L’arrivée du petit Philip a été facteur de changement. Un changement de perception, de sentiments, de lieu… Les de Lascelle ont laissé, derrière eux, le village natal des Avon. Pour l’appartement londonien. Faisant une économie de déplacement, de ressources, pour les jeunes grands-parents. Ils ont acheté ce bien immobilier à deux au début des années 2000. Zac y a habité pendant une période. Joe pendant une autre. Bien situé pour profiter de l’attractivité de la capitale. Amélia y a organisé un club de lectures féministes. Des cercles de discussions pour femmes expatriées. Des nuits d’amour surprises pour son dulciné et elle, eux. Elle n’est pas contre redevenir une citadine. Pour quelques temps.
Vivre au cœur de Londres implique moins d’espace. Mais aussi plus d’offres culturelles. Plus de divertissements. Naturellement, l’Américaine retrouve les plaisirs urbains. Maintenant, qu’il n’y a plus de travail pour encombrer son esprit. C’est plutôt savoir quelle rétrospective aller voir. Quel concert écouter. Combler la nostalgie indienne par des stimulations intellectuelles. Une “médecine” temporaire pour le mal du pays.
La matinée est bien entamée. La comtesse enfile ses baskets avec détermination. -” Je vous retrouve directement chez les filles. ” La tenue de sport dessine ses hanches arrondies par l’âge. La Malinoise avance pour lui bloquer le passage. Amélia la toise. Sourire de guingois. ”Ce soir…” Ils iront au parc. Tous les quatre. Elle l’attrape doucement par le col, l’attire contre elle, et frotte son flanc. ”Veille sur eux.” Le mojo indien est mélodieux.
Le zip remonte pour fermer le sac bleu nuit. Amélia approche pour voler un baiser à son complice. -” Nous mangerons sans doute ensemble. Je vous tiendrai informé. ” Le hall est un peu sombre. Le ciel est capricieux aujourd’hui. Madame attrape son trousseau et file. A pied. Les transports publics lui épargnent l’usage de l’automobile ici. Un métro, quelques stations avec Donna Leon. Autrice de thriller dont la dame suit la carrière depuis des années. Si bien que le “commissaire Brunetti” fait office d’un ami de fiction!
Londres n’est pas si mystérieuse. Amé en connaît les déboires et les charmes. Son pas vif la conduit jusqu’au club de boxe dont Gabrielle parle. La devanture n’est pas très moderne. Les alentours abîmés. Une ambiance post-industriel qui rappelle certains coins d’Amérique. La comtesse s’y sent bien tout de suite. Elle pousse la porte avec un sourire. -”Bonjour. Vous êtes Kyllan ? ” Sa main se présente pour l’inconnu. Un regard bleu vif. Charisme naturel. Amélia occupe l'espace sans heurt. -” Bonjour. Je suis une amie de Gabrielle. Amélia. Elle m’a parlé de vous. ” Le poids du sac l’incite à le déposer. Il s’écrase doucement sur le sol. Sous le veston de cuir, on devine un t-shirt noir des plus sobres. Fortune ne l’a pas pervertie Pas d’un iota.
-” On a rendez-vous. Pour un match entre copines. Elle est là ? ” Madame de Lascelle est à l’heure. Respectueuse de son engagement personnel. Une fois qu’elle donne sa parole, elle ne la reprend pas. Jamais. Constance et fiabilité. Voilà ses maîtres mots. Muses d’une obstination… tout à fait assumée! Surtout quand il est question de promesse sororale.
Gabrielle était à la salle depuis tôt ce matin. Elle s'entraînait fort depuis une bonne semaine, parce qu'un combat était proche. Il fallait qu'elle se tienne en forme, une diète stricte, des horaires de même. Elle avait dû dire à Eliott que pour quelques temps, ils se verraient moins, car elle ne pouvait se permettre d'avoir trop de distraction, elle avait besoin de se concentrer et de pouvoir s'entraîner à 100%. Elle avait aussi pu parler avec Kylian de ce qu'il s'était passé pendant la soirée au théâtre. Il lui avait permis de sortir un peu tout ce qui lui pesait sur le cœur. Un ami attentif, une épaule solide, cela faisait du bien de l'avoir avec elle. Ils pouvaient chacun, compter l'un sur l'autre. Rien de plus important, quand on était dans une telle infiltration.
Après un bon sparing avec son acolyte, la boxeuse était dans une phase musculation. Concentrée, musique sur les oreilles, elle faisait ses répétitions de mouvements avec sérieux. Musclant tranquillement, peu à peu, chacun des muscles de son corps. Tandis que Kylian était en train de ranger quelques affaires. Il contrôlait qu'elle faisait les choses, la motivant parfois, mais puisqu'elle avait son casque et savait ce qu'elle avait à faire, il pouvait s'occuper du reste.
La nouvelle venue attira assez vite son attention, il s'approcha tranquillement, elle semblait le connaître. Il eut un petit sourire, en se disant que ça devait être la fameuse Amélia. Il y avait quelque chose chez cette femme, mis à part son âge, une sorte de charisme, quelque chose qui lui disait qu'elle savait parfaitement ce qu'elle valait, qui elle était. En plus d'être plutôt bien propre sur elle, même si ce n'était pas la richesse qui apparaissait d'abord.
Il lui prenait la main avec un petit sourire, hochant de la tête.
- Kylian oui. Enchanté Amélia. J'ai aussi entendu parler de vous. Tranquille. Gab' avait fait la remarque qu'Amélia lui avait fait comprendre que son mari pouvait être un peu comme eux, à travailler sous les radars. Ce qui pouvait faire d'elle une alliée importante, mais pour oser briser ce secret, il faudrait un peu plus de confidence. Merci d'avoir fait attention à elle. Que ce soit pour l'attaque terroriste, ou cette fameuse soirée au théâtre. Je vais lui dire que vous êtes là.
Il sifflait alors, pour attirer l'attention de son équipière.
- Gab' t'as de la visite!
Elle enlevait alors son casque, pour le laisser sur sa nuque, descendant sa capuche et souriante, approchait.
- Hey bienvenue! C'est cool de te voir ici. Tendant son poing pour la saluer. Elle était couverte de sueur, ce n'était pas le moment de faire une embrassade quelconque. Vous avez fait connaissance donc. Avec un sourire. Viens, je te montre les vestiaires, que tu puisses y poser tes affaires.
Elle était curieuse de voir cette femme en sparing, parce qu'Amélia lui avait bien fait comprendre qu'elle était capable de se défendre et puis, elle l'avait vu en action aussi. Bien sûr, la boxeuse n'irait pas à fond, c'était surtout pour un face à face amicale. Tu as trouvé facilement? L'amenant donc dans les vestiaires.
