Ce n'était pas vraiment le genre de Caleb de se déplacer directement chez ceux qui bossaient pour lui. Bien que ces derniers puissent lui envoyer des messages qui expliquaient qu'ils avaient de quoi faire avancer ses dossiers. Pourtant, il faisait une exception pour Damia. Peut-être aussi parce qu'il était dans le coin pour d'autres affaires et qu'autant faire une pierre, deux coups. Puisqu'elle s'était permise de débarquer un jour dans son bureau, alors qu'ils n'avaient pas rendez-vous. Il allait lui rendre la pareille. Pas que notre homme était rancunier, mais c'était aussi, parfois, sa façon de faire. En général, s'il se permettait de le faire, c'était surtout pour mettre les gens en porte-à-faux, pour les pousser dans leurs retranchements, les emmerder quoi. Pourtant, pour la détective, ce n'était pas l'effet recherché. Il venait juste prendre les informations à la source et le plus rapidement possible, pour ainsi savoir ce qu'il allait faire pour la suite.
La police semblait patiner sur l'affaire des enlèvements, les Evans pressaient les services qu'ils avaient à portée. Il était important que cette enquête ne reste pas ouverte et vienne à prendre la poussière sur une étagère. Alors si le juge pouvait avoir des pistes, qu'il donnerait à qui de droit, il était prêt à se mouiller, juste un peu. Puis en ce qui concernait Keenan et bien... il attendait de voir ce que Damia serait capable de lui donner, d'un peu... croustillant dont il n'était pas encore au courant.
Il n'était pas aussi préparer que cette dernière, alors qu'il entrait dans son bureau. Pas de sac de repas, pour amadouer la bête, pas même une cupe de café. Il n'était pas livreur, il était juge, comte en plus de cela. Ce n'était franchement pas sa façon de faire. Rapidement, sans attendre que l'assistant de cette dernière ne l'introduise dans le bureau principal, Blakemore était déjà en place.
- Madame Kapoor, j'ai cru comprendre que vous aviez des choses pour moi?
Voilà qui était bien rare que notre homme se retrouve dans ce bureau, c'était même peut-être la première fois. Elle avait plutôt tendance à venir à lui. L'inverse n'était pas réciproque. Alors même qu'il venait de poser sa question, il s'approchait d'une étagère, pour y regarder un instant, les titres de livres qui s'y trouvait. Curieux, sans aucun doute, montrant qu'il était maître en toute situation, assurément.
Le pauvre assistant s'excusait silencieusement auprès de sa patronne pour n'avoir pas réussi à arrêter le magistrat, mais à sa décharge, quand Caleb avait quelque chose en tête, il était bien difficile de l'empêcher d'arriver à sa destination. Et sa destination avait été ce bureau, pour prendre ses informations. Le comte n'avait pas prévu de rester longtemps, ce n'était vraiment qu'un passage éclair.
- Je ferai aussi long que les informations que vous avez à me transmettre. Se tournant alors vers elle, pour l'observer, mains dans le dos.
Gentleman, la balle était dans le camp de son interlocutrice. A elle de faire au plus vite, s'il dérangeait.
Notre entrevue pour le moins imposée avec ce cher Prem avait eu pour avantage de me doter d'un contact des plus intéressants. Le jeune journaliste avait la ténacité d'un chien de chasse conjugués avec les illusions de la jeunesse que beaucoup perdent quand ils découvrent le revers de la médaille, à savoir la corruption, les pressions des lobbys, et le pouvoir de l'argent. Trop souvent ils pensent qu'ils seront des chevaliers blancs, leur héroïsme et leur probité en bandouillère, sûrs de changer le monde et de défendre la veuve comme l'orphelin... jusqu'au moment où ils réalisent à quel point les puissants qu'ils veulent exposer peuvent leur nuire, et après des mois ou des années à lutter contre des moulins à vent, ils finissent souvent par changer leur fusil d'épaule, choisir la tranquillité des rubriques de chien écrasés ou des événements sans importance, laissant les vrais scandales dans l'ombre où ils s'y complaisent... Lui n'a pas encore été gagné par la lassitude, et nous étions tombés d'accord sur un arrangement : la moitié de mes contacts contre tout ce qu'il était arrivé à rassembler sur les événements en Ecosse... Le marché était plutôt intéressant, et dès que j'avais récupéré la précieuse clé USB contenant ce dont j'avais besoin, j'étais rentrée chez moi. Je m'étais appliquée un long moment à sélectionner dans ma liste ceux que j'étais prête à lui communiquer, gardant bien évidemment les plus importants, les plus puissants et les plus étonnants, ceux que j'avais travaillés au corps pendant des semaines voire des mois, ceux contre qui j'avais mené de vraies enquêtes afin d'avoir des moyens de pression, et qui n'avaient accepté de collaborer avec moi qu'à condition que sois la seule à leur parler, et que jamais personne ne sache nos petites combines. Je lui prépare donc une liste "inoffensive" mais qui pourra quand même l'aider, et envoie un message eux heureux élus qui s'y trouvent histoire qu'ils ne s'étonnent pas d'être contactés par un petit jeune qui veut changer le monde. Quant à la clé, elle est soigneusement rangée dans un de mes coffres.
Les deux jours suivants je suis prise toute la journée par une enquête urgente qui demande pots de vins et filatures, et quand je rentre passé 22h je n'ai pas la foi d'aller embêter ce cher juge, qui de toute façon va m'envoyer sur les roses si je viens le déranger dans son antre. Il y a une sorte de règle tacite entre nous, depuis des années, qu'on ne se croise que sur nos lieux de travail ou d'enquête, dans des restaurants ou des bars en ville, mais jamais dans ce qui touche à notre sphère privée... Curieux pour des amants occasionnels, qui n'ont jamais connu le lit l'un de l'autre mais c'est aussi en partie ce qui fait le charme pimenté de ce qu'on a lorsqu'on se décide à y succomber. Et ce matin, comme tous les autres, je descends faire mes longueurs dans ma piscine au sous-sol, remonte boire mon thé, enroulée dans mon kimono en soie en lisant le Times, et à neuf heures, comme une horloge, hissée sur mes escarpins et prête, je regagne mon bureau où mon fidèle assistant me rappelle les rendez-vous de la journée, les coups de fil à passer et autres, et je le remercie avant de m'asseoir à mon bureau, profitant qu'il retourne au sien pour admirer son postérieur rebondi bien dessiné par son jean de couturier. Une fois la porte refermée je me mets au travail, reprenant les notes d'une affaire en cours lorsque la porte s'ouvre à la volée, et que mon charmant juge poivre et sel fait son entrée comme s'il était chez lui, se passant d'un bonjour ou d'une quelconque introduction. Derrière lui mon pauvre assistant me lance un regard désolé et je le rassure d'un sourire avant de le congédier d'un petit geste. Je me lève et m'approche de mon invité surprise.
