Adeane s’est pointé au palais de Justice la veille. L’avocat est donc rentré de sa retraite. Il est revenu, plus anguleux et silencieux que jamais. Bien entendu le bruit de couloir a fait effet. Tout le monde sait qu’il vient d’enterrer un membre de sa famille. Il y a eu une collecte dans son service pour acheter la gerbe traditionnelle. Une carte toute faite a circulé dans l’étage, pour entretenir la tradition. Pendant trente secondes chacun s’est senti une profonde empathie. L'instant d’après plus personne n’y songe.

Puisque la rumeur dit que Peter et Jessica partagent un “truc”, l’Américaine n’a pas refusé de faire la livraison. Parfait pour cultiver le fantasme des robes noires, tout en mettant un peu plus de chaos au sein des équipes. Les murmurent continuent de combler les silences solennels. Un homme fiancé peut-il fricoter avec une de ses collègues ? Cette collègue n'a-t-elle pas mis le grappin sur le juge Tyler. Vont-ils faire un ménage à 4. Les médias parlent de ces nouveaux modèles de relation. Tout le monde sait que la rouquine est la plus engagée des libertines du parquet.

Jessica quitte le cabinet un peu après 17h00. L’énorme plante verte est à l’arrière de la voiture automatique. Elle chausse sa paire de rebane pour protéger ses yeux clairs. Puis la voilà qui roule vers le district sud. Peter ne lui a pas donné son adresse personnelle. Mais ce n’est pas une information que l’on peut cacher à une fouineuse. Elle a pris le parti de ne pas prévenir l’avocat de son arrivée. L’effet de surprise lui donne un avantage en plus de l’amuser !

Les travaux sont infernaux comme toujours quand on arrive dans la zone pavillonnaire. Les riches se font construire des logis à leur image. Ils ont raison d’en profiter. Les Travaillistes sont arrivés dans la Chambre des Lords. Étant donné leur mépris notoire pour la classe supérieure, 2026 sera certainement une année de taxes. Ceci dit, rien qui puisse faire frissonner la fortune familiale de la Californienne. Les dividendes de la famille sont encore plus importants que l’année précédente.

Habillée d’un long manteau cintré, tailleur bleu roi, escarpins de luxe, parfum de créateur, Jessica respire la richesse, le pouvoir et la condescendance. Même dans ce quartier chic elle semble être une anomalie. Les anglaises n’ont pas cette démarche volontaire et ce plaisir d'exhiber leur goût de la domination. Jessica est à vrai dire unique en son genre. Elle pousse donc le portail, marche dans l’allée et monte sur le perron pour sonner. La paire de solaire glisse dans le fond de son sac. Elle replace la bretelle sur son épaule, faisant éclater de lumière ses longs cheveux roux, qu’elle repousse dans son dos.

La porte d’entrée s’ouvre, non pas sur l’avocat, mais le commercial. Christian. Les yeux de la tigresse s’embrase de malice en le découvrant. Ils courent de son visage barbu, à sa silhouette. Elle n’a jamais caché qu’elle en aurait fait un quatre heure, s’il n’était corps et âme, lié à son cher adversaire.

_ « Bonjour Christian.» Lance donc Jess d’une voix taquine. Elle désigne le gros paquet qui l’encombre, s’en sert pour donner le pas et passer le seuil de la demeure. Il ne va pas la laisser dans l’allée. Dynamique et envahissante, l’avocate ne se contente pas du vestibule. Elle s’enfonce dans le couloir pour trouver une pièce. « C’est pour Peter. Il n’est pas là ? » Les talons de la belle résonne sur le sol. Son parfum la poursuit. Elle étincelle de diablerie. « On sera aussi bien sans lui. Tu m’offres un café. » Le grand pot termine sur la première table qui passe. Jess pose son sac à côté. Elle fait glisser son manteau de ses épaules. « Dire que je ne suis jamais entrée avant. » Un sourire impertinent ponctue sa critique. Ce n’était pas dans son plan initial, mais le hasard offre une opportunité en or, pour avancer le prochain pion. Aussi, Keenan pénètre dans le salon en préparant mentalement son entrée en matière.

Dude, stop cheating...

ft. Jessica Keenan

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La veille, Peter avait insisté pour aller faire un tour au palais de justice. Christian pensait qu’il pourrait prendre encore un ou deux jours à la maison, même à travailler dans son bureau, mais quand l’avocat a une idée en tête, il ne l’a pas ailleurs, et le galeriste a abdiqué, le laissant faire comme il le souhaitait. De toute façon, il n’a pas envie de batailler en ce moment, pas pour ça, pas avec lui. Ils le font bien assez en temps normal, passent en général bien plus de temps à s’arracher des lambeaux de leurs cœurs respectifs, qu’à essayer de rafistoler ces derniers des précédentes attaques. Pourtant, depuis leur retour, les choses ont une saveur différente. Il n’irait pas jusqu’à dire que ça va mieux, mais il y a eu un changement, dont l’origine lui reste inconnue et qui l’inquiète un peu, pour tout dire.

Depuis son retour du palais de justice, Peter est enfermé dans son bureau, à réviser un cas qu’il doit présenter à la cour bientôt. Christian a oublié la date exacte, mais ce n’est pas comme si on lui demandait de se souvenir de ce genre de choses. Lui est allé travailler à la galerie, une journée aussi classique qu’elle peut l’être, rien de bien passionnant venant troubler sa journée. Si seulement il avait su que c’est en sa demeure que le chaos viendrait. Rentrant un peu plus tôt car la journée était lente, il jeta un œil dans le bureau de Peter, le trouvant encore en plein travail. Le temps de se changer, son costume chemise en un jean et un pull plus confortable, et Peter avait abdiqué pour du sommeil, ce qui tire toujours un petit sourire attendri à Christian. Il lui prépare, comme d’habitude, un thermos de thé et un encas pour quand il se réveillerait, le déposant sur un coin libre du bureau. Puis le galeriste prend un carnet, sa boîte de fusain et commence à dessiner, confortablement installé sur leur canapé.