L’amitié féminine s’était faite dans des circonstances exceptionnelles. Digne d’un de ces romans policiers que la comtesse affectionne. Qui se rencontre sous le joug d’une arme à feu ? Des semaines après l’événement, Amélia avait eu une phase de cauchemars. Vivant et revivant coup sur coup, la mort de Jack. Au champ d’honneur. La menace Birmane sur Zenon et les enfants. Une horreur. Comme à l’époque, elle avait repris l’écriture thérapeutique. Qui peut savoir ? Tout ce qu’un sourire dissimule. -”Mh. Elle vous a dit qu’on a mené la vie dure aux anarchistes ?” Le sourire s’adoucit une seconde. -”Je continuerai. ” D'expérience, savoir que la personne aimée est en sécurité, donne de la force. C’est l’évidence que cet homme tient à sa protégée. Qu’il soit apaisé. -”Très bien. Merci Kyllian. ”
L’intermed permit une petite exploration de la zone. Même si toutes les salles sont aménagées sensiblement pareille. Spontanément une pensée pour le fils. L’enfant loup aux poings colériques. Amélia ne parle plus de sport avec Zac. Simplement pour leur éviter des tensions. -”- Gab' t'as de la visite!” Volte-face pour voir d’où arrive la sportive. Ses yeux bleus sont attentifs. Amé est frappée par l’allure. La puissance féline que l’on devine dans les mouvements. Un poing contracté pour signe de reconnaissance. -”J’arrive trop tôt? ” Possiblement en avance. Haïssant le retard. -”Oui. Je suis contente que l’on arrive enfin à créer le moment. ” Les semaines défilent. -”Je suis sur la capitale en ce moment. On va s’organiser pour venir voir ton prochain match.” Abonnée aux infos de la boxe féminine pour suivre le parcours de Caplan.
-”On est tous les deux contents de te voir en forme. ” Souligne alors madame de Lascelle. Un rien malicieuse. Une traduction, non littérale- de leur bienveillance commune. Elle sourit également. Parfois, la complicité tient à peu de chose. Un même désir du bien. -”Je te suis! ” Polie, la dame salue l'entraîneur avant de s'exécuter. Son regard court un peu partout sur le trajet. Elle contemple le design. -”Sans difficulté. Oui. Je venais souvent dans ce coin plus jeune.” Vingt ans plus tôt. Pendant la fin de vie d’une femme qui la méprisait. Lady Catherine de Lascelle… Paix à cette âme. Une période compliquée dans le foyer. -”Je venais aider les femmes dans leurs démarches administratives. Y avait un local en haut de la rue. ” Sans doute est-ce fermé à présent tout est informatisé…
Le vestiaire est propre. Amé pose ses affaires. Elle remonte ses cheveux en queue de cheval. Quitte son gilet. Le pantalon jogging est noir. Équipée comme une sportive. Tranquille, elle sort les bandes et s’assoit sur le banc. -”As-tu croisé Zac Sanders ici ? ” Les enfants ne sont pas un sujet entre elles. C’est une exception occasionnelle. Amélia pense à son amoureux. Son premier professeur. Aujourd’hui, encore, elle se souvient de la première leçon. A Bellary. La chaleur de la mousson. Zenon sourire aux lèvres, cheveux humides, regard patient. -”Tu peux ? ” Pour la fin, il faut de l’aide.
Tranquille, la louve se met sur pieds. Elle suit sa guide. -”Toi, tu n’as pas besoin de pause ? ” Amélia, va pour s’installer, dans l’espace de pratique. Après réflexion, elle se met pieds nus et sent le sol sous ses pieds. Puis, une posture attentive, se répétant les conseils de son marin. -”Là ? Je suis bien ? ” Il y a un moment qu’elle n’a pas fait ça.
Kylian avait un petit sourire pour la noble. En effet, il savait ce que ces femmes avaient traversé. Il hochait tranquillement de la tête, toujours avec son petit sourire.
- Oui, elle me l'a dit. Et je n'en doute pas trop, la connaissant. Gabrielle était une combattante, elle l'était depuis toujours, de ce qu'il savait d'elle, de ce qu'ils ont fait ensemble, il ne doutait pas que jamais, elle ne se serait laissée faire si facilement. Vous avez été des guerrières.
Il lui était reconnaissant de faire attention à son amie. C'était bien que Gab' ait quelqu'un d'autre, avec qui échanger. Une alliée de taille sans doute, à voir comment les choses évolueraient. Pour le moment, il laissait les deux femmes ensemble, allant vaqué à ses occupations.
Gabrielle, quant à elle, était vraiment contente d'avoir Amélia dans son monde, pour une fois, les rôles étaient échangés, ce qui était cool à voir. Elle avait une réelle appréciation de sa personne. Ce qu'elles avaient vécu ensemble, bien sûr, avait créé ce lien indéfectible entre elles. Mais plus elle apprenait à connaître sa compatriote, plus elle appréciait cette femme.
- Non, non pas du tout. Je ne sais pas quelle heure il est, mais tu es sans doute à l'heure. Amusée. C'est moi qui perds la notion du temps quand je m'entraîne. Hochant de la tête. C'est cool de venir soutenir, merci. Vous êtes installés dans quel hôtel? N'imaginant pas qu'ils ont, en plus du reste, encore un appartement à Londres même. Comment va votre fille?
Oui, elle avait été mise au courant qu'ils étaient devenus grands-parents. Autant prendre des nouvelles. Décidément, cette femme aurait le don de la surprendre encore souvent, même si quelque part, elle n'était pas très étonnée de ce qu'elle apprenait. Qu'Amélia veuille aider les autres, comme elle le pouvait, cela correspondait au caractère qu'elle avait montré depuis qu'elles se connaissaient.
- Oh, bonne initiative. Dommage que ça ne se fasse plus dans le coin. Enfin.. peut-être qu'il y en a ailleurs.
La boxeuse laissait le temps à la dame de se préparer, aucunement pressée, c'était un moment de pause ainsi.
- Zac? Oui, on s'est déjà foutu sur la tronche quelques fois. Un sacré bagarreur. Tu le connais?
Difficile de faire le lien, sans connaître le nom de jeune fille de madame. Sans compter que finalement, Zac ne lui avait jamais donné son nom complet. Enfin, c'était un partenaire de boxe qu'elle appréciait. Parce qu'il était du genre à ne pas vouloir se laisser faire. Un bon défi. Il avait voulu plus, elle avait dit non. C'était sans doute bête, il était mignon, mais il y avait des gens avec qui elle préférait garder de bonnes relations, sans plus d'affinité.
- Pas de problème. Elle l'aidait alors à terminer de se bander les mains, avec facilité, on voyait l'habitude de le faire. Et voilà, parée.
