Alors qu’il ouvrait la porte du tribunal, un soupir lui échappa. Comment s’était-il retrouvé dans ce merdier ? Il était à peine arriver à Londres et c’était déjà à lui qu’on refilait la merde. Certains auraient parlé de bizutage, mais la vérité se cachait plus surement dans le fait que la plupart des bons flics ne voulait pas avoir affaire à cet avocat. C’était donc le petit nouveau qu’on envoyait au casse-pipe. Et il en était ravi.

S’approchant de l’accueil, son expression bourrue se mua en un sourire digne des pubs Colgate. Derrière le comptoir, la réceptionniste ne sembla pas y être indifférente et lorsqu’il lui demanda où trouve ce Maitre J. Keenan, elle se fit un plaisir de lui répondre. Cependant, alors qu’il tapotait le marbre qui les séparait, la remerciant, elle lui révéla un élément important. Elément que ses collègues avaient omis de lui transmettre. Ce n’était pas un avocat mais bien UNE avocate, qu’il s’apprêtait à rencontrer. Ou plutôt à venir emmerder. En effet, rencontrer sous-entendait qu’elle l’attendait mais ce n’était pas vraiment le cas. A vrai dire, elle serait surement aussi ravie de le voir débarquer qu’il était heureux d’avoir hérité de cette tâche. C’était dire aucunement.

La mission était simple, en soi. Elle se résumait vite. Mais c’étaient souvent celles qui s’avéraient les plus compliqués une fois sur le terrain. Et il ne doutait pas de sa difficulté. Après tout, si les avocats anglais étaient aussi hargneux que les américains, il était même plutôt dans la merde. Ces requins du barreau n’étaient pas connus pour lâcher des clients facilement, surtout quand ceux-ci payaient bien. Pourtant, c’était exactement dans cette optique qu’on avait envoyé Javier négocier avec la défense. Ils savaient pertinemment que si Keenan restait à ses côtés, l’homme sortirait les mains dans les poches dans l’heure. Or, ils avaient besoin de lui au fond d’une cellule. Au moins pour quelques temps.

C’était, toutefois, déterminé qu’il tourna sur le couloir qu’on lui avait indiqué de prendre. Bon, si quelqu’un avait été capable de lire ses pensées, il se serait surement rendu compte qu’il se voyait déjà proposer un verre à la réceptionniste pour se remettre du soufflet qu’il allait très certainement se ramasser mais il n’en laissait rien transparaitre. Et, d’ailleurs, cette idée s’échappa de son esprit dès qu’il posa les yeux sur la petite rousse qui se tenait devant lui.

Lançant un œil au nom de la salle dans lequel elle se trouvait, il ne tarda pas à mettre deux et deux ensemble. Et il ne put s’empêcher d’hausser un sourcil. Finalement, cette aventure n’allait peut-être pas être si désagréable que cela. Cela s’annonçait même intéressant. Après tout, il devait bien avouer que la demoiselle qu’il avait devant lui n’était pas pour lui bruler les yeux. Bien au contraire. Et s’il risquait toujours de se prendre un taquet de la gueule, au moins il en aurait pour son temps.

Un mouvement pour lisser sa cravate plus tard, sa main rencontra le bois de la porte pour annoncer sa présence. Et attirer l’attention de la rouquine.

▬ Maitre Keenan ? »

Pando

_ « Chlo’ … appelle le service technique. L’ordi recommence à planter. » Indique Jessica au micro avant de relâcher la pression sur le bouton. Elle inspire un bon coup avant de faire coulisser le fauteuil pour tourner le dos à l’écran plat. Ces temps derniers les journées de boulot au Tribunal se résument à faire du bric à broc avec le matériel informatique. De quoi mettre de charmante humeur. Mais surtout un signal fort de la façon dont London traite son système juridique.

Comme elle l’avait prédit, le changement de gouvernance n’amène aucune nouveauté sous la pluie britannique. A bien y regarder, ce serait peut-être même l’inverse. La clientèle afflue ici et au cabinet. Les affaires se suivent et les victoires s’amoncèlent à son tableau. Le plan professionnel est brillant. C’est ce sur quoi il faut se focaliser.