Il a presque fini son portrait, celui de sa mère, qu’il s’efforce de faire régulièrement pour ne pas l’oublier, quand on sonne à la porte. Etonnant, ils n’attendent personne à priori...Il pose son matériel sur la table basse et va ouvrir. Il ne retient pas son regard de surprise en ne voyant nulle autre que Jessica Keenan, une adversaire avocate de Peter, dont il a entendu parlé, un peu, par son amant. Qu’est-ce qu’elle peut bien faire ici?

“Bonjour, Maître Keenan…”

Il n’a pas le temps de demander ce qu’elle fait là qu’elle force le passage en usant de la plante en pot qu’elle transporte comme bouclier. Oh, que les choses commencent bien...Refermant la porte, Christian marmonne dans sa barbe, afin qu'elle ne l'entende pas.

“Bien sûr, entrez, je vous en prie”

Marmonnage qui se finit sur un grognement agacé. Cette femme n’a donc aucune manière? Autant Christian n’est pas le genre à respecter chaque règles d’étiquettes qui existent (Violet pourra le confirmer, elle qui les connaît sur le bout des doigts), autant il y a une limite et entrer chez les gens sans y être invitée n’est pas quelque chose qu’il apprécie. Il la suit jusqu’au salon, où elle semble prendre ses aises, ce qui lui fait froncer les sourcils. Elle demande après Peter et Christian ne va certainement pas la laisser lui prendre la tête maintenant.

“Il n’est pas disponible, je le crains.” son ton ne laisse aucune équivoque quant à ce qu’il pense de la rousse jusqu’à présent, mais il se fait d’autant plus clair “Et je crains, aussi, que vous n’ayez pas été invitée à entrer dans cet appartement. Ce qui doit expliquer votre découverte.”

Il ne soulève même pas sa demande de café, si elle en veut un, il connaît un très bon petit coffee shop à deux pâtés de maison d’ici. Il n’aime pas qu’une telle femme s’invite dans leur vie privée de cette façon. Il est presque tenté de simplement lui demander de partir, sans autre préambule, puis il se souvient de ce que Peter lui a déjà expliqué sur cette femme. Elle est intelligente, très intelligente, et en général, ne fait rien sans raison. Ce qui, en soit, devrait être autant de raisons de plus pour ne pas la laisser rester ici, mais quitte à ce qu’elle soit là (et ne semble pas prête à partir comme ça), autant savoir ce qu’elle veut. Alors à la place, il se place face à elle, bras croisés sur sa poitrine, un rictus aux lèvres.

“Oh, je suis désolé, on a pas de café ici.” dit-il d’un ton faussement doucereux. Ce qui est bien loin d’être improbable, même si pas tout à fait vrai; habituellement ils ont au moins du café instantané pour les invités qui n’aiment pas le thé, ou les matins un peu difficiles, mais pour le coup en cet instant, ils sont à court de café. “Est-ce que je peux savoir ce que vous faites ici?”

Ce n’est pas pour autant qu’il va se montrer particulièrement accueillant...

Lorsque l’on représente, les riches, les femmes de pouvoir, la loi, on nourrit l'antipathie d’une bonne partie de la population. Celle-ci n’aime pas que l’on mette sous son nez ce qu’elle n’a pas, ce qu’elle n’est pas. L’envie rend les gens mauvais. Jessica n’a pas besoin de se sentir la bienvenue pour être quelque part. C’est une Alpha qui se considère chez elle, de droit. Alors, la mauvaise volonté d’Abbeline lui tire à peine un sourire amusé.

_ « Hum. Oui. » Confirme-t-elle donc à l’artiste. Quatre ans d’affrontement sur les planches lustrées et pas une seule invitation. D’autres s’en seraient offusqués. Mais, Jessica sait exactement pourquoi Peter la tient à l’écart de sa sphère privée. C’est parce qu’il la craint. Il sait qu’elle peut mettre à mal sa comédie humaine. La méfiance de son amant en est une preuve directe. « Il finira bien par m’inviter. » Adeane ne va pas avoir le choix. ll a signé un pacte avec le Diable et elle en est une servante assidue. Chris sait-il cela d’ailleurs ?

Un sourire carnassier se dessine sur le visage de la Rousse. Aucun d’eux n’est dupé. Ils mettent les forment uniquement parce que c’est plus commode. Et un peu plus amusant de jouer la comédie. Ce n’est pas pour rien que la belle est si douée pour amadouer les jurés. Mais, après tout, ils ne sont pas au tribunal. C’est un huis-clos sans caméra et sans témoin gênant. Keenan n’a pas vraiment besoin de jouer la comédie devant cet homme.

_ « Un Thé. » Lui répond-t-elle sur le même ton doux.

Jess pointe le pot offert par les camarades de travail. Le plus parfait des alibis pour mener à bien sa petite opération chaotique.

_ « J’ai été désignée pour faire la livraison. De la part du service. » Elle s’assoit dans le canapé, et croise les cuisses, prenant sa posture nonchalante. Sachant que Peter est un fumeur invétéré, elle sort son boitier à cigarette et son briquet. La gestuelle et naturellement séductrice entre féminisme et érotisme. La flamme embrase la nicotine. Le rouge à lèvre carmin pose une empreinte sur le papier à cigarette.

