Une fin de journée très ordinaire en cette fin de saison. Le tandem de choc est en voiture et regagne le bureau/domicile. Il a plu en début d’après-midi. Les trottoirs sont encore mouillés. Les passants évitent de passer sous les gouttières dégoulinantes. Pourtant la ville n’est pas débarrassée de cette chape pesante d’avant orage. Il fait chaud. Zac à le bras sur le rebord de la vitre, sa main frappe le bit sur la portière. -”On se commande indien ce soir ?” Propose-t-il à sa partenaire. Une barbe de trois jours lui mange le bas du visage. Mais, ses cheveux sont courts et bien taillés. Il fait attention à son apparence depuis qu’il bosse avec elle.
Parce que partenaires, ils le sont, au bureau et à la ville. Même si rien n’est dit. Même s'ils n'en parlent pas ensemble. Leur silence est complice. Sanders n’a pas besoin de faire une déclaration officielle. Disons plutôt qu’il n’a pas le courage. Parfois poser une étiquette gâche la magie. Au travers de ses solaires, il regarde les alentours, réfléchissant à l’organisation du lendemain. Le boulot ne manque pas dans cette agence. Il y a un flux d’affaires en continu. C’est un bizness qui marche. Bien qu’au départ, l’ex-flic était mitigé, il en est revenu. La paye est bonne et l’activité aussi. -”Il est quelle heure ?” Se dit-il avant de tourner le poignet. -”Trop tard pour aujourd’hui. ” Les démarches attendront. Zac veut aussi faire une visite à JB.
La voiture bifurque pour entrer dans la zone pavillonnaire. Belgravia, ses jardins propres, ses rues aérées… Tout le chic! Le portail étincelle à cause des gouttes de pluie. Le soleil commence à descendre. Zac commence à avoir envie d’une bière bien fraîche sur la terrasse principale. Il s’y voit déjà. Il aimerait bien aussi poser ses lèvres dans le cou de la brune. Mais, encore, il s’empêche toute familiarité pendant leurs heures de travail. Est-ce idiot ?
Tout à coup, une masse surgit devant le nez de la voiture. Une ombre carrée qui ressemble vaguement à une silhouette humaine. Le type fait dans les cent-vingt kilos. -”FUCK!” Sous la casquette, un homme qui braque un fusil de chasse devant le pare-brise. A la vue du calibre, le sang de Zac ne fait qu’un tour. Il défait la ceinture de Damia qui se rembobine d’un coup. -”Baisse-toi!” Ordonne-t-il avec autorité. Ils ne sont pas dans sa voiture. Pas de pistolet dans la boîte à gant. Il n’a pas de ça pour les protéger tous les deux. La dopamine monte en flèche.
Zac tâtonne son jeans pour trouver son smartphone. Dehors l’homme n’a pas bougé. -”ELLE M’A QUITTE! A CAUSE DE VOUS! ” Un mari blessé… pire qu’un sanglier sur la route ces bêtes-là. Peuvent-ils faire machine arrière sans se prendre une balle ? Sanders aurait agit seul. Mais, là, il y a sa compagne. Il ne veut prendre aucun risque. Elle doit être en un seul morceau. -”Tu appelles la police. …” Zac baisse les yeux pour fouiller l’avant de la voiture. N’y aurait-il pas de quoi lui permettre de faire diversion ?
BAM !! La détonation explose dans ce paisible quartier chic. Hammond a tiré en l’air… Les vieux bourgeois se collent à leur fenêtre pour voir ce qui se passe ici. Dans pas longtemps l’info va fuser sur les réseaux sociaux. Zac s’en contre-balance. -”MONTREZ-VOUS! ” L’ex-policier serre la mâchoire. Il est tout à fait hors de question qu’ils quittent l'habitacle!
C’était étrange au début, de voir Zac chez moi. Vraiment je ne compte pas le nombre de fois où plongée dans mon boulot, ou encore dans les brumes du sommeil j’ai sursauté en changeant de pièce en le retrouvant là, ou tout simplement en réalisant qu’il était allongé à côté de moi dans mon lit.
Au début je lui ai confié des missions simples, pour le former au métier et aussi pour voir ce qu’il valait, comment il pensait, comment il réagissait. Bien sûr à l’époque je le connaissais par cœur, quand on était voisins, mais les choses avaient changé, on était devenus en partie des étrangers, avec notre vécu et nos casseroles, se retrouvant après des années séparés. Il avait fallu s’apprivoiser à nouveau, se redécouvrir en tant qu’adultes. Et petit à petit on est partis en mission ensemble, ou je lui en ai confié de plus en plus… et il se débrouillait bien. Son passé de flic, sa formation et ses contacts, licites comme illicites m’aidaient beaucoup et le rendaient très efficace sur le terrain.
