Austen avance d’un pas supplémentaire pour arriver devant la vitre du guichet de vente. Elle regarde le vendeur droit dans les yeux. Il a des traits métissés trés jolis. Un beau sourire même si un peu trop commercial. A l’inverse celui de la jeune femme est franc et plein de bonne humeur. Elle fait la commande d’une voix vive. “Une place enfant et deux places adultes pour Le Chevalier, s’il vous plaît monsieur! ” Grâce à l’association ils peuvent avoir des prix réduits sur les places de cinéma. Elle les glisse dans la fente, pendant que l’agent fait son entrée de code dans le logiciels. Les trois billets sont imprimés. Ils sont en couleur beaux. Ten les récupères et elle se tourne immédiatement vers Victor qui n’est pas loin de là. Elle lui tend le sien. “ Et voilà ! ” Le deuxième est pour son oncle. Ils échangent un regard et Ausen lui sourit aussi. Il y a une complicité plus mâture dans ce sourire là. Petit à petit ils apprennent à se connaître et indéniablement cet homme est intéressant. Il lui donne envie de creuser pour en apprendre plus sur lui. Ce n’est plus du tout pour améliorer le dossier. Mais bien sur un plan plus personnel. “J’en faisais la collection quand j’étais petite. Ca rendait mes mères folles! J’avais des boîtes entières remplies de petits papiers ! Elles ne comprenaient pas l’intérêt de les garder. Moi j’aimais ça parce que ça me rappelait un bon souvenir. ” Ils avancent dans la file et puis dans le hall.
L’odeur des popcorn est dans l’air. Il y a un bar avec la vente des friandises à partager pendant la séance. Ten lance un regard espiègle à Victor. Pour cette partie ce sera sur son compte. Mais une bonne séance c’est aussi une petite douceur. Elle attire le garçon avec elle pour regarder ce qui est proposé. “Qu’est ce qui te tente ? Moi j’aime tout! Choisis ! ” Thomas oblique pour trouver Daniel et lui demande si lui aussi veut quelque-chose. Pour être arrangeante elle propose de partager une portion à deux. Une fois qu’ils sont équipés ils se mettent à la recherche de la salle de projection. Ten est déjà venue ici. Elle fait le guide le long des couloirs. “Ca va être chouette ! Je ne l’ai pas vu depuis sa sortie. Je n’étais pas beaucoup plus vieille que toi maintenant Victor !” Un petit coup d’épaule pour écarter la porte du sas un. Il fait nor mais il y a des lampions au sol pour se repérer.
Une fois dans la salle c’est aux garçons de choisir la zone qui leur convient pour voir le film. Ten les suit en piochant dans le cornet. Elle se place où on le lui propose. Elle profite de la publicité pour retirer son écharpe colorée et sa veste de laine grise. Elle porte une robe au couleur de l’automne, un collant orangé. Ses cheveux lâchés sur ses épaules dégagent un parfum de mûres. C’est la nouvelle recette qu’elle fait pour son shampoing maison. “Vous voulez que je mette vos manteaux à côté de moi ? ”
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04.10.20 21:09
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Les derniers mois avaient été plutôt calmes, et Isa avait fini par comprendre la situation de Daniel. Suffisamment pour ne pas le dénoncer comme elle aurait pu le faire en tout cas. Malgré certaines enquêtes qui piétinaient, le policier tentait de garder un moral au beau fixe. Et cette journée devrait en être une puisqu'ils sortaient au cinéma. Le petit Victor en tout cas était tout fou à l'idée de revoir Austen qu'il avait déjà croisé au cirque et au parc aquatique. Il l'adorait. Sans le dire à son oncle, il avait même commencé à croire qu'elle pourrait être sa deuxième maman. C'était d'ailleurs ainsi qu'il l'avait appelé en se jetant dans ses bras lorsque les deux garçons avaient rejoint la jeune femme qui était en train d'acheter des billets.
-Mama, c'est vrai qu'on va voir un film sur les chevaliers ?
Le petit prit le billet que lui tendait Austen, tandis que Daniel le reprenait tout en prenant son propre ticket. Victor ne pouvait pas appeler Austen ainsi comme ça voyons. Ce n'était pas sa mère. Ce qui bien sûr énerva le petit garçon qui tapa du pied sur le sol en prenant une moue boudeuse parfaitement digne d'un gamin de son âge.
-Mais moi j'en veux une ! Mes copains ils en ont eux !
L'enfant continua de bouder pendant que la file avançait vers la salle où serait projeté le film. Austen parlait d'une collection qu'elle avait commencé dans son enfance, et Daniel écouta avec attention. Il appréciait réellement la jeune femme qui devait être l'une des personnes les plus gentilles qu'il n'avait jamais rencontré. Il s'en était méfié un peu la première fois qu'il l'avait rencontrée, mais avait fini par admettre qu'elle était digne de confiance.
-Et tu étais arrivée à combien de tickets en tout ?