_ « Comment va la petite vendeuse ? » Demande innocemment Jess en relâchant un nuage de fumée. Un sourire étincelant de malice embellit son visage machiavélique. La supercherie de Peter et Lowri est bonne pour les tabloïdes. Mais pour elle c’est une arme qu’elle adore aiguiser.

Dude, stop cheating...

ft. Jessica Keenan

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]“Peut-être un jour.”

Quand il sera sénile, rajoute son esprit. Christian l’a suffisamment entendu grogner contre la rousse pour savoir qu’à moins d’un cas de force majeure (et encore), ce n’est pas prêt d’arriver. Le galeriste n’a pourtant pas conscience de la réelle menace qu’elle présente. Il ne sait rien des suspicions de Keenan envers leur relation, pas encore du moins. Pour le moment, son inimitié avec elle se résume principalement à un trop plein de confiance en elle qui lui fait croire qu’elle peut s’inviter chez qui elle veut quand elle le veut. Cela aurait pu être la personne la plus adorable et la plus douce du monde, le résultat pour Christian aurait été le même. S’il avait su cela, il n’aurait même pas hésiter à la sortir de force de chez lui, avec sa plante s’il le fallait.

En l’état, il reste curieux de ses réelles motivations, alors il fait preuve d’un peu de sang froid, pour une fois. Elle rentre dans son jeu, lui répondant avec le même ton doucereux à son refus d’un café. En temps normal, il aurait probablement pu trouver amusant sa façon de faire, son audace, son assurance, mais ils ont démarré sur un tel mauvais pied que ça va être compliqué pour elle de remonter la pente et ça ne semble pas être dans ses projets. Le brun jette un œil sur la plante, rapide. La pauvre chose végétale ne survivra pas bien longtemps, il le craint.

“Mission accomplie dans ce cas.”

Le “vous pouvez partir maintenant”, reste sur le bout de sa langue et comme elle ne fait aucun signe de partir, s’allumant même une cigarette, il lève les yeux au ciel et se détourne d’elle, décroisant les bras au passage, pour se diriger vers la cuisine. En tout cas, il doit lui reconnaître cela: elle est séduisante et elle sait s’en servir. Il n’a peut-être aucun atome d’attraction pour la gente féminine et désespérément entiché de Peter, il n’est pas aveugle pour autant. Il prépare une théière de tisane et deux tasses et place même des petits biscuits sur le plateau. Quoi, elle a demandé un thé? Mais voyons, il est trop tard pour ça. De toute façon, il doute qu’elle fasse vraiment la différence entre les deux.

Puis la question lui parvient et il se fige une seconde. Une seconde où la vaisselle ne cliquète plus, avant de reprendre, seul réel signe de malaise. En cette seconde précise, il est heureux d’avoir mis les choses à plat avec Lowri il y a quelques mois de cela, car sans cela, il aurait eu beaucoup plus de mal à ravaler l’acidité qui lui vient chaque fois qu’il repense à cet arrangement à la noix. Attrapant le plateau, il revient dans le salon.

“Aux dernières nouvelles, elle allait bien. Peter est allé la voir à son retour, enfin, il a parlé de le faire, je ne sais pas s’il l’a déjà fait. Ça me fait penser que je dois aller lui racheter de la tisane, je suis bientôt à sec.”

Le plateau est posé sur la table basse, le carnet à dessin laissé à l’abandon poussé pour faire de la place et dans un soudain besoin de préserver ce qui lui est précieux, l’artiste le referme, rangeant son matériel dans la foulée avant de s’installer dans le fauteuil faisant signe à l’avocate en face de lui de se servir.

“Bien, maintenant qu’on a échangé les politesses d’usages, jouons cartes sur table. Pourquoi êtes-vous réellement là? Et faites très attention à ce que vous allez dire, je vous prie. Votre entrée ne vous place pas vraiment dans mes bonnes grâces et si Peter serait trop poli pour le faire, sachez que, personnellement, je n’aurais aucun scrupule à vous faire sortir de cet appartement manu militari s’il le fallait.”

Lui qui est plutôt connu comme quelqu’un de chaleureux, on serait en droit d’en douter tant son ton est froid. S’il apparaît calme, la colère fourmille juste sous sa peau, mise en branle par cette femme qui n’a su être autre chose qu’une gène pour Christian depuis son arrivée.

_ « Comme toujours. » Argue tranquillement l’avocate. Elle ne manque jamais un objectif professionnel. Si elle ne fait pas ce qui est prévu c’est parce qu’elle a un intérêt plus important à l’échec qu’à la réussite du projet en lui-même. Keenan voit plus grand, plus loin que son poste ici au tribunal de Londres. Les désidératas de Peter et de son amant caché n’ont aucune influence sur ses perspectives et sa façon d’agir.

Un fin sourire retrousse donc les lèvres peintes de la rouquine. Elle sait qu’elle vient de toucher juste. Le corps trahit l’esprit bien plus souvent que le genre humain ne veut bien le croire. Abbeline vient d’ouvrir une porte à la manipulation. C’est à peine si le “Touché” qui est au bord de ses lèvres ne résonne pas dans le silence de mort. Néanmoins, pour l’instant, la tigresse se contente de savourer sa prise d’ascendant.

La tisane ne lui fait pas du tout envie. D’autant plus qu’elle sait pertinemment qu’il a orchestré pour ne pas lui donner satisfaction. Or Jessica n’a pas besoin de faire l’hypocrite ou de se forcer à quoique ce soit. Elle débecte donc l’eau chaude parfumée et reste avec sa bonne vieille empoisonneuse de nicotine. Elles sont d’anciennes camarades de vice toutes les deux.