Et une nouvelle petite routine s’est installée, entre une vie se rapprochant un peu de celle d’un couple, et au boulot, entre mission ensemble et séparées. Et ça marche sacrément bien, à ma grande surprise et ma grande satisfaction. D’ailleurs on rentre d’une mission plutôt tranquille, et je me glisse derrière le volant pour qu’on rentre enfin à la maison après une longue journée. Je souris en entendant sa proposition et hoche la tête.
Oh oui… un bon curry avec une tonne de riz à la coriandre et des naans au fromage… Parfait.
Sa venue est aussi chouette parce qu’il m’empêche de m’engloutir dans le boulot trop longtemps, m’apprenant à me libérer des soirées pour faire autre choses que le travail, et des événements mondains liés au travail… Ce qui est sympa. Quelques films ou séries, quelques pièces de théâtre que Jessica me recommande… c’est chouette.
Allez viens, monte!
Je remonte la vitre et allume le contact, appréciant le doux ronronnement de ma Jaguar et boucle ma ceinture. Il grimpe et on se met en route, me faufilant dans le trafic pour revenir sur mon territoire de Belgravia et mon hôtel particulier. On s’arrête quelques instants le temps que la porte automatique du garage souterrain se soulève, portable en main quand un cri de Zac me fait sursauter et mon portable tombe à mes pieds, sous le siège. Je relève le nez et réalise enfin, dans le rétroviseur, qu’un type immense avec une carabine en main est derrière nous, entre la voiture et la rue. Oh bordel.
Nouveau cri et j’obéis sans même réfléchir, le front sur les genoux, devant me contenter d’entendre ce qui se passe. Hurlement du type. Au moins on sait pourquoi il est là et pourquoi il est furieux… et encore une fois l’exemple classique de la mauvaise foi, ou il nous en veut plus d’avoir déballé son linge sale, qu’il ne s’en veut à lui pour avoir merdé. Je hoche la tête devant l’ordre de Zac, restant penchée, et attrape mon portable, lançant la communication, et hurlant pendant que je suis en attente .
Pas de conneries Zac! D’accord?
Je hurle en entendant une détonation, et n’y tenant plus je rampe sur la banquette arrière, ouvrant la petite trappe permettant d’accéder au coffre. Et pendant que je tâtonne j’explique rapidement aux flics ce qui se passe. Puis enfin je sens du métal sous mes doigts et le tire vers moi, le faisant passer au-dessus de mon épaule vers Zac. Un démonte-pneu en métal, massif et costaud.
Tiens, prends ça!
N’entendant plus rien j’ose lever le nez par dessus le siège et observe autour de nous.
Tu le vois? Qu’est-ce qui se passe?
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Ces détectives ont des goûts en commun. Par exemple, cette cuisine indienne qui a fait l'alimentation de leur enfance. Junior ne manque pas une occasion pour retrouver les odeurs de son pays natal. -”Oh oui… un bon curry avec une tonne de riz à la coriandre et des naans au fromage… Parfait. Un sourire s’étale sur le visage émincé de Zac. Il apprécie les personnes gourmandes. Cela veut dire qu’il y a un certain plaisir à vivre. S’il avait embrassé ses origines nobles plus jeune, il aurait certainement couru le monde pour en savourer les trésors gastronomiques, entre autres. -”On va en Inde l’année prochaine ? Genre au printemps ? Toi et moi tranquilles ?” Cela fait un moment que l’idée lui trotte dans la tête. Avant que ça devienne une tocade, autant en parler.
Pour le moment, les envies de Zac sont bien plus simples. D’ailleurs, certaines intègrent directement sa jolie patronne. Il lui sourit. -”Allez viens, monte! Il pose la main sur la portière et ouvre. Cette voiture est très classe. Voir Damia à son volant lui inspire de temps en temps des répliques de comics américains. De ce que sa mère faisait importer jusqu’à Bellary. -”Mm. On se fait un bain ?” Ouais, Miss Kapoor c’est le genre de femme qui donne envie de prendre des bains chauds.
-”Pas de conneries Zac! D’accord? L’inquiétude de la brune parvient aux oreilles de Junior. Il se penche vers elle et souffle. -”T’inquiètes.” Dans un quartier pareil il doit y avoir une équipe qui tourne. Sans compter sur la sécurité privée dans les grands magasins. Ils devaient avoir des renforts rapidement…
-”Tiens, prends ça! La main de l’ancien flic se referme sur le pied de biche.