Les deux femmes repartaient vers la salle principale, Gab' semblait être totalement à son aise, chez elle, dans cet endroit. Elle attrapait sa gourde remplie d'eau, pour en boire une bonne gorgée encore. Avec un sourire tranquille.
- Tu viens de me la faire prendre. La laissant prendre ses marques. Pieds nus... ok. Amusée, faisant alors pareil. Il fallait qu'elles soient au même niveau. La regardant faire. Elle pouvait voir qu'en effet, Amélia n'était pas totalement une novice dans ce sport. C'est pas mal. Monte ta garde, mais on va commencer par un petit échauffement. Surtout pour toi, c'est important. Je n'aimerai pas que ton mari vienne me voir, car tu te seras blessée. Avec un petit sourire amical. Épaules, poignets, chevilles, tout. Elle lançait donc des mouvements. Tu en as fait longtemps?
Gabrielle ressemble un peu à une panthère. Gracile. Jolie. -”C'est cool de venir soutenir, merci. Vous êtes installés dans quel hôtel?” Le seul hôtel qu’elle connaît a changé de nom. Racheté par une filiale. Il y a longtemps. Celui dans lequel elle a logé à son premier séjour en Angleterre. Georges et elle en lits mitoyens. Fâchés. Un souvenir sans aucun romantisme shakespearien. -”On a un pied à terre. Vers la Tamise.” Un joli quatre pièces qui a pris de la valeur. Amélia avait envisagé de le sous-louer à des étudiantes précaires. Mais son fiston est trop irrégulier. -”Oh. Tout le monde va bien. Ils sont de retour chez eux. ” C’est une nouvelle vie qui débute. Philip est mignon. Joe se remet tranquillement. Elles se voient plusieurs fois par semaine. -”C’est gentil de demander. ” Une photo est déjà dans le portefeuille de l’heureuse aïeule. Mais, elle s’abstient de la sortir.
Amélia considéra la remarque de son amie. D’accord avec elle. Une ville comme Londres passe le temps à évoluer. Mutation continue pour s’adapter. Il faut bien pour survivre à l'ostracisme ! -”Je pense oui. Ce n’est pas le besoin qui manque. ” Le Brexit a amplifié une certaine précarité. Ceci dit, madame de Lascelle se sent moins empathique. Les Anglais ont fait leur choix. Elle préfère aider sa terre, son peuple, l’Inde.
-”Zac? Oui, on s'est déjà foutu sur la tronche quelques fois. Un sacré bagarreur. Tu le connais?” Description fidèle du trentenaire. Amélia a un demi-sourire. Elle rit doucement. -”Oui. Je l’ai mis au monde. ” Il ne lui parle pas de la boxe. Mais, elle voit les bleus et les croûtes. Ce sera toujours mieux que la came. Même si elle n’a pas le soupçon des tournois clandestins… -” Il utilise le nom de ma famille “Sanders”. ” Peut-être, qu’avec cette info, Gabrielle fera le lien. Quand on sait, il y a un air de famille. Ils ont la même mâchoire. Ils ont beaucoup en commun. Trop dirait probablement le concerné.
Amélia remercie la boxeuse. Elle fait quelques gestes pour se familiariser aux gants. Leurs poids. Elle pense à son mari. Elle le revoit faire les chorégraphies, avant que le soleil ne soit haut dans le ciel. La beauté des mouvements. Une sorte de danse. Une danse qui l’a envoûtée parfois. Le corps masculin est beau. -”Pieds nus... ok.” Cela fit hésiter la dame. -”J’ai appris comme ça… ” Chez elle, le soulier n’est pas tout le temps de rigueur. On est en contact direct avec les sols, la terre. Ce dont elle s’est vite habituée plus jeune. Cela lui avait plut. Retrouver une certaine connexion avec la nature. Un des manques quand on se retrouve en occident.
Les conseils sont suivis d’actions. Concrètes. La comtesse est modeste et obéissante, quand elle est élève. Seulement là. Ses épaules se tendent. Mais, elle rit doucement. Gabrielle a un bon instinct de survie. Enfin, Zenon connaît bien son épouse. -”Il viendra surtout te remercier d’aiguiser mes réflexes … Je ne veux pas perdre en force. Le yoga ne suffit pas, arrivée à mon âge.” Elle n’aime ni la violence, ni la souffrance. Bien plus prudente que sa progéniture. Ses seules chutes graves ont été à croupe de Curious. Sur les terrains boueux post moussons. -”Tu en as fait longtemps?” Amélia travaille sa garde patiemment. Elle recule à temps, inspire à fond. -”Plus ou moins régulièrement depuis que les jumeaux sont nés.” A la quarantaine son niveau était plutôt correct. Elle s'entraînait avec son homme, pendant ses permissions. Elle continuait seule. Hantée, par la crainte de ne pouvoir protéger ses louveteaux, en l’absence de leur père. Cette période n’avait pas été simple. Ceci dit, les années et l’expérience l’avaient finalement apaisée. Jusqu’à l’année passée… -”Je suis retraitée maintenant. Plus d’excuses pour ne pas m’entretenir.” L’envie d’être en bonne santé. En forme. Vive longtemps pour vivre avec son Marin. Simple. -”Surtout quand ton mari militaire est un bon sportif.” Plaisante-elle avec une complicité un tantinet espiègle. De Lascelle assume son âge et son statut de compagne à trois-cent-pour-cent.
-”Tu as déjà songé à donner des cours en autodéfense féminine ?” Sujet qui revient sur la table avec Joy depuis quelques années. Une femme reporter apprend forcément à se protéger. Amélia ne peut pas s’empêcher de se dire que Gabrielle ferait des merveilles. Elle a la technique et le mental pour.
Gabrielle ne pouvait empêcher un petit rire à la réponse d'Amélia. Bien sûr qu'ils avaient un pied à terre, comment aurait-elle pu croire qu'ils seraient installés à l'hôtel. Ils n'étaient pas réellement au même niveau, elle l'oubliait parfois. Parce qu'Amélia était du genre à ne surtout pas montrer qu'elle était d'un monde qui était bien au-dessus de la moyenne.
- Sympa. Sans moquerie et sans envie, elle respectait totalement Amélia. Elle était contente de savoir que toute la petite famille allait bien. Une naissance.... voilà quelque chose qui transformait totalement une vie. Tant mieux, c'est important qu'ils aillent tous bien. Avec un sourire. C'est normal.
Elles étaient amies, non? Une amitié peut-être forgée de façon bien spéciale, mais une amitié quand même. Enfin, c'était ainsi que Gabrielle le voyait. Donc... il était évident qu'elle prenne des nouvelles des proches de cette dernière. Au moins, l'une d'elles avaient de la matière pour en discuter. Ce n'était clairement pas la boxeuse qui aurait quelque chose à dire sur une quelconque famille. Ce qui parfois, surprenait Eliott.
