Hans avait besoin d’une victoire. Javier l’avait aidé à mieux comprendre les sujets de ses cours les plus complexes. Cependant, il n’avait toujours personne pour le bal. Les filles libres se raréfiaient, et le bal approchait dangereusement. Sans parler qu’il avait déjà essuyé des refus, et son égo en avait été un peu atteint. Un peu fragilisé. Cela aurait pourtant dû être facile! Il était un futur athlète olympique!

Le sportif ruminait ses échecs dans la cantine, les yeux dans ses livres d’anglais. Il y après les heures de classes, il y avait peu de monde. Quelques groupes d’études ici et là, une paire d’amoureux se léchant les amygdales dans un coin, et Rebecca.

Rebecca Peterson. La représentante des élèves.

Une fille que tout le monde connaissait, parce qu’elle avait le nez un peu partout, qu’elle s’impliquait partout, et qu’elle militait pour tout et n’importe quoi. Hans n’aurait pas été surpris que les parents de celle-là soient des politiciens, ou des militants. Ce qui se passait dans l’école, Hans, lui, y accordait peu d’attention. Il n’avait même pas voté lors des élections du représentant justement.

Les causes du comité étaient honorables, sans doute. Moins de plastique à la cantine, sensibilisation au recyclage, des options véganes et végétariennes pour le déjeuner, ce genre de causes. Hans se souvenait avoir discuter quelques fois avec elle, puisque l’équipe de natation avait levé des fonds pour… l’une de ces causes. Il oublait laquelle. Elle lui avait parue sérieuse, organisée, mais néanmoins sympa. En tout cas, assez pour se faire élire représentante par les élèves de l’école. Elle était jolie aussi, et célibataire, s’il en croyait les rumeurs.

Pourquoi pas elle, se dit-il.

Qui ne tente rien n’a rien. Hans referma son livre, et le glissa dans son sac. Il peigna ses cheveux bruns d’un geste de la main, et se leva pour aller rejoindre la jeune femme à sa table. « Hey! Salut Rebecca! », la salua-t-il, en s’asseyant devant elle. Il ne demanda pas s’il la dérangeait. « Ça va? T’as réussi à faire… ce que tu voulais faire, avec les dons que l’équipe t’as remis? ». Quand même, ça lui aurait fait mal d’avoir nager sur 10 kilomètres pour rien. Ou pire, que quelqu’un s’en soit mit dans les poches.

Bien que pressé d’en venir à ce qu’il voulait réellement lui demander, Hans tenta de lui faire juste un peu la conversation. Il l’écoutait, trop souriant, les mains croisées devant lui. « Vous avez de nouveaux projets, le comité et toi? ».

Eh bien non! Les parents de Becca ne sont pas des politicards. Lui c’est un conducteur de train. Sa maman est une institutrice pour les attardés. On est très loin de la sphère politique, pas vrai! Non, son instinct de militante, ça lui vient des piquets de grève devant les stations et dans les entrepôts. Elle a appris les lettres capitales en préparant les cartons! Vous voyez le genre ?

Au début, c'est pour se distinguer de son frère qu’elle s’est lancée dans le scolaire. Et puis, à force d’être déléguée de classe. A force d’avoir des résultats, elle s’est prise au jeu. Si avec le dernier blocus elle a pu obtenir que le prof de sport harceleur dégage… Imaginez ! Imaginez un peu ce qu’elle pourrait faire en ayant une représentativité au niveau du comté !

Les causes du comité du lycée sont honorables. Moins de plastique à la cantine, sensibilisation au recyclage, des options véganes et végétariennes pour le déjeuner, ce genre de réclamations. Mais ça n’est pas le plus important pour Peterson. Par exemple, lever assez de fonds pour que les élèves à la bourse insuffisante puissent partir en voyage scolaire. Ça permet de ramener un peu d’égalité dans le système. Surtout dans un bahut comme celui-ci.

Ce genre de bataille ne plaît pas à une partie de la communauté scolaire. Les héritiers n’aiment pas spécialement l’idée qu’un “roturier” débarque dans leur petit monde. Ce qui fait que Becca est aussi populaire qu’impopulaire. Mais, contrairement à d’autres, elle s’en fout pas mal.