- “VOUS AVEZ DÉTRUIT MA VIE!” Les passants se sont collés contre les murs. Les smartphones enregistrent la scène. Tiktok est déjà actif. Des notifications sont envoyées sur leurs téléphones. Pour l’anonymat c’est foutu. Plus qu’à espérer que les de Lascelle ne sont pas sur les réseaux. Lentement, Zac ouvre la portière passager. Il la referme. -”Tu le vois? Qu’est-ce qui se passe? Maintenant, il a l’extérieur et avance pour être protégé par le nez de la voiture.
Le mouvement a attiré l'œil du fou furieux. Heureusement pour eux que la rage ralentit ses réflexes. Ne jamais agir sous le coup de la colère. On est tout le temps moins efficace. S’il avait eu un flingue, Junior aurait tiré de sous la voiture. Une balle dans le mollet pour mettre le mec au sol. Puisque ce n’est pas possible, il faut voir qu’elle sont les chances de le mettre hors-service avec ce qu’il a. Un petit lance-pierres n’aurait pas été de trop. Ce n’est pas dans ces rues que des gamins s’amusent à courir après les rats et les chiens errants.
- “ MONTREZ-VOUS!” Là une autre détonation vers le ciel. Zac se penche sur la gauche pour voir la distance du type. Il s’est trop rapproché à son goût. Les vitres ne sont pas pare-balles. Il faut donc l’empêcher d’avancer plus. Accroupi contre la voiture, Sanders calcule ses chances. Le type serait-il prêt à parlementer? Un bon négociateur arrive parfois à raisonner ces coups de folies. Peut-être que ça donnera le temps à une voiture d’arriver ici ?
”MONSIEUR HAMMOND! ON PEUT DISCUTER! ?” Dommage que Lemoine ne soit pas dans les parages. Lui c’est un bon parleur. En levant les yeux, il croise le regard d’un vieux qui lorgne la scène de son balcon. Il tente alors d’attirer son attention par des petits signes. - “ PARLER!? NON. ON EST PAS LA POUR PARLER!” Exactement ce qu’il y avait à craindre. Junior lance un autre regard vers l’arrière. Est-ce qu’il serait assez rapide pour le mettre au sol ? Peut-être en étant plus près.
La normalité a quelque chose de très agréable, finalement. Voilà que maintenant moi, le chat sauvage, je me retrouve en voiture à planifier le dîner avec mon… mec? Plan cul? Ami avec plus? Aucune étiquette ne me va parce qu’on ne colle à rien avec ce que j’ai vu, lu ou entendu. On couche ensemble, on passe du temps ensemble, mais seulement si on en a envie, on couche ensemble souvent et ça se passe super bien, mais à part ça on ne s’oblige à rien. Est-ce que je serais touchée ou affectée s’il me disait qu’il s’était tapé une autre nana? Je n’en sais rien j’avoue. On ne s’est jamais dit qu’on était « ensemble ». On ne s’est jamais dit qu’on s’aimait. Est-ce qu’on s’aime d’ailleurs? Je ne sais pas. Je sais juste que s’il venait à disparaître, ça me ferait clairement chier parce que je me suis habituée à lui.
Sauf que presque rentrés voilà qu’on nous attaque, et qu’un type hystérique, taillé comme une armoire à glace décide de nous prévoir une embuscade, et s’attaque à ma précieuse voiture. En une seconde l’ambiance change du tout au tout, et on passe d’une scène banale à un thriller. Il me faut une seconde pour réfléchir, établir un plan et je remarque que les réflexes de flics de Zac sont toujours là car il prend les choses en main. Je me planque comme je peux derrière le volant, disparaissant de la vue de notre ennemi pendant qu’il tente de l’assommer par derrière.
Putain mais pourquoi les maris trompés rejettent toujours la faute sur ceux qui l’ont pris la main dans le sac, ou plutôt la bite dans sa secrétaire, plutôt que de s’en prendre à lui-même pour avoir merdé et assumer ses conneries? Hein? Pourquoi ils ne peuvent pas juste se dire « J’ai joué au con, j’assume! », au lieu de venir remontés comme des coucous suisses et avoir envie de tout casser? J’ai envie de lui hurler tout ça sauf qu’il est armé, pas moi, et que dans l’immédiat le provoquer n’est peut-être pas la meilleure idée. Il faut surtout que Zac trouve de quoi se défendre et le mettre hors d’état de nuire. Par chance je me rappelle du démonte-pneu que j’arrive à extraire du coffre grâce à la petite trappe arrière. Et une fois que Zac est armé j’entends enfin la communication lancée avec les flics. Rapidement je leur résume la situation, tout en surveillant Zac par-dessus le siège. On nous promet de venir rapidement.
Et la porte automatique du garage souterrain s’est enfin ouverte, nous permettant de rentrer à la maison et de nous y enfermer.
ZAC! RAMÈNE TON CUL ICI DANS LA BAGNOLE! On va descendre dans le garage! VIENS!