_ « Mh. La force brute du tandem. » Approuve alors la rousse très moqueuse. Ce n’est pas tant de ce manieur de crayon de couleur qu’elle se gosse. Mais de son sombre et ténébreux amant. Lui qui n’a pas assez de tripes, ou encore d’estime de lui, pour aller jusqu’au bout des choses. Jess aspire alors une taff en observant son interlocuteur, comme une étudie une proie potentielle. Doit-elle lui révéler que la violence physique ne lui fait pas peur ? Que cela pourrait même être… amusant ? « Je t’ai déjà contrarié ? » Fait-elle en pure rhétoricienne. « Ce que vous êtes susceptibles, vous les Britanniques. »

Alors la rouquine époussette les cendres dans le réceptacle portatif qu’elle a avec elle. Elle tapote la cigarette comme elle pourrait donner une bonne fesser. Un œil lumineux de malice se pose alors sur l’artiste. Si c’est ce genre de petits jeux qu’il aime, ils peuvent trouver un très bon terrain d'entente entre elle et lui. _ « Pourquoi diable, faudrait-il autre chose qu’un élan de compassion pour venir voir Peter ? » Lui lance-t-elle narquoise. Il a voulu faire de l’ironie, mais très bien, elle adore ça.

_ « Perdre un parent est une étape fondamentale dans la vie d’un individu. » Lieu commun qui ne va pas aller plus loin. Jess ne compte pas faire de la psychologie de comptoir. Ce n’est pas son truc. « Je me suis dit que j’allais venir le booster. Qu’il sorte enfin de ses godillots de grand bourgeois coincé. Maintenant que sa mère est morte, il ne peut plus choquer grand monde n’est-ce pas. Il serait tant qu’il agisse en l’homme qui l’est. » Autrement dit, absolument pas le futur époux de cette fausse métalleuse sans saveur…. « Tu ne crois pas qu'il a l’âge d’être un grand garçon ? » Là, elle prend le compagnon de vie à partie. Il est quand même le mieux placé pour acté que c’est bien un homme qu’il a dans son lit.

La belle vipère croise alors le regard d’Abbeline. Elle fait fleurir un sourire de connivence juste avant d’approcher la cigarette de sa bouche: « Franchement “Chris” ça devient ridicule ce petit jeu. » Une fois sans salve lancée Jessica se fait de nouveau dans son assise attendant de connaître l’opinion de l’amour caché. Le romantisme de la manœuvre doit tout de même avoir ses limites même pour un artiste fleur bleue.

Dude, stop cheating...

ft. Jessica Keenan

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]“A dire vrai, ce doit être mon côté français. Pas assez de flegme.” répond-il avec un sourire amusé.

La France n’est dans son sang que parce que sa mère était française et qu’il s’est intéressé à l’art français de par sa passion, mais hormis cela? La culture française lui reste assez énigmatique, il faut bien le dire. Il n’en parle pas un mot, mais cela ne l'empêche pas de revendiquer cette moitié de lui, aussi mal connue puisse-t-elle être de l’artiste. Elle n’a pas à le savoir, ça. Quand bien même le saurait-elle, nombreux sont ceux à Londres à posséder des origines étrangères sans avoir de réels liens avec la dite culture. Il ne serait pas le premier et certainement pas le dernier. D’un côté, il est mieux que sa mère ne soit plus là pour le voir évoluer dans sa vie; entre sa relation qui le met dans un tel état, il aurait brisé le coeur de cette femme qu’il a toujours aimé, peut-être un peu trop idéalisée, et l’Etat qui n’hésite même pas à se montrer xénophobe...non, il est positif: il vaut mieux que sa mère n’ait pas vu tout cela.

Gardant les yeux sur la femme en face de lui, ses doigts tapotent doucement sur le bout des accoudoirs, comme pour ancrer un rythme qui lui permet de rester calme. Du moins en apparence. Il ne retient même pas le rictus amusé qui lui vient à sa question, car dans le fond, elle n’a pas tort, il n’y a pas besoin d’autres raisons, mais il ne l’aime pas, c’est ainsi, alors il se fait presque puéril, juste pour ne pas avoir rien à dire.

La suite, en revanche, lui fait hausser un sourcil. Il n’est pas certain de comprendre de quoi elle veut parler. Ou plutôt, il n’est pas certain de vouloir comprendre où elle veut en venir. Un frisson glacé se glisse le long de son échine alors que la possibilité qu’elle sache lui étreint le cœur d’une peur qu’il ne pensait pas ressentir un jour, pas sur ce sujet-là du moins. Il aurait pensé que quelqu’un qui découvrirait leur relation serait un soulagement, quelqu’un avec qui il n’aurait plus à prétendre. Sauf qu’ici, on parle de l’adversaire principale de Peter, la Lucifer de son Michael. Il ne peut pas se permettre de lui laisser une preuve, quelle qu’elle soit, de la véritable nature de leur relation. Tant qu’elle sait mais n’a pas de preuves, ça ne reste que des allégations, rien de concret, rien qui ne pourrait faire du mal à Peter. Il ne peut, cependant, empêcher son corps de se crisper sensiblement quand elle le prend à partie. Malgré tout, il laisse tomber le vouvoiement, puisqu’elle ne s’en encombre pas, il ferait de même.