« Hey! Salut Rebecca! Ça va? T’as réussi à faire… ce que tu voulais faire, avec les dons que l’équipe t’as remis? » Rebecca lève le nez du classeur de préparation du bal. Un truc mastoc avec des intercalaires pour tous les aspects de la future fête. Pour le moment, elle coince pour les autorisations d’avoir des effets lumières sur la scène. Les agents ne veulent rien entendre…

-« Salut Hans. » De quoi est entrain de lui parler le sportif. Il lui faut un moment pour connecter les données. -« Oui. On a eu assez pour que deux élèves partent au voyage d'initiation. » Deux c’est mieux que personne. Peut-être que les prochains délégués auront plus d’effet sur l’équipe de direction. -« Merci pour eux. » En général, c’est ce que les mécènes viennent chercher en allant la voir. Une petite image pour dire qu’ils sont de bons garçons. Rebecca eu un sourire neutre prête à reprendre son boulot.

« Vous avez de nouveaux projets, le comité et toi? ». Mais Hans n’en a pas fini. Pourquoi se montre-t-il aussi curieux d’un coup ? Peterson rebouche son stylo d’un air déterminé. Elle plante son regard dans celui du nageur. Il ne lit pas la newsletter des délégués ou les panneaux d’affichage. Personne ne lit rien et pourtant tout le monde attend quelque-chose d’eux. C’est merveilleux.
«On finalise la campagne sur le harcèlement à l’école. » Depuis que l’école existe il y en a. Quoique les adultes ou les élèves fassent. Rebecca doute fermement qu’une des coqueluches de l’équipe de sport ait des soucis dans ce domaine. -« J’ai du boulot Hans. Qu’est-ce que tu veux ? » Autant ne faire perdre de temps, ni à l’une, ni à l’autre.

C’est ça! Le voyage d’initiation… Pour aller où? Rebecca ne lui en dit pas davantage et se contenta de le remercier avant de se replonger dans le cartable gigantesque devant elle, sous le regard décontenancé du sportif. Hans tentait de se rappeler en quoi consistait ce fameux voyage. Après tout, il aurait dû le savoir. Sans doute pour se rendre dans quelque pays en développement et y construire des hôpitaux, ou se genre de chose humanitaire. Cela collait bien à l’esprit des délégués.

Hans haussa les épaules. « De rien! C’était plutôt facile en fait. Pas plus difficile que quand je m’entraîne en tout cas », dit-il, plein de fausse modestie, lissant fièrement la cravate de son uniforme. « Si je pouvais générer du fric chaque fois que je fais du sport, vous auriez de quoi payer un voyage d’initiation à tous les délégués ».

Assit en face de Rebecca, Hans fut tenté de zyeuter ce qui se trouvait dans ce fameux cartable, mais puisqu’elle daignait enfin le regarder dans les yeux, il ne détourna pas le regard. Il resta souriant, jusqu’à ce qu’elle dévoile le sujet de sa prochaine campagne. «Oh». Le visage du jeune homme se décomposa d’un seul coup. Hans se souvint alors de ce prof de sport que Rebecca avait réussi à écarter. Une bonne chose, mais tout le monde n’avait pas été heureux de ce résultat, notamment l’une des équipes de foot coachée par ce même prof. Hans se souvenait de certains échos de vestiaires, selon lesquels l’équipe avait perdu le championnat à cause de l’absence de ce prof, et plusieurs joueurs avaient blâmé Rebecca pour leur défaite. Bref, elle ne s’était pas fait que des amis.

Avec un tel sujet maintenant mis sur la table, Hans hésita à aborder directement la question du bal avec Rebecca, mais cette dernière insista. « Hum… Oui oui, d’accord », dit-il, mal à l’aise, en se tortillant sur son siège. Il ne voulait pas la retarder, surtout vis-à-vis la nature de la prochaine campagne. Hans inspira avant de se lancer dans le vide « Je me demandais si tu voudrais pas être ma cavalière pour le bal de promo? Ça ne me dérange pas que tu sois une figure polarisante chez les élèves! En vrai je trouve que tu fais toujours la bonne chose, même si je ne sais pas toujours ce que vous faites, toi et le comité. Je peux même faire ta mascotte ou ta tête d’affiche pour une autre de tes campagnes, ça me ferait plaisir! Enfin, peut-être pas pour celle-là… mais n’importe quelle autre. Mettre plus de rampes et plus d’ascenseur pour les élèves en fauteuils roulants, mettre plus d’options de menu végan à la cantine, peu importe! Alors, t’en penses quoi? »

