[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Secoué, c’est le moins que l’on puisse dire. Si j’étais une foutue bouteille d’Orangina, j’aurais de la pulpe jusqu’au bouchon. Les tripes retournées, j’ai laissé derrière la porte de cette morgue l’un de seuls êtres sur cette planète qui ait réellement compté. Mes phalanges tenant ce verre, bien qu’il soit posé sur la table, j’ai besoin de palper quelque chose de concret pour me convaincre que tout cela est réel. Que l’on ne m’a pas menti. Et pourtant, je doute encore de ce que mes yeux ont vus. Les yeux perdus dans le vide, je ne peux même pas confronter le reflet de moi-même que m’offre cette vitre de parloir. J’attends. On m’a dit que quelqu’un devait venir me parler. Un inspecteur, un agent ? Je n’en sais rien.
La dernière fois que j’ai été dans un lieu similaire c’était il y a un peu plus de six ans. Menottes aux poignets. Les anglais ont un sens de la convivialité plus prononcé : on m’a proposé un café, une tasse de thé, un soda. J’ai accepté un verre d’eau. Je ne peux rien avaler d’autre que de l’eau. Du moins c’est ce que j’ai pensé en le demandant, mais même là, le verre à moitié vide, je le regrette.
Je devrais être en train de réfléchir à la suite, d’élaborer un plan. Puis un autre de secours. Et peut-être même un troisième. Pourtant, non. Je suis juste… Là. Assis. Quand Rackham m’a annoncé la nouvelle, j’ai sauté dans cet avion. Il fallait que je la voie. Et je n’ai même pas pu me résoudre à lui dire au revoir. Mon esprit se perd dans des pensées que l’on ne devrait pas avoir en ce genre d’instant. Est-ce réel ? Suis-je bien là, à Londres ? Ne suis-je pas encore dans ma cellule de prison, à dormir et rêver ?
Ça doit être ça. Je suis encore dans cette taule de Louisiane, à attendre que mon jour de libération arrive. Je n’ai pas d’autres explication. C’est tellement… Irréel. J’ai eu le temps de quoi… Sortir de prison ? Chercher une trace de Mila ? Savoir où elle est et sous quel nom puis… Pouf ? Le téléphone sonne, on me dit que ma frangine n’était pas vraiment adoratrice des bancs de l’école, qu’elle s’est maquée avec un junkie qui l’a foutu dans un boulot auprès de grands du crime et qu’elle a sauté en un claquement de doigt. Un battement d’aile de papillon. Un soupire. Quand j’ai enfin l’opportunité de faire autre chose que de moisir derrière des barreaux, quand je commence à me relever, on me ramène encore plus bas… Non, c’est impossible. Clairement.
La porte s’ouvre, mais je ne tourne même pas la tête pour voir celui ou celle qui l’a franchie. Je fixe videment la bordure de mon verre d’eau, silencieux, sentant cette douleur au ventre grandir.
Il est des noms qu’on oublie pas. Même vingt ans plus tard. Surtout quand il appartenait à la seule famille qu’avait son premier amour. Surtout quand ce dernier avait pris la poudre d’escampette comme un lâche, laissant la pauvrette avec son petit cœur en miettes.
Pour autant, Eileen aurait préféré ne jamais avoir à le croiser dans ce contexte-là. Ce nom, Eleanor McCreary, était couché dans un dossier. Celui d’une victime de l’attaque à la bombe de la King’s University. Son corps, ou du moins ce qu’il en restait, se trouvait désormais à la morgue, quelques étages plus bas.
Un soda à la main, l’Inspectrice tentait de digérer l’information en fixant le dossier du regard comme si cela allait pouvoir changer quelque chose; mais évidemment rien ne se passa, alors iel continua de le fixer. Qui sait, ça finirait peut être par marcher!
Ce n’est que lorsque Callan vint lui tapoter sur l’épaule qu’iel en décrocha enfin ses yeux.
▬ On à la confirmation. C’est bien Eleanor McCreary. Son frère était affirmatif.
Au regard qu’Eileen lui décrocha à cette phrase, il sut que quelque chose n’allait pas.
▬ S-Son frère?! I-Il est ici?
▬ Il est venu dès qu’il a appris la nouvelle. Il est en salle d’interrogatoire là tout de suite. Faut qu’on aille lui parler pour voir s’il pourrait nous filer de nouvelles infos.