Mon cher juge, quel plaisir de vous avoir ici! Vous souhaitez boire quelque chose?
Je le laisse répondre et une fois la porte fermée et qu'on est seuls tous les deux je me rapproche de lui alors qu'il s'est déjà planté devant l'étagère derrière mon bureau, remplie de livres divers et variés. J'admire toute l'énergie qu'il dépense pour montrer à quel point c'est lui le patron, et à quel point il se croit mon "supérieur". A sa place je serais épuisée. Je m'assieds sur le rebord de mon bureau, croisant les jambes afin de faire remonter ma robe fourreau sur mes cuisses, et souris en coin en l'entendant me faire une réflexion sur le fait de "faire long" et à son double sens.
Caleb, comme on dit... plus c'est long mieux c'est non? Même si tu te débrouilles bien en temps limité je dois le reconnaître... J'ai rarement vu un homme mettre autant de coeur à l'ouvrage pour ne pas être en retard à une audience ou à son rendez-vous suivant...
J'ai un léger rire chaud, m'amusant d'avance de la mine offusquée qu'il va faire, avant de croiser les bras sur ma poitrine.
Et j'ai ce que tu demandes... J'ai réussi à mettre la main sur un nouveau contact qui est arrivé à dégoter des informations de première main... Et il en sait plus que le Yard lui-même sur qui s'est passé là-bas... Chose promise...chose due... Tu te rappelles de notre petit arrangement? A propos de mes clients?
Bien entendu, il n'était pas évident de déstabiliser une femme comme Damia. Elle n'avait pas peur de lui et Caleb le savait pertinemment. Ce n'était pas totalement le but de sa visite, mais il appréciait parfois surprendre les gens là où ils ne l'attendaient pas. De plus, il attendait avec une certaine impatience des réponses à ses questions. Alors quand elles ne venaient pas à lui, il allait au front, pour les chercher. Il doutait pourtant que sa visite soit autant un vrai plaisir que son interlocutrice pouvait le dire.
- Mmm... un café.
Pas difficile comme homme, au niveau de ses goûts, notre juge. Mais c'était surtout pour dire quelque chose, s'il était ici, ce n'était pas pour discuter le bout de gras autour d'une boisson, mais bien de savoir où en était l'enquête qu'il avait demandé à la détective. Si elle prenait trop son temps, leur petit accord pourrait bien tomber à l'eau et ses clients pourraient se retrouver plus rapidement que prévu dans sa Cour, pas dit que cela plaise aux intéressés. Ni à la belle détective, d'ailleurs.
Alors que Blakemore s'était tourné pour lui faire face, il laissa un instant son regard dériver sur sa personne, il savait parfaitement qu'elle mettait souvent en avant tous ses atouts face à lui, mais se laissait parfois encore avoir, il ne pouvait pas nier qu'elle l'attirait et elle le savait parfaitement, voilà pourquoi elle en jouait. Et bien entendu, la petite pique sonore était, elle aussi, faites pour continuer sur ce plan. Il haussa simplement un sourcil, tout en la fixant.
- Il n'y a rien de plus ennuyeux qu'une situation qui s'éternise, Damia. Je n'ai pas de temps à perdre. Ce qui finalement, répondait tout autant à son sous-entendu. C'était un homme occupé, important, qui estimait que son temps était précieux, même pour leurs petites parties de jambe en l'air. Il ne s'attardait que rarement, car l'envie une fois assouvie, ils avaient mieux à faire, l'un comme l'autre. Alors?
Le comte prouvait donc une nouvelle fois, que oui, son temps était important. Même si pour une fois, il n'avait pas un nouveau rendez-vous ou une audience juste après. La détective lui confirma alors qu'elle avait bel et bien ce qu'il souhaitait. Parfait, cette affaire pourrait donc, enfin, avancée un tant soi peu! Et dire qu'il fallait qu'il mette les mains à la pâte pour voir les choses avancées... il était bon de se demander à quoi l'on payait les forces de l'Ordre...
- Parfait. Puis-je voir ces informations? La fixant un instant. Je ne suis pas encore atteint d'Alzheimer... le dossier est sous la pile, comme convenu. Bien entendu, si ce que vous allez me donner ne convient pas, il reviendra à sa place initiale et je me moque bien de la préparation ou non, de l'avocat de vos clients...
Ce n'était pas une menace, mais une simple énonciation des faits. Mieux valait que ce que Damia avait obtenu, soit réellement du sérieux. Mais, le magistrat disait cela plus pour la forme, connaissant les talents de la dame, il ne doutait pourtant pas qu'elle aurait du lourd à lui soumettre. Étonnamment, il lui faisait confiance pour cela.
- Qui est ce contact?
Comme dit, il ne remettait pas en doute les compétences de son interlocutrice, mais savoir d'où venait les informations, permettrait d'en déduire plus sérieusement encore, l'authenticité. Ce n'était pas une affaire où l'on pouvait se permettre d'affabuler sur des faits. Car c'était trop grave, pour que l'on donne du poids à des fausses affirmations.
J’ai eu peur des hommes jusqu’à un moment précis. J’ai été élevée dans l’idée que c’étaient les hommes qui dirigeaient les pays, les entreprises, et aussi les familles, que tout passait par eux, que tout était géré par eux. On a grandi que c’était normal, qu’on devait se contenter des miettes qu’ils nous laissaient, de la petite part d’autonomie qu’ils daignaient nous accorder, comme un maître jette un os à son chien. Et le jour où ma mère a découvert le stratagème de mon père, lui avoir menti sur son identité et leur mariage, disparaissant du jour au lendemain en la laissant sans rien, j’ai découvert qu’en fait, s’ils avaient le pouvoir, c’est qu’on avait été conditionnées à le leur laisser. Le jour où j’ai compris ça, je n’ai plus tenu pour acquis que ce soit un homme qui dirige, je n’ai plus établi la normalité de leurs droits, de leur pouvoir, et bon sang ça a été libérateur! Dès lors j’ai montré du respect oui, mais d’égal à égal sans m’effacer ou baisser les yeux, sans m’excuser d’être celle que j’étais et de vouloir ce que je souhaitais. Jamais plus.
Bizarrement, il n’y a rien de plus perdu qu’un homme qui vacille sur ses principes et ses acquis. Un homme dont on ne rentre pas dans le jeu, mais dont on analyse le comportement de loin, comme un scientifique observe des fourmis ou des insectes. Dès qu’on commence à fonctionner comme ça, je peux vous garantir que les hommes deviennent de petites créatures très amusantes qu’on peut manipuler tellement facilement, en piquant leur égo dans la bonne direction. C’est pour ça qu’il en faut clairement plus pour m’impressionne ou même me faire réagir quand il arrive en trombe dans mon bureau, ayant décidé de façon consciente de ne pas me saluer et de faire comme chez lui. S’il avait moins de manières, il aurait même pu pisser sur le bureau pour marquer son territoire. Et intérieurement, ça me fait rire. Je l’amadoue en jouant la carte de l’hospitalité et envoie un message depuis mon ordinateur à mon assistant pour qu’il nous prépare tout ça, avant de revenir près de lui, discuter du sujet qui l’amène, et lui lancer une petite pique en ramenant la conversation sur nos ébats passés.