Peterson renifle la suffisance aristocratique comme un chien policier peut sentir la poudre blanche. Elle est ici parce que ses parents se saignent les quatre veines pour payer son droit d’entrée. Parce qu’elle a été expulsée de trois lycée publics avant. Les mecs comme lui représentent ce qu’elle a envie de combattre en sortant d’ici. La classe privilégiée… pour ? Pour avoir fécondé la bonne poule ?

« De rien! C’était plutôt facile en fait. Pas plus difficile que quand je m’entraîne en tout cas. Si je pouvais générer du fric chaque fois que je fais du sport, vous auriez de quoi payer un voyage d’initiation à tous les délégués ».

-«Vrament ? » Il ne faut pas le dire deux fois avec la représente du comité. Elle passe des heures devant des jury à expliquer en quoi il est important de mettre les moyens pour augmenter le nombre de surveillantEs. -« Vois avec ton coach ? Il a refusé notre projet de journée solidaire. » La manne qui serait sortie de tout ça aurait pourtant permis d’améliorer la sécurité dans le théâtre. Eviter les foutus accidents. -« Visiblement c’est plus important que vous ayez des supers maillots. » Si ça ne tenait qu’à ele, ils joueraient avec les mêmes maillots pendant le cycle.

Mais, Rebecca et Hans ne viennent pas du même monde. Plus tard, ils ne se salueront pas dans la rue. Pendant que monsieur pourra aller jouer au golf dans des pays exotiques, Becca… payera ses factures en faisant de la compta pour une entreprise pourrie. Alors, elle ne cherche pas expliquer le pourquoi du comment. A quoi bon perdre son temps ?
«Oh».
-« Ouais. Oh. »

« Je me demandais si tu voudrais pas être ma cavalière pour le bal de promo? Ça ne me dérange pas que tu sois une figure polarisante chez les élèves! En vrai je trouve que tu fais toujours la bonne chose, même si je ne sais pas toujours ce que vous faites, toi et le comité. Je peux même faire ta mascotte ou ta tête d’affiche pour une autre de tes campagnes, ça me ferait plaisir! Enfin, peut-être pas pour celle-là… mais n’importe quelle autre. Mettre plus de rampes et plus d’ascenseur pour les élèves en fauteuils roulants, mettre plus d’options de menu végan à la cantine, peu importe! Alors, t’en penses quoi? »

Ça va de soi, qu’il est venu chercher un service. Mais ce service ? Il reconnaît lui-même que c’est une démarche intéressée. La jeune fille apprécie au moins qu’il soit honnête. Mais l’aspect service rendu pour mettre une jolie robe et danser à une soirée populaire… Est-ce qu’elle est vraiment du genre à faire escorte pour sang bleu en puberté ?
-« Figure polarisante ? » Le principe de la mascotte aurait été cool. Mais ce n’est pas comme ça qu’ils fonctionnent. Si la démarche n’est pas volontaire le message ne passera pas. -« Je pense que tu t’adresses pas à la bonne fille. » Becca le scrute et lâche pragmatique. -«Si Keenan n’avait pas disparu je t’aurais dit d’aller la trouver. Fin bref. »

Rebecca inspire à son tour.
-« Non Hans. » Ils n’ont rien à faire ensemble à la soirée. En plus, l’oganisation va l’accaparée pour les trois quart du temps. Il se retrouvera tout seul comme un idiot. -« Je ne vais pas allée au bal de promo avec toi. Désolée. » Comme David ne daigne pas lui répondre, elle ira seule et ce sera très bien. -« J’ai entendu Addison et Violet discuter hier. Elles cherchent quelqu’un pour les accompagner. » Avec Peterson vous aurez toujours une solution!

