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L’heure vint donc de faire la connaissance de cet homme… Celui qui avait subtilisé le cœur de leur fille chérie. Alexia et Oliver avaient toujours su, que Violet ne serait pas amoureuse d’Edward. Le Baron de Crawley ne pouvait conquérir une âme comme celle de leur Princesse. Cela faisait partie des raisons pour lesquelles ils l’avaient préféré à Tyrgan Campbell. Un mariage heureux était un mariage sans passion. Bien qu’il y ait parfois une exception à la règle. Ils en étaient une démonstration parfaite.

Mais, ils n’avaient pas anticipé un point important… le courage de Violet. Cela aucun d’eux ne l’avait prévu. Ils l’avaient tous et toutes sous-estimé. Ce n’était pas la première fois. L’été dernier, quand Oliver était allé la chercher à l’autre bout du Royaume, il avait cru la récupérer. En fait, ils l’avaient tous pensé, même sa sœur. Pourtant, là encore, la jeune femme les avait pris de cours. Pour qu’elle se montre aussi pugnace et prête à tout, son partenaire de vie devait être particulier.

Notre ami allemand aurait pu, c’est vrai, demander leur avis au de Lascelle concernant cet énergumène. Mais, une partie de lui rebutait à poser la question, tant la réponse pouvait l’effrayer. Il n’en avait pas touché un mot, pas même lorsque l’alcool aurait pu lui délier la langue pendant une nuit festive. Cependant, depuis qu’il avait pu poser ses yeux sur la délicate Dalia, le cœur du lord s’était attendri. Le remords se métamorphose lentement en un regret.

Alors, en ce samedi solitaire, pendant qu’Iris passait la journée avec son fiancé et que sa mère se trouvait chez sa sœur Katia, en Bavière… Oliver franchissait la ligne. Il avait donné rendez-vous au journaliste sur la capitale. Lambeth était un coin familier et il y avait beaucoup de souvenirs heureux. Dont beaucoup étaient aussi liés à ses jeunes années d’ailleurs.

L’abbaye de Westminster lui avait semblé un excellent point de départ. Cette architecture néogothique faisait toute la grandeur de leur doux royaume. Le Parlement était à deux pas. Un autre lieu que le Prince d’Hanovre connaissait bien pour y avoir fait ses armes en politique. C’était son fief ici. Il aurait également dû être celui de son héritière.

Tiré à quatre épingles, fraîchement rasé et coiffé, le Père sortait le grand jeu. C’était un diplomate aguerri. Il savait fort bien comment planter son personnage. De plus, il était allemand et noble. S’il s’était tenu pendant les audiences c’était pour en finir au plus vite avec les tracas juridiques. Mais, à présent, sans témoin et sans pression, Oliver allait enfin pouvoir être lui-même.

-“ M. Hadid.” Un Indien… Tout de même Violet n’avait pas fait sa rébellion à moitié. Oliver sortit une main de derrière son dos pour indiquer le salon de thé qui se trouvait de l’autre côté de l’avenue. Un établissement sélect qui accueillait toute la bonne société depuis le règne d'Elisabeth I du nom. -“ Installons-nous. ” Le maître d'hôtel les cueillit à l’entrée. Le bois ciré, les moulures, le cristal, tout cela venait du monde auquel ce malotru avait arraché sa plus belle fleur.

Oliver salua l’homme d’un sourire cordial. -“ Merci Edmund. ” Il n’y avait pas de carte ici. Le service était composé de thé au citron et de scones selon la recette royale. Les deux hommes se faisaient donc face. Le plus âgé croisa les cuisses et déplia la serviette sur son genou d’un mouvement élégant. -“ Mh. Nous avons des sujets à discuter vous et moi. ” Il croisa les mains et les immobilisa sur son bas-ventre. -“ Je suppose que vous êtes celui qui a aussi encouragé ma fille à exposer son intimité devant toute l’Angleterre… ” Il n’y avait bien que les roturiers pour laver leur linge en public. Quel déshonneur. -“ Bien entendu vous ne vous êtes pas posé la question des conséquences que cela va avoir sur le long terme. Mh ? ”

Il prit un inspiration mesurée et fixa son adversaire: -“ Avez-vous séduit ma fille pour gagner un nom ? ”

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Oliver haussait un sourcil. Il voulait se montrer prudent sur ces problématiques d’agressions. Ce genre d’affaire étaient plus récurrentes que par le passé. Néanmoins, un certain nombre demeuraient infondées. Pour l’heure le baron était soupçonné. Il n’était pas accusé. -“ N’allons pas trop vite jeune homme. ” Ce journaleux avait l’âge d’être son fils. Le prince savait que les jeunes pouvaient être passionnés et emportés, selon leur éthique. C’était la maturité qui enseignait la patience, bien entendu. -“ M. Crawley n’a pas été inculpé que je sache.” C’était le devoir d’un aristocrate de défendre l’un des siens. Il en était ainsi depuis la naissance du royaume. La méfiance de son ami Zenon comme de cet inconnu n’avait pas force de loi.

