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That's the problem | ft. Llewyn & Tad
Siobhan Oswell
And the rugged wheel is
turning
another round
Le son des voitures qui klaxonnent inlassablement, les bases qui résonnent, qui frappe contre l'habitacle donne un brouhaha assourdissant. Le chauffeur aime sa musique et tu le fais savoir au monde qui l'entoure. C'est agaçant, ahurissant. Du bruit sans fin. Un soupir s'échappe en l'observant depuis le siège conducteur. Il est laid et étrangement il va de pair avec son boucan. Ses longs cheveux ébènes se bousculent dans tous les sens, il danse au rythme et semble balayer un amas de poussière laissé. Il est laid et crade, c'est un fait. Pourtant, il s'amuse comme jamais. Depuis sa vieille voiture pas plus propre que le reste, il te décroche un léger sourire sur le bord des lèvres. C'est facile de vivre pour certains.

Un autre soupir échappé, les doigts tapotent sur le volant avec impatience, le feu rouge tarde à passer au vert, il se fait languir sans raison. La hâte d'arriver derrière les épées barricades de la maison, de fermer la porte à clé et de se sentir en sécurité t'oppresse. Cette idée soulève le palpitant, mais ne soulage pas pour autant. Tu observes le monde pour passer le temps. Le soleil se couche lentement sur la ville, apportant son vent d'accalmie, tandis que les bureaux se vident, les bars se remplissent. Dans ce lot il y en a quelques-uns que t'envie.

Un coup de klaxon derrière fait sortir de la rêverie. Enfin. Tu accélères avec hâte. Suivant de près l'étrange phénomène à tes côtés. Il te fait penser qu'il y a des gens étranges en Angleterre. Il y en a qui sont différents de ceux que tu connais, il y en a qui sont pareilles, mais la plupart sont bizarres et t'apprécie pas. Il suffit d'un simple regard pour le comprendre. Comme ce gars qui râle depuis le rétroviseur, tu ne l'entends pas, mais tu le vois. Sur ses lèvres qui s'étirent encore et encore tu lis facilement ces mots qui vont de travers. Tu l'ignores, appuyant un peu plus sur l'accélérateur. Vingt minutes avais-tu annoncés ? Avec cette lenteur sur les routes il t'en faudra probablement dix de plus. Ces fichus anglais, pas foutu de se pousser. Il y a un soupçon de rage dans les gestes. C'est bien dissimulé, mais il y a des signes qui ne trompent pas. Tu essaies de te convaincre que ce n'est que la circulation qui joue, la journée épuisante qui fait des siennes, mais c'est faux. Elle était parfaite cette journée. Paisible à souhait. Et tu n'avais rien demandé pour que cela change. Sauf qu'il a fallu qu'on vienne t'emmerder. Qu'on se ramène là où tu ne voulais pas de problème.

Ces histoires ce ne sont pas les tiennes. Ça ne l'a jamais été. Tu en as rien à faire. Fais chier.

La voiture s'engouffre enfin dans la bonne rue. C'est paisible comme d'habitude, ça n'a rien à voir avec Belfast. Ce n'est pas la même ambiance, l'odeur qui s'échappe des rues et plus dense. Les gens sont plus complexes, plus froid. Et le monde va plus mal. Le moteur coupé, les affaires rassemblées, il y a une hésitation latente en sortant de la voiture. Une pression désagréable qui force à regarder plusieurs fois autour. Ce n'est qu'un peu de paranoïa rien de bien grave, n'est-ce pas ? Ce n'est qu'une mauvaise impression, ce n'est que le vent qui a bougé de l'autre côté. Ce ne sont que des bruits qui vont au cours du temps. Tu les chasses rapidement, tu t'empresses de quitter le véhicule et de rentrer dans la maison. La porte à peine claquée est fermée à clef ta voix porte pour raisonner :

« Wyn, tu es là ? »

Bien sûr qu'elle est là. Par écrit elle l'avait déjà confirmé. Mais ça te rassure d'entendre sa voix portée à travers les murs. Ils n'ont jamais paru aussi plaisant. Décharger des vêtements tu t'en vas dans la cuisine, attrapant un verre rempli d'eau, tu attends. Tu as besoin d'elle, tu as besoin de parler rapidement.