Figure polarisante. Le ton avec lequel Rebecca venait de le répéter lui fit comprendre qu’elle n’avait pas apprécié la comparaison. Hans pâlit en réalisant sa bourde. « Euh… Ce n’est pas ce que je voulais dire! Enfin, disons que tout le monde à une opinion à ton sujet. Ce n’est pas un défaut… » Comme un patineur qui tentait de se relever après une chute sur la glace, Hans essayait tant mieux que mal de retrouver l’équilibre après sa gaffe, mais plus Rebecca parla, plus il se sentait glisser.

Elle suggéra Keenan, comme si Hans n’y avait pas déjà pensé. « Je lui ai demandé et elle a refusé ». Ce qui était une bonne chose en fin de compte, puisqu’elle avait disparue. Une fugue apparemment. « Addison y va déjà avec Javier je crois, et Violet, tout le monde sait bien qu’elle a un crush sur l’indien du journal étudiant, sauf le mec en question. Pour une représentante des élèves, t’es pas trop au courant des rumeurs de couloirs », commenta Hans. Il fréquentait les sportifs. Autrement dit, les élèves les plus populaires de l’école. Pas besoin de lire le journal étudiant pour savoir ce qu’il se passe. Eux, ils étaient déjà au courant de tout, et Hans n’en ratait pas une miette.

Sans surprise, Rebecca ne fut pas convaincue. Il s’était bien défendu pourtant! Hans s’échoua dans le fond de sa chaise, l’air défait. « Okay, je comprends », soupira le sportif. La prochaine étape consistait à se lever et laisser Rebecca tranquille. Pourtant Hans ne bougea pas. Les yeux dans le vague, ses pupilles restaient fixées sur un coin de la table. Songeur, il réalisa finalement qu’il ne comprenait pas vraiment la nature du refus de Rebecca, ni des autres filles qui l’avaient rejeté.

Sortant de sa torpeur, Hans regarda pensivement Rebecca. « Je peux savoir pourquoi tu ne veux pas y aller avec moi? Je ne veux pas te convaincre de changer d’avis… Je veux juste comprendre, parce que… je ne comprends pas en fait! Ça fait plusieurs fois qu’on me rejette et je commence à croire que quelque chose cloche chez moi. Sauf que je ne vois pas ce que c’est », dit-il avec sincérité. « Je ne dis pas que je suis parfait hein! Mais il me semble que je ne suis pas le dernier des crevards non plus… Je ne suis pas horrible physiquement, je pense être sympa, je suis populaire, je suis riche, je suis sportif… »

Qu’est-ce que les filles voulaient de plus que ça?

Rebecca serait au moins assez honnête, à défaut d’être délicate, pour lui dire ce qu’elle pensait réellement de lui. C’était comme dans le sport : il faut connaître ses défauts pour les corriger et s’améliorer. Parfois, il faut un point de vue extérieur pour le réaliser, et ce n’était pas tout le monde qui mettait des gants blancs pour faire valoir leur critique.

Heureusement, la déléguée ne se formalise plus devant les jugements. Sinon, elle aurait été malheureuse comme les pierres en un clin d'œil. Cela fait partie de la vie du lycée. Tout le monde a un avis sur tout le monde:
-« Euh… Ce n’est pas ce que je voulais dire! Enfin, disons que tout le monde à une opinion à ton sujet. Ce n’est pas un défaut… »
-«Ah… vu comment tu le formule, on ne dirait pas. » Dans cette prestigieuse école défier l’autorité n’est pas bien vu par beaucoup. Peut-être que la jeunesse qui est éduquée ici est plus obéissante ? Becca ne sait pas tellement ce qu’elle en pense.