Je me replace derrière le volant, vire mes escarpins pour conduire plus librement et pose le pied sur la pédale d’accélérateur, faisant rugir le moteur de la Jaguar, prête à démarrer à tout instant. Je guette Zac, toujours un peu penchée sur le volant, ne laissant que mes yeux dépasser du tableau de bord.
DÉPÊCHE TOI, LES FLICS SONT EN ROUTE!
Je redonne un coup d’accélérateur, les mains crispées sur le volant en cuir.
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Tout va vite. Une chance qu’ils étaient à ce niveau de l’entrée. Damia a raison, un repli dans le parking est la meilleure option. Mais Zac craint quand même que le type bondisse sur la voiture. Avec sa masse et sa colère, il pourrait bien faire des dégâts.
Une sirène résonne vers l’est. Une patrouille a probablement répondu à l’appel. -”DÉPÊCHE TOI, LES FLICS SONT EN ROUTE! Le futur divorcé comprend que sa chance va lui filer sous le nez. Son visage exprime une rage qui n’a plus rien d’humain. Cette fois… Le dialogue est clos. Okay. Ce n’est pas Zac que ça va spécialement déranger. Il est un mec d’actions plutôt que de paroles.
- “ VOUS…” Zac ouvre la portière et se glisse sur le siège. Ils ont évité la collision. A trois secondes près. Junior sent son sang qui turbine. Il ressent la dose de dopamine dans le circuit. Cela fait un moment qu’il n’a pas eu un shoot comme ça. Un mélange de peur, d’excitation, de plaisir l’envahit.
Il agit sans réfléchir. Il s’extrait de la voiture encore tiède, l’arme au poing. Son regard épie le parking. Aucune trace du géant. Il entend peu à peu l’écho de la confrontation entre Hammond et les duo d’officiers. Ils l’ont interpellé. -”... c’est bon.” Très lentement, les muscles se détendent. Zac se retourne vers leur conductrice. -”T’as géré.” Il pose la barre contre la voiture, avant d’attraper la brune par la taille. Il l’attire et la plaque contre lui. Il plonge ses doigts dans ses cheveux et pose un baiser dans son cou. -”Ca va ?”Lui demande-t-il soulagé. En vérité, c’est pour elle qu’il a eu peur.
Une fois repus, Junior reprend un peu ses esprits. Il sourit à la belle. -”Faut faire la déposition.” Il lui caresse la joue. -”Je m’en charge. Monte.” Inutile qu’ils soient deux à endurer les formalités à la con. Lui, il en a fait faire des dizaines. Ca ira plus vite. Comme ça, la patronne pourra se détendre. Il lui vole un baiser et lui fait un clin d’oeil taquin.
Il retourne à la voiture pour choper son sac et sa veste. En se redressant, il tâte l’arrière du jeans. Tout est là. Sanders claque la portière avec un petit sourire. Ce coup de sang l’a clairement réveillé. Il a d’autant plus l’intention de profiter d’un bain en bonne compagnie! Il se met tranquillement en route. Un des képis remonte dans sa direction. Bon. Très bien ça n’ira que plus vite pour clore cet épisode… Ils échangent une poignée de main. -”Salut Rick… ” Welton est un des lieutenant qui a donné des cours quand Junior est entré à l’école de police. Ca avait été une de ses classes préférées! Il a les cheveux quasi-blanc et les rides d'une longue vie de boulot. -”Pas encore à la retraite !!” Le taquine-t-il.
Oui bien sûr j'ai déjà merdé, ou retrouvée dans des situations compliquées. Dangereuses aussi. Mais jamais à ce point. Je n'ai jamais eu peur pour ma vie jusqu'à cet instant, pourtant savoir que Zack est avec moi est à la fois rassurant, et aggrave la situation car j'ai peur qu'il soit blessé, et qu'il souffre. Oui je me suis attachée à lui et je n'ai absolument aucune envie de le voir étendu sur le trottoir, la tête défoncée à coup de chevrotine par un malade qui ne supporte pas d'avoir merdé et qui le reproche à la terre entière sauf à lui... Les hommes.
Par chance j'ai pu appeler les flics, et lui passer un démonte-pneu que je garde toujours dans le coffre de la Jaguar. Avec ça peut-être qu'on va s'en sortir, même si en toute objectivité on peut s'en sortir, il suffirait qu'on remonte en voiture et qu'on file le plus vite possible. Sauf que ça laisserait la possibilité de nous tirer dessus lors de notre fuite, et je veux minimiser les risques. La seule option est qu'on rentre vite dans le garage, droit devant, et qu'on s'enferme. De là la maison peut devenir un fort impénétrable grâce à toutes les modifications que j'ai apportées, mais toujours dans le respect des règles esthétiques de Belgravia. J'arrive à ouvrir la porte et je vois Zac qui saute à l'intérieur. Sans lui laisser le temps de la refermer je relâche le frein, et la voiture bondit en avant jusqu'au garage souterrain.