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Siobhan Oswell
Siobhan Oswell
LONDON PEOPLE
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Date d'inscription : 05/04/2020
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Profession : En quête d'emploi et ayant abandonné ses études d'arts, Siobhan ne se consacre plus qu'à la photographie par pur plaisir, cherchant à immortaliser les moments précieux de la vie.
Etat Civil : Célibataire, une page qui se tourne, ou autre qui s'ouvre peut-être
09.04.20 16:32
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Rouge. Elle voyait rouge mais était blanche. Livide. Pâle comme la mort, si ce n’était pour les taches oxydées qui constellaient son visage crayeux et lui permettaient de garder un semblant de couleur. Llewyn tournait en rond comme un lion en cage, animée par la rage et la crainte. Cette peur, viscérale, qui s’accrochait à ses entrailles et la faisait blêmir par à-coups avant qu’une nouvelle poussée de colère sourde ne vienne embraser ses joues en soulevant son cœur. Un millier d’insultes défilait dans son esprit et entre ses lèvres. Elle crachait dans toutes les langues qu’elle connaissait - et Dieu savait que les Irlandais et les Travellers ne manquaient pas de ressources en matière d’injures -, vomissait mentalement sa hargne et son dégoût, se promettait déjà de crucifier celui qui l’avait mise dans cet état.

L’Irlandaise, fulminante, passa une main sur son visage arlequin et rabattit ses cheveux vers l’arrière. Elle s’immobilisa, s’installa nerveusement sur le lit, tentant de retrouver un rien de contenance. Un brin de calme. Il fallait qu’elle se tempère, qu’elle respire un bon coup et trouve la force de ravaler cette colère crasse qui lui brûlait les veines. La jeune femme se plia en deux, enfonça ses coudes sur ses cuisses et ses joues dans ses mains. Les yeux fermés, elle voyait la scène avant même que Siobhan ne lui raconte. Elle le voyait, aussi nettement que s’il s’était tenu devant elle. Dillon. Fils de chien et de pute. Son sourire arrogant, son aura débordante, dérangeante. Elle lui les ferait ravaler s’il osait s’approcher encore de sa sœur.

Habitée par tous les démons du monde, Llewyn attrapa son téléphone et s’enquit à nouveau des messages de la cadette. Courts, concis. Il lui semblait lire un souffle de panique dans les mots imprimés en noir dans ces bulles de messagerie trop blanches. La rouquine s’en hébéta, attisant davantage le feu qui la rongeait déjà. Dans un réflexe idiot, elle pianota une missive à l'attention de Tadgh.
Toute cette histoire partait de rien. L’un de ces petits riens qui finissaient par escalader et prendre des proportions désastreuses. On commençait avec un poing lancé sans grande méchanceté - à peine la volonté de remettre certains esprits à leur place - et on se retrouvait, par la force des choses, la gueule éclatée sur le trottoir. Ou défigurée à l’acide, comme la racaille londonienne aimait tant le faire. Un nouveau sursaut de panique renversa la transporteuse. Son palpitant cracha un filet glacé dans ses veines comme elle se figurait le visage si beau de Siobhan ravagé par un jet brûlant. Elle se sentit mal.

Les représailles la terrorisaient plus que tout. Plus que la Camarde elle-même. Elle ne craignait pas pour sa vie mais pour celle des autres. L’expatriée portait en elle une rancune asphyxiante et tenace mais tremblait comme une feuille à l’idée qu’on puisse s’en prendre - encore - à sa famille. Elle pouvait essuyer la mort d’amis, elle pouvait encaisser les coups, les blessures physiques. Elle savait bien le faire : prendre des raclées et les rendre au centuple. Mais elle n’était pas sûre de savoir se relever si on touchait encore à la fratrie. Le sang, c’était autre chose. Son cœur, sa colonne vertébrale, sa seule raison d’être et de vivre. Il y avait bien des passions, il y avait des loisirs, des distractions, des hommes … Rien ne concurrençait les enfants. En fin de compte, seuls ses frères et sa sœur importaient. Les deux gamins, devenus grands, dont l’un s’était émancipé en lui crevant le palpitant et l’autre empestait le besoin de liberté ; et le plus âgé, surtout. Llewyn comptait les jours jusqu’à son retour. Elle les avait comptés dès la première heure, elle qui haïssait tant les chiffres et les mathématiques.