Où cette discussion est-elle sensée menée ? Becca ne sait pas trop vers quoi ils vont. Au moins, cela lui fera une micro pause. -« … Pour une représentante des élèves, t’es pas trop au courant des rumeurs de couloirs »
-«Mmm. Les rumeurs ce n’est jamais très fiables… » Comment savoir qui lance la rumeur à la base et surtout quel est le but à atteindre ? La déléguée se méfie des ouï dires. Elle les trouve surtout dangereux. Pour être prise au sérieux dans son travail elle doit s’appuyer sur des faits. -«Tu crois toutes les rumeurs ? » Celles qui tournent autour de Jessica Keenan sont ultra sombres. Rebecca n’en revient pas qu’une disparition augmente encore son taux de popularité. Il y a des choses qui lui échappe totalement

Sortant de sa torpeur, Hans regarda pensivement Rebecca. « Je peux savoir pourquoi tu ne veux pas y aller avec moi? Je ne veux pas te convaincre de changer d’avis… Je veux juste comprendre, parce que… je ne comprends pas en fait! Ça fait plusieurs fois qu’on me rejette et je commence à croire que quelque chose cloche chez moi. Sauf que je ne vois pas ce que c’est », dit-il avec sincérité.
La sincérité du sportif parvient à émouvoir Peterson. Elle cesse ce qu’elle fait pour le regarder dans le fond des yeux. Elle a deux options devant elle: éluder ou dire la vérité. Puisqu’elle aime à se voir comme une fille honnête, elle penche pour l’option deux. -« J’espère que quelqu’un va m’inviter en fait. » Rebecca et David ont été en couple pendant plusieurs mois. Ils ont été hyper discrets. Chacun avait sa raison de ne pas exposer la relation. Mais, enfin, les cours se terminent dans moins d’un mois. Becca aimerait clore le lycée avec lui et… peut-être même continué après.

-« Je ne dis pas que je suis parfait hein! Mais il me semble que je ne suis pas le dernier des crevards non plus… Je ne suis pas horrible physiquement, je pense être sympa, je suis populaire, je suis riche, je suis sportif… » L’exposer est réaliste. Ce n’est pas loin de ressembler au style d’état des lieux que peut faire Jack quand il vient de se faire larguer par une copine. Tout le monde fait ça. Même, Becca est passée par là après la dernière rupture avec David.
-«Mais oui, t’as tout ce qu’il faut là où il faut. C’est pas un souci. » Hans appartient à la bonne catégorie de l’école. Même si Rebecca désire un monde plus équitable, elle ne va pas cracher sur un état de fait. -«Je pense que tu ne demandes pas aux bonnes filles. » Les classes ne se mélangent pas. C’est comme ça. Ils n’y peuvent pas grand chose.

Au moment où elle dit ça, un groupe de quatre filles passent non loin de la table. Leurs uniformes sont magnifiques. Elles ont des perles autour du cou. Ce sont les futures ladies d’Angleterre. -«Tu devrais essayer avec une de ces filles. » De toute façon, ils vont bien se retrouver après dans la bonne société tout ceux-là. Becca ose un petit sourire. -« La rumeur dit qu’Alexia et Mallory n’ont pas encore de cavalier. » Peterson lui donne un sourire encourageant. -«Tente ta chance. » Le clin d'œil taquin solde le conseil. Rebecca tente de faire comme si elle ne voyait pas la bande de David en train de sortir du réfectoire. Malgré ses résolutions, elle n’arrive pas à se détacher de l’envie de danser un slow avec celui qui fait accélérer son coeur.
Enfin, c’est la vie!

« Tu veux vraiment dire que tu ne t’intéresse pas un peu aux rumeurs?», demanda-t-il, interloqué. Que serait le lycée dans les rumeurs? C’était la base de toute discussion saine entre amis pourtant. Rebecca devait bien avoir des amies qui lui racontaient les meilleurs potins? La dernière soirée? Qui avait embrassé qui? Qui n’était plus avec qui? Comment le savoir autrement que par les échos de couloir! Quant à savoir si elles étaient toutes vraies, Hans haussa les épaules. « Bien sûr que non, mais ça reste divertissant ».

Il croyait surtout ses proches amis. Zenon, Caleb… Oliver, bien qu’il évitait se dernier depuis qu’il lui avait dit avoir invité Alexia au bal. Ce jour-là, Hans s’était presque senti capable de lui arracher les yeux. Depuis si longtemps qu’il avait le béguin pour la belle Alexia! Et Oliver avait osé lui demander de l’accompagner au bal avant qu’il ne le fasse! Voilà pourquoi Hans n’était pas aller la voir, bien qu’elle aurait été la première et la seule à qui il aurait demandé d’être sa cavalière.