En face de lui, la jeune flic le fixait d’un air légèrement ahuri. On eut dit qu’iel avait freezé sur place comme un vieil iMac. Si cela avait été le cas, Callan aurait sûrement eu en face de lui un écran bleu. Si on lui avait dit cela en se levant ce matin, iel n’y aurait pas cru. Pourtant ça devait être vrai. Son tout premier ex-petit-ami se trouvait quelques salles plus loin à peine. Celui-là même qui l’avait abandonnée et laissée sans nouvelles pendant vingt années. Celui qui l’avait rendue allergique à tout engagement dans une relation sérieuse. Lui. Il se trouvait là.
La rage s’empara d’iel en un éclair.
Il se trouvait là mais il venait de perdre sa sœur. La compassion se mêla à la colère; les deux émotions se mettant méchamment sur la gueule durant les quelques minutes qui lui fallut pour se rendre devant la porte derrière laquelle il se trouvait. La main sur la poignée, iel sentit celle de Callan venir se poser sur son épaule. Une pression qui se voulait rassurante. Et qui l’était, d’une certaine manière. Car si Seamus était une bouteille d’Orangina, Eileen suivait un chemin similaire en tant que Coca. Tant qu’on ouvrait pas le bouchon, la pression restait à l’intérieur.
Iel prit une inspiration et appuya sur la poignée. Dossier à la main, iel se figea à nouveau un quart de seconde dans son dos avant de reprendre comme si de rien n’était. Il fallait qu’iel soit professionnelle. Ce n’était ni le lieu, ni l’instant pour laisser ses émotions prendre le pas. Iel maintenait la capsule sur le goulot. Et puis, si ça se trouvait, il avait complètement oublié qui iel était. Ce qui serait à la fois une bénédiction et une malédiction.
▬ Bonjour, Lieutenant O’Roark et Andarsan. fit-iel en montrant d’abord son collègue puis iel-meme, son visage ne trahissant en rien la tempête qui faisait rage dans son crâne. Eileen pris place en face de lui, posant le dossier fermé, son stylo et son carnet sous les paumes de ses mains. Pouvez-vous nous dire où vous vous trouviez au moment des faits et comment vous avez appris la nouvelle?
C’était des questions de routines pour commencer ce genre d’interrogatoire de proches de victimes mais en général, on voyait à y mettre un peu plus de compassion. Surtout quand cela faisait moins de 24h. Callan, qui s’était posté contre le mur près de la vitre sans tain toussota pour le lui signifier. Iel se redressa.
▬ Mes condoléances, mais toutes informations que vous nous communiquerez pourrait aider. continua-t-iel, avec plus de douceur.
Ce qui n’était pas simple quand sa colère contre lui se mêlait à celle contre ceux qui avait commis cet attentat. C’était de plus en plus dur de conserver son masque. De plus en plus dur de ne pas l’attraper et le secouer comme une guigne pour se défouler un peu de toute cette rage. Ça aurait été si simple! Tout comme lui hurler les questions qui lui brûlaient la langue, mais iel ne lui donnerait pas cette satisfaction-là. Même si ce n’était sûrement pas ce qu’il voulait non plus à cet instant-là. Iel devait se concentrer sur leur but commun: résoudre cette affaire pour pouvoir comprendre. Iel prévoyait le reste pour après.
Néanmoins avec un chien fou comme Seamus en face d’iel, blessé de surcroît, la voir tenir sous la pression des petites bulles n’était pas assuré.
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Step 1: Denial
Eileen & Seamus
« No, this can’t happen to me. »
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Une voix annonce mes interlocuteurs. Le premier nom ? Inconnu au bataillon. Mais le second… Mes yeux s’extirpent de la contemplation du vide et se posent sur la jeune femme dont le visage m’est un peu trop familier. Le cœur au bord du gouffre, je ne dis rien, la dévisage, ignorant complétement son collègue. Une flic… C’est une blague ? Et la voici qui me vouvoie. Elle s’enquiert déjà des questions d’usages. Le protocole est de s’assurer que je mérite la présomption d’innocence. Mais je me questionne quant à la réponse que je puisse lui fournir. Je n’ai pas le temps de formuler quoique ce soit de cohérent, déballant mes larmes au bord des yeux pour lui signifier que ce n’est pas aisé pour moi de lui parler. Réellement ? Je suis loin de pouvoir craquer, même si au fond de moi la peine s’étend à la manière d’une tumeur ultra foudroyante, rien n’arrive à ressurgir sur mon visage. Alors pour gagner du temps, je garde les yeux ouverts jusqu’à ce qu’ils commencent à s’assécher. Mes glandes lacrymales se mettent en œuvrent, sécrétant des larmes.