« Wyn, tu es là ? »

L’interpellée sauta sur ses pieds. La voix de Siobhan, véritable sirène qui la rabattit brusquement dans la réalité, la dégrisant subitement de sa colère. Seule l’inquiétude persista. Froide et égoïste. Douloureuse. Elle envoya son téléphone valdinguer sur le lit et sortit en trombe de la chambre. La course de ses pas dans l’escalier quand elle rejoignit le rez-de-chaussée trahissait l’état d’esprit de l’aînée. Elle dévisagea la petite quand elle la vit, s’arrêtant à quelques mètres pour pouvoir la jauger dans son entièreté, depuis le haut de son crâne, les petits frisottis roux qui s’élevaient timidement vers le ciel, jusqu’à ses chaussures qu’elle n’avait pas quittées malgré la consigne de les laisser dans l’entrée. Silencieuse, Llewyn chercha une trace, un signe de l’approche de Dillon, comme si sa simple présence avait suffi à imprimer une trace fétide sur sa cadette.

Brusquement, dans un bond, la rousse franchit la distance qui la séparait encore de sa sœur et l’emprisonna dans ses bras crevés d’encre. Son cœur tambourinait si violemment derrière sa cage d’os que la petite n’aurait pas même besoin de tendre l’oreille pour l’entendre. Elle se recula, l’air grave, les sourcils froncés, et prit le visage de sa sœur en coupe pour s’assurer qu’elle n’avait rien. Que les éphélides qui mordaient son nez, ses joues, sa bouche, n’avaient pas changé de place. Qu’aucune goutte acide n’avait mordu sa peau. Que ses yeux n’étaient pas rouges et gonflés d’avoir pleuré.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Tu vas bien ? Il ne t'a rien fait ? »

Sa voix rayée sauta, comprimée par l’inquiétude et le soulagement de la voir intacte.
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21.04.20 23:34
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Alors qu’il était parti seulement vingt minutes après réception, Tadgh répondit au SMS de sa sœur tandis ce qu’il s’installait déjà dans le Crossrail. Couronné de son casque outrancier, il étendait ses longues jambes sur le siège en face du sien sans se préoccuper du civisme plus que d’ordinaire. Cette précipitation l’avait rendu un peu anxieux. Une paire de lunettes de soleil qu’il portait en intérieur dissimulait sa pigmentation sclérotique un peu suspecte. Il n’avait pris aucune affaire avec lui, que son jean et ses jordans. Ses papiers d’identité étaient froissés dans la poche de son sweat de l’IFA, maintenant qu’il avait pris le pli d’être contrôlé quotidiennement par de la flicaille. Il fallait dire qu’il portait sa nationalité sur la figure. Son bonnet informe couvrait ses cheveux roux. Le « gives » de « Only God forgives » sortait de sa manche. Encore un peu et il se serait presque donné l’air de n’importe quel abruti londonien qui rentre du chômage à 18h. Pas qu’il adorait les transports en commun mais circuler en deux roues d’un arrondissement l’autre était une torture à cette heure. Llewyn le ramènerait si ce n’était pas si grave.

« Siobhan a eu un problème, tu peux rentrer ? C’est urgent » l’avait surpris alors qu’il se rendait chez son avocate pour une bête histoire d’état d’ivresse qui le poursuivait depuis quelques mois. Rien de terriblement grave, même en pleine prohibition. Il était descendu dans la première bouche de métro qu’il avait rencontrée, à une rue du cabinet. Tadgh avait l’habitude d’avoir des retards et des galères. En revanche, c’était inhabituel que le prétexte soit Siobhan. Siobhan était l’élément le mieux rangé chez les Oswell, elle faisait sa petite vie discrètement sans bruit ni coup d’éclat. Il n’était même pas sûr qu’elle ait des amis alors comment pourrait-elle avoir des problèmes ? Depuis quatre ans, la famille ne s’était jamais réuni en « urgence » et Tadgh ne se rappelait même plus très bien de la dernière fois qu’il avait vu ses deux frangines en même temps. Il y avait dans tout ça quelque chose de solennel qui faisait germer des scénarios catastrophes dans son cerveau habitué aux annonces dramatiques.