Les sucreries furent choisies, ce qui avait contribué à dérider un peu l'enfant que Daniel avait dû empêcher de commencer son stock de pop-corn avant qu'ils ne soient arrivés dans la salle. Le titre lui dit quelque chose, mais il mit quelques temps avant de se souvenir s'il l'avait vu ou non.
-Je l'ai vu aussi au moment de sa sortie, avec ma sœur. Mais je crois que je me suis endormi à un moment
Et il y avait leur frère aussi... A ce moment-là. Mais il préférait ne pas parler de lui, comme s'il craignait que le mentionner le fasse apparaître. Vu que la secte des Enfants d'Eokeus avait plus ou moins refais surface dernièrement, ce n'était pas si fou que ça. Il chassa ce maudit groupe de son esprit et pris sa veste et celle de Victor pour les placer à côté de lui. Le gamin ayant été assis entre les deux adultes pour qu'ils puissent tous les deux le surveiller.
-Non merci, nous ne voulons pas abuser. A propos, vous avez payé combien ? J'aimerais rembourser.
Ten réceptionne le boulet de canon en faisait au mieux pour ne pas perdre son équilibre. La question enjouée de Victor fait plaisir. “ C’est très vrai même ! J’espère que tu vas aimer ! ” Elle se mit ensuite en retrait pour qu’ils discutent. Par réflexe Ten posa une main sur le bras de Daniel pour le rassurer. C’est commun que les jeunes fassent l’amalgame. Ils sont en recherche. Ce n’est pas la première et ce n’est sûrement pas la dernière fois que cela arrive. Elle secoue doucement la tête. « Ce n’est rien. Je vais en parler avec lui. » Une promesse tranquille à cet oncle qui se retrouve malgré lui dans la posture d’un père. Pour lui aussi ce ne doit pas être évident. Austen comprend tout cela. Elle n’est pas ici pour juger et encore moins pour dire ce qu’il faut faire. Ceci dit, elle sait ce que c’est que de chercher qui sont ses parents.
« 229! » Ten, elle ne boude pas sa fierté personnelle, d’avoir réussi à conserver autant de ticket avant que sa mère ne s’en mêle. C’est encore un sujet de chamaillerie entre elles aujourd’hui. Il y a des choses qui ne s’oublient pas facilement ! L’anglaise a un petit sourire complice avec Victor. Spontanément, elle vient tendre une main pour la lui proposer et qu’ils avancent ensemble jusqu’à la salle. « On pourrait en commencer une nouvelle ensemble! Qu’est-ce que tu en dis ? » Pourquoi pas aussi avec les enfants qui le voudront à l’association. Cela peut être une idée. Peut-être devenir un projet créatif. Voilà typiquement le genre de pensée qui peut amener Thomas à imaginer des choses folles.
Ils sont côte à coîte. « J’espère que cela plus va te plaire cette fois! » Elle est curieuse de voir si cela va être le cas maintenant qu’elle sait l'anecdote. Ten se pousse pour que Victor puisse passer avant elle. Elle prend ensuite sa place. Une fois installée bien confortablement, elle se penche en arrière pour avoir un contact visuel avec Daniel. Elle lui adresse un petit sourire. Pas une seconde elle a envisagé qu’ils payent cette sortie. « Hors de question. C’est un cadeau de ma part. Ca me fait plaisir. Tu payeras la prochaine fois ! » Ce qui sonne de la simple évidence de sa bouche joyeuse. Alors à quoi bon négocier ? Si l’expérience leur plaît alors ils pourront recommencer. Cela aidera Austen à reprendre plus sérieusement sa culture cinématographique. Tout est simple quand on le veut bien.
La salle se remplie. Le public est familial. Étant donné le programme c’est plutôt logique. L’ambiance est détendue. Les enfants parlent les parents aussi. Austen observe un peu les gens qui entrent. Elle est curieuse et amusée. Elle ouvre le paquet de fraises tagada et en propose à son charmant voisin avec un sourire malicieux, puis elle tend le bras pour que cela arrive aussi à West. « Tu en veux ? » Devant eux le grand écran panoramique s’illumine. Une suite de publicité défile. Il y a de tout. Ce n’est pas encore le plus intéressant. Mais cela fait partie de l’expérience! Thomas se cale dans son siège ravie d’avoir réussi à organiser ce moment avec eux. Elle se dit donc que son prochain défi est que Dani lui fasse davantage confiance. Pensant cela, elle sourit en croquant dans un bonbon.
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15.10.20 14:27
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Austen ne s'est pas irritée de la manière dont Victor l'avait appelé, et semblait même bien mieux comprendre que Daniel ce qui pouvait bien se passer dans la tête du petit garçon. Le policier faisait de son mieux pour élever son neveu, mais il y avait des choses qu'il ne parvenait pas à comprendre. Comme le fait que l'enfant puisse se sentir en manque d'amour maternel. Après tout, Daniel faisait tout pour qu'il soit aussi heureux que possible et il avait l'impression d'y arriver. Apparemment il y avait encore des manques à combler dont Daniel n'avait pas encore conscience. Ou il les ignorait volontairement, c'était selon.