-“ Donc vous dites que ma fille s’est découvert une âme revendicatrice à trente ans, voilà autre chose! ” La dernière en date avait été la charmante lady Diane. L’épouse du roi Charles n’était plus là pour porter son drapeau à présent. Or, l’Allemand connaissait son enfant. Violet avait bataillé pour protéger les chevaux. C’était bien tout. Non c’était ce Travailliste de malheur qui lui tournait la tête. -“Je ne vous croit pas monsieur. Violet est une jeune femme pudique et qui sait le pouvoir de nuisance des médias. Vous lui avez mis ces idées dans la tête. ” Ils lui avaient appris à se méfier de ce genre de mauvaise publicité. Pourquoi se serait-elle mise à nue ainsi ?

Pendant un court instant, Oliver eut la sensation d’un “déjà vu”. Il mit un moment avant de saisir pourquoi. C’était le type de discours qu’il avait entendu dans la bouche d’une certaine lady de Lascelle. Trente ans maintenant que cette femme tenait cette posture. -“ Elle a abdiqué. ” Les Hanovre lui avait donné un choix: soit elle revenait à la maison, soit elle la quittait pour de bon. Mais, un journaliste gauchiste allait évidemment travestir la vérité.

Ils avançaient sur un terrain tendu. Oliver gardait tout son calme. Il avait un objectif clair. -“ Mh. Vous reconnaissez donc ouvertement l’avoir poussée à se couper de sa famille. Au moins, je sais maintenant que je suis dans le juste. Passons cela. Le sujet essentiel n’est pas celui-ci. ” N’était-ce pas ce qu’il cherchait à démontrer devant leurs avocats depuis des mois ? Maintenant, il l’entendait net et clair. Ce Hadid voulait Violet pour lui et il la voulait sans titre. -“ Puisque vous avez tant de pouvoir de persuasion servez-vous en pour une bonne action. ” C’était précisément le but de cette rencontre ce matin. Le Prince tenait à ce que tout soit arrangé pour le retour de sa femme.

La tasse de thé retrouvait la soucoupe en porcelaine française. -“ Faites donc en sorte que votre fille connaisse réellement sa grand-mère. ” Alexia n’avait pas besoin de le dire. Il avait vu son regard quand ils avaient rencontré la petite. Elle avait profondément envie d’avoir une relation avec cet enfant, tout comme lui. La petite allait sur ses un an. Il était grand temps que la situation soit réglée.

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Ce que le Prince d’Hanovre comprenait, surtout, était qu’il se trouvait face à un homme inculte. Oui un garçon parfaitement inculte sur ce que cela signifiait d’être noble. En premier lieu, l'ingérence n’avait pas sa place et la mise en lumière. Fallait-il faire l’éducation de ce journaliste afin de préserver Violet ? Ou bien était-ce trop tard ? -“... Pensez-vous que ce soit une réussite ? S’exposer ainsi ? ” Oliver avait la sensation de se trouver devant un enfant. Dire que cet homme était père. Qui plus est le père de sa petite fille. -“ Il y a une raison pour laquelle les aristocrates n’interviennent pas dans la vie publique. Une raison pour laquelle Violet ne le faisait pas… ” Hadid pensait-il sincèrement que leur silence était forcément de l’indifférence ?

-“ Mais, je vois très bien comment vous avez pu opérer pour la convaincre. Vous avez manipulé ses émotions et joué sur sa corde sensible. ” Cela n’avait pas dû être compliqué. Violet avait un profond désir d’action ancré en elle. Il a fallu toute la vigilance des parents pour tempérer ces passions. -“ Mais la mêler au peuple est une erreur grossière. Vous vous en rendrez compte. ” C’était une triste prédiction. Malheureusement, les Hanovre savaient de quoi ils parlaient. Il y aurait des conséquences et ce pour toute la vie de cette merveilleuse Princesse. Tout ceci était un formidable gâchis.