“Je pense surtout que ce n’est pas à toi ou moi de lui dire comment agir. Chacun gère son deuil et sa vie différemment, Peter ne fait pas exception à la règle.” il ne préfère même pas se pencher sur cette histoire de jeu, il sait que c’est un terrain bien trop glissant pour quelqu’un comme lui, passionné, franc et beaucoup trop sensible pour son propre bien, face à une femme qui a l’habitude de manipuler des gens pour obtenir l’avis qu’elle souhaite durant un procès. Il le sait, alors il fait attention. “En quoi cela te regarde, par ailleurs? Il n’est qu’un collègue, un adversaire qui plus est. Qu'il ne soit pas au meilleur de sa forme ne serait-il pas plus à ton avantage?”

Qu’est-ce qui te pousse tant à vouloir le voir sortir de cette ombre dont il s’enveloppe? Qu’est-ce que cela t’apporterait? A envie de demander Christian, mais il ne peut pas, pas sans se trahir.

Jessica a des choses à dire sur les Français! Elle les connaît un peu. Généralement, ils l’amusent beaucoup d’ailleurs. Elle lorgne donc la mauvaise mine de son interlocuteur et le plonge dans un décor de Titi parisien. L’artiste incompris, qui ère dans les rues de Paris à la recherche d’une Muse. Cela colle plutôt bien.

Peut-être peuvent-ils compter sur le sang français de Christian pour un peu d’honnêteté amoureuse. Ce peuple est connu pour s’exalter de ses passions. Un peu de courage dans les tripes pour ce galériste. Malheureusement, le constat se fait tout de suite. Il décide de tenir la position du loyal compagnon. Le sacrifié sur l’autel du pouvoir…

_ « La liberté individuelle. Okay. Admettons, admettons. Si tu veux. » Keenan note qu’il est enfin arrivé au tutoiement et qu’il est tendu comme un boomerang. Elle vient de faire résonner la corde sensible. Ce n’est pas perdu. Il lui faut un bon angle pour faire plier son âme chevaleresque. Qu’il soit sur ses gardes, voire près à mordre, tout ça ne fait que stimuler la rouquine. Elle n’a jamais recherché la facilité. Plus le défi est intéressant et plus elle y prend du plaisir. Et question plaisir, Jess s’y connaît.

_ « C’est mignon !» Avoue donc la Tigresse dans un rire sardonique. Elle prend le temps de rire, de se moquer de la naïveté masculine, de savourer la méconnaissance de Chris.

_ « … chéri. » Lui lance-t-elle par pure provocation. Ils ne sont pas proches. Leur unique lien concerne cet avocat qui usurpe une identité depuis trop longtemps. « Sans bataille, pas de vraie victoire.» Jessica veut un Peter flamboyant, talentueux et sans pitié, pour avoir la jouissance de le mettre à terre. « Autrement, j’aurais déjà profité de l’opportunité Tu ne crois pas ?» C’est totalement rhétorique ici. Keenan n’a pas réellement besoin, ou envie d’entendre une réponse. Elle constate simplement qu’elle a encore plus de points d’appuis qu’elle ne le pensait. Heureusement, qu’elle ne cherche pas à l’éliminer de la carte.

_ « J’ai besoin qu’il utilise tout son potentiel. » Pour que la partie soit d’une qualité supérieure, Adeane doit encore évoluer, muter. Mais, il résiste. Il se bat contre lui-même. Ils perdent du temps. « Ce qui sera impossible tant qu’il restera dans ce costume.» Jessica s’avance et plonge ses yeux félins dans ceux de l’artiste. « Ce que tu sais autant que moi.» Cela fait longtemps que la sexualité débridée de l’avocate fait partie de ses outils de pouvoir. Donc, elle sait très bien de quoi elle parle. Sa chance, est de s’être émancipée de bonne heure.

Dude, stop cheating...

ft. Jessica Keenan

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Et comment qu’il le veut! Il a lui-même été la victime de gens qui pensaient pouvoir le modeler à leur image, à ne pas pouvoir choisir ce qu’il voulait faire, ce qu’il pouvait faire, aussi bien de sa vie que de ses temps libres, ses passions. Heureusement pour lui que Christian avait hérité d’un esprit retors quand il s’agissait de faire ce qu’on lui disait et qu’il avait retourné la situation à son avantage au final, profitant de cette magnifique chose qu’est le libre arbitre. Alors oui, il défendra bec et ongles le droit de Peter de gérer sa vie comme il le souhaite, quand bien même doit-il en souffrir au passage. Il sait qu’elle essayera probablement de jouer sur cet état de fait, sur sa situation d’amant oublié dans un coin, caché dans ce placard honteux, et il s’y attend, mais il ne sait pas s’il saura rester calme pour autant. Ça reste un sujet plus que sensible, surtout depuis l’histoire des fausses fiançailles. Le coup de poignard qui aurait pu être celui de trop, si l’artiste n’était aussi épris de l’avocat. Un rictus vient prendre place sur ses lèvres à son compliment moqueur et il répond, tout aussi joueur.

“Merci, je fais de mon mieux, ma belle.”

Si elle veut le jouer comme ça, il peut le faire aussi. Il devrait peut-être commencer d’ailleurs, car pour le moment, il est sur la défensive, réagissant à ses attaques plutôt que d’attaquer. Ce n’est pas ainsi qu’il aidera Peter, loin de là, mais le fait est qu’elle a une longueur d’avance sur Christian et que ce n’est pas le genre de choses qui se rattrapent vite. D’autant plus que, pour être tout à fait honnête, il ne connaît pas grand chose sur la femme en face de lui. A part que Peter la déteste cordialement et qu’elle est du genre vicieuse et tenace...Ah et qu’elle est du genre très libérée. Tant mieux pour elle, ce n’est pas lui qui jugerait une femme sur sa vie sexuelle, chacun fait ce qu’il veut de son corps, ce ne sont pas ses affaires.

