Le Savoy est l’un des hôtels de luxe de la capitale. La bâtisse date du XIXe siècle comme beaucoup d'établissements que l’aristocratie britannique affectionne. C’est un endroit plébiscité autant par la noblesse, que par les représentants politiques, les artistes ou les juristes. Le prestige du lieu attire tout ce beau monde comme le miel l’abeille. Loin de l’entacher le Brexit a servi son dessein royaliste et nationaliste. Les personnalités adorent se retrouver dans ces couloirs et se prêter aux mondanités d’une autre époque.

Incrusté au cœur de Londres, il permet de se montrer à toute l’Angleterre. Les journalistes mondains couvrent toutes les soirées qui s’y passent. Donc les invités se font autant remarquer s’ils sont là que s’ils sont absents. Jessica Keenan est venue plusieurs fois ici. Jeune, c’était en tant que fille de son père, un grand magnat américain, immensément riche. Aujourd’hui c’est en tant que représentante du cabinet Keenan&Co dont la réputation ne fait que grandir. Avec des requins pour clientèle, l’enseigne se fait un bénéfice net, qui fait grincer les dents du trésor public. Donc il faut briller devant la bonne société.

Un dernier regard dans le miroir du poudrier afin de s’assurer du résultat. Le maquillage est nickel. On ne peut pas voir que Jess sort d’une semaine de cinquante heures. Elle attrape sa boîte à pilules et glisse un petit cachet blanc sur sa langue. Avec ce boost elle peut tenir jusqu’à deux heures. Le temps de s’être montré devant tous les vieux Richards de la soirée. Encore deux gros pigeons et elle pourra boucler son plan pour la grande Pomme. Enfin, elle pourra revoir le soleil et les bars!

Un flash l’aveugle une seconde. Le tout est de continuer de sourire. Un petit peu de pub dans les journaux relancerait le bouche à oreille. Elle fait la carte de la starlette qui grimpe les marches de Cannes. Il faut son meilleur profil et surtout éviter les gros plans. Ça ne fait jamais un bon effet. Cela fait un moment que la Tigresse ne s’est pas montrée sur la Croisette non plus. Une virée aux beaux jours ne pourra pas faire de mal à sa mélanine et sa vitamine B. En plus de lui donner un autre souvenir de la France que…

Un homme ganté la déleste de son manteau de fourrure noir. La rouquine peut dévoiler sa splendide robe de soirée, échancrée à la limite du scandaleux. Elle a mis beaucoup de temps à équilibrer la présence des paillettes et des strass sur sa peau claire. Le résultat est pas mal. Si avec ça, elle ne repart pas avec un noble aux idées bien placées ! D’une main nonchalante, l’avocate cueille une flûte de champagne. Ses yeux commencent tranquillement à sonder la salle. Ils se figent sur le crâne dégarni posté non loin d’une table de buffet froid.

_ « Tiens tiens… » murmure-t-elle pour elle-même avant de goûter le vin pétillant. Elle continue d’observer Léonard en cherchant ce qui peut l’amener en ces contrées dorées. Il ne colle pas vraiment au rôle. En même temps c’est ce qui rend l’anomalie intrigante. Il peut peut-être rendre tout ceci un peu plus… intéressant.

Jessica se rapproche en prenant son temps. De toute façon, des personnes s'arrêtent sur le trajet. Ils échangent les banalités convenues, Keenan donne le QRcode de leur site. Au moment où elle relève les yeux, le chauve n’est plus à sa place. Elle le repère plus à l’est, elle oblique pour arriver dans sa trajectoire. _ « On se connaît. » Déclame la maligne en détaillant le costume du mécano. Rien à voir, avec la tenue de travail, dans laquelle il l’a convaincu la dernière fois. Ceci dit ce paquet cadeau donne quelques idées.