- Ah! Ton fils! Ayant un rire léger. Je comprends mieux. Il te ressemble pas mal, quand on y pense. Et surtout, quand on fait le lien. J'aurai dû m'en rendre compte.
Enfin, elle n'avait pas vu Zac depuis quelques temps maintenant, peut-être s'était-il trouvé un autre endroit pour taper dans un sac, ou sur des gens, allez savoir. Ils n'étaient que partenaire de sparing, quand l'un et l'autre, étaient présents en même temps, à la salle.
- C'est très bien. C'est une autre façon de boxer, de faire tout pieds nus. Au moins, si tu perds tes chaussures, tu sauras courir vite. Tranquille. Il fallait oser, taper dans un sac avec le pied, sans aucune protection. Il y avait beaucoup de moyen de se faire mal. Elle surveillera, mais ne doutait pas que cette femme, savait sans doute faire les choses, sans qu'elle n'ait besoin de lui en dire beaucoup.
Il suffisait de voir à quel point l'américaine mettait en place ce que lui expliquait Gabrielle. On pouvait rapidement voir qu'elle n'était de loin pas une novice. Et qu'elle avait eu de bons professeurs. Ou son mari, directement. Puisqu'il était militaire. Un bon moyen d'apprendre la base d'autodéfense.
- Mmmm... oui, si je ne t'envoie pas à l'hôpital entre deux. Pas de doute que monsieur de Lascelle était un loup défendant sa louve, si le besoin s'en faisait sentir. Et bien qu'il ait l'air d'être un homme plutôt calme et galant, Caplan n'avait pas envie de réveiller l'eau qui dort.
- Il en donne l'air en tous les cas. Mais il ne faut pas s'obliger à rester à son niveau. Il a eu tout le temps de faire ses entraînements chaque jour, sans doute, contrairement à toi. Après tout, Amélia était une femme d'affaire et mère. Puisqu'elle avait épousé un militaire, elle s'était souvent retrouvée seule à devoir s'occuper de tout. Si maintenant elle était à la retraite... j'espère que tu profites aussi de faire ce que tu veux, sans penser plus loin. Je pense que tu le mérites.
Pourquoi les femmes devraient à chaque fois faire attention à tout? Même quand elles n'avaient plus l'obligation d'être active? Pas qu'elle mettait en doute le fait que Zenon pouvait participer aux tâches du ménage... mais.... bon. On les connaissait ces hommes. Elles s'échauffaient donc, tranquillement, prenant leur temps. Le but était que le sport soit un plaisir, pas une torture.
- Non, jamais. Attrapant des cordes à sauter. Tu penses que ça serait utile?
Elle estimait qu'il devait y avoir suffisamment de cours à ce niveau.
Parfois, l’instinct apparaît, avec la responsabilité. Une capacité qu’on se découvre. -”Tu ne fais pas si bien dire. Dès que je sens que l’un d’eux ne va pas bien… Je ne peux pas aller bien non plus. ” Un instinct qui dépasse la simple maternité. Le bien-être de Zenon lui est aussi essentiel que celui de leur progéniture. Séparés par des milliers de kilomètres, elle le ressent. Elle sait quand ça ne va pas. C’est sans le vouloir. -”Avant de rencontrer Zenon… je ne dépendais de personne. C’était même une fierté.” Georges le lui avait reproché. Trop indépendante. Trop libre pour être une femme mariée. La vie a prouvé qu’il avait tort.
Madame de Lascelle compose -bonnant malant- avec le désamour de leur fils. Blessée par l’absence de confiance et de complicité entre eux. Oubliant parfois qu’elle s’est passée de ses parents avant ses trente ans. Peut-être a-t-elle semé les éléments de cette indifférence ? D’une rancoeur filiale. Une partie de ses erreurs vient de la façon dont elle aime, sans doute. -”Il préfère ne rien avoir à voir avec nous. ” Souffle-t-elle avec le plus de neutralité possible. -” … ” Souriant à demi. Curieuse. -”Est-ce qu’il te semble aller bien ? ”
Gabrielle irradie de calme. Une aura qui est assez proche de celle de Zenon. Naturellement la louve se sent apaisée avec eux. Feu qui a besoin de l’eau pour se calmer. -”- C'est très bien. C'est une autre façon de boxer, de faire tout pieds nus. Au moins, si tu perds tes chaussures, tu sauras courir vite. ” Parfois, courir sauve une vie. Amé le sait. Ses genoux sont capricieux. Elle n’y a pas fait assez attention, étant plus jeune. La rançon finit par se payer. -”J’aimerai bien reprendre le footing. ” D’abord, il faut retrouver la technique. Ensuite, il faut un lieu. De Lascelle s’est toujours imaginée courir le long du lac… là-bas. Nul part ailleurs. -”Où cours-tu ?”
Amélia ressent que ses muscles se réveillent. A leur rythme. Maintenant, elle a compris. On ne peut pas aller plus vite que la nature. -”- Mmmm... oui, si je ne t'envoie pas à l'hôpital entre deux. ” Son regard est apaisant. -” Si ça arrive c’est que j’ai fait une erreur. Pas toi. Il le sait. ” Après tout, Gabrielle a vu juste. Zac et sa mère sont du même bois. A soixante ans, elle est moins sanguine. Mais les vieux défauts ne disparaissent jamais complètement.
Mais ici, aucune raison de se tendre. C’est tranquille. -”Il en donne l'air en tous les cas. Mais il ne faut pas s'obliger à rester à son niveau. Il a eu tout le temps de faire ses entraînements chaque jour, sans doute, contrairement à toi. ” Pendant une courte période relâcher sa vigilance a semblé possible. Profitable. Lady de Lascelle s’était mise en disposition pour. Jusqu’à… Cette fameuse soirée … horrifique. Le monde de Zenon avait collapsé avec eux. En quelques heures, ils avaient failli tout perdre. Comment baisser les armes après ça ? -”Oui… mais… disons que je veux être parée … pour le pire ? ” Caplan associera ça à leur traumatisme commun. C’est triché dans la sincérité. Malheureusement c’est essentiel pour leur survie. Amélia est prête à la parjure pour sa meute.
Enfin la boxeuse parvient même à la prendre de court. Si ce n’est Marion, personne ne fait de remarque de ce type à Amélia. Personne ne lui donne de conseil. Car finalement, son univers est condensé. Resserré autour de très peu de personnes. -” … C’est gentil Gabrielle. … Je profite, oui. ” Affirme donc l’ex femme d’affaires. Tandis qu’elle se demande si elle en profite autant qu’elle le pourrait. Probablement pas encore. L’affaire du Birman tient une part d’elle en alerte. Un vrai repos sera possible quand sa famille sera en sécurité à cent pour cent. C’est ainsi.