L’Américaine attrape son meug de café noir pour faire passer son agacement. Heureusement, elles ont mis en place un système de sauvegarde papier, depuis les premiers bugs. Que le travail puisse continuer ! Une bonne inspiration et l’avocate ouvre leur dernier dossier arrivé. Le client est un homme influent dans l'underground de la cité. Il a probablement ses entrées pour le Rosewood. Jess sait qu’elle doit bichonner ce genre de gars. Il en va de sa sécurité personnelle.

Condamnée à l’écriture manuscrite, la rousse entreprend la prise de notes pendant la lecture du dossier. L’affaire est assez classique. Cependant, ce qui est intéressant ce sont les connexions de la personne. Il est visiblement surveillé par le N.S.Y. Il est vrai qu’elle a un plaisir particulier à compliquer la vie des services de police. C’est dans sa nature. D’ailleurs, ils le lui rendent bien.

En parlant des loups, Keenan entend qu’on frappe à la porte du bureau. Elle quitte ses documents des yeux pour tomber sur un inconnu. Ignorant la question rhétorique, ses yeux s’attardent sur la silhouette masculine. Pas mal. L’expression perplexe lui tire un sourire au coin des lèvres. A tous les coups, il s’attendait à trouver une paire de testicules dans le fauteuil. Jessica a un petit jeu avec les nouveaux. Trouver le plus d’informations possibles en en demandant le moins.

_ « Et vous êtes ? » Un flic se dit-elle. Elle pourrait le parier. Il lui a semblé entendre un accent. Il n’est pas du coin. Mais encore ? Jessica repousse le fauteuil pour faire le tour du bureau. Elle a la démarche des prédatrices qui n’ont jamais perdu. Une estime-de-soi qui pourrait faire exploser les ampoules électriques. Absolument tout dans sa “petite” personne est étudié pour pousser au crime. Ce ne serait pas différent avec celui-ci.

Javier s'était effectivement attendu à devoir jouter dans un duel empli de testostérones jusqu'à ce que la réceptionniste lui indique que Me Keenan était en fait une dame. Et s'il avait été surpris, il n'en était pas pour autant déçu. Il fallait bien avouer qu'il préférait combattre sur ce genre de terrain. Surtout qu'elle n'était vraiment pas immonde à regarder. Bien au contraire. Avec un peu de chance, elle ne serait pas insensible à ses charmes texans. Se departissant de son regard interrogateur, il afficha son plus beau sourire Colgate quand elle lui répondit à demi mot. C'était bien elle. Parfait.

Il s'approcha doucement, la main tendue et bienveillante. Ce n'était pas parce qu'il avait toute l'intention d'essayer de la manipuler pour faire triompher la justice qu'il ne pouvait pas se montrer courtois. Et ce malgré les avertissements dont on lui avait fait part.

▬ Agent spécial Javier Gutierrez, DEA. annonça-t-il simplement quand elle lui retourna la question de son identité.

Il aurait pu ajouter la raison de sa venue immédiatement mais l'expérience lui avait appris à garder ce genre de cartes sous le coude. Il valait mieux ne pas assez en dire que l'inverse. Surtout avec ces requins de juristes. Il était déjà sur qu'elle avait mis le doigt sur ses origines entre son nom, son accent et son agence. Il ne doutait pas non plus qu'elle devinerait bien assez tôt la raison de sa visite. Elle semblait loin d'être idiote. Et après tout, elle ne pouvait pas avoir quarante milles gros bonnets à défendre qui vaillent la peine qu'un agent de la DEA vienne jusqu'à elle, non ?

Se redressant pour se retrouver à sa hauteur, l'avocate lui fit le show, la démarche féline et inébranlable. Et il n'en perdit pas une miette, suivant son mouvement des ses yeux bruns. Il n'y avait pas de raison qu'elle soit la seule à pouvoir déshabiller l'autre du regard. Et il fallait avouer que Javier n'était pas connu pour sa discrétion sur ce plan là. S'il trouvait quelque chose ou quelqu'un plaisant à l'œil, pourquoi détourner le regard ? D'autant plus qu'elle semblait jouer au même jeu.

Sa main libre vint se poser sur sa hanche, approbateur et dans l'attente. D'apparence, il semblait se détendre. Cela faisait-il partie de son offensive de premier round ou bien appréciait-il vraiment ce petit bout de femme qui se trouvait devant lui ? C'était une question à laquelle lui seul aurait pu repondre mais il n'était pas certain de le savoir lui même. Il n'en perdait pourtant pas son objectif de vue, mais il fallait avouer qu'il n'aurait rien eu contre joindre l'utile à l'agréable. La question était maintenant d'essayer de comprendre ce qu'il se passait dans le crane de l'adversaire pour atteindre ces deux buts. Et ce n'était pas une mince affaire.