LA PORTE!
Sauf qu'à la dernière minute ce crétin saute, sans aucune raison, et sort de notre abri à quatre roues. Je fais crisser les pneus, à moitié engagée dans la descente, et je bénis les ingénieurs anglais d'avoir fait des voitures de sport avec d'aussi bons freins, parce que je sors à sa suite, le voyant dans sa posture de cow-boy, épaules relevées et arme au poing.
Mais putain Zac pourquoi t'es ressorti? On aurait pu se réfugier en bas!
Je guette anxieusement autour de nous, avant de comprendre à sa mine détendue que le danger est écarté. Il laisse même le bout de métal sur le sol avant de m'attirer contre lui, et alors qu'il m'embrasse dans le cou je lui donne un léger coup sur le torse.
Espèce de crétin, pourquoi t'as voulu jouer les héros? T'aurais pu te faire tuer!
Puis je me détends et lui rends son étreinte, ma tête dans son cou et mes bras autour du sien, respirant son parfum et sentant son coeur qui bat la chamade sous la peau fine de sa gorge.
C'est toi qui a géré... mais t'aurais pu limiter les risques. Ecoute-moi la prochaine fois...
Je me recule légèrement et je le vois avec un grand sourire. Ce con a adoré ça j'en suis certaine. Foutu adrenaline junkie. Foutu de foutu adrenaline junkie.
Non attends moi, je connais ce type. J'arrive. Je rentre juste la voiture.
Reprenant le volant je descend lentement la Jaguar, coupe le contact et tapote sur le toit de mon bolide comme pour le remercier, le rassurer, ou bien les deux. Ce sont sur des jambes flageollantes que je remonte la pente, refermant la porte du garage derrière moi, et rejoins Zac auprès des flics qui apparaissent au bout de la rue. Et il est comme dans son élément habituel, un poisson dans l'eau au milieu de ses anciens collègues. Je salue les policiers, faisant attention à ne pas faire de geste qui pourrait révéler ce qui se passe entre nous.
Damia Kapoor... L'agresseur s'appelle M.Hammond. Sa femme, ou plutôt son ex femme m'a embauchée pour rassembler des preuves comme quoi il était infidèle. Il l'était. Il n'a pas aimé devoir gérer les conséquences de ses actions on dirait... Faites attention il est armé et très énervé...
Je réponds à toutes les questions, les laisse prendre des photos du lieu et de la Jaguar avant qu'ils ne partent enfin. Une fois la porte de la maison refermée je caresse le cou de Zac du bout des doigts.
Que dirais-tu d'un bon bain chaud avec un verre de vin?
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Le danger est derrière eux. Plus besoin d'avoir peur. Tout est bien... -”Espèce de crétin, pourquoi t'as voulu jouer les héros? T'aurais pu te faire tuer!” -”Aïe. ” Marmonne l’ancien flic, ne pouvant néanmoins contenir un petit sourire. Il sait que quand une nana s’énerve ainsi c’est qu’elle dit “Je t’aime”. Joy lui a expliqué ça il y a longtemps. Il est content de voir que sa patronne tient à le garder en vie!
Maintenant, ils doivent finaliser l’affaire. Les procédures sont chiantes mais ça permet ensuite d’être tranquille. -”Non attends moi, je connais ce type. J'arrive. Je rentre juste la voiture. ” Junior ne proteste pas. Depuis qu’il bosse avec Kapoor, il apprend une autre manière de faire duo. C’est autre chose qu’avec la Strike Team. Les codes sont différents. Il s’y fait à force.
Welton observe la détective qui approche. Il lève son chapeau rond en guise de salutation. Une barbe moustache argentée lui chatouille le nez. Il porte un costume de ville et une veste de pluie. Il a tout du flic des années 80. Il le porte bien. C’est d’ailleurs dans un calepin qui commence à noter ce que lui dit Damia:
-”Damia Kapoor... L'agresseur s'appelle M.Hammond. Sa femme, ou plutôt son ex-femme m'a embauchée pour rassembler des preuves comme quoi il était infidèle. Il l'était. Il n'a pas aimé devoir gérer les conséquences de ses actions on dirait... Faites attention il est armé et très énervé... ” Le scénario est clair. Rick saisit le topo. Il n’a pas l’air plus surprit que ça. ”Une chance qui s’en soit pris à vous plutôt que son ex.” Leur dit-il surtout parce qu’il connaît le profil de Junior. Ils ne sont pas de la même brigade. Mais, ils se sont croisés sur le terrain. Le vieil inspecteur sourit à Damia. ”On a encore retrouvé une femme étranglée chez elle. Le type s’est barré.” Zac se tait. Même si, une haine sombre remplie son bide, chaque fois qu’il sait qu’un monstre est en cavale.