Par mimétisme, l’Allemand plaqua lui aussi son dos contre le fauteuil. Il était imperméable aux émotions de son interlocuteur. Un homme de sa qualité était tout à fait capable de ne pas se laisser embarquer dans les élans dramatiques de ce genre. -“ Le problème c’est que vous pensez les choses de façon égocentrique. Vous passez les événements sous le filtre des émotions. ” Une solution de facilité. Ils étaient tous, plus ou moins tentés de le faire. Mais, ils y résistaient. -“ Il n’est pas uniquement question d’une amourette entre vous et ma fille. ” Ce qui était regrettable pour la jolie Dalia. Mais, elle restait ni plus ni moins qu’une bâtarde sans patrimoine. La faute à ces deux idiots qui n’avaient pas su réfléchir.

Décidément, les compagnons de Violet étaient portés sur la colère. Cet Hadid n’était pas plus raisonné que le baron de Crawley. Il avait la même folie au fond des yeux. Oliver garda tout son calme. Un père hystérique ne le ferait pas trembler de sitôt. Ils n’étaient pas ici pour faire le procès d’un Hanovre. -“ Je vous offre une opportunité de rééquilibrer la balance. Une chance d’ouvrir des portes à cette petite… ” Mais, il était clair que ce petit roturier était aveugle. Quel dommage.

-“ Profitez-en pour donner toute l’explication, sur comment vous avez arraché sa mère à sa famille… à son avenir. ” Il en était certain, Violet aurait été une grande Princesse d’Hanovre. Elle aurait rétabli la balance. -“ Comment vous avez privé la noblesse d’une grande dame. ” L’aristocrate n’était pas disposé à passer pour le mauvais de histoire. Il a fait ce qui était le plus juste dans les circonstances données. -“Uniquement parce que vous n’avez pas été capable de contrôler vos hormones. Vous auriez mieux fait de laisser ma fille en paix. ” A cette époque, elle aurait eu son enfant avec Edward et ils auraient cohabité en bonne entente. Tout aurait été pour le mieux.

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Bien entendu, l’aristocrate s’attendait à ce que son interlocuteur ait de la jugeote. Qu’il soit capable de prendre du recul pour observer la situation dans toute sa complexité. Grand bien lui en prit. Seigneur, allez dire ainsi que l’on empêchait les filles de parler. -“Vous rendez-vous compte de ce que vous dites jeune homme ? ” C’était du même acabit que ce qui les avaient amené en instance. D’ailleurs l’affaire n’était pas encore officiellement terminée. L’attitude d’Hadid ne donnait clairement pas envie de faciliter une résolution. -“Vous rendez-vous compte de ce que vous dites jeune homme ? ”

La suite aurait eu de quoi faire rire. Les déductions du journaleux étaient on ne peut plus vraies. Ce qui était étonnant, en fait, c’est qu’il soit lui-même étonné! Était-il seulement au fait du fonctionnement et des mœurs de ce pays ? -“Bien entendu qu’elle avait peur. ” Diable, Violet ne lui avait-il pas expliqué de quoi il en retournait ? Cela ne se faisait pas. Un point c’est tout. L’ordre devait être respecté et maintenu. Sinon quoi ? L’Anarchie ? Rien que d’y songer l’Allemand frissonnait. -“ Ne voyez-vous donc pas que cette relation est contre-nature ? Ouvrez-les yeux. ” N’avait-il pas vu les effets dévastateurs de ce genre de métissage ?

-“La même chose que vous, vous dites ? ” Non, ceci le Prince ne le croyait pas une seule seconde. Il connaissait sa fille. Violet n’aurait jamais, non jamais!, voulu d’une vie de roturier. Une vie à travailler et à compter ses sous. Cet indien disait la connaître. Mais, il n’en était rien. -“Violet a toujours aimé notre vie. Pas cette vie de labeur que vous lui promettez, à vivre loin de son milieu, loin de ses droits. Vous la privez des meilleurs bienfaits de ce monde. ” Mais vraiment, comment ne pouvait-il pas percevoir qu’il avait précipité une perle de la cour dans la décadence et la honte ? N’avait-il aucun honneur ce barbu ?

Mais vraiment quel manque de bon sens ! Quelle ingratitude ! Pour qui se prenait ce Travailliste sans nom ? -“... Oui, parfaitement. Je voudrais pour cette petite qu’elle soit comme nous. ” Il avait fait la promesse à la grand-mère maternelle de tendre la main. Il avait écouté les conseils de ses amis les plus intimes. Malheureusement, Oliver n’était ni sourd, ni aveugle, son interlocuteur ne voulait rien entendre. Il frôlait même le mépris. Qu’est-ce à dire qu’ils se rendaient malades ? C’était perdu.

