Sanders bascule la capuche grise sur son crâne avant de s’extraire de l’ombre. Il rentre les épaules, et ses mains dans les poches. La pluie est froide et la bise du nord lui rentre dans les côtes. Temps de chien. Mal de chien. Bellary est si loin dans ces cas là. Sans morphine, les maux se font sentir, comme pas deux. Ça fait un mal de chien. Et puis, les anciennes blessures se rappellent à son bon souvenir.
C’est là que le loup se rend compte des années de service au compteur. Il sent jusque dans sa chair le dévouement à la cause. Stigmates diront certains. Il a alors une pensée pour les chevaliers de la table ronde. Les soldats qui sont aux quatre coins du globe. Tout ceux qui donnent leur peau pour protéger les plus faibles. La chair à canon des temps modernes c’est eux. Ils sont la première ligne. Hans n’a pas su le voir! Junior pense à ce qui s’est passé la veille.
Ces salauds l’ont pris par surprise. Une super tenaille avec une bonne préparation. Heureusement les mecs n’étaient pas venus pour le dessouder. Ils auraient pu. Ils ont su faire passer leur message. Le message d’Avalon en l’occurence. Ce connard a donc plus de relations qu’ils ne l’ont cru. Pour réussir à atteindre un flic (enfin ancien flic) alors qu’il est en taule. Zac va fouiller plus en profondeur. Il faut qu’il sache l’étendu de son influence. Mieux qu’il coupe le mal à la racine.
Il va commencer par Arwen. Les deux se connaissent. Ils sont potes et cela se sait dans le milieu. Le mécanicien aura probablement un ou deux noms à cracher. Personne ne protège personne dans le secteur. Maintenant qu’il n’est plus entravé par les lois des hommes, l’indien est certainement plus dangereux pour la racaille. Enfin, elle va s’en rendre compte incessamment sous peu.
En fin de matinée, Junior prend le chemin du garage. Jughead sera au taff à cette heure-là. Il ne pourra pas quitter les lieux sans avoir des ennuis. Impossible de conduire la moto pour l’instant. Zac prend les transports. Cela fait un moment qu’il n’avait pas pris le métro. Il fait froid là dessous. Une sale toux prend les poumons des passagers. Encore heureux qu’il n’y ait pas de Smog à cette période. Ceci dit, ils ne sont pas à l’abri d’une mauvaise surprise pour ça aussi.
Zac descend à la station la plus proche. Il s’arrête dans un fast-coffe pour prendre un allongé à emporter. Il liquide la boisson chaude en quelques enjambées. Une cigarette arrive au coin de sa bouche. Depuis, qu’il a été viré et la Strike détruite, Junior s’est remis à fumer. La beuh c’est une drogue douce. Ça lui permet de se détendre et surtout de calmer ses nerfs. Parce que faut bien dire qu’il a les nerfs. Encore plus, depuis qu’il s’est fait passé à tabac… bizarrement.
Il pousse la porte du commerce. Il range ses mains rouges dans les poches. -“Hey. Salut Jug. ” Ça doit faire un trois semaines, voire un peu plus, qu’ils n’ont pas eu de contact. Largement le temps qu’il apprenne la dissolution de l’équipe d’intervention. Les moyens de pression ne sont plus les mêmes et les dangers non plus. Mais, il faut bien avancer. -“T’as une minute ? J’ai besoin d’une info. ” Zac appui son fessier contre la carrosserie d’une bagnole. Il attend que leurs regards se captent. Oui, il a mauvaise mine… -“C’est à propos de ton pote. Avalon. ” Donne-t-il en introduction. Le ton est donné.