Pour leur affaire, pas de mystère à résoudre. C’est une triste banalité. Richard ne perd pas trop de temps. Autant emmener le gars directement où il pourra attendre son jugement. Ce genre de cas est assez rapide à faire. Le souci c’est le temps d’attente dans les instances. Les tribunaux sont débordés. ”Merci Rick. A une prochaine.” Ils se reverront à une cérémonie ou bien un pot de départ. Junior est encore invité de temps en temps.
Pas mécontent de retrouver la tanière, Zac fait tomber sa veste. Il n’a le temps de rien que Damia lui donne envie de la câliner. Il hume son parfum en posant doucement ses mains sur sa taille. -”Que dirais-tu d'un bon bain chaud avec un verre de vin? ” Une très bonne suggestion. Après ce petit épisode, ce ne sera pas de refus. Il claque un baiser sur le front de la belle. ”Je m’occupe du vin.” Propose-t-il avec complicité. C’est en regardant son paternel préparer les menus qu’il a appris à sélectionner. Il libère sa chérie pour aller à leur cave personnelle et sélectionner la bonne bouteille. Il prend le temps de regarder ce qu’ils ont en fond. Il se décide pour un blanc sec et délicat pour aller avec la douceur d’un bain. Il attrape deux verres dans le placard et va retrouver Damia dans la salle de bain.
Sur un tabouret, Zac pose le tout. Installer l’enceinte pour mettre une musique d’ambiance. Ça fait du bien de quitter les habits de la journée. Les tatouages du loup donnent l’impression d’onduler à la lueur des bougies. Il enlace sa compagne et masse doucement son dos. -”On prendra des vacances ? ” Oui, après ce coup de peur, Sanders se dit qu’ils ont bien mérité de faire une pause. Ils pourraient s’envoler pour quelques jours de soleil et de détente. Parce que la vie est trop courte pour clamser sous la crise d’un fou furieux. -”Je m'occuperai de toi. ” Promet le mec dans un sourire.
Une fois dans leur bain, Junior s'emploie d'ailleurs à donner un bon aperçu de ses soins. De quoi oublier les mauvaises ondes et se concentrer sur ce qui compte vraiment.
Bonjour l'ascenseur émotionnel : passer en quelques minutes d'un type armé qui nous guette, enfin moi, juste devant chez nous, Zac qui joue les héros, je trouve une échappatoire avant qu'il ne joue encore une fois les héros. Pour constater que finalement le type s'est barré et que nous sommes seuls dans le quartier tranquille. D'ailleurs la présence des flics très peu de temps après choque autant qu'un rosier fané dans un jardin manucuré… Assez rapidement la pression redescend et après avoir poussé une gueulante sur son héroïsme qui aurait pu lui coûter cher. Nous coûter cher.
Et finalement après notre déposition, et un ratissage en règle des rues aux alentours les bobbies lèvent le camp et on se retrouve seuls. Je suis rassurée de voir que la situation semble s'être calmée, et en même temps je sens que ça n'est pas fini, qu'il a abandonné la partie trop rapidement…Cette pensée tourne, s'agite et bourdonne dans mon esprit comme un bourdon excité avant un orage et je peine à lâcher totalement prise et profiter de la tranquillité retrouvée.
Je finis pourtant à monter à l'étage et ouvrir les robinets de l'immense baignoire à pieds de lion qui trône fièrement dans ma salle de bains. Mes vêtements tombent les uns après les autres sur le sol, restant en kimono de soie le temps qu'il y ait assez d'eau. Je souris en entendant Zac devenir, et ris légèrement en le voyant mettre de la musique.
Vraiment? Tu veux faire les choses en grand on dirait!
Je laisse tomber le dernier morceau de tissu et me glisse dans l'eau, le laissant me rejoindre et attrape le verre qu'il me tend avec plaisir.
Merci…
Il commence à me masser les épaules pendant que je réfléchis à sa question, et après une première gorgée d'un délicieux Bordeaux je murmure doucement.
Oui… où voudrais-tu aller? Il y a un endroit qui te ferait plaisir? Qui te tenterait?
Le reste de la soirée se passe bien, on commande un truc et on monte se coucher. Pourtant, alors qu'il fait nuit noire j'entends un bruit qui me fait sursauter et ouvrir grand les yeux.
Zac, il y a du bruit.