Il sortit de terre comme il y était entré, en sautant la borne à l’œilleton et à la barbe des caméras de surveillance. Même si sa mission actuelle payait plutôt assez bien, pas question de s’abaisser à faire la queue au distributeur. Sur le trottoir il se pressait un monde bizarre, le zoo d’une banlieue de la capitale : des marchands de clopes sous le manteau, des vieilles dames folles, des grecs bizarres et des squares glauques. En passant sous les halles du marché à l’abandon, il effraya une vingtaine d’énormes corbeaux dégueulasses qui guerroyaient pour des épluchures. La tension montait un petit peu, il espérait que rien n’était plus grave qu’un petit accrochage avec sa nouvelle voiture. Quand il remontait la rue où ils avaient vécus ensemble à leur débarquement, il se persuadait que Siobhan était peut-être tombé enceinte d’un de ses camarade libéral démocrate. A aucun moment, il ne pensa à des représailles.

Arrivé au niveau du portillon, il arracha son casque et entra sans se donner la peine de sonner.

-J'suis là ! S'annonça-t-il en ayant bien remarqué la voiture de Siobhan devant la maison. Les filles ? Siobhan ?

En rentrant dans la pièce à vivre, il aperçut la frimousse de sa cadette et s’avança aussitôt pour la saluer d’une chaleureuse embrassade. Ils ne s'étaient plus vus depuis pratiquement une quinzaine, déjà. « Et bah, ça m’a pas l’air si grave que ça. »
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27.04.20 2:57
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Siobhan Oswell
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Le calme qui règne dans la cuisine ne dure pas une éternité. À peine une gorgée d'eau avalée et les pas lourds résonnent à l'étage et s'empresse de marteler le parquet. Rassurée un peu, mais ce sentiment ne dure pas. Il s'entrechoque avec le reste, se faisant écraser par le nœud qui s'agrandit dans les entrailles. La peur, quand bien même dissimulé, est encore fraîche. Encore ancré. Il suffisait de fermer les yeux pour se souvenir, pour ressentir chaque détail. Pour revivre l'instant comme si tu étais encore.

Une inspiration prise, les yeux ouverts, tu vois ta grande sœur qui s'approche et t'enlace. Une goutte d'amertume qui se loge sur le bout de la langue alors que ses bras se resserrent. Ce genre d'étreinte tu les détestes. Elles ne sont que sincères parce que l'idée d'une vie en dangers devient abominable. Elles ne sont pas agréables. Elles rappellent une époque plus difficile encore. Pourtant, son visage inquiet qui scrute la moindre parcelle de ton visage la rendrait presque plus douce qu'à l'accoutumé. Tu voudrais la rassurer, lui dire que ce n'est rien, que tout va bien, que ce n'est pas aussi grave que cela en a l'air. Mais il n'y a aucune certitude à cela. Tu ne peux exprimer de telle certitude. Même pour la calmer.

« Il a été un peu brutal pour s'assurer que le message soit bien passé. »

Il n'y avait pas de mots convenables pour expliquer la situation. Il n'y avait pas de traces sur ton visage pour imager les faits. Tu te dérobes de son emprise. Tu veux un peu d'air, un peu d'espace. Tu as les mains qui tremblent encore. Il avait été plus effrayant que tu n'aurais pu l'imaginer. Qu'est-ce que tu pouvais bien lui dire ? Qu'il avait pratiquement attendu ce moment parfait, ce moment où il n'aurait que toi. La douleur dans ton dos quand le mur était venu à ta rencontre, s'assurant que tu serais sagement tranquille pour écouter les mots sortir les uns après les autres de ses lèvres sèches. Que tu avais eu peur de cette main s'approchant trop près de ton visage sans pour autant s'y écraser. Que ton cœur s'était emballé à un tel point que tu espérais le voir exploser. Tu n'avais pas pleuré. Impossible. Impossible de lui expliquer cela en détail.
Et puis, Belfast te manque brusquement. Son paysage. L'odeur agréable des rues. Les habitants. Les souvenirs. Et surtout les ennuis des aînés qui n'ont jamais impliqué ta présence. Comme si c'était plus simple de vivre là-bas, de passer entre les problèmes d'autrui sans jamais y mettre un pied. D'avoir une vie partiellement plus normale que la moyenne. Ceci ne serait probablement pas arrivé si aucun Oswell n'avait quitté le sol Irlandais. Cette idée débile. Pour le bien de la famille. Il y avait tant de fautif à blâmer pour en être arrivé là. La première face à toi, avec qui tu évites soigneusement de croiser un regard.

