L’hiver est froid cette année. Les infos locales ont chaque jour un dossier sur des canalisations qui pètent. Les gens ont froid. Parce que le Brexit a coupé l'île de ses plus gros fournisseurs en énergie. Les usines à charbon ont été réactivées, certes. Mais les besoins sont bien plus importants. Fournir tout le monde pendant ces vagues glaciales est compliqué.
La Chambre avait été obligée de reconnaître un état préoccupant.

Le pays n’est pas dénué de solidarité. Londres a un tissu associatif plutôt important. Il y a une volonté du peuple anglais de se serrer les coudes. Mais ce n’est pas tout à fait vrai de dire que la chaleur humaine suffit. Il faut aussi du courant, du bois, du mazout pour chauffer un foyer.
Sanders, sensible à ce qui se passe en ville, s'est proposé pour donner un coup de main. Derrière la désinvolture du flic, il y a aussi un gamin qui a grandi dans un village basé sur l’entraide.

Il a donc retrouvé le chemin d’une association pour les jeunes du quartier. Il apporte surtout un coup de main pour la cuisine. Ayant toujours vu ses parents aux fourneaux, il sait tout le bonheur que peut donner la bouffe. Il ne se donne jamais la peine de cuisiner pour lui. Il préfère aller vers la facilité. La nourriture grasse et rapide qui remplit le bide.
Ceci dit, depuis qu’il a emménagé chez Miss Kapoor, il investit un peu la superbe cuisine aménagée.

Il saisit les hences de l’immense gamelle pour la ramener au niveau du service. Les menus sont basiques. L’important est de donner un bon repas chaud. Ce soir-là poulets frits avec une bonne purée de patates. -”Attention. Chaud devant!” La vapeur lui chauffe le visage. Zac dépose le fardeau dans un sourire. -”On est à court de lait. Faudra le noter sur la liste.” Lance-t-il à la coordonnatrice.

C’est là que son regard accroche une silhouette qui passe devant les portes du local. -”Attention. Chaud devant!” Il dépose les moufles à la va vite et fait le tour des tables, pour foncer. Sanders slalome entre les tables et les gens pour atteindre l’entrée. -”Kieran !!” Ils ne se sont pas vues depuis un bout de temps. Zac avait l’intention de le contacter sous peu.

-”Hey! Attends-moi!” Même sous son bonnet, Zac est reconnaissable. Ça fait une dizaine d'années qu’il a pris le badge. Même si une petite partie de sa carrière s’est faite par des opérations d’infiltrations, il est d’abord un mec de London. Parvenu à la hauteur de son cadet, il sourit et lui fait une accolade. Zac à la fraternité dans le sang. Même si le boulot l’a endurci, il garde en lui une âme de protecteur. Il y a quelques personnes, comme ce jeune, qu’il ne faut pas toucher.

Il donne un coup de menton dans le vide. -”Body. T’as encore grandi.” Lui dit-il amusé. O’Mahony fait partie des jeunes sur qui il a tout le temps gardé un œil. Pendant qu’il en était à sa cure de désintoxication, il a même demandé au Tank de veiller sur eux pour lui. Une fois qu’on est de la meute de Zac on en sort plus.

-”Quoi de neuf ?” La neige tombe de nouveau. Zac oblique en direction du local. -”Viens. Je t’offre un chocolat.” Le flic fourre ses poings dans ses poches. -”Tu me racontera tout.” Peut-être même qu’il pourra lui dire ce qu’il en est de ce vol de matos chez les Irlandais, y a quelques mois de là.