Oh je suis totalement d’accord avec toi... Il vaut mieux être rapide et efficace qu’être mou et s’éterniser...
Encore une fois il surjoue tellement l’homme important, l’homme déterminé que ça en devient risible, comme un mauvais comédien qui passerait du théâtre italien, tout en explosion et en sur-jeu, à des pièces nordiques tout en retenue et en sobriété. Il en perd sa crédibilité mais dans un sens, ça le rend plus humain et plus attachant. Et j’aime le faire mariner en faisant durer le suspense, une petite dose de sadisme pour le punir par là où il a pêché, avant de tout lui révéler sur mes récentes informations obtenues.
Bien sûr. Je comptais te prévenir hier que je les avais reçues mais je suis rentrée tard d’une mission. Les grands esprits se rencontrent, comme on dit...
Toujours assise sur le coin du bureau je me penche un peu en arrière pour ouvrir le premier tiroir et en piocher une petite enveloppe en kraft dans laquelle se trouve une enveloppe, plus petite, contenant la clé USB. Je la lui tends.
Ne t’en fais pas, j’ai vérifié ce que contiennent ces dossiers et c’est... explosif. Beaucoup de têtes pourraient tomber grâce à ça. D’ailleurs, j’espère que tu te rends compte qu’en monnayant ces informations au plus offrant ou à la presse j’aurais eu de quoi prendre ma retraite mais je tiens à notre petit partenariat alors...tu en as l’exclusivité. Si tu veux jeter un œil directement à ce qu’elle contient, tu peux les ouvrir depuis mon ordinateur. La connexion est sécurisée, personne ne peut espionner ce que tu fais ici...
Je souris en coin à sa question et penche légèrement la tête sur le côté.
Un jeune journaliste encore plein d’idéaux et de rêves de justice. Les meilleurs, comme tu sais. J’ai vérifié ses sources et ses contacts, c’est du solide. On est loin du complotiste nourri de vidéos YouTube et de forums obscurs... Mais je ne te dirai pas son nom. Je compte bien me le garder encore au chaud... c’est un atout précieux...
Soyons honnête, Caleb se moquait profondément de ce que l'on pouvait penser sur lui. Voilà longtemps qu'il avait appris à ne pas s'inquiéter du jugement des autres. Qu'on l'apprécie ou non, ce n'était pas vraiment son problème. Lui, tant qu'il était bien avec sa propre personne, le reste n'avait guère d'importance. Et même si Damia pouvait parfois le trouver bien trop hautain, il savait qu'elle appréciait ces moments de plaisirs volés et que quelque part, elle revenait vers lui pour ça. Donc... finalement, ils y trouvaient tous deux, chacun leur compte. Même si pour le coup, notre homme ne souhaitait que des réponses.
Il n'aimait pas, par contre, qu'on le fasse attendre, son temps, encore une fois, était précieux. Alors mieux valait aller rapidement droit au but. Tourner autour du pot pouvait avoir tendance à le rendre encore plus désagréable qu'il ne savait l'être généralement. Pas de doute que la détective le savait, puisque finalement, même si elle lui expliquait qu'elle aurait pu venir plus tôt mais ne l'avait pas fait pour cause de beaucoup de travail, finissait par lui tendre l'objet de ses désirs. Parfait, des informations.
Pourtant, le juge fût quelque peu surpris d'entendre qu'il y avait autant d'information brûlante. Il fronça même légèrement les sourcils, alors que sa main se refermait sur l'enveloppe qui contenant la précieuse clé USB. Qu'il rangeait bien rapidement dans la poche interne de son veston, tout en fixant son interlocutrice.
- A ce point? C'était presque inquiétant, si c'était le cas. Surtout si autant de têtes pouvaient tomber avec ce qu'il avait sur lui. Vous en avez fait une copie? Mieux valait savoir à quel jeu ils jouaient tous les deux et si elle veillait à ses arrières, comme souvent. Une vraie professionnelle... lâcha-t-il pour toute réponse à sa façon de lui expliquer qu'il avait la primeur sur le cash qu'elle aurait pu se faire grâce aux informations qu'ils avaient entre leurs mains. Peut-être que si certaines choses ne me regardent pas, vous en ferez ce que vous voulez....
Lui se moquait bien de ces choses, tant que cela ne le touchait pas personnellement ou un quelconque membre de l'Ordre, bien entendu. Il secoua légèrement la tête à sa proposition de regarder les dossiers sur son ordinateur.
- Merci, mais je ferai ça, là où je ne serai pas dérangé.
Car entre la présence féminine, celle de son assistant qui pouvait venir frapper à tout moment et le fait que lui-même, avait quand même un agenda à suivre, ce n'était ni l'endroit, ni le moment. Il aurait sans doute besoin de toute son attention concentrée sur ses lectures. Pas fâché d'apprendre que la source était fiable. C'était une bonne chose, sa tête faisait un petit mouvement positif de la tête, il n'avait rien contre le fait qu'elle le garde pour elle, c'était quelque chose de normale. Les flics faisaient pareil avec leurs indics. Il fallait bien que ces gens se croient protégés.
- Ce n'est pas un problème... l'observant un instant. Mais serait-il prêt à venir témoigner, si nous en avions besoin? Après tout, des informations c'est bien, un témoignage, c'est mieux. Même s'il allait d'abord étudier les dossiers, il valait mieux savoir quelles étaient les cartes qu'il avait en main, pour avancer.
- Il y a un dossier sur Keenan aussi?
Après tout, il lui avait demandé d'enquêté sur les enlèvements et aussi, sur Keenan. Autant savoir si tout était sur cette clé ou si elle avait encore un peu besoin de temps pour ça. C'était clairement moins pressé, Blakemore avait lui aussi, quelques priorités.
Allons Caleb, arrête de t'énerver ainsi et de dépenser tellement d'énergie à me prouver que tu es le patron, que tu es important et qu'on te doit le respect. Mon cher comte, personne ne te menace ici et tu peux tomber le masque au moins pendant une heure... S'il y a bien quelqu'un qui peut le comprendre et l'accepter tel qu'il est, c'est bien moi, qui gravite dans le même monde que lui, dans la mer des Sargasses qu'est l'univers de la politique britannique, sauf que je suis le plus beau des requins et que je n'ai aucune honte à lui faire comprendre qu'il me plait, et que ce qui se passe lorsqu'on est seuls ne concerne que nous, et ne sera pas répété. Ca me fait du bien, ça m'aide à relâcher la pression, comme une bonne séance de massage, et en plus c'est un bon coup alors... Il devrait comprendre qu'il gagne plus à me voir et agir avec moi comme une alliée, et pas son ennemie. Et je suis beaucoup trop expérimentée pour marcher dans ses combines.. Enfin, il ne semble pas d'humeur à jouer alors je coupe court et attrape l'enveloppe soigneusement préparée qui l'attend depuis que j'ai réussi à obtenir des informations sur la tuerie en Ecosse, sur laquelle la police piétine encore. Je le vois attraper la clé USB et la faire disparaître dans les tréfonds de son veston sur mesure qui sort d'un tailleur de Saville Row, son regard de chasseur toujours fixé sur moi.