Le trentenaire s'était réveillé tôt. Bien avant que les premières lueurs de soleil ne commencent à se dessiner derrière les bâtiments, que les habitants envahissent les rues et que les premiers klaxont deviennent insupportables. Impossible pour lui retourner dans les bras de Morphée, il s'était alors laissé trainer jusqu'au garage et travaillait d'arrache-pied pour faire taire les innombrables questions et autres tourments qui tournaient en boucle dans son esprit. Depuis qu'il était au courant que son frère avait fini derrière les barreaux, Jug cogitait. Cette nouvelle lui était revenue de bouche à oreille et quand bien même il fut surpris de l'apprendre, une part de lui savait pertinemment que cela n'aurait pu être inévitable éternellement. Avalon jouait avec le feu depuis bien trop longtemps, ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne s'y brûle. Et pourtant, ce n'était pas faute de l'avoir prévenu plus d'une fois. De l'avoir avertie que son comportement risquait de se retourner contre lui. Le karma l'avait finalement bien rattrapé.
Quoique, ce n'était pas tant son business qui posait problème au final, mais l'amourette qu'il s'efforçait de garder. Pourquoi d'ailleurs ? Jughead ne comprenait pas. Il l'avait observé cette fille, approché une ou deux fois tout au plus. Elle était mignonne, certes, mais causer tout un tas d'ennui. Elle n'avait rien de particulier, ce n'était rien de plus qu'une jeune fille un peu paumée, un peu drogué, amoureuse à en crever. Et son frère s'entêtait à la maintenir à ses côtés, comme si elle était un trophée qu'il pouvait exposer. Est-ce qu'il l'aimait vraiment ? Au fond, il était difficile de savoir s'il avait déjà éprouvé des émotions similaires sans avoir besoin de tout contrôler, il avait beau connaître son frère, il restait tout de même une énigme sur bien des points. Pourtant, il n'était pas tendre avec cette dernière, Jug l'avait bien vu. Il n'avait rien dit, mais ce fut aussi flagrant qu'un nez en plein milieu du visage. Et là encore, il ne comprenait pas pourquoi elle, elle restait auprès de lui.
Jughead passa ses nerfs sur une Aston Martin DB5, ayant grandement besoin de réparation. Mieux valait qu'il canalise sa colère sur son problème de moteur, que de la laisser sortir en envoyant valser tout ce qui pouvait se trouver à sa porter. Avalon méritait peut-être de pourrit en prison pour les crimes et autres qu'il avait pu commettre néanmoins, il restait tout de même Damien, son frère ainé. Il avait beau avoir changé de nom, de vie, lui était innocent. Du moins, il essaya de s'en convaincre du mieux possible.
Le brun releva la tête de dessous le capot que quelques rares fois. Pour saluer son boss arrivant, ouvrant le garage. Quelques clients passant. Et un collègue montrant le bout de son nez avec une bonne heure de retard. Il travaillait paisiblement dans son coin depuis des heures, la musique en fond sonore en cherchant à faire le vide total de son esprit. Jughead aurait pu continuer ainsi sans problème, il l'aurait même voulu, mais l'interpellation de son nom le fit grogner dans sa barbe. Plus encore en reconnaissant cette voix rauque. Il n'avait pas l'envie de jouer avec les petits toutous se prenant pour des flics. Jugd pencha la tête sur le côté, avec le capot relevé il n'avait pas encore vu la mine de déterrer que pouvait tirer le poulet. Mais même avec ça, l'envie n'y était pas.
« Pas mon problème. »
Lance-t-il en disparaissant à nouveau de son champ de vision.
« Et dégage ton cul de la carrosserie tu vas la rayer. »
Ni le moment, ni l'envie, se répétât-il. Mais l'individu était têtu, il le savait déjà. Le bougre pouvait certainement l'emmerdait jusqu'à ce qu'il lui donne ce dont il avait besoin.
« Eh gamin, hurla le vieux garagiste, le forçant à relever la tête, je vais à la poste. Si Jacky débarque pour sa bagnole tu lui dis de repasser. Ce vieux taco ne va pas se remettre sur pied en deux jours. Et, il lança un regard sur Zac, puis sur Jughead en fronçant un peu les sourcils, soit gentil avec les clients. »
Les clients ? Jug ne fit aucun commentaire. Néanmoins, ce “client”, n'était pas une grande perte s'il le chamboulait un peu. Il attendit gentiment que le vieux disparaisse de la boutique pour s'éloigner de la voiture et prendre un verre d'eau.