Pando

Jessica observe la rangée de dents blanches parfaitement alignées. Voici un homme qui a appris à sourire. Il décoche pour toucher et charmer. Un homme qui est dans la séduction. Maintenant, il va falloir trouver jusqu’où peut aller l’exercice de ce charme. L’avocate s’avance également pour échanger une poignée de main rituelle. Elle en profite pour montrer sa fermeté. Elle déteste les mains mollasse ou humide. Mais, un homme avec une bonne poignée de main lui donne envie d’en savoir plus sur le matricule.

_ « M. DEA. » rétorque la rouquine sans se départir de son beau sourire. La DEA aime bien venir marcher sur ses plats de bandes, l’empêcher de travailler. Ce Gutierrez n’est donc pas de l’île. Un compatriote, probablement d’un état du sud, peut-être le Texas. Jess en est presque sûre. Elle passe mentalement en revue les dossiers pour trouver la cible de la visite.

_ « Que puis-je faire pour vous Javier ? » L’avocate recule pour poser le haut de ses fesses sur le rebord du bureau. Elle contemple la belle-gueule qui lui fait face. Toute la nonchalance qui se dégage de lui. Voilà exactement ce qui manque aux Anglais un peu de sexappel. Celui-ci doit savoir danser se dit-elle. Peut-être pourrait-elle le voir pour le retourner. Intéréssant.

L’assistante toque doucement à la porte. _ « Oui Chloé. » La blondinette entre à pas de loup dans le bureau. Elle à un plateau où repose le café et les viennoiseries d'accueil. Elle dépose le tout sur la table ronde à droite de l’entrée et s’éclipse aussi vite. C’est un vrai café, un bon café, et les viennoiseries viennent d’une bonne boulangerie. Jessica reste une Keenan. Elle aime les bons produits !

_ « Je vous en prie. » Invite-t-elle l’Américain à faire à sa convenance. Pour l’instant, Jessica ne s’approche pas des victuailles. Elle ne bouge pas d’un cil. Avant tout autre chose, elle veut connaître toute la teneur du danger. Alors, en Tigresse, elle observe, cherche la faiblesse de sa proie et attend le bon moment pour la mordre. A voir de quelle façon s’y prendre.

La poignée de mains fut des plus fermes. Ce qui ne fut pas pour déplaire au Texan. Car, même si c'était l'ennemie et même s'il était là pour la faire lâcher un client, il appréciait un duel avec ce genre de créature. Une femme de caractère, et pas dégueulasse à regarder. La partie s'annonçait plaisante. Et il espérait qu'elle serait aussi victorieuse, avec la chance qu'il semblait avoir.

Son petit surnom de mister DEA lui décrocha un petit rire. Ce n'était pas la première fois qu'il l'entendait depuis son arrivée à Londres mais cela n'arrêtait pas de l'amuser. Par ailleurs, il ne put s'empêcher de noter quelques inflexions américaines dans sa voix également. Avait-il rêvé ? Il fut persuadé que non lorsqu'elle lui demanda ce qu'elle pouvait faire pour lui. Il était temps de bouger une de ses pièces mais laquelle ?

En face de lui, madame prenait également ses aises. Les joueurs étaient désormais prêts, Javier s'apprêtait même à parler lorsqu'ils furent interrompus dans leur premier round par une petite tête blonde. Son assistante en conclut rapidement l’agent, bien qu'il n'ait pas fallu être Sherlock Holmes pour le deviner. Il la salua donc d'un hochement de tête avant que Me Keenan ne lui propose de se servir. Et s'il n'avait pas vraiment faim, il ne crachait jamais sur un bon café. Un autre de ses petits plaisirs. Parmi bien d'autres.

S'approchant de la table sans quitter des yeux la rouquin, tel le loup avec sa proie, il se servit une tasse tranquillement avant de jouer son premier coup.