Amélia imite sa partenaire. Elle déplie une corde et appréhende sa longueur. Les jumeaux et elle ont fait des jeux avec ça. Ils étaient bons. -”Oui. Toujours. Mais je ne suis plus à jour sur tout ça. ” Elle commence par faire une série de cinq minutes en essayant de conserver une bonne cadence. -”Tu met à l’aise tout de suite. C’est pour ça que j’y ai pensé.” La cardio est bien réveillée. Elle joint les pieds pour une série énergique.
L’échange va dans les deux directions. La confiance est là. Il est temps d’ouvrir sur la sportive. -”Veux-tu parler de ton compagnon ?” Oui, parfois, le mieux est d’être directe. Ce n’est pas un souci pour cette dame. Elle préfère être frontale et se faire envoyer dans les cordes. Mais, ne pas passer à côté d’une discussion essentielle. -”As-tu réussi à discuter avec lui ? ” Exposer un blocage peut faire du bien. Déployer ses arguments aide à leur donner moins de poids. Ou plus de sens. Quoiqu’il en soit, se confier est important, surtout pour des femmes de secret.
Gabrielle n'allait pas remettre en cause les paroles de son interlocutrice. Après tout, il y avait des liens qui étaient totalement inexplicable. Et elle avait compris, à force de côtoyer les de Lascelle, que leur famille était sans doute ce qu'il y avait de plus important à leurs yeux. La boxeuse avait un petit sourire à la remarque d'Amélia, quand elle parla de son esprit avant la rencontre avec le comte.
- Quelque part, je n'en doute pas. Cela te correspond bien.
Oui, Gabrielle était une bonne observatrice, et se faisait vite une idée sur le caractère d'un interlocuteur. Amélia irradiait de ce côté indépendante. Même si elle était accrochée à Zenon, qu'elle l'aimait sans aucun doute à la folie, elle avait aussi ce côté qui disait, je suis une femme libre et indépendante. Fascinant.
Ce n'était clairement pas Gabrielle qui allait juger un enfant qui ne voulait pas avoir à faire quoi que ce soit avec ses parents. Elle-même avait mis un terme il y a très longtemps à cette relation. La seule chose qu'elle serait bien capable de faire, si elle retournait un jour chez elle, c'était d'aller cracher sur leur tombe. Elle n'avait pas à savoir les griefs entre eux, toutes les familles avaient ses propres problèmes.
- Il ne se plaint pas avec moi en tous les cas. Avec un léger sourire. Il a l'air d'aller au mieux, en tous les cas. Après, ils ne sont pas de supers copains, ne sortent pas ensemble, rien de tout cela. Ils ne font que se croiser sur le ring en général. Donc, à faire du sport, ils sont biens, en tous les cas.
Courir, voilà un truc qu'elle se forçait le plus souvent à faire, elle n'aimait pas faire du footing mais c'était la base, pour son métier et pour faire du bon cardio. Qu'Amélia ait envie d'en faire. Elle respectait. Mmm, près de la Tamise en général. C'est plat, droit. Y a un peu de quoi voir et moins s'emmerder quand on court. Tranquille, elle ne cachait pas ce qu'elle n'aimait pas.
La dame semblait être sûre d'elle, ce n'était pas Caplan qui allait la contredire. Elle connaissait mieux qu'elle sa vie de couple et comment réagirait son mari. Bon ce n'était pas pour autant que l'américaine voulait voir sa comparse être blessée. Bien au contraire. Elle ferait attention à elle. La sportive commençait donc à faire quelques sauts, tranquille.
- Je comprends oui. On n'est jamais assez préparé. Quoique... on s'en est bien sorties finalement. Avec un air complice. Après tout, à deux, elles avaient mis à mal des terroristes plutôt armés jusqu'aux dents. Une bonne alliée, c'était un fait.
Bon Gabrielle était moins fan de parler d'elle. Parce qu'elle ne le pouvait pas vraiment, au risque de se mettre en danger. Alors quand Amélia commença à parler d'Eliott. Elle s'arrêta un instant.
- Non, je n'en vois pas le besoin. Avec un petit haussement de sourcil. Discuter de quoi?
Elle n'avait rien oublié, non, mais il y avait des choses qu'il valait mieux mettre loin, très loin. Pour ne rien risquer. Le danger était présent, notre agente infiltrée en était parfaitement consciente.
Les voiles se levaient, timidement, de temps en temps. -” Quelque part, je n'en doute pas. Cela te correspond bien.” Amélia de Lascelle a remarqué que la sportive est observatrice. D’ailleurs, bien plus que la moyenne. Bien plus que ce dont une boxeuse a besoin. Il y a chez elle, ce même regard que Zac. Vif. Incisif. Le regard qui cherche à délémer les zones d’ombres. -”Tu commences à bien me cerner.” Résume la louve, avec un sourire en coin. Les amies sont peu. Celles qui connaissent tout d’Amélia n’existent pas. Puisque la sécurité de la meute repose sur du silence. Personne ne sait tout. Personne ne le saura jamais.
A minima, elles pouvaient parler des louveteaux. Sans danger. La dame n’était pas qu’une gardienne de secrets. Elle était une maman. -”. Il a l'air d'aller au mieux, en tous les cas.” Gabrielle n’était pas du genre à ménager la vérité. Si elle avait vu quelque-chose de préoccupant, elle l’aurait dit. Donc la mère était rassurée. -”Merci.” Amélia s’abstenue de faire une requête. Bien qu’elle l'eût pensé. Ne pas se servir de l’une pour en savoir sur l’autre. Ce serait malvenu. Ils le lui reprochaient. A raison. Zac était un homme adulte.
Même si la comtesse ne pouvait pas parler de tout, avec son amie, elle s’en sentait proche. Par la pensée. Par le tempérament. C’était comme retrouver un peu de sororité. Pamela et Victoire n’étaient plus dans sa vie depuis quarante ans. C’était ainsi. Cela ne voulait pas dire qu’Amé avait renoncé à la sororité. Elle y aspirait. -”- Je comprends oui. On n'est jamais assez préparé. Quoique... on s'en est bien sorties finalement.” Sans ce drame, les filles ne se seraient probablement pas rencontrées. Il y avait du bon en tout. -”Les garçons ont validé mon résumé en tous les cas. ” Un officier de la Navy et un ex agent spécial de Scotland Yard pour validation. Pas si mal.