Oh oui, à ce point... Et évidemment, j'ai fait des copies. Je ne suis pas tombée de la dernière pluie, et surtout, je ne suis pas stupide... Je garde les doubles ici, pour mon...utilisation privée, mais je te laisse la libre utilisation publique de ce que j'ai trouvé... Pas besoin de t'inquiéter d'éventuelles fuites donc...
J'ai un léger rire quand il veut se faire passer pour un bon prince et qu'il m'autorise gentiment à exploiter comme je le souhaite les informations que lui ne jugera pas nécessaires, et je m'incline, mimant une révérence accompagnée de deux ou trois mouvements du poignet.
Oh mais votre majesté est bien aimable! C'est trop d'honneur, vraiment, je n'en suis pas digne...
Je secoue doucement la tête, souriant toujours pour lui montrer que je ne suis pas dupe, et que je suis son égale, pas sa subordonnée, avant de pencher la tête sur le côté.
Mais tu ne seras pas dérangé ici, je peux te laisser la pièce pendant un petit moment, ou tout simplement envoyer mon assistant en ville pour nous laisser seuls...
D'ailleurs comme s'il nous avait attendus, Arun toque quelques coups légers avant de pousser la porte, et dépose un plateau fumant contenant une théière remplie, deux tasses, du lait, des morceaux de citron et quelques petites choses à grignoter, avant de s'effacer sans un bruit comme un vrai fantôme. C'est drôle qu'un homme qui sache être si discret en temps normal puisse faire autant de bruit au lit... Je jette un oeil à ses courbes alléchantes alors qu'il referme la porte derrière lui, avant de reporter mon attention sur Caleb qui affiche toujours le masque d'un faux sérieux presque exagéré. Je sors de ma rêverie quand il se remet à parler et il me faut une seconde pour comprendre que c'est de Prem dont il parle, pour savoir à quel point il va pouvoir l'utiliser, et/ou s'appuyer sur lui. Je me lève pour aller me laisser retomber sur un des deux canapés qui se font face dans un coin de mon bureau, me penchant pour attraper un bout de citron que je fais retomber dans la tasse avant la porter à mes lèvres, et souffler légèrement dessus. Je sais qu'il déteste quand je le fais attendre. Et justement j'adore ça. Je lui fais signe de venir me rejoindre et de s'asseoir.
Oui. C'est un idéaliste, si tu le fais témoigner contre ceux qui ont orchestré tout ça, il sera au premier rang et ravi de le faire... Ca pourrait être une carte utile dans ta manche, même si vos contacts passeront par moi, bien évidemment...
Je me fige un peu lorsqu'il parle de Jessica et je bois une gorgée de thé, le temps de me laisser quelques instants de réflexion, avant de reposer la porcelaine chinoise sur la soucoupe et me tourner vers lui, un bras venant reposer sur l'accoudoir, et croisant les jambes.
Peut-être... tout dépend de pourquoi tu veux en apprendre plus sur Jessica... Est-ce que tu la soupçonnes de quelque chose? Ou tu penses qu'elle est mêlée à quelque chose? Si tu veux que je fouille, il faudra au moins me donner une direction dans laquelle creuser...
Cette femme ne laissait rien au hasard. A force de la côtoyer, Caleb l'avait compris, mais elle le lui prouvait encore une fois. Il n'avait rien contre le fait qu'elle fasse des copies, tant qu'en effet, il n'y avait pas de fuite. Pas pour le moment, ce qu'il s'était passé en Écosse était assez grave pour ne pas laisser les vautours se ruer dessus et surtout, éviter de mettre la puce à l'oreille aux commanditaires des enlèvements, s'il y en avait, bien entendu. Caleb était sûr que c'était le cas. Il fallait juste tirer le bon fil et il espérait que la détective et ses recherches les mettraient sur la bonne voie.
- Mmm... ça me semble être un bon compromis. De toutes les façons, avait-il le choix? Le juge savait parfaitement que cette femme n'avait clairement pas peur de lui et qu'il aurait difficilement du mal à l'empêcher de faire quoi que ce soit. Tant qu’il n’y a pas de fuites, en effet. De toutes les façons, je saurai qu'elles viennent d'ici, si cela arrivait...
Elle se foutait de sa tête, bien entendu. Mais elle avait raison, il était bien trop aimable. Son regard noir l'observait sans pour autant montrer une quelconque émotion. Il avait l'habitude des petites taquineries de la dame. C'était pas la première fois, ça ne serait pas la dernière et il savait, qu'elle aimait le chercher, jusqu'au point de non-retour. Et sans le dire tout à fait clairement, Damia faisait part de ses attentions. Un moment en tête-à-tête... son regard continuait de la fixer, en silence, puisque l'assistant de cette dernière entrait à nouveau dans la pièce, pour amener de quoi boire. Il suivait le tout, avant de venir s'installer face à elle, s'asseyant sur le deuxième canapé, pour se servir à son tour du thé. Oui puisqu'il l'avait demandé, autant le boire, quand même.
- Bien évidemment. Elle rêvait sans doute de croire qu'elle pourrait suivre les échanges du juge et du journaliste. Si elle pourrait être là au départ, Blakemore ferait ensuite de passer outre. Il n'aimait guère devoir dépendre des gens, parce qu'avoir un intermédiaire, risquait de faire perdre du temps et des informations importantes aussi. Si j'ai besoin de le contacter, je vous le ferai savoir.
La tasse était attrapée, pour en boire une gorgée. Kapoor montrait alors peu de réticence à accepter de mettre le nez dans les affaires de Keenan. Il savait qu'elles étaient "amies", qu'elles évoluaient dans le même monde. Voilà pourquoi elle était la plus à même de lui donner des informations sur l'avocate, que ça lui plaise ou pas.
- Oh, je la soupçonne de pleins de chose, c'est sûr. Après tout, elle traîne avec des criminels de haut rang, elle les défend, est bien payée pour cela et je suis certains qu'il n'y a pas que cela. Elle est bien trop sûre d'elle pour qu'il n'y ait pas quelque chose d'autre, mais si je savais ce que c'était, je ne profiterai pas de vos... talents d'enquêteuse. Avec un léger sourire, charmeur peut-être? Il montrait juste que lui aussi, savait passer de la pommade. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce qu'elle trafic et surtout, pour qui. Est-ce suffisent pour un début de recherche? Mais si c'est trop vague ou que votre morale finalement, vous empêche de toucher à vos connaissances... je comprendrai.