T'es en colère au fond. Tu es la petite dernière sans défense. La proie facile pour leur histoire. Tu voudrais que ce soit différent. Personne ne t'a appris à manier un volant en pleine vitesse, à te débarrasser de quelqu'un de gênant ou à rendre les coups. Petite chose fragile que tout le monde s'entête à vouloir protéger. Ça t'agace.

Et tu entends cette porte qui s'ouvre soudainement. La voix qui résonne. La surprise sur le faciès. La cavalerie en renfort. Est-ce que cela valait la peine de l'avoir appelé ? Est-ce que ça te soulage de le voir si près ?

« Sérieusement, t'as appelé Tad ? »

C'est direct. C'est ta manière de dire bonjour, sans vouloir forcément le vexer, ce n'est pas totalement contre lui. Certainement la dernière chose que tu voulais, être coincé avec tes aînés. Plus tu y penses et plus tu te souviens que rien ne se fait jamais sans la « famille ». Rien ne se règle aussi simplement. Tout est toujours trop compliqué. C'est une famille compliquée. Tu soupires, laissant le verre reposé sur le rebord de l'évier, les mains attrapant les cheveux en les rejetant en arrière. Tu vides finalement ton sac.

« Dillon t’en veux de l’avoir abandonné. Il avait tellement de haine dans les yeux, il aurait pu massacrer n’importe quoi à porter. Il m’a dit qu’il avait perdu énormément à cause de toi et maintenant il veut tout récupérer. Je suis censé te convaincre de faire ce qu’il demande. Dans le cas contraire… un peu de brutalité c’est rien, dis-tu, une mise en garde sur ce qu’il pouvait faire d’autre. Je ne sais pas ce que vous avez en commun tous les deux, mais il n’est pas près de lâcher l’affaire. »


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04.05.20 16:34
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Mais Siobhan ne l’était pas réellement. Plus depuis longtemps. Et l’évidence sauta aux yeux de l’expatriée. Les gestes de la cadette étaient fébriles, son regard froid, plus abîmé qu’il ne l’était habituellement. Une certaine aigreur trahissait ses mouvements ; celle de la peur et de la crainte qu’on aurait refoulées pour ne pas éclater en sanglots ou de rage. Llewyn connaissait bien ces sentiments, elle qui les avait ravalés plus souvent qu’elle ne saurait le dire. Elle le faisait encore à cet instant précis en essayant de se composer un masque rassurant et serein. Pour ne pas alarmer davantage sa sœur. Pour ne pas se laisser dévorer par la panique et la haine. La tentative s’avérait cependant un échec cuisant. Les yeux clairs de la jeune femme étaient rongés d’inquiétude et de remords.

Chaque pas vers l’avant de la fratrie était irrémédiablement suivi par un bond de plusieurs mètres vers l’arrière qui l’épuisait ; à croire qu’un élastique trop court les tenait à la taille et les ramenait chaque fois à leur point de départ. La rouquine sentait ses bords lacérer son ventre jour après jour, user ses forces et ses ressources, ronger son envie de lutter. Il y avait toujours quelque chose pour mettre à mal les progrès de la famille, une tempête pour souffler toutes les petites avancées et éclipser la lumière au bout du tunnel. Si Llewyn avait cru que fuir Belfast suffirait à leur offrir des jours meilleurs, le destin se rappelait à son bon souvenir à coups de grolles dans les dents. L’attentat à l’université hier, le retour de Dillon aujourd’hui. Dieu savait ce qui les attendrait demain.

Le cœur de la transporteuse se comprima de douleur quand sa sœur se défit vivement de son étreinte, comme pour la fuir. Elle regrettait tant les jours plus simples où Siobhan, toute petite, à peine plus haute que trois pommes, traînait dans ses jambes par crainte qu’elle ne s’éloigne de dix centimètres ; nouait ses petits bras autour de sa nuque et s’accrochait à elle comme si sa vie en dépendait ; se lovait contre sa poitrine et s’endormait contre son cœur ; lui parlait des heures durant des tâches simples du quotidien qu’elle voyait comme des exploits. Quand cette faille s’était-elle créée entre elles ? Quand la cadette avait-elle cessé de lui raconter chaque instant de sa vie ? Quand Llewyn avait-elle arrêté de l’écouter ? Après Rhys, sans doute. Leur monde entier s’était désagrégé quand Ailbhe l’avait ramené à la maison après sa foutue connerie. Son acte irréfléchi d’enfant con avait creusé des fossés entre eux. Les ponts bancals lâchement jetés au-dessus du vide ne tenaient plus aujourd’hui qu’à un fil.

