L’odeur de l'antiseptique plane dans l’air. Et puis les sons sont assourdis. Impossible de savoir si c’est à cause si c’est parce que la pièce est insonorisée ou bien parce que tout le monde détonne la voix. Rien qui ressemble aux murmures des églises. Cet endroit n’est pas consacré.
Ici c’est la frontière entre droit et non droit. Comme les Justes qui se cachaient des Nazis pendant la guerre. Ceux qui arrivent chez Catherine Kent souhaitent rester anonymes.

Soho est un district aux multiples facettes. Rien d’étonnant à ce qu’un cabinet clandestin ait pris racines ici. Il possède un double avantage: c'est un endroit autonome et apartisan. Toute personne blessée peut avoir un soin. De la gamine en fugue qui veut faire un IVG, au toxico refusé en clinique, jusqu’au flic pourri qui se prend une balle pendant une opération secrète.

Les hommes de Lemoine atterrissent souvent ici. Ils n’ont jamais été trahis. Cela leur a permis de faire leurs activités underground depuis une paire d'années. Junior pourrait avoir une place sur le tableau d’honneur. Patient fidèle. Son tempérament de chien fou l’a mis sur le billard.
Marlon vient de le laisser pour aller prendre des nouvelles de Maxyne. La compagne de JB est celle qui a pris le plus cher ce soir. Deux balles et un état préoccupant.

Autant dire qu’une balle à fleur de mollet ce n’est pas grand-chose. La morphine est interdite pour Zac. Aucune chance que la Doc lui file de quoi replonger dans ses psychotropes. Il doit donc se contenter d’analgésiques. Une chance qu’il soit un forcené de la douleur.

-“Hey. Salut Puce. ” Sanders sourit à son épouse. Il quitte la position allongée, pour s'asseoir sur le rebord du lit. Mise à part le mollet, il va bien. Il se racle la gorge. -“ Tout le monde s’en est sorti. Ca va. ” Sa coéquipière est partie pour le Bureau y a un quart d’heure. Jean-Baptiste est au chevet de sa blonde.

-“Une balle m’a effleuré le mollet. On l’a retirée. ” Une nouvelle cicatrice à son compte. Franchement pas grand-chose en comparaison de celle qu’il a eu après la libération de sa jumelle. Il sourit à Megera et lui tend la main pour qu’elle l’attrape. -“ Je vais juste boiter pendant quelques jours, le temps que ça cicatrise. ” Surtout qu’il n’a pas à prendre un congé maladie. La Strike a fait une opération sans accord officiel. Et, il ne peut pas se permettre une mise à pied. Il y a les petits. Il y a leur mère.

Doucement, il attire la jeune femme près de lui. Qu’ils se posent ensemble. Puisqu’il n’a pas du tout eu l’occasion d’écouter les médias, il ne sait pas ce qui a été dit. -“ On ne savait pas pour l’attentat. On a été pris de cours. Je t’assures. ” Lui dit-il tout de suite.
Zac fait tout ce qu’il peut pour respecter le pacte qu’ils ont passé. Maintenant, sa crainte ait toujours que sa femme ne le croit pas. -“ … j’ai vu une nana se vider de son sang. Ces types étaient complètement allumés. Je te jure. Pas mieux que les Islamistes. ” L'attaque de ce soir va avoir des répercutions et ce à plusieurs niveaux. Comme si ce n'était pas assez compliqué sans ça.

-“ Nan.” Rétorque le quarantenaire sans montrer d’hésitation. Il pose un baiser sur le haut du crâne de Megara. Une petite tentative d’apaisement et de réconfort au creux de cette nuit chaotique. Homme sobre, assagit, il comprend maintenant que c’est le mode de vie de ses parents qu’il imite. Cette hantise de ne pas voir l’autre revenir au bercail. Cette peur d’avoir le coup de fil fatidique. -“ On a fait gaffe. Et puis, malheureusement… cette attaque à faire une diversion parfaite. ” Une sombre application de l’adage que ce qui désert les uns aide les autres.

Zac conserve un silence méditatif. Il a besoin de prendre du temps pour trouver ses réponses. C’est un exercice qu’il met en place depuis la cure. Pour le moment, s’imposer un minimum de recul a l’air de fonctionner. Aussi, il continue. -“Y a pas besoin de payer non. ” L’informe-t-il d’abord. Le docteur Kent peut être taxée d’être une samaritaine. C’est assez proche de la réalité quand on sait tout ce qu’elle fait dans l’ombre. Toujours, elle sait que les Sanders ont des enfants en bas-âge. Ils ne roulent pas sur l’or.