Alors là oui, il tentait un tacle, pour la piquer, que son orgueil de chasseuse se réveil et qu'elle prenne l'affaire à pleine main. C'était ainsi qu'elle marchait non? A la carotte?
On dirait qu’à force de jouer avec moi il comprend de plus en plus vite que je ne suis pas un de ces jeunes avocats tout juste sortis de l’école qu’il pourra facilement impressionner grâce à sa réputation, ou un de ces procureurs fraîchement nommés qui auront bien trop peur de faire le moindre faux pas pour oser le contrarier. Et je sens bien qu’il tombe le masque plutôt vite même. Au début de notre « collaboration » il pouvait rester des heures à jouer les collet-monté pour en imposer mais je ne suis pas du genre à tomber facilement dans le panneau, même si parfois je me demande s’il fait exprès de me prendre pour une idiote ou si ses piques tendent à un but bien précis, comme sa remarque sur la sécurité des informations que je lui donne.
Caleb, vraiment. Tu penses que je pourrais être aussi peu professionnelle? Une bourde de ce genre et je peux changer de métier, car toute ma réputation et ma crédibilité seront foutues. Crois moi quand je te dis que s’il y a une fuite, elle ne viendra pas d’ici c’est une certitude.
Une petite collation arrive bien à propos, portée par mon cher assistant et je me demande bien comment il arrive à tomber à ce point à pic. A chaque fois, on dirait qu’il sait très exactement quand apporter tel document, un plateau de thé, me signifier que quelqu’un souhaite me contacter même si ce n’est pas le cas, pour me sortir d’un mauvais cas par exemple, sans avoir rien besoin de lui demander. C’est une sorte de lien télépathique assez extraordinaire quand on y pense, ce qui le rend d’autant plus précieux... Le meilleur secrétaire que j’aie jamais eu.
Il conclut les informations que je lui donne sur Prem et le conditions que je pose par un accord qui me fait hocher la tête.
Très bien, on pourra organiser des rencontres ici, en terrain neutre et non surveillé...
Je m’installe la première dans le coin salon de mon grand bureau, face aux portes vitrées donnant sur le petit jardin verdoyant qui agrémente l’arrière de la maison, un plaisir rare pour le centre de Londres. Je souris en coin quand je vois qu’il cède en acceptant une tasse, signe qu’il n’était pas aussi pressé qu’il voulait me le faire croire, et j’avoue que j’adopte une attitude bien plus neutre lorsqu’il parle de Jessica, préférant rester un peu en retrait le temps qu’il me dise clairement ce qu’il attend de moi, pour savoir comment réagir. On ne fait pas tapis au premier tour de poker, c’est bien connu. Je finis par éclater de rire, me détendant un peu dans les coussins moelleux, mes doigts caressant rêveusement le bord de l’accoudoir.
Hmmm de la flatterie et un défi ensuite... cher comte tu deviens prévisible attention! Et pour Jessica... bien sûr qu’elle est spécialisée dans les dossiers pourris de ceux qui ont les moyens de payer cher, très cher les services de quelqu’un acceptant de plonger ses mains manucurées dans un bon gros tas de merde, si tu me pardonnes l’expression. Nous sommes amies, je la connais bien, et ce que tu me demandes... eh bien c’est trop vaste. Évidemment qu’elle est comme moi, qu’elle a des preuves contre un peu tout le monde et que ses tiroirs sont remplis de documents compromettants et preuves directes, c’est ce qui fait son fond de commerce! Donc encore une fois, je ne peux pas débarquer chez elle, et tout embarquer pour le simple plaisir que tu aies de la lecture ce soir. Si tu veux que je trouves des information sur un dossier précis, tu n’as qu’un signe à me faire, mais je ne peux pas te donner l’intégralité de ses dossiers allons...soyons sérieux...
Caleb avait tendance à comprendre rapidement qui il pouvait avoir en face de lui. Ce qui ne l'empêchait jamais d'observer longtemps, tout en jouant l'être le plus imbuvable qu'il savait être. Pourquoi? Parce que c'était un test, tout était toujours un test avec lui. Jusqu'à réussir à atteindre un certain niveau, ce que peu pouvait se targuer d'avoir réussi. Damia avait au moins la réussite d'avoir suffisamment rendu notre dragon curieux et en besoin de ses services, pour qu'il reste en contact avec elle. Lui qui pouvait avoir du mal avec les femmes trop affirmées, il continuait pourtant à demander ses services... parce qu'il savait mettre de côté certains de ses ressentis de vieux con, pour prendre le talent quand il le voyait. C'était ainsi, il n'avait honte de rien, il était comme ça et l'assumait totalement.
Tout comme ce qu'il disait. Elle pouvait être totalement sûre de ses niveaux de sécurité, lui le remettrait toujours en doute, car il savait que rien n'était totalement sûre à 100%. Il y avait toujours une brèche quelque part, un moyen d'entrer qu'on le veuille ou non. Car certains avaient les capacités et les moyens de le faire. Pourtant, Damia avait raison, ce serait bien mal vu pour sa réputation qu'elle perde ainsi des informations.
- Mmm....
La tasse était menée lentement à ses lèvres pour prendre une gorgée de son thé. Alors qu'il la fixait de son regard noir. On aurait pu croire que son esprit s'égarait un instant sur la vision de cette femme si bien installée, mais ce n'était pas là-dessus que son esprit errait. Il était plutôt en train d'observer ses réactions, de voir sur son visage s'il y avait quelque chose qui pourrait la déranger. Mais elle s'amusait finalement de sa tentative, il eut une légère moue, pas vexé mais presque. Ce que le juge nota pour autant, c'était bien le fait qu'elle était prête à lui donner des informations sur son amie, mais il se devait d'être plus précis... ah la fidélité en amitié...
Il ne pouvait pas nier non plus que Keenan n'avait aucune peur, aucune honte à se salir les mains. Elle avait bien compris que pour bien gagner sa vie, pour son train de vie, c'était la manière la plus simple. Ce n'était pas en voulant sauver la veuve et l'orphelin qu'on se créer un empire. Il se grattait légèrement la joue, tout en notant bien qu'il lui fallait affiner sa demande pour obtenir des réponses, mais il ne connaissait pas assez bien toutes les affaires que la rousse pouvait traiter.
- Je suis curieux. A-t-elle des dossiers sur les membres du palais? Au hasard, sur moi, par exemple. Vous pourriez me renseigner là-dessus?