Finalement, les raisons du pourquoi du comment d’un tel acharnement sur Peter lui sont données et il a l’impression de nager en plein délire. Une véritable guerre d’ego, le genre qui lui donne la migraine quand cela arrive entre deux artistes (ou esthètes d’ailleurs) dans sa propre galerie. Ca me semble tellement….ridicule comme concept pour pousser quelqu’un à faire un coming-out qu’il en cligne des yeux sur le moment, avant de...rire, tout simplement. Un rire franc. Un rire teinté d’incrédulité aussi. Il doit le reconnaître, il ne s’était pas attendu à cela. Ah, sa visite aura au moins eu le mérite de le faire rire. Se reprenant, il finit par prendre la parole.

“Donc, si je résume bien, tu voudrais qu’il change en quelque chose, je ne comprends pas encore quoi, pour qu’il se révèle un nouveau potentiel, afin que tu puisses mieux l’écraser au tribunal?” il laisse quelques secondes de silence avant de secouer la tête “C’est pathétique. Vraiment. J’en serais presque triste pour toi, mais tu vois, j’ai passé l’âge de plaindre les gens qui ont des raisons débiles. Et en venir à vouloir pourrir la vie de quelqu’un juste pour ajouter une nouvelle proie à ton tableau de chasse fait partie de cette catégorie.”

Il prend sa tasse, se rassoit tranquillement en croisant les jambes et en boit une gorgée.

“Qui plus est, qui te dit qu’il ne l’a pas déjà atteint son potentiel? Que ce dernier ne fait que s’étioler avec le temps et les coups répétés d’un système judiciaire corrompu? Tu parles d’un costume, j’aurais tendance à voir une armure pour préserver le peu de rêve qu’il lui reste.”

Oh Christian sait de quoi il parle, ils se connaissent depuis l’université, endroit de tous les rêves, où tout semble possible. Il se souvient de la façon dont Peter parlait de mettre ceux qui pourrissent la ville de Londres derrière les barreaux, de pouvoir ramener une justice dans les rues de Londres. Sans être beaucoup plus enjoué ou expressif qu’il ne l’est aujourd’hui, on sentait l’espoir en l’avenir que le jeune homme portait sur ses épaules à ce moment-là et qui commence à peser de plus en plus lourd à mesure que son objectif s’éloigne de ses mains.

Le rire survient avant tout quand les mots manquent à l’appel. Keenan sait que quand un homme rit c’est parce qu’il vient d’être déstabilisé. Ce qui est un début. Quelqu’un qui n’a plus d’appuie et qui vacille, tombe beaucoup plus facilement. Et bien que Abbeline ne soit pas la cible prioritaire, il peut être un dommage collatéral. C’est un risque à prendre quand on accepte de tricher à un tel niveau de complexité.

_ « Plus “débile” que de se dissimuler derrière un mariage blanc ? » Demande donc Jessica sans rire elle. Elle aurait pu se sentir blessée si l’avis de cet homme avait la moindre influence sur sa personne. Mais cet artiste mis à l’ombre, n’est ni plus, ni moins qu’un outil. Un joli outil, certes, mais rien qu’un outil. « Quant au “pathétisme” de mes motivations, si ça te soulage. » Cela ne fait que confirmer à l’avocate que cet homme n’a aucune idée de l’avidité de son compagnon dans le domaine juridique, de son désir de vaincre, de son besoin de triomphée. Ils se connaissent depuis le lycée lui a-t-on dit. Si c’est “cela” alors, elle n’est pas étonnée que Christian ne soit pas encore marié. « Mais, c’est dommage de mépriser ce qui donne la niaque à ton mec. »

_ « D’autant plus que je ne t’ai pas dit que Peter est une nouvelle proie. Tu vois. Tu sous-estimes le respect que je peux avoir pour lui. » Le tacle-t-elle tranquillement. Jess n’a aucun problème à galvauder la morale. A être une femme détestable. Cela lui plait et la distrait. Mais qu’on ne vienne pas déformer ses propos. Qu’on ne vienne pas lui dire comment elle pense et pourquoi elle agit. « Tu m’attaques parce que j’aborde un sujet sensible. » Lui rappelle-t-elle sans avoir à changer de ton.

C’est elle qui ne peut retenir un ricanement à la suite du plaidoyer anglais. Elle se pince la lèvre inférieure en scrutant l’artiste. Non, vraiment, il croit en ce qu’il dit le bougre. Les romantiques ont quelque-chose de fascinant, quelque-chose de pathétique, eux aussi. L’amour rend aveugle dit le dicton. Christian est encore plus aveugle que ne peut l’être Tyler.

_ « Ton chevalier blanc, oui. » Jessica cale son dos contre le dossier. Elle pose le coude sur l’accoudoir. D’une aspiration, elle tire de la nicotine avant de la relâcher vers le plafond de ce parfait petit salon de banlieue chic. « La corruption est intrinsèque au système. Sois tu le subies. Sois tu t’en sert. Mais tu ne l'élimines pas. Peter l’a compris depuis longtemps. » Ils peuvent se raconter le conte de fée qu’ils veulent tous les deux. Keenan n’est pas du genre à entretenir ce genre de fantasmes… débiles pour le coup. Mais faire ouvrir les yeux sur la réalité du monde, voilà qui peut être utile. Ne serait-ce que pour survivre un peu plus longtemps dans le ventre de Londres. Ceci dit, la résistance lui montre bien qu’ils ne sont pas encore tout à fait mûrs pour ça.

_ « Tu es bien conscient que la Vérité va vous rattraper, tôt ou tard, de toute façon ? » Remarque donc la Rousse qui tient quand même à obtenir un ressenti personnel sur ce stupide jeu de rôle.

