même si elle pouvait comprendre son inquiétude, ce n’était pas simple de se détacher de ce qu'avait donné comme image les parents.
- Parle avec elle, tranquille, à cœur ouvert. C'est important. Tu verras bien où ça mène, ce qu'elle pourrait te dire, et puis tu prendras ta décision à ce moment. Je vais pas te pousser à faire quelque chose que tu ne veux pas. Je peux juste te pousser à au moins faire un pas. Lui posant une main sur l'épaule. Te prends pas trop la tête, le mieux c'est de vous parler. Tu verras bien ce qu'elle te dit.
Rix ne tuerait personne, non, mais elle en avait sans doute la force, avec ses années d’entraînement. Franchement, Desmond n’aurait pas aimé être son ennemi. En plus des muscles, Rix avait le cerveau. Elle donnait d’excellents conseils. C’était étonnant qu’elle n’ait personne dans sa vie tout de même, avec toutes ces qualités.
« Ce serait pour rester en contact avec moi qu’elle continue de faire ça? », pensa tout haut Desmond « Eh bah… j’y avais jamais pensé ». Si c’était effectivement pourquoi elle continuait d’accepter les boulots que lui offrait Dallas, le jeune homme ne pouvait pas faire grand-chose pour la dissuader. « Je lui demanderai, mais si c’est ça, je ne pourrais quand même pas changer de boulot. Je ne sais faire que ça. C’est sûr que je préférerai que ça soit cent pour cent légal, mais c’est mieux que rien », répondit Desmond, un peu abattu. Depuis sa fugue, il n’avait pas beaucoup d’options de choix de carrière. Compte tenu des circonstances, il y avait bien pire que prêteur-sur-gages.
Rix mit en doute les conclusions de Desmond quant à ce que ce soit l’argent qui attire Louisa dans les magouilles de son patron. « C’est pourtant l’une des premières raisons qu’elle m’a donné, quand je lui ai demandé pourquoi elle voulait faire ça. Au début, je ne la croyais pas. Je la trouvais louche », avoua-t-il avec un demi-sourire. Le regard dans le vague, Desmond se remémorait ses premiers instants en compagnie de Louisa. « La première fois que je l’ai rencontrée, elle est venue juste pour m’accuser de vendre des faux diamants. Ensuite, on s’est revu à une soirée d’Halloween. On s’est presque engueuler, mais elle a sauvé mon cul quand trois types sont débarqués pour me taper. La police nous a tous amenés, et c’est en cellule qu’on a vraiment fait connaissance ».
Le jeune amoureux, le poing sous le menton, poussa un soupir rêveur avant de se souvenir de la présence de Rix. Il l’avait presque oublié. « C’était pas du tout parti pour qu’on s’entende bien, mais c’était peut-être le destin qu’on se revoit. Tu y crois au destin Rix? » Desmond ne croyait pas trop au hasard. Pour lui, si quelque chose arrivait, ce devait être quelque chose comme le destin, ou le karma, qui en était la cause.
Desmond, définitivement requinqué, bondit sur ses pieds . « T’as raison! J’irais la voir et je vais tout lui dire. Je pourrais jamais savoir ce qu’elle en pense sinon. Là au moins, j’en aurai le coeur net et je n’y penserai plus. Puis je suis pas pire qu’un autre! Elle peut sûrement trouver meilleur que moi, mais je serais le meilleur pour elle. J’espère en tout cas! »
Fou de joie, Desmond serra Rix dans ses bras « Merci Termi! Louisa avait raison : t’es trop la meilleure! » Il libéra la boxeuse de son emprise, et s’exclama : « C’est bon là j’suis bien remonté, je vais aller taper dans le punching-bag jusqu’à ce que je tombe je crois! ».
Rix ne voulait pas non plus diriger Desmond dans une mauvaise direction. Qu'il ne se fasse pas non plus trop d'idée. Si elle était certaine que Louisa n'était pas insensible à ce jeune homme, elle ne savait pas pourquoi elle continuait à travailler dans un endroit qui ne semblait clairement pas des plus légaux.