Il se souvenait qu'elle l'avait approché de façon fort cavalière, avec une assurance qui pouvait faire penser qu'elle en savait plus que ce qu'elle ne voulait en dire. Le comte devait donc s'assurer que ce qu'elle pouvait savoir sur lui, ne risquait pas de poser problème. Il n'avait pas grand-chose à cacher, mais l'Ordre aimait qu'on reste loin de ses affaires. Ce qui était compréhensible. Sans compter que Blakemore préférait éviter d'avoir un jour cette avocate venant lui faire du chantage sans vergogne. Il savait qu'elle en était capable, puisqu'elle l'avait surprise en train de le faire. Il ne tenait pas à en être victime à son tour. Alors mieux valait la prendre à son propre jeu, le plus rapidement possible.
Je me retiens de rire encore une fois quand notre cher comte persévère dans son rôle de drama queen imbuvable, prenant tous les prétextes pour être désagréable et me remettre en question, ainsi que mes méthodes. Mais quelle énergie tu dois déployer à toujours trouver quelque chose de désagréable à dire, à trouver encore et toujours des failles dans ce qu'on te présente et ce que tu vois. Pourtant je ne suis pas dupe, et je sais bien que si tu en es arrivé là, c'est en partie à cause de cela, au fait de ne faire confiance à personne, d'être un bourreau de travail qui ne délègue à personne au risque que ce qui doit être fait ne le soit pas comme tu le voulais, à savoir mené à la perfection. Parce que tu te méfies de l'échec et parce que tu n'aimes pas partager la gloire, tu aimes que tes réussites n'incombent qu'à toi seul... Mais pourtant, depuis qu'il est arrivé ici en trombe, offrant un éventail impressionnant de façons de se montrer impoli et me mettre hors de moi, je remarque que j'ai gagné chaque bataille même la guerre n'est pas finie. Il m'a écouté, je lui ai fourni des informations importantes et valables, je lui ai prouvé que je n'avais aucun intérêt à le doubler, il est même arrivé à s'asseoir boire une tasse de thé. Mais la consécration arrive avec son ''Mmmm" qui veut dire énormément de choses. La plus importante étant que là, tout de suite, il n'a rien à redire, à critiquer ou à reprocher.
Un point pour toi Damia. Tu es arrivée encore une fois à faire plier notre cher comte. Et ce qui est fou, c'est que ça a l'air de lui coûter tellement de reconnaître que quelqu'un, en dehors de lui, puisse faire du bon travail, ou au moins ne pas avoir de critique à faire... Et ce simple "Mmmm" est une reconnaissance de talent et un aveu de réussite qu'il est trop fier pour énoncer clairement, à haute voix... mais je m'en contenterai, parce que je sais que j'aurai rarement mieux... Ce n'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces comme on dit. Assise face à lui je déguste mon thé, celui que ma mère m'envoie tous les mois dans un colis plein de choses de chez nous et ce depuis que je suis arrivée ici... J'entends d'ailleurs d'ici ma grand mère répéter à qui veut l'entendre que les anglais ont le palais trop délicat, et qu'ils savent ruiner toute bonne cuisine à partir du moment où elle arrive chez eux. Elle a clairement raison, car même la nourriture indienne, cuisinée par des locaux ici, n'a pas le même goût... comme si pour savourer totalement un plat indien, il fallait avoir l'odeur des fleurs de corrosol, le brouhaha du capharnaüm de la rue plus bas, et un fond de télé avec une voix nasillarde chantant en hindi... On enlève ça, on perd des saveurs... Et même les meilleurs thés d'ici, que ce soit Fortnum & Mason et autres maisons de luxe n'arrivent pas à égaler ceux des petites boutiques sur place, surtout celui que je tiens entre mes mains, venant directement des plateaux du Kerala et qui me vaut de multiples compliments... J'ai même réussi à obtenir des informations en échange d'un paquet de ce thé, c'est dire... Mais bon, revenons à nos moutons et à notre juge coriace, à qui je laisse de longues secondes de réflexion, avant qu'il ne se décide à reprendre la parole. Et quand je l'entends j'éclate d'un rire franc, basculant la tête en arrière, mes longs cheveux cascadant sur mes épaules.
Oh Caleb, vraiment? Mais évidemment qu'elle a des dossiers sur les membres du palais! Comme de tout le gratin! Et bien sûr qu'elle a un dossier sur toi... Par contre je ne sais pas ce qu'il contient... On est amies mais on est aussi des femmes d'affaires et on ne se fait pas lire nos derniers ragots comme deux ados qui s'échangent leurs journaux intimes... Mais oui je peux aller me renseigner... Peut-être que ça me, ou te coûtera une faveur... Je te tiendrai au courant de ce que je trouve et de ce qu'elle me demandera, éventuellement...
Je n'ose pas lui dire que si, on échange souvent des ragots et des potins de notre milieu, parce que ça nous amuse et aussi parce qu'on est peu avec qui ''parler boutique" comme on dit. Mais ça, il n'a pas à le savoir... on a bien le droit à nos petits secrets non? Surtout que je ne lui dois rien, c'est un allié de poids, important qui m'est d'une aide précieuse, mais ce n'est ni un ami, ni un proche, juste un amant occasionnel. D'ailleurs... en parlant de ça... j'ai un peu de temps devant moi, et son air bougon a le don de m'émoustiller un peu, sans doute parce que j'ai envie de lui faire tomber le masque, juste un peu. Croisant et décroisant les jambes je jette un oeil à ma montre avant de pencher légèrement la tête sur le côté.
Et maintenant que tu as tes informations, tu vas partir tout de suite ou tu as un peu de temps à perdre?
Subtile mais pas trop, il est bien assez grand pour comprendre, surtout qu'il me connaît bien!
Si Damia pouvait voir leurs échanges comme des combats à gagner, ce n'était pas le cas de Caleb. Lui estimait qu'il avait déjà gagné. Bien qu'il ait besoin de ses services, c'était lui qui menait la danse, puisqu'il pouvait parfaitement décider, s'il le voulait, de ne plus l'utiliser et partir chez quelqu'un d'autre. Il usait des talents des gens qui l'entouraient, parce qu'il savait depuis bien longtemps, que réussir dans la vie, c'était aussi de savoir s'entourer. Que ce soit au travail ou dans la vie privée. Certes, il était parti avec un avantage dès sa naissance, mais pourquoi ne pas en profiter?
Il ne comprenait pas ce qu'il y avait de drôle, lui était plutôt sérieux pour le coup. Il ne voulait pas avoir un coup de retard face à Keenan, ou qui que ce soit d'autres d'ailleurs. Pas envie de risquer de se retrouver dans une situation où il ne maîtriserait pas tous les tenants et les aboutissants. Ses paroles n'étaient pas faites pour lui plaire. Que Jessica puisse avoir des dossiers sur tout le monde n'était pas rassurant. Il lui faudrait vraiment pouvoir mettre la main dessus. Si elle savait pour le fait qu'il pouvait ne pas toujours être fidèle, il s'en moquait, mais si c'était des informations plus secrètes, plus importantes, il lui faudrait peut-être prendre des mesures. Drastiques?