A moins que l’Indien fasse preuve d’une once de lucidité ? Voilà qui changeait la tonalité de la discussion. L’Allemand l’observait sans broncher. L’amour passionné n’était pas aussi solide qu’ils le disaient ! Tant mieux. A ce stade, le divorce de Violet avec le baron de Crawley avait fait du mal. Mais, il était arrivé que l’Eglise fasse des exceptions. S’ils expliquaient les faits à l'Évêque… -“Ce serait une décision dés plus raisonnable jeune homme. ” Il y avait de très bonnes familles allemandes, autrichiennes, avec qui il y aurait raison de s’entendre. -“Pour les deux, Violet et Dalia. ” Leur fille reviendrait à la maison. Ils pourraient assurer son avenir. Alexia irait mieux.

Oui, Oliver devait l’encourager sur cette voie. -“Vous n’aurez qu’à dire à Violet que vous avez réfléchi. ” Une bonne somme ferait passer l’affaire. Hadid retournerait à son monde et eux au leur. C’était encore mieux que ce que le Prince aurait pu espérer en proposant cette entrevue.

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Oliver ne se laissa guère attendrir par la surprise du jeune homme. S’il en fallait si peu pour le déstabiliser, ils n’étaient pas tirés d’affaires. Enfin, les roturiers connaissaient mal le concept de sacrifice. Ils vivaient comme bon leur semblait, sans se préoccuper des conséquences. Violet avait toujours été prévenue contre cette attitude délétère. Mais, peut-être avaient-ils été trop tolérants avec elle ? Peut-être auraient-ils dû se montrer plus sévères. Ils n’avaient pas voulu se montrer aussi durs que leurs propres parents. Le résultat était à pleurer. -”Le temps nous dira cela. ” Violet n'était pas faite pour cette vie de travail. Elle reviendrait.

C’était ce qu’il avait dit à sa mère et à sa sœur d’ailleurs. Une promesse que le Prince s’assurait de pouvoir respecter. Zenon avait beau croire en une conciliation… tout n’était pas possible. Cet Hadid était très clairement contre eux. Il ne voulait pas entendre la vérité. -”Cette relation n’est pas faite pour durer. Au fond, vous le savez aussi bien que moi. Repousser l’inévitable est stupide.” C’était son avis le plus intime. Il ne faisait que son devoir en les mettant en garde. Ils allaient se brûler les ailes tous les deux.

-” Aujourd’hui peut-être se sent-elle plus heureuse dans votre petite vie ouvrière. Oui. ” Oliver n’allait pas nier l’attrait romantique qu’il avait sur sa fille. Elle avait toujours été très romantique. Tout comme son père l’avait été à une époque de sa vie. Mais, le romantisme était éphémère et bientôt Violet regretterait son choix. Elle aurait des remords. Ils ne seraient plus sur leur nuage. -”Mais, bien vite, la réalité se rappellera à elle. ” Etait-ce du cynisme ? Plutôt de la lucidité pure. On ne retirait pas une princesse à son monde. -”Quand vous ne répondrait plus à ses attentes… que pensez-vous qu’il adviendra ? ” Ils ne tiendraient pas plus de trois ans.

L’annonce d’Hadid n’était pas du tout prévue. L’Allemand n’avait pas vu cela venir. C’était un coup de massue. Comment Violet pouvait-elle envisager un remariage avec ce moins que rien ? Toutes ses chances seraient perdues si elle faisait cela. -” Co… Non! Vous ne le pouvez pas! ” La situation était bien plus alarmante qu’ils ne l’avaient cru. Mais, cela ne devait pas se produire.

Voici que ce petit impertinent se prenait pour le maître de l’entretien. Oliver se redressa d’un coup. Ce ne pouvait-être. -”Non non. Nous n’en avons pas encore fini, jeune homme. ” Il devait s’expliquer sur cette bétise. Hadid avait-il conscience de ce que cela ferait pour l’avenir de Violet ? Oliver le soupçonnait de savoir et de s’en moquer. Cet homme perfide ne voulait pas le bien de sa fille. Il voulait simplement gagner. C’était la même chose concernant leur procès. Une vermine… Il n’y avait pas d’autre mot pour ce genre de comportement. -”Si vous l’épousez vous la privez de sa seule chose de redevenir une lady. … Ne soyez pas si égoïste. Bon sang… Réfléchissez! Vous ne lui apporterez jamais autant que l’un des nôtres. ” Pourquoi ne pas entendre raison ? Quand tous les autres l’avaient fait ? Sarah avait renoncé à Oliver. Hans avait renoncé à Alexia. Maintenant c’était à Prem de faire preuve d’un semblant de noblesse d’âme.