« J'peux rien pour toi. Trouve toi quelqu'un d'autre pour faire joujou. »
« Et dégage ton cul de la carrosserie tu vas la rayer. »
-“ Marrant. Mon père a la même. ” Rétorque Junior en levant nonchalant son corps de la carrosserie. Il caresse la portière du plat de la main. Ayant spontanément une petite pensée pour son vieux. Le comte d’Avon est un grand collectionneur d’Aston devant l’éternel. Il en a eu une à son dernier anniversaire. C’est le seul produit de luxe que Madame de Lascelle ne boude pas. C’est dire l’institution familiale.
Zac suit le petit échange entre le garagiste et son employé. Le vieux doit pas être loin de la retraite. Si tenté qu’il en prenne une un jour. Depuis la sortie de l’UE les pensions sont mises à mal. Voilà au moins un point sur lequel les jumeaux n’ont pas à se pencher. Le patrimoine leur assure une bonne couverture financière. Même si c’est la filleule qui s’occupera du Titre. M’enfin, c’est un sujet sur lequel le loup ne s’attarde pour ainsi dire jamais. Il a déjà eu à envisager la mort de son paternel. Ce qui est une source d’angoisse. Infinie.
- « J'peux rien pour toi. Trouve toi quelqu'un d'autre pour faire joujou. »
Visiblement, faire entre pote ne va pas fonctionner aujourd’hui. Fait chier. -“ “joujou” ? Non, mais t’as vu ma gueule ? ” Ils l’ont démoli dans les règles. Ils se sont bien appliqués. Un truc qui serait pas arrivé cinq ans en arrière. Maintenant tout se perd. Plus personne n’a le respect des codes. -“ Je veux juste l’info. ” Jug est l’indic le plus sérieux du secteur. Lemoine est hors-service. Lynch est aux abonnés absents. Autant dire que Junior est à court d'options.
La douleur est comme une alarme permanente dans le corps du loup. Il ne peut pas faire l’impasse. Il n’a clairement aucune envie d’en venir à la méthode forte. Surtout que ça risquerait de le renvoyer directement chez le Docteur Kent. -“ Dis-moi ce que tu as et je te foue la paix. ” Un bon deal, franchement, Sanders est dans un jour de bonté.
-“ On se fait un troc. Vas-y. Dis-moi ce dont tu as besoin. ” Certes sans sa plaque Zac n’a plus accès à certaines ressources. Il ne peut plus piquer dans les stocks quand ça arrange leurs affaires. Cependant, en dix ans, il a eu le temps de se faire son commerce de proximité. Il peut s’en sortir dans l'underground sans trop de souci. Jug n’a qu’à demander. -“ Tu veux du matos ? ” Lui demande-t-il.
L’air de rien, Junior observe l'établi et les outils qui y sont posés. Il effleure certains d’entre eux de la main. Cela lui rappelle l’atelier derrière la maison de Bellary. Le père penché au-dessous d’un deux roues. Que de bons souvenirs. D’un coup, il attrape une clef. Une bonne grosse clef en métal. -“ Mmm. Faudrait que je passe avec la moto. ” Il y avait une pote dans le temps, qui lui entretenait la bécanne. La nana s’est cassée de la capitale juste avant le No Deal. Maintenant, Sanders se débrouille. Mais bon, on est moins efficace.
Jug n'y pouvait rien, littéralement et complétement rien. Il s'était fait arracher ? D'accord, et alors ? En quoi cela le regardait, en quoi il devait se sentir concerner, ou même simplement pourquoi est-ce qu'il devait l'aider ? Le brun n'y gagnait pas grand-chose dans cette affaire. Et au fond, ce n'était pas réellement la sienne non plus. Son frère avait ses histoires, lui les siennes.