- Quel dommage... alors qu'elle précisait qu'elles ne se partageaient pas toutes leurs informations. Etait-ce étonnant? Connaissant Damia, pas vraiment non. Elle protégeait ses sources, c'était bien la même chose du côté de l'avocate. Ce qui tira une petite moue chez le juge, on donnait trop de pouvoir à ces femmes. Il posait la tasse sur la table. Nous sommes dans un monde où rien n'est gratuit, je m'en doute. Tout dépendra de la faveur.. si c'était à lui qu'on la demandait, bien sûr. Il ne s'occuperait pas de savoir ce que la détective aurait à faire pour en savoir plus. Mieux valait séparer les choses. Tenez-moi au courant. Le comte était prêt à beaucoup de chose, pour garder un semblant de paix dans sa vie. Ce n'était pas à son âge, qu'il allait accepter de se faire emmerder par des avocates aux dents longues.
Son regard suivait un instant les mouvements des jambes, la courbe du cou, pas dupe, pas con, il entendait parfaitement le sous-texte de la question de son interlocutrice. Avait-il du temps à perdre, encore? Il avait pourtant dit qu'il était occupé, mais elle l'attirait aussi. Il grogna légèrement contre lui-même, pour cette faiblesse.
- Je ne perds jamais mon temps... il la fixa un instant. Qu'est-ce que tu proposes? Le simple fait qu'il change de pronom, était bien une preuve qu'il mordait à l'hameçon, mais peut-être qu'un petit moment de détente pourrait lui faire du bien, se vider la tête et repartir plus énergique que jamais. Mais si elle voulait que ça aille plus loin, à elle de faire les efforts pour qu'il en ait envie, vraiment.
Mon vieux dragon... depuis plusieurs années que je le pratique, dans tous les sens du terme, et il n'a toujours pas compris qu'être impoli ou mal élevé n'était pas une façon de montrer ou prouver son autorité... Je pense qu'il a clairement quelque chose à régler de ce côté là, peut-être une histoire de manque de confiance en lui latent, un vieux traumatisme s'étant déroulé dans les vestiaires d'un cours d'escrime, ou derrière les rideaux de sa nursery, qui sait... Je me dis juste qu'il doit constamment porter ce masque énervé et autoritaire pour une bonne raison, enfin, bonne à ses yeux, mais qui n'est pas au goût de tout le monde... J'ai de la chance d'être dans une position qui me permet de l'envoyer bouler si je veux, car nous sommes égaux dans nos rapports, on se rend service, il échange mes compétences ou mes informations contre de l'argent ou des faveurs, et je ne lui dois rien, car je déteste devoir quelque chose à quelqu'un en général, mais j'ai eu de nombreux échos comme quoi c'est une terreur au sein du Parlement et dans le système judiciaire britannique, connu comme le loup blanc pour son caractère de cochon et paradoxalement, sa droiture. Mélange explosif et détonnant.
Pourtant je ne peux pas me retenir de le mettre un peu en boite en lui faisant réaliser que malgré sa position prestigieuse et son titre de lord, on n'a pas toujours ce qu'on veut et c'est le cas ici... ce n'est pas parce que monsieur Blakemore exige qu'on lui serve toutes les informations sur un plateau qu'il va les recevoir d'un claquement de doigts, de ma part comme de celle des autres... Il n'est pas mon patron, il n'est pas mon seul client, et je ne vais pas risquer de me compromettre, et ruiner mon carnet d'adresses tout comme mes réseaux pour son bon plaisir... et puis j'aime bien lui faire comprendre que son pouvoir et ses exigences ont des limites. Je suis une peste? Oui, je sais. Je lui lance un sourire charmeur au possible quand je lis son visage une légère déception mêlée de frustration, bien qu'il le cache très bien.
Compte sur moi, si j'ai du nouveau, je reviendrai vers toi... J'ai peut-être quelques pistes mais... c'est confidentiel. Et je n'aime pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.
Après un petit coup d'oeil à ma montre je constate que j'ai un peu de temps avant mon prochain rendez-vous et j'avoue que ce petit duel m'a émoustillée alors...autant s'octroyer une petite parenthèse agréable non? Pourtant loin de moi l'idée de lui sauter au cou, je sais que ça serait la meilleure solution pour le faire se braquer et me repousser... Dans ce domaine aussi le juge aime l'affrontement et le combat... Pourtant je sens qu'il n'est pas totalement opposé à ma proposition quand, après avoir d'abord rétorqué qu'il ne perdait jamais son temps, il change de pronom pour s'adresser à moi et me demande ce que j'ai en tête. Il est ouvert à la négociation semble-t-il... et je souris en coin quand je comprends qu'il attend que je fasse le premier pas. Oui, mais subtil... enfin un peu. Abandonnant mon escarpin haute couture sur le tapis je viens très doucement effleurer son mollet avec mon pied, remontant lentement de la cheville jusqu'au genou, sans détacher mon regard du sien.
Caleb n'était pas du genre à se laisser mener par le bout du nez, ni à se faire emmerder très longtemps. Il préférait laisser les gens croire ce qu'ils voulaient, tant qu'ils finissaient par faire ce qu'il attendait d'eux. Il était patient, même si parfois il pouvait presser les gens. C'était une façon de montrer qu'il n'était pas commode, mais il savait que le temps, amenait toujours les gens à aller dans son sens, au final. Damia n'échappait pas à la règle. Même si tous deux, se manipulaient l'un et l'autre, à leur façon. L'important, était bien qu'ils trouvent chacun leur compte dans l'affaire, n'est-ce pas?
Finalement, elle allait faire le travail, c'était tout ce que notre homme voulait. Elle lui rappelait qu'elle menait la danse sur le coup, parce que tout était secret. Comme souvent, mais le secret n'était pas un problème pour le juge, il connaissait le monde. Dans son milieu, aussi, les choses étaient le plus souvent secrètes. Il n'avait pas besoin de tout savoir, tant qu'on lui donnait les informations dont il avait besoin. Si par la suite, Blakemore souhaitait en savoir plus, il avait d'autres moyens, du monde aussi dans ses contacts, qui pouvaient lui permettre d'avoir des informations bien cachée.
- Je sais, oui. Damia était une professionnelle, tout tenait sur sa réputation. Elle faisait parfaitement son job, il savait qu'il pouvait lui faire confiance à ce niveau. Le moment où il aurait les informations, il pouvait être sûr qu'elles avaient été checkées, doublement même. Bien.
Ce qui mettait un terme à leur échange, puisqu'ils trouvaient un accord. Le temps pourtant risquait de s'étendre un peu. Madame avait donc envie de s'envoyer en l'air et pour le coup, le comte n'y était pas si insensible que cela. Il aurait été bien idiot de refuser les avances d'une femme comme elle. Cette amante avait quelque chose qui lui convenait parfaitement, il n'y avait que le sexe qui comptait, rien d'autre. Rien ne changeait dans leur relation, ce n'était qu'un moment de détente entre deux adultes consentants, qui ne cherchaient que cela, sans plus. Cela convenait à Caleb, qui ne cherchait aucunement à tomber sur une maîtresse amoureuse... cela n'amenait que des problèmes et il comptait sur la discrétion de Kapoor, pour que leur relation reste, elle aussi, un secret.