En même temps, peut-être qu’elle aussi aurait refusé, comme toutes les autres le faisaient depuis le début. Rebecca lui remonta cependant le moral, en révélant que le problème ne venait pas de lui : elle attendait son propre prince charmant. «Oh… je vois », dit-il, un sourire complice sur les lèvres. «Et… pourquoi tu ne l’invites pas toi-même? J’aurais bien voulu qu’on m’invite en tout cas. Ça m’aurait épargné la tâche de trouver quelqu’un ».

Trouver «la bonne fille» n’était pas facile, surtout quand Hans savait très bien qui il aurait réellement voulu à ses côtés. Le sportif poussa un soupir de découragement. « Ah, tu crois aux rumeurs maintenant? », dit-il, sarcastique. « La rumeur que j’ai entendue, moi, c’est qu’Oliver a déjà demandé à Alexia de l’accompagner, et que Caleb avait un œil sur Mallory ». Contrairement à Oliver, Hans ne serait pas assez sournois pour devancer Caleb, s’il avait réellement un intérêt envers elle.

En même temps… Caleb pouvait avoir n’importe quelle fille. Tout comme Zenon d’ailleurs. Que perdrait-il à tenter sa chance? Hans jeta un oeil à la pile de tracts près de Rebecca, et souffla. « Ça me fera une excuse pour aller leur parler. Puis si ça t’aide, alors tant mieux. Merci. Et bonne chance pour le bal! », dit-il en filant vers la table des quatre filles aux colliers de perles.

Ils avaient une autre divergeance d’opinion. Rien de bien surprenant. -« Mmmm je ne suis pas super convaincue. » Aux yeux de Peterson ce genre de ragot font du mal. Ils font du mal aux personnes concernées bien entendu mais aussi à l’ambiance du lycée. Elle préfère ne pas en entendre parler. Ce n’est pas évident car tout le monde parle de ça. Même les personnes qu’elle pensait au-dessus de ça. -«Le mieux c’est quand même d’aller parler avec la personne concernée. Souvent les rumeurs sont déformées ou complètement fausses. Ça peut ruiner une vie. …. Tu te souviens de Luther en première année ? Il y a une rumeur sur le fait qu’il aurait piqué des sujets d’examens. Il a été renvoyé. Il s’est retrouvé dans une autre école où il est devenu le bouc émissaire d’une petite bande de cons. » Un exemple qui n’était pas si isolé que les étudiants le pensaient. Ils avaient fait des stat’ sur ce fléau. C’était bien réel…

L’être humain n’est pas tout le temps cohérent. Il lui arrive d’être paradoxal. David l’est bien plus souvent que ce que Becca souhaiterait. -« Lui c’est l’inverse de toi. Il veut être l’initiateur. Il le prendra mal si je prends les devants. » Il faut faire avec les défauts des personnes que l’on aime. On compose avec et on prend sur soi. Peterson est exercée à ça ne serait ce qu’avec les tempéraments présents dans sa famille.

Le sarcasme de l’Allemand froissa sa camarade de classe. -« … J’essaye de t’aider. » Ce qui revenait à leur début de discussion. Pour être sûre d’une information, le mieux c’est d’aller à la source. Le sujet commençait à s’étirer. Rebecca était un peu refroidie. En plus qu’elle n’avait pas le temps pour des “problèmes” de ce style. Peut -être qu’Hans sentit que le vent tournait. Le principal c’est qu’il pris congé par lui-même. -« … Ne les jette pas! Ça coûte super cher. » Le budget n’était pas extensible contrairement au portefeuille des futurs lord. -« Bonne chance. » Rebecca vit l’heure et pesta en rangeant ses affaires. Elle ne pouvait pas s’attarder plus ici.

Amélia et elle devaient organiser la réunion pour organiser le groupe de Colleuses. Elles étaient une petite dizaine à avoir envie d’agir. La désobéissance civile avait aussi son utilité pour faire bouger leur société. Les grandes féministes de l’Histoire avaient ouvert la voie. En passant à hauteur du groupe des perles, Rebecca sentit le regard jugeant des demoiselles. Elle entendit un rire dans son dos. C’était ça la loi du lycée… chacun à sa place.