Pourtant, Jughead laissa son regard planer sur le visage de son voisin. Il devait au moins reconnaitre que celui qui avait fait ça... n'y était pas allé de main morte. Un acharnement qu'il devait surement avoir mérité. Un règlement de compte qui par chance – autant pour l'un que pour l'autre - n'avait pas terminé à la morgue.
Le trentenaire soupira longuement en secouant la tête, l'écoutant à peine. Il n'avait pas de peine pour lui. C'était dommage pour sa gueule d'ange, néanmoins mettre son nez dans tout ça ne lui disait rien qui vaille.
« Du matos ? Sérieusement, tu crois vraiment que tu vas m'acheter avec ça ? »
Ses yeux partirent en direction du ciel, avec un rire mi-moqueur, mi-exaspéré. Quitte à l'acheter, il pouvait au moins faire mieux que, ça non ? Se procurer des pièces et autre, il savait faire. Il savait où chercher. Et principalement à qui il allait le demander ou non. Enfin, cela restait tout de même une belle tentative.
Jug déposa son verre à moitié vide sur le côté. Il croisa les bras, fronça les sourcils en scrutant son invité qui lui faisait perdre du temps sur son travail.
« Est-ce que tu captes au moins que si j'ouvre ma gueule c'est moi qui prends ?! Tu crois que t'es le seul à pouvoir te faire démolir ? »
C'était facile de demander un service, peu, de soucier de ce qu'il pouvait arriver à la personne qui s'en chargeait. Et quand bien même Avalon méritait une sentence acceptable pour ce qu'il avait fait, il pouvait plus que sentir le gout de la trahison se profiler non loin. Et ça l'emmerdait.
Tiraillé entre deux feux. Devait-il acceptait ou refusait ? Est-ce que cela l'empêcherait réellement de dormir ensuite ? Est-ce qu'il le méritait au fond ?
« Tu fais chier , lança-t-il entre deux grognements rageants. Va falloir que tu donnes plus que ça, si tu veux quoique ce soit. Beaucoup plus. Genre, du fric. Et pourquoi pas une immunité. C'est ça ou rien . »
Junior a une grimace agacée. Ce mec qui se fout de sa gueule comme ça ouvertement. C’est une preuve de plus que tout part en vrille depuis quelque temps dans ce pays. A une autre époque, personne n’aurait fait ça devant un mec d’une unité spéciale. Il y a une sorte de hiérarchie tacite ici-bas. Mais depuis que les mafias du monde se sont donné rendez-vous à Londres … tout se barre en cacahuète.
Autant que l’autre Ruskof se marre dans son coin. Zac le lorgne et se mord la langue pour ne pas répliquer directement. Ce type ne sait rien du réseau à la disposition d’un Zac de Lascelle. Tout ce dont il pourrait le fournir. Pendant prés de dix ans Sanders a savamment dissimulé ses origines. Mais, depuis l’attaque du Birman les choses ont changé. Il n’a plus l’intention de jouer les masques. Il veut que Sharma sache qu’il est là et qu’il l’attend.
-“ J’suis sérieux. Je peux avoir un accès direct aux stocks de luxe.” Voilà qui rétablit un peu d’égalité, non ?
Encore une fois la peur du mécano à de quoi mettre en rogne. Ce n’est pas que une histoire de coqs qui se détestent. Il n’y a pas que la pomme d’un ex Strike sur le tapis. Avalon est membre d’un trafic. Même derrière les barreaux il a dû trouver des intermédiaires. Il y a aussi la question de la sécurité de Sio. -“ Personne ne saura que tu as parlé Jug.” Un faux indic ça se construit en peu de temps. Il suffit de dire que le mec a été chopé par un gang rival. Les meurtres de ce style sont de plus en plus courants depuis quelques temps. Les mafias se déchirent pour le contrôle des secteurs. Personne ne se posera de question.
Zac ne pourra pas obtenir une immunité pour ça. Même si le juge est de leur côté. Ce genre de demande c’est impossible à répondre. D’ailleurs, c’est cher payé pour “un nom”. M’enfin le gars a raison de tenter sa chance. Il n’a rien à perdre. -“ L’immunité nop. Le fric on peut voir. ” Même sans compter les fonds de la police, la Strike a de l’argent dormant. Les prises faites en discrètes pendant divers OP. Maintenant que l’équipe est HS autant que la réserve serve à quelque-chose. Si les Strike ne sont pas d’accord c’est pareil.
