Le pain et la livre.
Voir de ses propres yeux. Eva vient -enfin- confronter la rumeur à la réalité. Les deux personnes qu’elle a interrogé pour trouver une piste se sont amusés. Castelli ? Le combat clandestin. Voilà qui est atypique. Il faut bien aller débusquer ce cher Ryan. Là, où il se cache.
Elle arrive dans le quartier un peu après 22h00. Elle constate ainsi l’absence totale de policiers. Où sont-ils les uniformes ? Le tournoi a fait sa petite pub sur certains canaux. Le Dark, le secret, sont aussi plébiscité qu’aux grandes heures d'Elizabeth 1. Qui, veut savoir, peut savoir.
La rue est déserte. Silencieuse comme l’allée d’un Western au clair de lune. L’Italienne lève le nez vers le ciel. Ce n’est pas la pleine lune non. La pollution gâche le fantasme hollywoodien. Il y a un peu plus de monde derrière la porte blindée. Ce n’est pas dans ses habitudes. Eva existe dans l’ombre des galeries avant tout. Pourtant, elle est curieuse. Divertissant. Elle a troqué ses robes noires pour un pantalon fuseau et une veste en cuir. Pour se fondre dans le décor. Sa silhouette devient invisible au milieu de la foule.
Après menue recherche elle trouve un homme. Celui qui peut le conduire dans l’arrière salle. Là où se trouve l'arène. Remak de Fight Club. Un livre qu’elle n’a jamais terminé. La folie lui fait peur. Sans doute l’a-t-elle trop vue dans les pupilles abrasées de sa mère. Des combats romains sur fond d’anglais. Une puissante odeur de sang et de phéromones monte à la gorge. Eva a un souvenir. Les bas quartiers de Firenze. Les combats de boxe des militaires en déshérence. Il y a un peu de cela. Au loin, elle le voit.
Il se bat comme un gladiateur. Un lion parmi les loups gris. Elle s’arrête pour observer quelques instants. Plus que le combats elle regarde les mouvements. Les gestes font une danse guerrière. Il y a quelque chose des danses tribales. Une beauté dans la sauvagerie. Voilà un art qui pourrait lui plaire. Eva se glisse, pas très loin du “ring”. Postée là, elle patiente. Elle attend que le combat cesse. Elle a parié sur lui. Bien sûre. Un sourire lui vient à la vue de l’adversaire qui tombe. C’est une bonne chose. Il n’a pas perdu de cette force, dont elle se moquait un peu, plus jeune.
«
Bravo. » Elle le dit plus bas que les cris. La voix claire et espiègle fend la masse. En même temps que la belle blonde passe les barrières de chairs humaines. Elle s’avance face à son vieil ami. Ils ne se sont pas vues depuis un bon moment. Eva n’a pas su se rappeler quand la dernière fois. «
Un vrai Champion. » Elle le taquine du regard. Aussi maligne qu’au printemps. D’un coup de menton, elle invite “Seamus” à aller un peu plus loin. Au calme, non, mais un peu moins bruyant sans aucun doute.
Une fois qu’ils sont loin Castelli tend un billet. La preuve qu’elle a participé au pari. «
Tiens. Tu les as gagné. » Elle dépose une bise sur sa joue humide. Oui, il en a sué. Eva ne le plaint pas. Il y avait d’autres options pour lui faire du sous facile. Un sourire aux lèvres l’Italienne le reluque: «
Va retrouvé une tête humaine. Je t’attend au bar avec un verre de bienvenue. »
Eva se détourne aussitôt. Elle ne perd jamais du temps. Comme promis, elle leur trouve un coin au bar. Un verre de vin rouge pour elle. Un grand verre d’eau et la boisson de son choix pour lui. Pendant qu’elle l’attend Castelli se remémore leur passé commun. New-York, la jeunesse, la folie, tout a des air mélancoliques. Elle boit vivement une gorgée pour chasser la houle. Ce n’est sans doute pas le moment de penser à son père. Eva inspire, et sourit en sentant qu’on approche. «
Tu aurais pu m’appeler. Tu sais que j’ai des maisons partout. Depuis quand es-tu là ? » Lui demande-t-elle curieuse. Mystérieux Sutter. Volatilisé du jour au lendemain. Retrouvé dans les bas-fonds d'une cité close.