Dude, stop cheating...

ft. Jessica Keenan

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La forme se crispe, les mains aussi sur la tasse qui est trop délicate pour supporter longtemps un tel traitement, pourtant le brun s’en sert comme d’une façon de cacher cette crispation qu’il sait pourtant visible, il essaye de se voiler la face, parce qu’il n’aime pas se retrouver ainsi déstabilisé face à quelqu’un qu’il considère comme une menace. S’il est vrai qu’il n’est pas du genre à abandonner au premier obstacle venu et qu’il est indiscutablement doué en affaires, vrai requin dans sa profession, il n’a pas la qualité d’orateur qu’ont Peter et Jessica. Son travail consiste à convaincre des gens déjà susceptibles de faire ce qu’il souhaite. Le leur est de pouvoir retourner des gens même déjà convaincus à voir les choses de leurs points de vue. Il n’a pas les armes pour se battre contre cela, il le sait, et ça l’enrage. Parce qu’il ne fait que se ridiculiser face à cette femme qui ne vient ici que pour pousser des boutons qu’elle devrait laisser en paix. Il n’aurait pas dû se laisser prendre, il aurait dû la raccompagner à la porte sitôt la plante déposée...Il a fait une erreur et il en paye le prix maintenant. Alors de toute façon, quoi qu’il dise, le mal est fait, pas vrai? Il finit par reposer la tasse sur la table, se retenant de serrer les poings, malgré tout, alors qu’il sent cette colère si habituelle monter en lui, petit à petit.

“Tu parles de respect? Là j’ai envie de croire à une mauvaise blague. Si je ne remettrai plus en cause ton respect professionnel pour lui, je ne vois aucun respect à vouloir le forcer dans quelque chose dont il n’a pas envie. Si tu trouves qu’il prend trop de temps, tu n’as qu’à te trouver un autre adversaire à persécuter, mais je n’accepte pas t’entendre parler de respect, pas quand c’est motivé surtout par ton envie d’écraser quelqu’un à ta mesure.”

A-t-elle vraiment besoin de lui préciser qu’elle a touché une corde sensible? Non. Christian en a bien conscience, Peter étant son ultime faiblesse. Alors il se contente de lever les yeux au ciel, agacé. Il a bien assez montré son jeu, et il continuera, parce qu’il n’est pas un joueur de poker, pas ce genre de poker agressif du moins. Trop passionné, trop à fleur de peau pour pouvoir le faire. S’il sait porter des masques en général, ce n’est pas ici qu’il le pourra, pas alors qu’il se pensait en sécurité dans cet appartement, chose qui n’est plus vraie aujourd’hui. Plus autant qu’avant du moins.

Vient aussi la réalisation qu’il y a tout un pan de la vie de Peter qu’il connaît très mal. Il ne devrait pas s’en offusquer, Peter non plus ne sait pas le quart de ce qu’il se passe à la galerie, de ce qu’il fait d’un point de vue professionnel. La différence est que personne dans son entourage professionnel ne tente de le faire admettre quelque chose qu’il n’est pas prêt à admettre. Son professionnel n’intervient pas dans son personnel. C’est là que le bas blesse et que ça irrite particulièrement Christian: le professionnel de Peter vient mettre son nez dans leurs affaires personnelles, là où ça n’a rien à faire. Il est en train de ruminer cela, n’écoutant que d’une oreille distraite le discours de Jessica sur la corruption dans le système, de toute façon, qu’est-ce qu’il allait répondre à cela? Il n’est plus assez naïf pour croire pouvoir l’éliminer, et il sait jouer dessus quand il en a besoin, mais justement, ça reste dans sa vie professionnelle. En revanche, il est suffisamment sorti de ses pensées pour entendre sa dernière question et il soupire. Il en a assez de cette conversation.

“Merci Captain Obvious. Je suis peut-être un artiste, mais je ne suis pas stupide. Maintenant, c’est un problème pour une autre fois et clairement pas quelque chose dont j’ai envie de discuter avec toi, tu as dû t’en rendre compte. Donc je pense qu’on a plus rien à se dire, tu sais où est la porte.” dit-il avec un geste en direction de la dite porte.

Bizarrement, il se doute que ça ne suffira pas à la faire partir, mais il tente quand même, on ne sait jamais sur un coup de chance.

Ce n’est pas facile à entendre. Personne n’apprécie de se voir rappelé à la réalité. Sinon il n’y aurait pas besoin de se construire un conte aussi pitoyable. Keenan considère qu’il y aussi une question d’amour propre, d’estime de soi, qu’il faut rétablir. Leur mise en scène mondaine est proprement risible. Personne n’y croit dans le fond, ni les acteurs, ni les spectateurs...

_ « Tu ne comprends pas ce qui nous connecte. » Souffle alors la rousse avec suffisance. Si Adeane n’est pas un homme d’exception, il est un adversaire particulier. Sinon, pourquoi prendrait-elle le temps, le perdrait-elle à venir jusqu’ici ? Mais, elle se doute bien que son cher ennemi ne dit pas un traitre mot sur leur “complicité” à son amant. Ils ont d’autres choses à se cacher.

Il ne sert à rien d’accabler ce petit artiste caché dans le placard. Il a des œillères. Cela fait si longtemps qu’il vit avec les règles imposées par le diktats conservateur qu’il ne voit pas que ce n’est pas la seule option. Jessica pourrait presque compatir face à tant d’aveuglement. Mais, elle ne va pas jusqu’à faire la démarche envers lui. D’autant qu’Abberline montre les dents.