▬ Je ne vais pas tourner autour du pot et vous faire perdre votre temps, Ms Keenan. Il prit une gorgée et eut une moue appréciatrice. Pointant sa tasse, il ajouta en aparté. Hmm très bon café. avant de continuer. Je suis là à propos de Gunter Cabjolsky. J'aurais besoin que vous cessiez de lui prodiguer votre conseil.

Ses sourcils se levèrent très légèrement, comme pour jauger sa réaction. Les Américains n'étaient pas connu pour leur tact et entre compatriotes cela lui semblait une bonne approche. L'avenir lui dirait s’il avait eu raison. En attendant il profitait de son café, toujours détendu. Il ne savait pas ce qu'il aurait à lui offrir pour qu'elle accepte sa requête mais il devait tout de même tenter l'offensive.

Après tout le dit Cabjolsky avait beaucoup d'informations sur lesquelles Javier et son équipe tentaient de mettre la main. Avec un avocat telle que Keenan, ils ne pourraient jamais lui proposer un deal en échange de celles-ci. On lui avait dit que tenter de jouer sur la sensibilité de la juriste ne servirait à rien avec un requin pareil mais il y avait d'autres cordes sur lesquelles tirer. Il suffisait de trouver laquelle. La sincérité et le charme étaient celles qu'il tentait actuellement. Et si celles-ci ne fonctionnaient pas, peut-être aurait-il quand même quelque chose en retour. Peut-être.

Pando

Chloé lance un sourire à sa patronne. Bien entendu qu’elle va googler le Texan illico presto. Les gens lambda ne s’imaginent pas tout ce qu’ils laissent d’eux sur la toile. C’est le premier endroit où fouiner ! _ « Je sais oui. Importé spécialement pour vos papilles. » ironise l’avocate de façon trop subtile pour être agressive. Une semi-vérité puisque ce café est à destination de tous les visiteurs et ce sans exception. Cela met toujours la personne dans de meilleure dispositions, même pour se faire avoir à la fin.

Le nom qui est en troisième position dans la liste de la une femme. Ce grand germaniste, esthète, est une sacrée crapule. Keenan gère les deux pans de sa carrière, le légal sur Berlin et l’illégal sur l’ensemble du globe. C’est un bon client. Mais surtout c’est un client qui en apporte d’autres. Donc, Jess sait qu’elle n’a pas trop d’intérêt à le perdre.

_ « En d’autres mots, vous voulez que je vous l’amène sur un plateau. » Indique la jeune femme, pendant qu’elle cherche à quand remonte son dernier entretien avec Cabjolsky. Ils se sont vus il y a trois semaines pour discuter de ses “petits” soucis avec les douanes. En même temps, Londres post Brexit est un cul de sac ! L’enfer sur une île. Toujours est-il que pour l’instant Gunter n’est pas à vendre. Le manque à gagner serait trop important pour la suite de ses projets professionnels. « Pourquoi ? Pour quoi, j’abandonnerai un aussi… charmant client. » Demande-t-elle, alors que son regard étincelle de malice.

Au jeu de la négociation, Jessica est devenue douée. Il y a une raison à ça. Elle sait très bien ce qu’elle vaut. Elle sait la valeur de ce qu’elle a. Absolument personne ne peut lui faire croire le contraire. Il est vrai que parfois, cela lui a coupé l’herbe sous le pied. Mais à bien y regarder, la situation actuelle lui convient. C’est elle qui a le choix de ce qu’elle fait ou ne fait pas. Le Réseau lui a certes compliqué sa donne, mais la marge reste appréciable. _ « Un homme qui m’invite à l’opéra et m’offre des fleurs. » Ni à l’un, ni à l’autre la rouquine ne donne de l’importance. Elle n’est ni futile, ni romantique, d’ailleurs les deux défauts sont souvent liés. Mais l’idée est là, c’est une avocate cajolée. Quelqu’un que l’on veut garder près de soi. « Je n’ai pas pour habitude de faire des cadeaux Javier. » Que ce soit dans un bureau ou ailleurs, c’est un fait la générosité n’est pas de ses qualités. Peut-être que les arguments de ce beau mâle amèneront une discussion. Ou peut-être qu’elle obtiendra un nouveau point d'appui pour ses petites affaires.