-“1 000. boules.” La livre a perdu de sa valeur depuis le No Deal. C’est comme ça, les gens ont été con. Comme tout négociateur, Junior table sur le chiffre le plus raisonnable en terme de qualité de renseignement. Il connaît sa marge. Maintenant plus qu’à voir à quel point ce type est pourri.
Oui, la demande était un peu grosse, même pour lui. Mais qui ne tentait rien n’avait rien. Ce qui aurait pu grandement l’arranger à vrai dire. Une petite immunité, même de quelques mois ou semaine aurait été tellement plaisant. Il aurait eu la sensation de frôler la lune de bonheur. Néanmoins, il n’avait pas besoin d’attendre sa réponse pour savoir à quel point ça ne risquait pas d’arriver d’aussitôt. Ou du moins, pas pour ça. Encore un rêve brisé. Soit, il allait se contenter du reste. Au moins ça relevait un peu le niveau.
« Tss. 5 000. J'suis pas une pute d’une vieille ruelle déglinguée, t’as vraiment cru que si peu ce serait acceptable ? »
Mille balles et puis quoi encore ? Il y avait à peine de quoi payer son loyer avec ça.
« 5 000 et le matos de luxe. »
Il pouvait avoir du matos, oui, mais celui qui était d'un tel niveau ce n'était pas la même chose. Là il avait réussi à éveiller sa curiosité. Et il pourrait en refaire quelque chose d'intéressant, voir même le revendre le double et mettre son compte en banque à flot durant un bon moment. C'était presque trop beau à imaginer.
Jug se déplaça jusqu'à la voiture qu'il était en train de retaper. Cette situation était complément absurde, mais il avait annoncé son dernier prix. Impossible de le faire changer d'avis après celui-là.
« Si t'es pas content, je t'invite à aller voir la concurrence, mais comment on t'a déjà refait le portrait, j'suis pas sûr que tu en ressortes vivant. »
La concurrence n'avait pas autant de clémence et de patience. La concurrence n'allait pas faire une entrave à ses priorités et révéler un nom qui lui vaudrait bien de finir tout aussi amocher. Si ce n'était plus. C'était à prendre ou à laisser en fin de compte. Le brun allait replonger dans la réparation de sa voiture, attendant qu'une réponse positive se fasse entendre et mettant ça mentalement dans sa liste de choses à faire, sauf qu'il s'arrêta à deux pas de la bagnole. L'esprit envahir par toute cette histoire qui n'avait ni queue ni tête. C'était complètement délirant à quel point elle dépassait la logique.
« Sérieusement... elle en vaut la peine ? Demande-t-il le plus sérieusement du monde en lui faisant à nouveau fasse. Vous êtes tous à tourner autour, à prendre des coups pour ses beaux yeux comme si c'était la seule rousse de cette ville. D'accord elle est mignonne, drôle et j'suis sûr qu'au pieux ça doit être quelque chose. M'enfin, ce n'est rien de plus que toutes les nanas peuvent déjà apporter. Avalon et toi vous lui courrez après comme si elle avait un truc en particulier. Ne dis pas l'contraire, s'empressa-t-il d'ajouter en croisant les bras, je sais connaitre les histoires c'pas pour rien que tu m'embauches à chaque fois. »
Il n'était pas stupide Jug. Il savait fouiller, mettre son nez où il ne fallait pas. Alors, évidemment cette histoire il la connaissait. Probablement pas dans les moindres détails, mais suffisamment pour comprendre que cette rouquine ne pouvait pas se contenter que d'un seul homme. S'il l'avait voulu, il aurait pu le dire à son frère depuis si longtemps. Mais il avait tu, tout ça. Simplement parce que créer une merde sans nom pour une nana ça ne lui ressemblait pas. Mais au final, la poudre avait pris feu sans son aide.