Sans surprise un déni. -” Discuter de quoi?” Amé suspendit son geste pour scruter Gabrielle. D’un coup, elle se voit face à Marion, à vingt ans. Cette même attitude réservée. Le même recul. La crainte de mettre des mots sur des émotions. Des sentiments. -”De tout ce que tu ressens. ” Repousser les émotions pouvait être dangereux. Inflammable. En niant la force de son deuil et sa passion pour Zenon, elle avait failli le perdre. Pour de vrai. -”On ne peut pas toujours en faire l’économie. Surtout si tu veux construire votre relation.” Eliott Eirik était un homme raisonnable. Le comte d’Avon le tenait en estime. -”Est-ce que tu te projettes avec lui ? ” C’était un élément important.
Etant donnée la teneur du sujet, Amélia fit une vraie pause. Elle fait donc jouer de ses épaules pour détendre les muscles. -”J’essaye de te faire gagner un peu de temps. ” Lance la louve avec tranquillité. Autant que l’expérience de l’une puisse servir pour l’autre. L’amitié avait aussi ce rôle. Gabrielle était une femme de valeurs. Naturellement, la comtesse avait envie de l’aider et de la voir s’épanouir, dans chaque aspect de la vie.
Gabrielle avait un petit sourire amusé, alors qu'Amélia lui disait qu'elle savait cerner les gens. Oui c'était un de ses talents, celui qu'il lui fallait pour le métier qu'elle faisait. Le vrai. Pas celui de sa couverture. Quoique, même sur un ring, il était bon de pouvoir vite cerner son adversaire, afin de savoir comment le battre.
- J'apprends à te connaître.
Caplan n'était pas très famille, elle ne l'avait jamais été, car pour elle, ce n'était pas vraiment ce qui faisait le ciment de sa vie. Bien au contraire, néanmoins, elle pouvait comment comprendre que cela était important pour d'autre. Et qu'une mère pouvait s'inquiéter pour ses enfants, même s'ils en avaient passés l'âge depuis bien longtemps. Pas qu'elle pouvait envier Zac, typiquement, mais quelque part, elle espérait qu'il comprenne un peu, la chance d'avoir un parent encore suffisamment intéressé par sa vie, pour s'en inquiéter.
Si d'autres pros de ce "genre de situations" validaient ce qu'elles avaient fait, c'était bien le fait qu'elles s'en étaient sorties au mieux. Etre entraîné, permettait de rester au taquet et prête à tout. En tous les cas, Gabrielle n'avait jamais changé d'avis à ce niveau. Elle l'était, entraînée, depuis bien longtemps. L'armée avait été le point de départ de tout cela.
La suite de la conversation risquait de mettre à mal notre agent sous couverture. Car elle ne pouvait réellement parler de ses sentiments, de ses émotions, des vraies. Les décisions qu'elle pouvait prendre étaient surtout dues à des choix qui permettraient de l'amener à la fin de son enquête. Ce qui pouvait parfois rendre la vie difficile. Quand elle pensait à Eliott, elle avait beaucoup d'affection pour lui, sans doute un amour qui rendait plus difficile la décision finale. Est-ce que finalement, elle lui passerait les menottes? Peut-être mettrait-elle un terme à toute cette affaire, avant d'en arriver là.
- Mmmm.... elle bougeait un peu les épaules, tranquillement. Elle ne pouvait pas se projeter, mais elle ne pouvait pas non plus le dire à cette femme. Je ne sais pas trop, je ne crois pas. Je vis au jour le jour. On ne sait jamais ce qui peut arriver, n'est-ce pas? Avec un petit sourire. C'est gentil de vouloir m'aider, mais ne t'inquiète pas pour moi. On verra bien ce que le futur nous réserve.
Même si elle se doutait bien que la fin ne serait pas heureuse... qu'importe ce qu'elle pourra décider pour la suite.
- Mais c'est cool de vouloir m'aider. Bougeant le menton en direction du ring. On y va? Avec un air tranquille, mais amusé. C'était bien beau de parler, mais elles étaient surtout là pour boxer non? Elle attrapait alors des pattes d'ours, il fallait voir comment la dame se débrouillait d'abord. On va se dérouiller d'abord un peu. Tu connais le nom des frappes je pense, tu suis le rythme que je te donne, on ne pense plus à rien, mis à part la boxe, ok?
Comme Zenon, elle avait le don pour changer de sujet, sans en avoir l'air.
Le bruit de la salle de sport passe au second plan. Les filles ne sont plus à la boxe pour le moment. Ce n’est pas plus mal. C’est un échange que la comtesse tient à avoir avec son amie. Elles ont une bonne génération d’écart. Pour autant, il y a des situations qui sont pareilles quelque soit l’époque ou le lieu. N’est-ce pas là toute la beauté des émotions humaines ? Universelles et individuelles dans le même temps. -”Je ne sais pas trop, je ne crois pas. Je vis au jour le jour. On ne sait jamais ce qui peut arriver, n'est-ce pas? C'est gentil de vouloir m'aider, mais ne t'inquiète pas pour moi. On verra bien ce que le futur nous réserve.”
-”C’est vrai qu’on ne contrôle pas le futur.” Amélia a compris cela à un tournant de sa propre vie. Lorsqu’elle a commencé à chicaner un jeune lord Anglais. Fiancée, en deuil, de passage, absolument rien ne lui prédit alors… qu’elle épouserait cet homme. -”C’est ce qui le rend si excitant.” L’idée de revoir Zenon avait animé chaque parcelle de son être. -”Ou effrayant!” Comme, juste après avoir claqué une porte après une dispute. Amé eu un petit sourire. -”Enfin, parfois, on peut le provoquer un peu!” Et se marier sans attendre un aval impossible. -”Toi ne t’en fais pas pour mon inquiétude. Elle est la manifestation de mon affection pour toi.” Vivre avec un agent secret amène une certaine pratique concernant la gestion des émotions. Indirectement, Zenon a aidé Amélia a devenir une meilleure leader. Apte à maîtriser ses émotions. Mettre ses sentiments de côté. Gérer une crise.
Dans le cas de Caplan la barricade se dresse trop vite. Amélia voit bien l’armure. Il va falloir du temps. Ce n’est pas un problème. -”- Mais c'est cool de vouloir m'aider.” Un petit sourire. -”Prends l’habitude.” Car la loyauté d’une de Lascelle est solide comme de l’acier.
-”On y va?” Un signal clair que cette discussion est suspendue. Soit. Gabrielle décide du lieu et du temps. La brune lui prend le pas et grimpe sur le ring. Elle observe la salle de ce point de vue. Son regard court le long des silhouettes. Elle entend de nouveau les sons de l’effort. Partout autour d’elles.