« Il a été un peu brutal pour s'assurer que le message soit bien passé. »

Le sang de la rouquine ne fit qu’un tour, chargé d’acide, et son estomac lui remonta douloureusement dans la gorge comme elle se tendait.

« Quoi ? Qu’est-ce qu’il a … »

Un bruit de clés suivit d’un grincement de porte lui coupa la parole et lui indiqua l’arrivée de Tadgh. Llewyn braqua immédiatement ses prunelles chargées d’orage vers le nouvel arrivant. Elle prit une lourde inspiration pour se canaliser et ne pas éclater au visage des plus jeunes qui n’avaient foncièrement rien à voir avec sa colère. Mais la réaction de Siobhan n’arrangea rien à son humeur. Elle aurait appelé Ailbhe, si on lui avait laissé le choix. Mais les circonstances, la situation actuelle du plus âgé des Oswell, la mer et les frontières qui les séparaient réduisaient considérablement son champ d’action. Et l’acolyte de toujours de la transporteuse avait bien assez d’ennuis pour qu’elle n’ait pas envie de l’inquiéter avec les problèmes londoniens de la famille.
En dépit du réflexe qu’elle nourrissait toujours et encore de se tourner vers son grand frère en cas de problème, l’Irlandaise n’avait pas appelé Tadgh par défaut. Si elle tendait à ne pas le mêler à certaines histoires pour éviter de perdre son temps à calmer son tempérament pour le moins explosif, le sujet du jour méritait son intervention.

« Et bah, ça m’a pas l’air si grave que ça, lança nonchalamment leur frère en embrassant Siobhan. »

Irritée par l’arrivée de l’enfant du milieu, la petite dernière pesta tout son saoul en se dégageant de son étreinte. Ses longs cheveux cuivrés tombèrent en cascade entre ses omoplates quand elle les rejeta en arrière. Elle inspira longuement avant d’entamer son récit.

« Dillon t’en veux de l’avoir abandonné. Il avait tellement de haine dans les yeux, il aurait pu massacrer n’importe quoi à porter. Il m’a dit qu’il avait perdu énormément à cause de toi et maintenant il veut tout récupérer. Je suis censé te convaincre de faire ce qu’il demande. Dans le cas contraire… un peu de brutalité c’est rien.
- Tout récupérer, répéta-t-elle excédée. Récupérer quoi, au juste ? Il a perdu sa thune seul, comme le con qu’il est, je ne lui dois rien du tout. Mon poing dans la gueule pour avoir osé t’approcher, oui.
- Je ne sais pas ce que vous avez en commun tous les deux, mais il n’est pas près de lâcher l’affaire. »

Llewyn grinça une nouvelle flopée d’injures. Bouillonnante de rage, elle ne put rester en place. Elle passa ses mains dans ses cheveux pour les plaquer vers l’arrière de son crâne en entamant la course de ses cent pas dans la cuisine. Elle tourna en rond - en ovale, en réalité - en se pinça nerveusement la lèvre inférieure. Son cerveau lui renvoya toutes les images qu’elle avait de Dillon. Le souvenir de leur dernière discussion, de la voix crevée de colère de l’Anglais et de la sienne, qui se brisait davantage quand elle haussait le ton, lui revint pleinement en mémoire, ravivant l’amertume qui lui avait vrillé les entrailles, alors.

Elle confessa, pour ne pas laisser ses proches dans le noir complet :

« On a bossé ensemble un temps, quand il était encore indépendant. Il a voulu se rattacher à plus grand, mais pas à l’Armée … Il est Anglais, précisa-t-elle en crachant ce mot comme s’il s’agissait d’une maladie infectieuse. Il était hors de question que je l’aide. »

La jeune femme, fulminante, s’immobilisa une seconde, promena son regard des yeux surréalistes de son frère aux prunelles dorées de la benjamine. Elle soupira, mauvaise, tourna sur elle-même pour repérer ce qu’elle cherchait et se jeta sur un paquet de cigarettes quand elle l’eût trouvé.

« Il t’a dit quoi exactement ? Que je devais courir pour lui ? »
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21.05.20 1:27
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