Une toux de l’inspecteur inconnu et elle me présente ses condoléances de manière bien trop formelles à mon goût. " Je… J’étais… " Il me faut une réponse rapidement. Voyons voir, les frontières avec l’Europe sont closes. Dire que j’étais aux Etats-Unis va les rapprocher de ma période en prison et ils vont essayer de consulter tout un tas de paperasse. J’inspire. " J’étais en Australie. J’ai appris l’explosion dans le coin où elle bossait et n’ayant pas eu de nouvelles, je suis venu sans savoir ce qui m’attendrait et… " Je détourne le regard vers la table. " Merci Eileen… J’aurais préféré te revoir dans d’autres circonstances… Vraiment. Je… " Je ne sais plus quoi dire, mais jouer sur cette corde de sensiblerie me permet d’abord d’évacuer cette douleur psychique dévorante mais également de l’emmener sur un terrain où elle sera moins encline à poser des questions dérangeante. Je l’espère fortement en tout cas. Et j’espère également que son coéquipier va se sentir gêné que je la connaisse. " J’aurai dû être là pour elle. Je n’aurai jamais dû partir. " Je soupire, ferme les yeux, me recule pour m’adosser complétement contre la chaise et m’éloigner de la table. Douleur réelle, et provocation gratuite. Va-t-elle prendre en pleine main cette perche que je lui tends ? Va-t-elle s’engouffrer avec moi quelques années en arrière pour revivre mon départ ? Comment l’a-t-elle vécu ? Les premiers mois, mes pensées ont été tournées vers elle. Puis peu à peu le temps a fait son œuvre, épaulé par la nostalgie pour placer Eileen dans la zone souvenir agréable. Une opportunité de vie que j’ai brisée. Une once de remord ? Bien sûr. Mais ce qui est fait est fait.
Eileen avait beau être parfois complètement ignorante des émotions des autres, il lui aurait été difficile de rater l’expression sur le visage de son interlocuteur. Il la reconnaissait, c’était une certitude. Etait-il simplement surpris de la voir, ou le fait qu’iel soit devenue flic ajoutait à l’exorbitance de ses yeux ? L’inspectrice aurait bien été incapable de le dire. Le fait est qu’à l’époque où ils se sont connus, c’était bien la dernière carrière qu’iel envisageait. Et ce malgré l’insistance de son père à suivre ses traces. Ce n’était pas pour rien qu’iel avais jeté son dévolu sur lui, Seamus, la petite frappe qui ne croyait pas en ce système injuste. Alors évidemment, ça devait lui faire un choc de la savoir passée dans l’autre camp. Mais peut-être y était-il pour quelque chose ? Allez savoir.
Pour autant, aussi consciente soit-iel du fait qu’il l’ait reconnue, iel n’en montra rien. Lui servant questions et vouvoiement comme iel le ferait avec n’importe quel autre témoin ou suspect. En bref, un inconnu. Après tout, c’est bien tout ce qu’il mérite, non ? S’il voulait de la familiarité ou du réconfort, il aurait mieux fait de ne pas la laisser en plan, sans nouvelle de sa part pendant presque deux décennies. C’était certes légèrement puéril de sa part, mais Eileen se protégeait comme iel le pouvait. Il fallait qu’iel reste professionnelle, ou iel laisserait remonter beaucoup trop de souvenirs qu’iel ne désirait pas revivre.
Bientôt, il leur donna une première réponse. En Australie donc. Etait-ce la bas qu’il avait fui tout ce temps, ne put s’empêcher de se demander Eileen. Son visage restait cependant impassible.
▬ Bien, nous aurons besoin de voir votre passeport pour confirmer tout ça. commença-t-iel, tout en notant l’information, avant qu’il ne continue.