La petite assistance pourrait bien faire des recherches sur lui, elle ne trouverait sûrement pas grand-chose. Ou du moins pas grand-chose d'intéressant à exploiter. Les squelettes dans son armoire n'avaient jamais atteint les journaux, et encore moins l'internet. La seule chose qu'elle pourrait découvrir sur lui d'utilisable serait sûrement le meurtre de sa femme mais encore fallait-il savoir chercher profondément la toile. Après tout, les conditions de celui-ci étaient malheureusement communes, du moins en surface. Quant aux réseaux sociaux... Il fallait avouer qu'il n'y était pas très présent puisqu'il relevait du boulet pour tout ce qui était dernière technologies. Sa voisine devait souvent l'aider rien que pour utiliser son smartphone correctement. Si ça ne tenait qu'à lui, il serait resté avec son vieux Nokia mais il fallait avouer que les versions récentes avaient leurs avantages. Quand on savait les utiliser du moins.

À la remarque sur le café importé spécialement pour lui, il ne put s'empêcher de rire. Un rire sincère. La rouquine semblait avoir du répondant et ce n'était pas pour lui déplaire. Il avait l'habitude de devoir jouter avec des avocats mous et sans humour, ça le changeait un peu. Il ne disait jamais non à un peu de challenge.

▬ Que d'honneur, répondit-il simplement, levant sa tasse pour l'en remercier, toujours amusé.

Il ne se départit légèrement de sa bonne humeur que pour aborder le sujet qui l'amenait ici. Et s'il n'en perdit en aucun cas son flegme, il ne fut pas non plus surpris de la voir rapidement connecter les points. Il savait que ça technique était à double tranchant mais elle lui semblait la plus efficace fasse à une adversaire de la trempe de Keenan. Après tout, ce client précis lui rapportait gros, il ne s'attendait pas à la voir le lâcher avec seulement un sourire et un regard de chien battu. Et cela ne manqua pas. Elle lui demanda pour quelle raison elle l'abandonnerait, cet homme si charmant qui lui offrait des fleurs et l'invitait à l'opéra. Devant tant de matérialisme et de sarcasmes, Javier ne put s'empêcher de plaisanter.

▬ Je n'ai que ma petite personne à offrir, en échange. annonça-t-il, le regard tout aussi malicieux.

Il n'avait pas été aveugle à l'attirance certaine qui semblait émaner dans cette pièce, même si sa phrase était à double sens. Il laissait tout de même le doute flotter quelques instants, on ne savait jamais. Après quelques secondes, il ajouta donc :

▬ Je sais qu'il vous rapporte beaucoup. Vous n'avez, en apparence, pas grand intérêts à couper les ponts avec un homme aussi.... généreux et... charmant. Pourtant ce n'est pas à moi que vous feriez un cadeau mais à vous-même. En me le servant sur un plateau d'argent, comme vous le suggérez, c'est vous que vous aidez. Il prit un instant pour revenir vers elle, son regard toujours dans le sien. Vous voyez, notre cher ami Cabjolsky s'est fait quelques ennemis dernièrement. De ceux qui n'ont aucun mal à s'en prendre à l'entourage. Même si c'est une aussi belle femme. Sa main vint remettre une de mèches rousses derrière son oreille. Ceux qui ne le connaissaient pas auraient seulement pu y voir une technique de manipulation, mais les autres savaient pertinemment que c'était aussi sincère. Javier n'était pas du genre à passer par quatre chemin quand il voyait clairement la réciproque. Le Réseau semble le vouloir désormais derrière les barreaux. Et même si je ne suis pas du genre à vouloir leur faire des cadeaux moi non plus, voir cette ordure recevoir la sentence qu'il mérite ne serait pas pour me déplaire.

Il savait que la s'entende ne serait sans doute pas que légale mais il s'en fichait. Il voulait pouvoir récupérer des informations, et pour cela il lui fallait un Cabjolsky sans conseil et surtout sans autre issue que la DEA. Pour autant, il n'avait pas menti. Il suffisait à l'avocate en face de lui de passer quelques coups de fils à ses autres... amis, pour se rendre compte qu'il disait vrai. Et qu'il lui offrait, discrètement cette fois, la possibilité de passer son temps en bien meilleure compagnie que ce fameux rendez-vous avec le mafieux qui l'attendait dans la journée. Au moins l'activité serait plus... agréable, à défaut d'être lucrative.