-”On va se dérouiller d'abord un peu. Tu connais le nom des frappes je pense, tu suis le rythme que je te donne, on ne pense plus à rien, mis à part la boxe, ok? Amélia confirme d’un geste du menton. Les passes sont dans sa mémoire. Elle n’a pas oublié. Amusée, elle a le regard qui s’allume. -”Dire de ne penser à rien à une cérébrale va la faire penser. Hahaha.” Ceci dit, la dame prend la posture d'entraînement. Elle a tenté des activités pour ralentir son esprit. Il y a eu la course à pied, le yoga, la méditation, l’équitation. La vérité. C’est qu’il n’y a que dans la chaleur de Zenon que la paix arrive.
Amélia se focalise sur Gabrielle. -”Parée.” La comtesse exécute les mouvements. Elle obéit. Studieuse. Il lui faut un peu de temps pour caler son rythme. Le fil de sa pensée se dénoue. Jusqu’à ce que ses muscles soient chauds. Lentement, peu à peu, le mental est dans ses mains, ses pieds. L’inquiétude pour Zac, les questions sur Sharma, la santé de Zenon, l’avenir du Titre… Tout disparaît.
Gabrielle ne savait pas si elle devait se réjouir ou craindre ce fameux futur. Elle ne mentait pas vraiment, quand elle disait qu'elle vivait surtout au jour le jour. Elle le faisait depuis le décès de Simon. Pour éviter de trop se laisser porter par des idées noires. Et pour son travail du moment, il valait mieux garder réellement les pieds sur terre. Bien qu'elle puisse tenter d'anticiper un peu ce qu'il pouvait se passer, il ne fallait pas trop vouloir comment le tout allait se finir. Si au départ, elle avait été très claire dans sa tête, ce n'était plus vraiment le cas au jour d'aujourd'hui.
- Mmm... tu n'as sans doute pas tort. Mais je préfère rester un peu sur mes gardes. Je n'aime pas perdre le contrôle. Enfin... tu connais. Avec un petit sourire complice. Elles commençaient à se connaître toutes les deux. Mais son inquiétude pouvait réellement toucher la boxeuse. Elle n'avait plus vraiment l'habitude de faire confiance à d'autres que Kylian et elle savait qu'Amélia ne la lui ferait pas à l'envers. Elles partageaient quelque chose de très spéciale. J'en prends bonne note... tranquille. Merci Amélia.
Elle avait un léger rire. Cela lui prendrait sans doute du temps, d'en prendre l'habitude. Elle ne savait pas non plus si cela était réellement une bonne idée. Elle ne voulait pas mettre cette femme dans une situation impossible. Ce n'était pas parce qu'elle avait pu avoir l'habitude de vivre avec un militaire, que Gabrielle estimait qu'elle devait subir ce qu'elle risquait de faire. Il y aurait un jour, sans doute, où toutes les communications seraient coupées. Parce que si les choses se passaient comme elles devraient se passer normalement, il lui faudrait disparaître des radars, pour ne pas risquer de se faire abattre par les hommes d'Eliott.... oui, le futur était plutôt coloré, n'est-ce pas?
Elle préférait être sur le ring, se dépenser sans réfléchir. Gardant son air amusé, alors qu'on lui faisait remarquer qu'il ne fallait pas dire à une cérébrale de ne plus penser. Elle verrait bien. Gab' savait parfaitement qu'au bout d'un moment, plus rien ne comptait que de taper dans les PAO. Ce qui finissait par se confirmer, elle voyait son amie se détendre, se laisser aller, n'écouter plus que sa voix. La concentration sur l'adversaire, sur ce qu'il y avait à faire. Parfait. Elle continuait donc, sans s'arrêter, jusqu'à ce que le souffle soit court, que le temps passe, sans que personne ne s'en rende compte. Elle mettait alors un terme à l'entraînement, une bonne heure venait de se dérouler.
- Alors... t'as eu le temps de penser? La taquinant, tandis qu'elle lui tendait une bonne bouteille d'eau, tout en descendant du ring, rangeant les gants, défaisant lentement les bandages sur les mains. Ça a été? Tu te sens comment?
La comtesse souria à son tour. Consciente de ce que vivait la femme devant elle. La difficulté de faire confiance à l’autre. La méfiance. La peur de ne plus avoir les clefs en main. Tout cela lui était familier. Car elles avaient été pareil. Sans cette rencontre avec Zenon il était probable qu’Amélia serait restée cette fille méfiante. Inaccessible à l’autre. Solitaire. Elle avait envie de dire tout cela à Gabrielle. Mais ce n’était pas le bon moment. -”Je t’en prie.” Il arrivait que la confiance ne soit pas une question de raison. Mais qu’elle venait d’un instinct quelque peu primitif. Enraciné en soi. Mais, dans ce cas là, c'était compliqué. Gab avait sans doute un sixième sens.
Amélia fut satisfaite de cet entraînement. Il y a un moment qu’elle n’avait pas réussi à atteindre une concentration de qualité. Comme elles avaient été focalisées toutes les deux sur ce ring. -”Alors... t'as eu le temps de penser?” Un demi-sourire naquit sur le visage de la brune. -”Pas du tout!.” Quel allégement pour un esprit hyperactif. Cet exercice était bien plus efficace qu’une séance du divan. A l’exception de celle où ils étaient ensemble. Amé prit la bouteille pour s’abreuver. L’eau était du bonheur pur. -”Je ne pensais pas tenir une heure. Tu m’as bien coaché.”
Maintenant qu’elles étaient en bas, la tension de la dame descendit aussi. Elle sentait l'oxygène dans ses muscles. -” Ça a été? Tu te sens comment?” Libérée des gants, Mme de Lascelle fait bouger ses mains. Les douleurs n’étaient plus les mêmes. -”Je me sens… bien.” Un roulement d’épaules pour constater la disparition d’une tension. La nuque moins raide. -”Décrassée!” Telle une vieille automobile qu’on a enfin fait rouler se dit-elle.
Assise, Amélia sonda encore son corps. Depuis le début de sa retraite, elle dormait plus, mangeait plus. Or l’âge avancé déconseille les excès quels qu'ils soient. -”Et toi comment te sens-tu ? ” Une boxeuse professionnelle devait être à son maximum sur le plan physique. Caplan avait l’air en forme. Pour autant, Zenon le dirait, un corps n’est rien qu’une brindille, sans un bon mental. La pudeur de la sportive était son droit. Ceci dit, par loyauté, il fallait qu’elle sache tout.
Depuis le début, la dame avait envie de dire quelque-chose d’important. Son instinct protecteur n’y tenait plus. Les filles parlaient de confiance. Le moment était venu d’avoir un acte de foi. -”Il y a quelque-chose que je ne t’ai pas encore dit.” Car tout bien pesé, la vérité était importante. L’enjeu était réel. -”Zenon a des connexions. Cela lui donne accès à des informations.” Lui dit-elle, aussi tranquillement, que si elles évoquent le dernier film de Spielberg. Années d’expérience. Gabrielle était assez fine pour comprendre le langage. L’intérêt n’était pas de dévoiler le travail du capitaine de Lascelle. Nullement. Uniquement protéger une personne de valeur d’un certain danger. -”Eirik trempe dans l’illégalité.” Simple. Factuel. L’existence du Réseau de hors la loi était plus ou moins connu des services de police. Donc pas de prise de risque.