_ « Mh.» L’avocate ne prend pas la peine de regarder la main de Christian. Qu’elle ne soit pas la bienvenue, désirée, ne la dérange pas une seconde. Elle incarne le grain de sel. C’est un rôle qu’elle tient depuis des années. La réaction de Chris est douce en comparaison à d'autres. Au fond, elle est amusée de le regarder qui se contient et qui reste poli. C’est à la fois distrayant et quelque peu désespérant. Comment fait-il pour accepter ce mauvais jeu de rôle? N’a-t-il pas la sensation d’être le dindon de la farce ?

_ « Donc tu vas le laisser épouser cette femme ? » Répond-t-elle à sa somation.

Dude, stop cheating...

ft. Jessica Keenan

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Non, il ne comprend pas, ou il ne veut pas comprendre, le résultat reste le même en tous les cas. Il a du mal à voir comment l’attitude de Keenan n’est pas celle d’une prédatrice qui joue avec sa prochaine proie, quitte à la rendre plus défensive, afin d’en tirer encore plus de fierté à l’avoir mise à terre. En cet instant, il aime la comparer aux Predator, bien que Christian soit très loin d’un Schwarzenegger ou même un Danny Glover, que ce soit en forme ou en esprit. Elle cherche des adversaires à sa taille et malheureusement pour eux, elle a visé Peter, sans qu’il ne puisse rien y faire. En soi, c’est le genre de chose qui passe totalement au-dessus de la tête de Christian, c’est l’univers professionnel de Peter, il n’a pas à s’en mêler (pas dit qu’il puisse y comprendre grand chose de plus que les grandes lignes de toute façon).

Qu’elle ne bouge pas, honnêtement, il s’y était attendu. Elle ne semble pas le genre à se laisser dicter sa conduite et une part de lui la félicite pour cela. Il a trop souvent vu des femmes obligée de taire ce qu’elles sont pour répondre à une société qui dicte beaucoup trop ce que chacun doit faire pour entrer dans un moule qui ne fait ni queue ni tête. Il admire sa passion, il reconnaît sa force, il abhorre son intérêt pour Peter et pour ce qu’ils sont tous les deux, tant que Peter n’est pas prêt. Car lui aimerait ne plus avoir à se cacher, quand bien même ils ne se marient jamais en fin de compte. Ne plus avoir à mentir à chaque fois que la question des partenaires vient sur le tapis quand il va prendre un thé avec des amis, ou des artistes qu’il rencontre. Ne plus devoir subir les affres de l’incertitude constante, la douleur de le voir au bras d’une autre, bien qu’il sache que ce n’est qu’illusion, poudre aux yeux.

Sa dernière question en revanche, lui tire un lourd soupir las, fatigué, trop pour encore montrer une trace de l’agacement qu’il ressent face à Jessica. Il ferme les yeux un moment puis prend une grande inspiration, reposant fermement ses mains sur les accoudoirs du fauteuil.

“Bien, puisque tu es sourde ou tout bonnement bornée, je vais être plus clair.”

Il se lève et, avec rapidité et agilité, il se saisit du sac à main de l’avocate et de son manteau au passage et continu d’un pas vif, sans un regard en arrière jusqu’à la porte d’entrée, l’ouvre, et jette les affaire de Keenan dans l’allée devant la maison qu’ils occupent avec Peter. S’il avait eu plus de main, il aurait probablement virer la plante aussi, mais tant pis, il verra plus tard pour cela. Maintenant, il n’a plus qu’à attendre la réaction de la rousse, la porte toujours ouverte et lui qui attend sagement à côté de cette dernière.

Une fraction de seconde, un soupir las, puis l’artiste trahit s’active. Comme s’il venait d’être piqué par un venin hyper douloureux. Et il s’agite l’épouvantail. Jessica Keenan ne bouge pas. Elle regarde la scène se dérouler. Il y a des gestes qui restituent bien tout un discours. Christian n’a pas besoin de dire plus que ce qu’il lui dit par sa colère et son renfermement. Il lui vient de lui donner la réponse qu’elle veut. Exactement ce qu’elle a besoin pour avoir un autre point d'appui sur l’esprit de Peter.

Il n’est pas le premier homme qu’elle pousse dans une limite. Jess est une téméraire. Elle est capable de prendre des risques. Plus d’une fois des hommes mis en vulnérabilité l’ont menacé. Il y en a aussi qui ont réussi à lui faire mal. D’autres ont réussi à lui faire peur. Oui c’est vrai qu’elle va loin. Mais il n’y a que de cette façon qu’une femme peut être égal avec un homme dans un monde batti par des hommes.

Nonchalante, Jess vient écraser le mégot de sa cigarette dans la tasse de la tisane. Ce doux poison fruité qu’elle n’a même pas touché. Elle se lève tout aussi indolente. Elle aime particulièrement prendre son temps. Ne serait-ce que pour exciter les nerfs de ce cher amant caché. Une fois arrivée à la porte juste en face de lui, elle saisit une de ses cartes de visite dans la poche intérieur de sa veste. Elle en plaque une sur le poitrail de l’anglais.

_ « Pour le jour où tu auras les tripes d’être toi-même.» Ricane-t-elle avec un petit sourire. Un dernier regard provoquant qu’elle agrémente d’un clin d'œil. Tout est dans ce jeu de cinéma qui exaspère tant les britanniques. L’avocate passe le seuil de la demeure. Elle reprend d’abord son manteau pour le passer. Ni gêne, ni honte, ne viennent la déranger. Elle est seulement satisfaite d’avoir semé sa graine de discorde.

Sur cette petite victoire, la rouquine repart en direction de sa voiture. La journée est encore en cours. Il y a d'autres personnes à aller torturer.