Du verre brisé. Et d'un coup l'alarme se met en route. Je me rassieds dans le lit et tends la main vers un de mes flingues, sagement rangé dans ma table de nuit.
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Cette journée aura été chargée. Junior n’est plus dans la Strike depuis un moment. Mais finalement, il retrouve pas mal d’adrénaline dans son nouveau boulot. Maintenant que la pression retombe, le cerveau de Zac réclame une dose. La mécanique est là. Elle ne partira jamais. Il le sait. Alors, il inspire à fond et focalise son esprit sur une action concrète. Il ne faut pas qu’il se laisse happer par la spirale. Il suffit d’une fois. -”Oui… où voudrais-tu aller? Il y a un endroit qui te ferait plaisir? Qui te tenterait? ” Questionne la brune alors qu’ils se délassent enfin dans le bain.
Une image vient tout de suite. -”Un endroit où il y du soleil et de la bonne bouffe. J’pensais au Portugal. ” Proposa l’Anglais tout en étudiant la réaction de sa partenaire. Damia est douée pour se cacher de la clientèle. Mais à force de vivre côte à côte Zac lit mieux en elle. -”Pas loin et pas cher. ” Lui rappela-t-il tranquillement. Leur patrimoine familial n’entre jamais dans les calculs. Il ne comporte comme un trentenaire indépendant qui vit de son seul salaire. Les seules fois où il a dû demander un soutien financier c’est qu’il était bien dans la merde. Avant… quand il devait acheter les doses à prix d’or.
Ils ont passé une bonne soirée. Junior en profite pour prendre des nouvelles de son filleul et des filles. Il prend le rôle de parrain au sérieux. Cela le motive réellement. La responsabilité d’une éducation enfantine l’intrigue. Il est lui-même étonné de son plaisir à observer ce petiot grandir. -”Zac, il y a du bruit.” La voix de la détective ne parvient pas à l’oreille de son amant. Il dort comme un loir.
Par contre l’alarme le réveille d’un seul bond. -”WHAT THE…” gueule-t-il en pleine torpeur. Le drap glisse. Sanders remarque que sa belle arme un pistolet. Une partie de son cerveau est activé. Il s’assoit sur le bord du lit. Il ouvre le tiroir de sa propre table de nuit et en tire son propre flingue. Quand il se lève, il note sa nudité. Il chope un peignoir et le passe. Puis son regard capte la présence de Damia et la garde sous sa surveillance silencieuse. Il communique en langage non-verbal. Ils ne peuvent pas rester ici. Il sort de la chambre en vérifiant les angles. Sans la lumière c’est chaud de repérer. Mais cela les protège un peu plus.
En tendant l’oreille, Junior distingue deux voix différentes, qui ont l’air masculines. Il descend l’escalier en biais pour rester le plus possible dans l’ombre. Il désactive la sécurité de son arme à feu. -“LUCK: Vas-y vide tout. ” Deux hommes sont dans la maison. Ils ont des bidons d’essence à leurs pieds. Ils n’ont pas l’air d’être venus cambrioler. Cela ressemble plus à un acte de vengeance. Des amis de leur client ?
La patrouille de nuit va mettre du temps à venir. La police est en sous-effectif depuis des années. La suite d’attentats sur la capitale à entrainé un désamour pour la profession. Sanders ne peut pas en vouloir aux jeunes. Normal qu’ils n'aient pas envie de risquer leur peau chez eux. -“LUCK: Grouille. ” Si c'est vraiment une suite à la veille... Les adulthériens n'ont vraiment aucun sens de la dignité.
Arrivé au rez-de-chaussée, l’ex-flic contourne le salon à pas chassé pour voir s’il y a d’autres personnes sous leur toit. L'esprit à vif, muscles bandés, il surveille tout. Le plus sage est d'attendre l'arrivée des policiers de secteur. Le souvenir de la panique de Damia hante son mec. Malgré son instinct il reste en retrait.
Il me faut un certain temps avant que la pression redescende et que je sois à nouveau sereine. J'ai déjà été mêlée à des situations pas forcément faciles, parfois dangereuses, que ce soit en filature ou face à des gens que j'ai aidé à faire condamner ou payer, mais la menace n'a jamais été aussi proche de chez moi, de ma maison. Depuis que j'ai forcé le destin à hériter de cette baraque je m'y suis sentie chez moi, avec quelques travaux. J'aime y travailler et y vivre, j'aime y dormir comme m'y reposer, potasser des dossiers ou m'envoyer en l'air avec Zac. C'est le calme et la sérénité, l'endroit où tout est supposé bien se passer et bien aller, l'endroit où le monde se tient à distance. Loin. Où rien ne peut m'atteindre et où rien ne peut me trouver.