Pando

La Tigresse émet un petit son, avant que son regard passe l’homme au scanner. Il a la précision d’un rayon laser allant de haut en bas. Une façon assez franche d’évaluer la qualité de la marchandise qu’on met sous son nez. Le travail du sexe est un domaine pour le moins lucratif sur cette île. Jessica n’est pas connue pour refuser un amuse-gueule, surtout s’il a la saveur du pays.

_ « Oui. Beaucoup. » Acquiesce-t-elle. Aussi alléchant soit-il ce Gutierrez n’a pas l’air de pouvoir assumer les tarifs de Keenan. Les affaires sont les affaires. Il n’y a pas vraiment à transiger. Le Texan veut tout de même plaider pour sa cause. Rien que pour voir comment il veut agir, elle attend encore un peu.

Premier constat: il sait occuper son espace. Il sait aussi comment amadouer sa proie. Somme toute, Jess se reconnaît assez dans cette manière de faire. Le petit tour pour endormir la méfiance de l’adversaire. Le sourire qui se place au bon moment pour faire une diversion. Jusqu’à ce geste, en apparence anodin, qui permet un contact physique entre eux. Le gars n’en est pas à son premier hold-up.

_ « Mmm. » Répond la rousse, en scrutant le regard de son vis-à-vis. Un homme qui doit jouer au poker régulièrement, pour être à même de faire un bluff pareil sans sourciller. L’Américaine détend ses lèvres pour un sourire charmeur et un rien carnassier. « Et tu penses que parce que tu viens me citer le Réseau, je vais te croire… sur parole ? » Même, elle ne fait pas aussi gros quand elle veut chaparder dans l’autre camp. Ce type est le plus direct qu’elle à croisé ici, depuis un bout de temps.

_ « Alors, Cowboy. Oui pour un extra en nature. » Autant voir s’il est réellement prêt à donner de sa personne pour sa mission. D’autant que ce n’est pas tous les jours que Jessica a l’occasion de se faire plaisir avec l’ennemi. L’air de rien, ça lui plaît, cette idée de les tenir par le menton. Elle approche et joue avec le premier bouton fermé de la chemise. Un peu comme le ferait une jolie fille qui commence à flirter. Tout est dans la lenteur du geste. La couleur du regard qui se réchauffe, sous un souffle d’imagination. Le sourire qui laisse entrevoir toutes les possibilités qui pourraient s’offrir à eux. La belle n’a pas froid aux yeux. La gourmandise est le pire de ses péchés. Une fois, convaincue, d’avoir toute l’attention, elle reprend: « Mais avant, je veux une preuve de ce que tu m’avances. » Souffle-t-elle malicieuse.

Même les plus belles fesses de Londres ne peuvent endormir son instinct de survie. C’est ainsi!

Si Keenan avait su à quel point l’agent en face d’elle pouvait être nul au poker, peut-être n’aurait-elle pas cru à un bluff de sa part. Cependant, c’était la leur première rencontre, l’erreur était tout à fait excusable. Elle apprendrait cela bien assez vite. En attendant, elle doutait de ses informations. Louable de sa part, pourtant il ne mentait pas. Cabjolsky s’était réellement mis à dos le Réseau. Cela faisait partie de maigre informations que son équipe avait réussi à récupérer. Il fallait dire que le système mafieux qu’était le Rosewood était loin d’être perméable.

▬ Parole de Boy Scout, ce n’est pas rien. ironisa-t-il en faisant un signe de croix au-dessus de son cœur. D’autant plus ironique qu’il n’avait jamais fait partie des louveteaux, son père ayant eu besoin de l’aide de ses fils pour le ranch dès leur plus jeune âge. Mais non, je n’attends pas qu’on me croit sur parole. J’en serai même très déçu. Après tout, il aurait été plus qu’attristé de savoir que derrière un aussi joli minois se cache en réalité du vent. D’autant plus en sachant le nombre de cas que son équipe avait perdu contre ladite avocate.

Alors qu’il s’apprêtait à lui en dire davantage, il fut légèrement surpris de la voir prendre les devants. Il avait plutôt l’habitude de charmer, rarement de l’être autant dans ce genre de circonstances, même par celles qui ne se gênaient pas pour se rincer l’œil. Il n’en était pas moins surpris en bien, mais surpris tout de même. Et c’était peut-être ainsi que la demoiselle pourrait se rendre compte de son erreur sur sa capacité au poker. Ses sourcils avaient beau ne s’être rehaussés que de quelques millimètres, il suspectait qu’elle ne l’aurait pas manqué. Cependant, le sourire qui se dessina sur ses traits pourraient tout aussi bien confirmer à la rouquine qu’il n’y était pas indifférent, au contraire.