-”Peut-être que c’est ton instinct de préservation qui t’indique de faire attention.” Les réserves n’étaient jamais là pour rien. Une femme a ses propres armes pour se protéger. La comtesse voulait croire que son amie saurait faire la part des choses. Mais leur conversation la faisait un peu hésiter. Un devoir impérieux la poussait à donner un avertissement. -”Peut-être qu’à l’inverse c’est ce qui t’attire à lui…” Les deux possibilités peuvent coexister. -”S’il te plaît… fais-toi confiance.” Peut-être que cet Eliott aimait sincèrement cette femme. Peut-être même qu'il l’aimait, mais qu’il la mettrait quand même en danger.
Parfait, la dame n'avait donc pas eu le temps de penser, c'était une réussite. Cela voulait dire qu'elle s'était mise pleinement dans l'entraînement. La boxeuse l'avait bien vu, parce que la comtesse avait eu des gestes instinctifs, mécaniques, qui démontraient qu'elle avait une certaine connaissance de la boxe et que son esprit s'était mis sur off, pour laisser les habitudes revenir et pouvoir se concentrer uniquement sur une seule chose, le mouvement, les réflexes, le sport en lui-même. Gabrielle aimait cet état, quand il n'y avait plus que le bruit des gants sur les PAO, celle de la respiration. C'était un bon moyen pour elle, de se recentrer, de faire le vide, pour ne pas non plus totalement se laisser dévorer par cette infiltration.
- Tant mieux. Avec un simple sourire. Disons que tu es une bonne élève aussi. J'ai vu dans ton regard que tu n'avais plus que la tête à ça. Intense. D'un ton tranquille. En général, qu'importe le corps, tout est dans la tête. Si ton esprit tient, le reste suit. Tu le prouves.
Jetant ses bandes sur le banc, attrapait sa propre bouteille de flotte et la vidait à moitié.
- Super bien. Toujours la forme quand on sort du ring après un bon sparring. C'est là que je suis le mieux.
Ce qui n'était pas faux. Que ce soit dans son boulot ou dans ce qui était normalement sa vraie vie - même si en ce moment, la frontière était un poil floue parfois - le sport avait toujours été une excellente porte de sortie pour elle. Un moyen d'avoir une vraie pose dans ce qu'elle vivait tous les jours. Elle resta quelque peu silencieuse aux paroles d'Amélia, un peu surprise de comprendre le sous-entendu de cette dernière. Zenon savait beaucoup de chose, devait-elle mettre une distance sur cette relation? Qu'il ne découvre pas ce qu'elle était, qu'il y ait un risque de mettre en danger et le couple, et son travail.
- Mmm.... haussant très légèrement un sourcil. Je sais qu'il n'est pas un ange, Amélia. Tout autour de lui le dit et même s'il ne me dit pas tout, je le comprends. Je ne suis pas aveugle non plus. Mais cela ne m'attire pas, mais lui, sa personnalité. C'est un homme plutôt agréable, charmant. Voilà longtemps que je n'ai pas rencontré un homme de cette trempe et c'est agréable. Avec un léger sourire. Mais je ferai attention, promis. Terminant sa gourde. Est-ce que tu veux prendre une douche ici? Tu as le nécessaire?
Décidément, Gabrielle ne voulait pas parler de sa relation plus que nécessaire. Encore moins maintenant qu'elle savait que le couple de Lascelle pouvait découvrir des choses sur elle, qu'ils n'avaient pas à savoir.
La séance faisait un bien fou. -“ Super bien. Toujours la forme quand on sort du ring après un bon sparring. C'est là que je suis le mieux.” Sensation qu’Amélia comprenait très bien. Elle voyait cet effet sur son fils, sa fille, son mari. Chacun avait un domaine sportif. Une activité qui lui permettait de se défouler. -”Je comprends. Moi c’est quand j’arrache des mauvaises herbes.” Il y avait bien plus d'activités à Lechlad dans le grand vergé. -”Et quand je suis dans l’atelier à développer les photos.” La concentration exigée permet de se sortir du présent. Du quotidien. Généralement, la comtesse s’y réfugie quand elle recherche du calme et de la solitude. Elle y avait passé un temps considérable après l’attaque des Birmans.
Ce moment privilégié pouvait accueillir la parole. Si seulement Caplan en avait envie… -”Je sais qu'il n'est pas un ange, Amélia. Tout autour de lui le dit et même s'il ne me dit pas tout, je le comprends. Je ne suis pas aveugle non plus. Mais cela ne m'attire pas, mais lui, sa personnalité. C'est un homme plutôt agréable, charmant. Voilà longtemps que je n'ai pas rencontré un homme de cette trempe et c'est agréable.” Nuance la sportive avec à propos. -”Alors c’est très bien.” L’adage dit prévenir avant de devoir guérir. Amé s’est toujours refusée à faire l’autruche. Cette faiblesse pouvait avoir un effet trop délétère. Parce qu’il y avaient aussi des silences meurtriers. Autant parler trop que pas assez. C’était son choix. Quitte à déplaire. Ou bien à froisser.
Bien sûr, cela fait que les amis sont plus rares. Mais faut-il avoir beaucoup d’amis dans sa vie ? -”Mais je ferai attention, promis. Parfait. Les filles sont au clair. -”Nous sommes là.” Promit donc la doyenne.
Bien. Visiblement la discussion était bloquée. -”Est-ce que tu veux prendre une douche ici? Tu as le nécessaire?” Diversion basique. Mais cette fois Amélia accepta le refus amical. Elle ne pouvait pas insister comme avec sa fille. Chacune sa barrière. -”J’ai tout ce qu’il faut oui.” Répondit donc la comtesse. Elle observa son amie avant de quitter leur banc. Un tour sous l’eau ferait du bien.
Amélia se dirigea vers les vestiaires. Il y avait d’autres femmes. Pas mal de femmes jeunes et sportives à la physionomie différente. Mais l’espace était sécurisé. Une fois sous l’eau chaude, facile d’oublier les autres. La dame savoura la détente de ce moment. L’eau avait un pouvoir apaisant. Un pouvoir qu’elle découvrait depuis peu dans les bassins publics et chez eux. Elle réapparaît dans la salle, propre et décontractée. -”C’était très bien. Merci Gabrielle. On pourra refaire ça ? ” Le renforcement musculaire ne pouvait qu’aider!