« Réponds-moi sincèrement, ça en vaut vraiment la peine ? T'espère quoi à la fin, la conquérir et l'enlever des griffes d'Avalon ? Fuir le pays et lui faire des bébés ? J'aimerais vraiment comprendre jusqu'à quel point vous êtes prêt à aller tous les deux pour elle. Pour cette fille-là. Lui il est en prison et pourtant il ne lâche pas l'affaire, ce que je trouve complément absurde mais j'imagine qu'il doit être accro. Mais toi ? »
Zac lorgna le mécano sans aucune conviction pour sa réclame. Si sa proposition est chiche celle du russe est d’autant plus excessive. La somme est bien trop haute quelque soit l’envie d’avoir l’information. D’abord parce que la livre est haute. Ensuite, parce qu’elle liquiderait l’épargne du flic. Il n’a pas été très bon pour mettre de l’argent personnel de côté. Plus apte à aider les potes dans la galère qu’à établir un plan d’avenir. Même en se gargarisant de son indépendance, de toute son autonomie, il lui arrive encore d’appeler sa mère à la rescousse. Il y a des mois plus durs que les autres. Ceci dit, sa morale interne ne lui permet pas d’emprunter pour une affaire de ce genre…
Il pousse un énorme soupir. Homme ennuyé de façade. Né dans un village du sud de l’Inde, Junior est imprégné de la culture orientale. La négociation, déjà implantée, dans ses talents de gamin, est devenu un outil professionnel. -“ 3. 000 et l’accès. ” Déclare-t-il sans sourciller.
-“ 3. 000 et l’accès. ” Répète-t-il sans se démonter une seconde. La concurrence est encore plus douteuse que celui-là. Zac est téméraire, mais il n’est pas un fou. Il baissa les yeux sur la voiture et l’homme dissimulé sous sa carcasse. -“ Et je fais en sorte que ta clientèle haut standing augmente. ” Propose-il, plus calme et doux, qu’il ne l’est quand il est en service. C’est une affaire personnelle et en tant que telle, il la traite de façon personnelle.
Zac regarde le méca se redresser. Il lève le haut de son fessier pour le reposer sur la carlingue de la bagnole. Une mauvaise idée, car ce simple mouvement lui rappela les douleurs endormies par l’alcool. Une fois qu’il aurait l’info, Sanders irait se faire soigner. Sans cela, il ne pourrait pas poursuivre.
Un soupir manqua de trahir l’impatience du flic. Non, il n’est pas venu pour avoir une analyse de son comportement. Il a seulement besoin d’un nom. Ce n’est pas la mer à boire. -“ Qu’est-ce que t’en as à foutre du pourquoi ? ” Répond-t-il en se gaussant. L’important est d’avoir la transaction. -“ Tu veux ton argent ? ” Fait-il, maintenant un peu plus impatient d’achever la conversation.
Malheureusement son indicateur a décidé de jouer les casse-bonbons. Depuis le temps, le mec n'a pas capté que Junior est obstiné. Qu'il ne répond pas quand il ne veut pas répondre ? C'est pourtant ce qui fait qu'il est un partenaire de larcin qui est fiable, loyal.
« Réponds-moi sincèrement, ça en vaut vraiment la peine ? T'espère quoi à la fin, la conquérir et l'enlever des griffes d'Avalon ? Fuir le pays et lui faire des bébés ? J'aimerais vraiment comprendre jusqu'à quel point vous êtes prêt à aller tous les deux pour elle. Pour cette fille-là. » Un grondement excédé sort de la gorge du jeune loup. Il n’a pas besoin d’entendre tout ça. Ce n’est pas le moment. Il est cassé de partout, il a besoin d’aspirine, d’une douche et d’un putain de joint. « . Lui il est en prison et pourtant il ne lâche pas l'affaire, ce que je trouve complètement absurde mais j'imagine qu'il doit être accro. Mais toi ? » S’il n’avait pas besoin de ce nom, Sanders ce serait tiré sur le champ.