Et si lui n’en était pas à son coup d’essai, il n’avait plus de doute sur le fait que pour elle aussi. Elle savait jouer les ingénues. Peut-être même trop bien pour que ce soit crédible aux yeux de l’agent qui se trouvait en face d’elle. Sa main jouant avec un bouton de sa chemise, son sourire et son regard. Tout était fait pour séduire. Une vraie sirène. Pour autant son chant n’est pas suffisant pour hypnotiser complètement le cowboy, car ils sont deux à savoir jouer à ce jeu-là.

Glissant sa main le long de son cou, Javier réduisit davantage la distance qui les séparait avant de lui souffla à l’oreille :

▬ Il vous suffit de passer quelques coups de fils pour vérifier que ce que je dis est vrai. Je suis certain que tes amis seront ravis d’également te dire de laisser notre ami à son destin.

Il se recula ensuite légèrement posant un baiser sur l’angle de sa mâchoire avant de lui glisser sa carte dans cette main qui quelques secondes plus tôt était venu jouer avec sa chemise. Ce n’est qu’alors qu’il fit un pas en arrière, brisant la magie du moment.

▬ Appelez-moi quand vous aurez pris une décision. En dehors des horaires de bureau, peut-être ? termina-t-il, lui adressant un dernier clin d’œil, imitant un téléphone avec sa main.

S’il était nul au poker, il n’en était pas moins stratège. Et aussi tentant que ce soit ce qu’elle lui proposait sur l’instant, il savait qu’il y gagnerait davantage à la faire patienter. Les flammes attisées duraient bien plus longtemps que celles qui se consumaient sur l’instant. Il ne pouvait décemment tout donner à la première rencontre, il n’y aurait plus rien à attendre après cela. Et puis Javi savait être gentleman. Parfois.

Se dirigeant vers la sortie, il ne lui en laissa pas moins voir ce qu’elle pourrait avoir. Plus tard.

Pando

Gutierrez avait été aussi louveteau que Jessica enfant de chœurs. La rouquine ne se laisse pas conter d’histoire. Elle reconnaît un pair quand elle en a un sous le nez. Sans doute le dernier d’une fratrie qui a eu toute la largesse de liberté que procure cette place. C’est en tous cas ce que l’avocate a fait en qualité de cadette.

Elle vit une faille chez son visiteur. Une réaction légère mais visible. Surtout pour l'œil aiguisé d’une tigresse nymphomaniac. Il n’y pas beaucoup de signes qui passent sous un tel radar. Keenan prend donc acte de son avantage tactique. Enfin un avantage qui s'émousse rapidement. De quoi mettre un peu de piment. Tant mieux car tout est meilleur ainsi.

Cabjolsky allait être mis sous microscope. _ « Mmm. Je ne crois que ce que je sais. » Alors Jess referme délicatement sa main sur le carton rectangulaire. Un objet qui regroupe des informations qu’elle aurait pu trouver d’elle-même. Mais, la belle aime les classiques. Ils en font un tout à fait à la pointe.

L’avocate recule à son tour. _ « Mh. Peut-être. » Répond-elle en observant sa pantomime, avec un sourire en coin. On ne lui a pas fait le coup du téléphone depuis un moment. Elle le suit du regard. Bien sûr, elle aurait apprécié de goûter des produits made in Texas. Néanmoins le report du plaisir reste tout aussi savoureux. Jessica ne bouge pas, observe la silhouette qui passe devant le bureau de l’assistante. « A bientôt M. DEA. » Prophétise la rouquine sur un ton mystérieux.

Tranquille, elle passe du bon côté de son bureau. La carte de Javier posée en évidence, elle attrape son téléphone personnel. Chloé accourt déjà. D’un signe tacite, l’avocate demande une recherche complète sur son adversaire. Puis la porte est refermée. Deux secondes plus tard, un appel crypté, en direction de la centrale du Réseau, débute. Keenan fournit son code d’identification et demande un informateur général. La recherche portera sur son client bien entendu. Mais, sur l’indic impromptu aussi. Les loups déguisés en agneaux ne doivent jamais être sous-estimés.