Aux oubliettes, les questions suivantes. Iel jetta un œil à son coéquipier pour voir s’il avait remarqué que Seamus avait utilisé son prénom, information qu’iel ne lui avait pas donné. Et évidemment, c’était le cas. Son regard était interrogateur, sans être pressant. Iel finit par hocher la tête pour lui signifier qu’iel lui expliquerait plus tard, avant de rediriger son attention vers le premier. Celui-ci la remercia, bien qu’iel ne sache pas réellement pourquoi. Et s’il aurait préféré la revoir dans d’autres circonstances, Eileen ne pouvait nier qu’iel aussi. N’importe quel autre moment durant ces dernières vingt années aurait pu faire l’affaire, à vrai dire. Maintenant il était trop tard pour le regretter ! Sa colère monta d’un cran, sans toutefois transparaitre encore.
Néanmoins, iel ne put s’empêcher de te sentir mal pour lui. Si quelqu’un ici savait ce que ça faisait, de perdre une sœur, c’était bien iel. Dans un accident, qui plus est. Et après l’enfance que les McCreary avaient eue, l’inspectrice aurait préféré qu’Eleanor, au moins, puisse se sortir de tout cela et trouver le bonheur. Cela ne serait malheureusement plus possible. Le monde était si mal fait…
Et si l’entendre se lamenter donna à Eileen l’envie de se lever pour le secouer, iel se souvenait que les mêmes pensées l’avaient traversées à l’époque. Iel n’aurait jamais dû courir après ce satanée chien toute seule. Iel aurait dû être là pour sortir Moira de l’eau. Mais ce qui était fait était fait.
▬ Oui, tu aurais dû être là, mais qu’est-ce que ça aurait changé ? Tu n’aurais pas pu la protéger contre ça…
Un véritable manque de tact ? Surement. Iel n’avait jamais vraiment été connue pour ça, après tout. Même par lui. Et si l’empathie qu’iel avait pour lui était réelle et bien présente, la colère sous-jacente aussi. Ce qui n’était pas pour l’aider à être plus diplomate. Iel aurait voulu pouvoir lui jeter tout le venin qu’iel avait pour lui à la figure mais entre le professionnalisme, Callan et Eleanor, iel se retint. Pour combien de temps encore ? Espérons pour lui qu’il continuera à jouer sur la corde sensible sans aller trop loin. Même Eileen avait des limites.
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Step 1: Denial
Eileen & Seamus
« No, this can’t happen to me. »
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Un passeport ? Sérieusement ? Merde. Je n’en ai pas. Et vu le regard qu’elle me jette, j’imagine aisément qu’elle ne va pas faire dans le sentiment. C’est là toute l’empathie de sa part dont je pourrais bénéficier. Au moins, elle ne passe pas l’interrogatoire à me pourrir ouvertement. Vais-je devoir m’attendre à d’autres pièges ? Il va falloir une réponse pour le passeport, en attendant. Et vite. " Je ne l’ai pas ramené. Je ne pense pas que mon séjour en Australie puisse faire avancer l’enquête concernant ce qu’il s’est passé mais… Je le ramènerai. " Il ne me reste plus qu’à avoir assez pour payer un faussaire. Bordel, je m’attendais à quoi en venant ici ? Un joli sourire de la part des policiers et des réponses ouvertes à mes questions ? Eileen ne laisse rien transparaître. Si au moins j’avais un flic lambda en face de moi… Peut-être pourrai-je décoder ses signaux ? Mais avec Iel… impossible.
Je regarde son coéquipier lorsque je la nomme. Il a simplement l’air de ne pas comprendre ce qu’il se passe ici. Au moins, mon ancienne petite amie revient au tutoiement. " Au contraire, Eileen. Ç’aurait tout changé. Elle n’aurait pas suivi cette vie et se serait concentrée sur ses études. Elle n’aurait pas fait ce job et on n’en serais pas là… " Suis-je réellement en train de jouer la carte de la culpabilité ? Oui, pour sûr. Est-ce un simple jeu ? Un vérité semi-avouée ? Car il faut l’admettre, même si les mots qui franchissent mes lèvres sont rarement fiables, dans le cas présent, je me mets à vif. Je m’autorise même à détourner le regard, ne pouvant plus confronter ces yeux de gratte-papiers de la police. Il me dévisage en respectant protocoles et procédures. Je devrais m’en aller…
Je secoue ma tête, ravalant ces prémices de larmes aux yeux. Je" Je veux comprendre ce qu’il s’est passé. J’en ai besoin. Je dois savoir. J’ai le droit de savoir. " Je soupire et relève les yeux vers Eileen comme s’il n’y avait plus qu’elle dans cette pièce. " Elle est… était ma seule famille… "