Il désigne le sac en papier brun. -“ Y a de quoi faire les premiers 15 jours.” Ce qui leur évite d’aller chercher une pharmacie de garde à cette heure. Pas plus mal, parce que Junior sent que ses batteries sont à plat.

-“Sam vient récupérer Marlon. On est bon. ” Le Tank est pas du genre à refuser un coup de main, quand il y a besoin. C’est une grande famille de la Strike. Ils savent se serrer les coudes.
Sanders pose son pied blessé sur le sol. Il teste sa résistance physique avec le poids de son corps. Rien d’agréable. Mais rien d’insupportable non plus pour un corps qui en a connu d’autres. Il tente un pas, puis deux. -“Je veux bien. Jusqu’à la voiture. ” Il se passe une main sur le visage. -“Mes vieux étaient à ce gala. J’ai eu P’ap. Ils ont rien. ” Un simple échange de SMS juste après l’action. Mais Zac n’a pas envie de mentir à son vieux. Autant limiter les risques.

Doucement, il pose une main sur l’épaule de la belle Mrs Sanders. -“ On en parle au calme. ” Lui propose-t-il pour le reste. Ils sortent du carré à leur rythme. La médecin passe sur leur chemin. Elle donne deux, trois, recommandations avant de les laisser quitter les lieux. La soirée va être chargée car il y a eu pas mal de dégâts autour de l’ambassade. Junior salut les mecs de loin. Ils n’ont pas à s’attarder puisque tout le monde est en un seul morceau.
Il clopine doucement à côté de Meg. -“ Mmm. Je vais proposer aux parents de passer les voir dans la semaine. ” Même si le comte n’est pas du genre à déformer la vérité, cela rassura quand même son fils.
C’est dans un soupir de soulagement que le policier se pose sur le siège avant passager. Il fait un effort pour claquer la portière. Puis, il retombe contre le dossier du fauteuil. Le contre-coup de la dopamine. L’envie de prendre une dose qui taraude sa mémoire neuronale.

-“Merci d’être venu babe. ” Marmonne Junior en allant malaxer la cuisse de sa femme. Doucement, il ramène ses mains contre son ventre, les serre l’une contre l’autre et se focalise sur sa respiration.
Seul moyen de chasser les mauvais instincts du loup.

Le trajet entre l’ambassade de Serbie et la maison est dans un silence méditatif. Sanders observe la route en repensant à toute cette soirée. Il se repasse les images de l’intervention. Impossible de trouver lequel de ces connards a réussi à lui mettre une bastos dans le mollets. Ils trouveront. Ils trouvent toujours.

Une fois chez eux, Zac remercie sincèrement sa belle-mère. Cette femmes est là pour eux. Même avant la naissance de Matthews, elle était là. Jimmy aussi. Ils ont de la chance. Avec le mollet en charpit pas simple de circuler. Ils embrassent les enfants en pensées. Il se rattrapera demain. Il leur fera un petit-déjeuner maison. Comme il en avait petit à Bellary.

Le blessé acquiesce à voix basse. -“ Morsure de chien. C’est pas mal. ” répond le flic à sa compagne. Il essaye de soulager la douleur en ajoutant un coussin sous sa cheville. Ce n’est pas la panacée. Mais, ils ont l’habitude. -“ Kent me fera un certif de visite médicale. Hans ne pourra rien savoir. ” Affirme-t-il. Le nouveau commandant de la division les a dans le nez. -“ Au pire… Je verrais avec mon père… Ils sont potes d’enfance. ” Les et les de Lascelle se connaissent depuis des années. Zac est prêt à ça pour protéger sa tribu.

Les petits sont au lit. Ils sont au calme. C’est le moment de parler. -“ On est venu profiter du gala pour extrader une femme. Elle était séquestrée. ” Après ce qui est arrivé à sa jumelle, Junior ne pouvait pas refuser d’agir. -“ JB nous a demandé… ” Junior ne peut rien refuser à Lemoin. Il est son chef d’équipe. Mais c’est surtout un deuxième père pour lui. Celui qu’il n’a pas au quotidien. Alors, si Lemoine demande de l’aide, il y va. -“ C’est pas prudent avec mon dossier. Mais, je ne pouvais pas lui dire non Meg… ” Souffle le loup fatigué. Il sait qu’il a pris de gros risques. Maintenant, tout ce qu’il espère c’est que sa belle comprendra.