Ce n’est pas ici qu’il va parler de sa relation avec l’Irlandaise. Il n’en pas envie. Ce n’est pas ce mec qui l’amènera à lâcher un mot. -“Moi j’ai fait une promesse à une amie. C’est tout ce que tu as besoin de savoir Jug.” Cette fois, le regard de Zac s’assombrit un peu. La journée a déjà mal commencé. Il aimerait bien qu’elle ne s’achève pas dans une autre baston. -“J’ai pas toute la journée. Deal oui ou non ? Décides-toi mec. ” Tant pis, il irait taper plus haut, s’il faut. Cette obsession pour le sens de l'histoire lui tape sur les nerfs. D'autant qu'il n'a pas envie de se poser toutes ces questions à la con.
Son frère était stupide à n'en point douter. Pourquoi fallait-il qu'il se mette dans une merde sans nom pour les beaux yeux d'une fille, pour une putain de nana pas fichu de faire un choix entre deux gars ? Ou simplement partir de la ville Londonienne et ne plus emmerder ce petit monde. Parce que là, c'était ce qu'il voyait, une emmerdeuse qui avait le don de tout envoyer valser sur son chemin. Elle les emportait l'un après l'autre et ces énergumènes se laissaient faire. Il le constatait avec dépit. Et Jug, lui, devenait le pauvre gars qui allait ramasser les pots cassés, qui allait devoir réparer la merde sans émettre le moindre avis tant on ne prenait pas la peine de l'écouter.
Alors, oui, il était trop curieux, il posait des questions qui ne le regardaient probablement pas. Mais qu'importe, il estimait qu'il pouvait bien se permettre aux vues de la situation.
Le trentenaire se pinça l'arête du nez en soupirant, finalement peu convaincu de cette réponse qu'il entendit et qui aurait pu – selon lui - être largement mieux.
« Une promesse ? Sérieusement Sanders, je pensais que tu avais plus de jugeote que ça ! »
Râlement ou bien agacement, ou peut-être les deux à la fois. Il fallait être complément aveugle pour ne pas voir qu'il y avait un problème. Pour s'accrocher encore et encore. Maso, peut-être l'étaient-ils tous les deux.
« Regarde ce qu'elle te fait “l'amie” , continua-t-il en ignorant l'acceptation du deal. »
La difficulté était-là, il avait du mal à s'enlever cela de la tête, parce que même si cela n'était pas ses histoires et qu'Avalon méritait certainement de finir au fond du trou, il ne pouvait oublier le frère qu'il était à ses yeux. Les liens qu'ils partageaient tant en bien qu'en mal. Quant à lui, le flic qu'il dévisageait de la tête au pied, il avait presque pitié pour son cas.
« Qu'est-ce qu'il faut au juste, que l'un de vous deux crèves pour cette rouquine, ou bien les deux à la fois ? Vous n'êtes pas foutu de passer à autre chose. C'est qu'une fille bordel. Est-ce qu'elle ce souci au moins de ce qui vous arrive ? Est-ce qu'elle a présenté des excuses, autant à l'autre empâfé qu'à toi ? Tu ne penses pas que vous méritez mieux que ça ? »
La patience n’est pas l’une des vertus du flic. Il a une tête brûlée et un sang chaud de nature. Certaines disent que cela vient de ses racines américaines. Mais cet homme ne connaît pas assez bien cette partie de la famille pour le dire. Il a eu des contacts sporadiques avec la branche maternelle. A part un cousin germain qui a migré en Europe depuis quelques années. Quoique depuis qu’il est sobre les contacts avec BJ sont devenus beaucoup moins fréquents. C’est probablement mieux ainsi.
Toujours est-il qu’il a toujours autant de mal quand quelqu’un se met à juger ses actions. D’autant plus quand c’est un gars comme Arwen. Quelqu’un qu’il ne connaît pas plus que cela. La situation ne regarde personne. Ils sont dans un échange commercial. Basta. Zac fixe son interlocuteur avec humeur:
-“Yeah, Jug, mêle toi de ton culs. ” Lui renvoie-t-il le plus calmement qu’il le peut. A aucun moment il n’est venu chercher une leçon de morale. Nada.