Son regard, devenant plus félin, suivait les mouvements que faisait la dame, cette chaussure qui se retrouvait abandonnée sur le sol, ce pied qui venait glisser contre sa jambe. Oui, le message pouvait devenir clair, mais lui... savait aussi faire durer le plaisir. Il fallait bien que la machine se mette en route, tranquillement. Il n'était pas porter sur la chose, voilà pourquoi il pouvait parfois être compliqué de l'attirer dans ce sens. Damia, sur la durée, avait créé chez lui cette envie, pas tout le temps, mais quand il était ouvert à cette idée... les choses pouvaient aller très vite. Un petit sourire en coin se faisait voir à la question de sa belle interlocutrice.
- Mmmm.... je ne suis pas sûr... alors qu'une main venait lentement caresser la cheville de ce pied coller à son genoux. Il la fixait avec cet air qui voulait dire : "viens seulement". Je ne voudrai pas faire une erreur... Ce côté prédateur ne durerait que le temps de faire monter la température, mais ce petit moment de jeu entre eux, pouvait lui plaire, quand ils avaient le temps. Chose qui avait un peu changé depuis leur début. L'amadouait-elle un peu au fur et à mesure du temps? Il n'était clairement pas du genre à l'avouer si tel était le cas...
Je sais qu'il y a plein de gens que Caleb impressionne, que ce soit par son titre, son argent ou sa profession de juge et je sais qu'il adore qu'on lui témoigne le respect qui lui est dû, qu'on le flatte, et qu'on le craigne. Je ne saurais pas vraiment dire pourquoi ou comment, ni même d'où ça vient, mais s'il y a une chose qu'il aime par dessus tout, c'est sentir qu'il a le pouvoir et l'ascendant sur quelqu'un... et qu'on le supplie, même s'il ne va pas le reconnaître et dire que ça l'agace. Je le connais à force. Sauf que contrairement à la majorité des gens qui l'entourent, avec qui il travaille, qu'il côtoie au quotidien, je suis beaucoup trop comme lui. Je vois clair dans son jeu, je connais ses trucs et ses astuces pour faire encore plus peur, les astuces rhétoriques, les trucs d'acteur de théâtre qu'il emploie et ça donne beaucoup plus de charme à son numéro quand on sait quel outil dans sa manche il utilise à quel moment, comme une spectatrice appréciant le spectacle. Et s'il essaie encore de temps en temps ses tours sur moi, soit par habitude soit pour se rassurer, je ne cède pas. On est du même bois et on se débrouille de la même manière pour obtenir ce que l'on veut donc ce cher Caleb peut faire tomber le masque devant moi. Ce qu'il ne fait jamais vraiment totalement, il ne fait que l'abaisser de quelques millimètres, entrouvrir très légèrement la porte et me montrer ce qu'il daigne me laisser apercevoir. Un contrôle si absolu doit être épuisant, bien que ce soit devenu une seconde nature depuis letemps. Je me demande même s'il s'en rend compte.
Et maintenant que nous avons terminé nos négociations, et réglé la raison de sa venue, je dois dire que j'ai envie de profiter un peu de lui, dans le premier sens du terme. Non pas de sa conversation charmante et de son humour délicieux mais de ses talents en tant qu'amant. Rien de tel pour faire descendre la pression non? Et je lui envoie une invitation assez explicite qu'il feint de ne pas saisir totalement... encore une fois, ce besoin qu'il a qu'on lui montre qu'on a besoin ou envie de lui... mais là dessus on s'affronte à égalité et ça m'amuse alors je rentre dans son jeu, abandonne mon escarpin et remonte lentement ma jambe chaussée d'un bas contre la sienne. Je frissonne quand je sens sa main chaude caresser ma cheville avant d'éclater de rire à sa phrase.
Si c'est une erreur, elle a été commise il y a bien longtemps maintenant... Tu ne crois pas?
J'ai un nouveau rire chaud avant de me lever, et venir m'installer à cheval sur ses genoux, remontant légèrement ma jupe droite pour pouvoir plier les jambes.
Est-ce assez clair ou est-ce encore une erreur?
Puis après sa réponse, j'approche lentement mon visage du sien, sentant son parfum raffiné et hors de prix émaner de sa personne.
Le juge appréciait quand les négociations étaient menées à bon terme. Certes, il n'avait pas encore toutes les réponses qu'il attendait, mais c'était un bon début et il savait ou espérait qu'il ne se trompait pas en faisant confiance à Damia pour les avoir un jour ou l'autre. Après tout, sa morale était à la hauteur du chèque qu'on lui faisait en fin de mandat. A voir si l'amitié pouvait, elle aussi, être mise à mal par ce besoin de gain. Caleb serait sans doute rapidement mis au parfum, il le savait. Ce n'était pas si habituel que cela, qu'il se laisse aller à des pulsions, mais puisque la dame lui tournait réellement autour, pourquoi ne pas lâcher un peu de lest. Sans compter que cela permettait de montrer que lui aussi, savait faire des efforts, parfois.
Son regard ne quittait plus sa personne, il avait une certaine appréciation de ses courbes, de son habillement. Même si Caleb pouvait être une ordure, il savait reconnaître des belles choses quand il en voyait. C'était potentiellement réducteur pour cette femme, cette façon de penser. Le Lord n'était pas là pour s'inquiéter de ses états d'âme, quoi qu'il en soit.
Le fait qu'elle rit, démontrait que notre homme n'était pas de si mauvaise compagnie pour ces dames, quand il le souhaitait. Il laissait venir sa partenaire sur ses genoux, posant tranquillement ses mains sur ses hanches, venant caresser le haut des cuisses, la fixant avec une certaine envie, un petit sourire en coin naissant au coin des lèvres, moments rares où Blakemore se permettait de détendre légèrement les traits durs de son visage. Parce que oui, dans ces moments, elle pouvait réussir à l'amuser et c'était le cas à l'instant.
- On ne sait jamais, peut-être que les règles ont changées entre temps.
Après tout, femme varie, n'est-ce pas? Bon certes, le message qu'elle lui envoyait était très clair. Il s'en amusait, bien entendu.
- Très clair, madame.
C'était bien de jouer, mais c'était bien aussi de passer aux choses sérieuses, ce qu'ils s'apprêtaient à faire. Il la laissait approcher au plus près de son visage, avant de lui capturer les lèvres pour un baiser vif, plein de promesse. Finalement, cette visite improvisée se terminait de la meilleure des façons. Son costume serait sans doute froissé mais... un bon moment en bonne compagnie, valait bien ce désagrément.