Et je suis contente de ne pas être seule ce soir, peut-être plus contente que je ne l'ai jamais été de ma vie. Et le fait qu'il ait été un ancien flic, sachant se battre et se défendre est un plus non négligeable… Après un bon repas, un bon bain et un tête à tête sympa on s'écroule dans les draps, mais pour un repos de courte durée. J'ai l'impression d'avoir à peine fermé les yeux quand un bruit de verre brisé retentit, puis l'alarme. Merde. Ca n'est jamais bon. Et merci mon informaticien génial qui a transformé cette maison en bunker. J'attrape un flingue et sors de sous le lit, voyant que Zac m'a précédée et qu'il s'apprête à passer le premier, à poil. La vue n'est pas désagréable et peut-être que l'effet de surprise de voir un beau gosse tatoué nous fera gagner quelques secondes, qui sait. Mais il se rhabille, enfilant mon kimono en soie, et se déplaçant comme un chat hors de la chambre vers le couloir.
A force j'arrive à comprendre ce qu'il veut dire même quand il n'ouvre pas la bouche. Quelques pas derrière-lui je m'approche des escaliers, et je bénis la somme folle que j'ai dépensée pour faire poser un tapis d'orient épais sur le parquet et les marches, rendant nos pas totalement inaudibles. Puis une odeur me saisit à la gorge : l'essence. Mon cœur rate un battement alors que fébrilement j'envoie un sms à la police, avant de descendre à la suite de Zac, une colère sourde commençant à gronder en moi. Cette maison, c'est chez moi, mon havre et ma citadelle. C'est là où je vis et où je travaille. J'ai trimé sang et eau pour l'avoir et la garder. Chaque tapis, chaque lampe, chaque bibelot a été payé cher et choisi avec soin, alors hors de question que deux hommes de main crasseux se donnent le droit de détruire mon chez moi. Ma maison.
Je dépasse Zac et m'approche du salon, découvrant les deux types, jerrican à la main. Je pointe mon flingue vers celui qui est le plus proche de moi et hausse le ton.
Vous êtes ici chez moi, alors vous allez me faire le plaisir de poser ces jerricans et me dire qui vous a envoyés pour mettre le feu à ma baraque. Vous avez cinq minutes avant que les flics n'arrivent.
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L’hôtel particulier est encore plongé dans la pénombre. Les ombres sont difficiles à distinguer à cette heure nocturne. -“RONALD: Ça va ça va. Y a pas le feu. ” marmonna le second homme sarbodique. Il est plus vieux. Une longue barbe grise lui donne un air de magicien. Ceci dit, la larme tatouée sous son œil droit suggère une appartenance moins magique. Les deux types sont là pour la besogne. Le sale boulot.
-”Da’... no-” Zac ravale sa mise en garde. Trop tard. La détective est visible maintenant. Alors son partenaire profite de la “diversion” pour avancer et se faufiler en revers dans le dos du mec le plus éloigné.
-”Vous êtes ici chez moi, alors vous allez me faire le plaisir de poser ces jerricans et me dire qui vous a envoyés pour mettre le feu à ma baraque. Vous avez cinq minutes avant que les flics n'arrivent.” L’interpellation prend les envahisseurs en surprise. Pris la main dans le sac.
Une seconde, deux, trois, pour que la menace prenne sens. -“LUCK: Merde… ” Grogne l’incendieur imberbe. Il se fige sur place. Son regard focalisé sur la femme armée. Derrière ses yeux son cerveau s’active.
Plus personne ne bouge. Les bouches sont cousues. La tension monte. Le déclic de l’arme à feu de Junior est audible. -”TTT. Ranges ça.” Ron’ se raidit. Le canon est appuyé contre son crâne. Un contrat de merde! C’était censé être un coup facile. Lentement, il remet son Zippo dans la poche de son jeans. -“RONALD: On peut discu-” Maintenant que l’effet de surprise est cuit, Sanders approche pour renforcer la menace: -”Vous avez entendu la dame. ”
Luck sait qu’il n’aura pas le temps suffisant pour s’enfuir sans finir avec une balle ou brûlé. Ils se sont foirés. Mais, il n’a pas l’intention de retourner derrière les barreaux. Ce serait la mort. Jamais. Très doucement, il dépose le bidon quasi vide sur le sol. - “LUCK: Heu. On ne peut pas.” Le Réseau ne tolère aucune délation. C’est dans le code. Donner le nom du commanditeur c’est signer leur arrêt de mort quoi qu’il en soit. Londres n’est pas pour les enfants de chœur.
Que faire pour se dépêtrer de ce plan raté ? Ce qui est sûr c’est que le temps file. Plus que trois minutes.
LEGENDE: ZAC - DAMIA - M. Hammond (le client) - LUCK - RONALD