Un pote aurait compris que ce n’est pas le moment pour appuyer sur les contradictions. Sanders a eu sa dose de contrariétés. Il n’a pas besoin d’une psychologie de comptoire par son garagiste. Bordel…
-“Fais pas comme si t’en a quelque-chose à cirer. Mec. ” Le Russe est réglo en affaires. C’est la première fois que Sanders le voit autant tortiller du culs pour solder un accord. Un comportement déroutant en fin de compte. C’est à n’y rien comprendre. Pourquoi cette résistance passive ? S’il n’était pas en si mauvais état, Zac aurait réglé ça par la force…
Cette fois il n’eut un autre choix que d’en rire. Cette discussion tournait à l’absurde. Zac avant franchement la sensation de causer avec sa jumelle. -“Putain. Mais je rêve. ” Le dernier bout de patience venait d’être emporté. La douleur n’aidant pas, le flic serra des dents et des poings.
-“T’es barré mec.” Ils tournent autour du pot depuis trop longtemps. Ca en plus c’est trop pour Zac. Il se détache de la voiture, en cachant sa douleur. -“C’est bon. J’ai compris. … Tu pouvais me dire dès le début que tu voulais pas me donner l’info. ” Il n’y avait pas que Jug’ pour lui donner l’info. C’est surtout qu’il était le moins cher du marché. -“Me fait pas chier avec tes conseils de grand-mère. ” Enfin, Sanders n’a pas eu de grands-parents. Ils sont morts tôt et puis étaient loin. Bref.
-“J’me casse. ” Alors, le flic fit machine arrière pour repasser par l’entrée du garage. La frustration à son comble. Manque de bol, le ring ne pourrait pas être son défouloir ce soir. Ou bien aller directement à l’hôpital. Les opiacés c’était niet… La vie donnait parfois des bons coups de ****. Zac passa devant le patron de Jug sans moufter.
Qu'avait-elle donc de si spécial, franchement ? C'était incompréhensible, dénué de toute raison. Juste une fille, et c'est tout. Une satanée nana, peut-être mignonne, mais rien de plus. Il devrait pouvoir s'en passer, lui aussi bien que ce têtu en face. Mais non, la réalité crue et simple, qu'il avait déjà essayé d'inculquer à son frère, semblait indigeste. Un soupir lui échappa, il se massa le nez. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas aider, mais toute cette affaire était ridicule. Et ça, ça le perturbait profondément. Il avait à peine réagi à ses jérémiades, à sa décision de partir après avoir osé prononcer tout haut ce que tout le monde pensait tout bas.
Comme par hasard, le vieux choisit ce moment pour réapparaître. Pour le fixer avec ce regard accusateur : 'Qu'est-ce que tu as encore fichu ?' Alors que, pour une fois, il était innocent. Ça le dérangeait plus qu'il ne pouvait l'admettre.
« Bon sang... »
Dans un geste presque machinal, il attrapa un stylo égaré et un morceau de papier écorné, y griffonnant rapidement les informations essentielles qu'il cherchait à obtenir depuis un moment. Puis, sans perdre une seconde, il se lança à la poursuite de l'autre.
« Hé, Sanders ! »
Il hurla, juste avant qu'il ne soit trop tard, maudissant intérieurement son propre karma. Est-ce qu'il était sur de ce qu'il allait faire ? Était-ce réellement une bonne idée ? A la seconde où il lâcherait ce morceau de papier, il lui serait impossible de revenir en arrière et de faire comme si de rien n'était.
« Tiens, prends ça. »
Il tendit le papier sans enthousiasme, hésitant à le lâcher sans un avertissement préalable.
« Si mon nom est mentionné, crois-moi, tu auras bien d'autres problèmes. »
Pas l'ombre d'un sourire. Il n'était vraiment pas d'humeur à plaisanter là-dessus