- Je ne dis pas que c'est cela, mais ça peut être une possibilité. D'un ton plutôt tranquille.
Elle trouvait dommage de voir des jeunes qui ne croyaient pas en eux. Alors qu'ils avaient dû potentielle. Desmond, comme Louisa, pouvaient faire de grandes choses, pour leur vie, si seulement ils osaient sauter le pas. La jeune femme l'avait fait, elle avait osé sortir de sa zone de confort, se lançant dans des études du soir, dans la boxe, faire face à ses démons. Pas de doute que l'homme qui l'avait pris sous son aile, aidait à cela. Il fallait que ce jeune homme suive le même chemin, il fallait oser.
- Oh tu sais, c'est faux de croire que l'on est bon qu'à une seule chose. Je suis persuadée que tu as plus de talents que tu ne le pense. Tu pourrais bien te surprendre. Je sais que c'est con à dire, mais l'adage qui dit "quand on veut, on peut", n'est pas si con. Après, ce n'est pas facile, ça demande du courage, d'être prêt à sauter dans l'inconnu. Mais c'est un peu comme se lancer dans une relation. On sait pas où l'on va au départ, mais le chemin peut être super. Alors te freine pas, Des', si tu veux tenter des trucs, te lancer dans autre chose, fonce.
C'était le meilleur conseil qu'elle pouvait lui donner. Il ne fallait pas rester coincer, s'empêcher d'avancer, parce qu'on avait peur, parce qu'on ne pensait pas en être capable. Comme elle le pensait, l'argent pouvait être une raison valable, mais si son père adoptif était un flic, c'était un peu con de travailler pour se mettre dans les ennuis. Enfin, Gab' écoutait avec attention tout ce que lui disait Desmond, tout en réfléchissant de son côté. Peut-être qu'elle se permettrait d'en parler avec la jeune femme. Juste pour connaître ses motivations, voir ce qu'elle en pensait. Toujours avoir le point de vue des deux partis, pour se faire une idée sérieuse de la situation.
L'histoire du début de leur amitié, ne manqua pas de faire sourire Rix. C'était bien là la preuve, que les choses pouvaient évoluées dans le bon sens, même quand ça partait très mal au départ. C'était mignon à entendre. Elle les enviait un peu, de pouvoir vivre tout ça à cet âge. Elle garda un petit sourire amusé en coin, ayant entendu quelques bribes de l'affaire de la part de la blonde.
- Ouais, la vie est bien surprenante parfois. C'est ça qui est cool. Marquant un petit temps. Mmm... je ne sais pas si je crois au destin. Je pense plutôt que c'est nos actions, qui définissent ce qu'il se passera dans nos vies. Je n'aime pas me dire qu'une entité, ou tout autre truc soit déjà écrit et que je n'ai aucune maîtrise sur le cours de ma vie. A quoi bon?
Caplan voyait, en tous les cas, que leur petite conversation redonnait du peps au jeune homme. Tant mieux. C'était tout ce qu'elle avait souhaité. Qu'il ait la tête un peu moins lourde des inquiétudes qui pouvaient le traverser. La vie était bien trop courte pour qu'on se prenne trop longtemps la tête. Elle avait un petit mouvement de la tête de soutien, tout en appréciant son discours, avant de dire au surnom, qui définitivement, allait lui coller à la peau. Elle le laissa la prendre ses bras, lui frottant doucement le dos, amicalement, pas gênée de ce contact pour un sous. Avant de lui faire un petit clin d'oeil.
- Pas de quoi Des'. Hésite pas à venir me voir, quand tu veux. Riant légèrement à nouveau. Oh parce que tu crois que je vais te laisser aller taper dans un sac. Mets tes gants et suis-moi sur le ring, quitte à ce que tu tombes, autant que tu le fasses dans les règles de l'art. Taquine.
Mais très sérieuse pour autant. Maintenant qu'il était requinqué, il était temps d'en profiter et de travailler un peu la technique, le cardio, tout. Qu'il se donne à fond et de la bonne façon.