-C'est la première fois qu'il me fait ça.
Même avec les maîtresses qu'il voyait pourtant régulièrement et même plus souvent qu'Austen il n'avait jamais employé ce terme. Daniel ne savait pas vraiment comment réagir ni quoi faire. Heureusement, son attention fut détournée par la suite. Austen avait atteint le chiffre de 229, Daniel n'aurait jamais cru possible qu'on puisse collectionner autant de tickets de cinéma juste pour collectionner. Bon, après tout on collectionnait bien des timbres ou des bouchons de bouteilles. Mais quand même ? Des tickets de cinéma. Victor lui était bien plus enthousiaste que son oncle.
-Oh oui ! Je la mettrais dans ma chambre et je te montrerais quand j'aurais 229 tickets !
-Elle le verra dans plusieurs années alors.
-Non, je vais aller a cinéma tous les jours ! De toutes les semaines ! De tous les mois !
Ce n'était pas prêt d'arriver, mais l'enthousiasme de l'enfant faisait quand même plaisir à voir. Daniel essaya d'insister un peu plus lorsqu'elle refusa qu'il partage avec elle les frais, mais fini par se rendre. Résolu à au moins essayer de ne pas s'endormir comme une masse si jamais le film ne l'intéressait pas cette fois-ci encore. Victor quant à lui battait joyeusement des mains, content de pouvoir voir un film avec son oncle et sa "maman" comme il avait décidé de l'appeler. -Je me souviens qu'il y a un tournoi avec plusieurs chevaliers qui s'affrontent.
Ten sourit à Daniel pour apaiser sa confusion. Elle a l’élan de répliquer, mais en y pensant prend la décision de ne pas insister. Elle n’a pas de diplôme en psychologie enfantine. Elle se fit à ses expériences personnelles. Dans le cas de Victor peut-être qu’un regard neutre et expérimenté aiderait à poser certaines choses. Une proposition qui ne tombe pas sous le pied d’un cheval.
« C’est un adorable garçon. » Une infime pression sur le bras de Daniel le félicite. Le rôle de parent est l’un des plus complexe qui soit. Surtout lorsqu’on n’y a pas été préparé. West fait de son mieux. C’est le genre de choses admirables qui méritent d’être remarquées. « Tu t’en sors bien. Très bien même. Détends-toi. Tout se passe à merveille, je trouve! »
Quant à savoir combien d’années seront nécessaires pour battre le record, ils le verront bien. Personne ne sait ce que réserve l’avenir. La part d’inconnu dans la vie est ce qui plait le plus à l’Anglaise. Elle aime se réveiller le matin et se rappeler que tout peut arriver. Une infinité de possibles sont là à attendre qu’elle fasse des choix. La liberté d’être, de faire des erreurs, de recommencer. C’est la beauté de l’enfance et qu’ils ont tant de mal à conserver une fois adultes. Et quel dommage!
« Tous les jours! Tu sais, rien ne presse! On peut y aller de temps en temps tous les trois. Je serais dans les parages. » Un clin d’oeil complice et une friandise pour sceller le pacte implicite. Thomas ne compte pas quitter l’Angleterre. Elle se sent chez elle dans sa capitale. A moins que Dan décide de partir il est possible de mettre en place des rituels, des rendez-vous, pour le rassurer. Il n’y a rien qui presse. « Daniel te donnera les siens aussi. Comme ça tu en aura deux fois plus. Pas vrai Daniel ? »
« On te laisse découvrir ! Tu vas voir ! » Sinon cela perd le côté découverte de l’histoire. C’est raconter la fin du livre avant d’avoir apprécié toutes les péripéties. Austen pose un index devant sa bouche pour inciter son complice à ne pas vendre la mèche lui non plus. Une bonne chose que Victor se laisse porter. Ils se loge au fond de leurs sièges chacun de leur manière. Thomas inspire un grand coup quand les lumières de la salle commencent à baisser. Le spectacle va commencer !
Le générique d’introduction est lancé. Les images ont le style des années 90. C’est un bond dans le temps. Austen regarde alors de temps en temps le profil des garçons, pour voir leurs expressions. Elle a envie de savoir si son choix a été avisé ou non. En tous les cas le public est au rendez-vous. Les rires s’envolent dès la première réplique comique.
Les minutes filent. Les séquences défilent. L’escalade des événements entraîne la salle. Il y a des salves de rires. Pendant ces deux heures les gens sont biens. Ils sont dans une communion de l’esprit alors qu’ils ne se connaissent pas. Il y a de la magie dans le cinéma. Ten écoute ses voisins. Elle est heureuse d’être là à partager ces émotions. Surtout après tout ce qui s’est passé en ville. Un baume sur les coeurs et peut-être même les âmes.
Au fondu final, Austen a encore le sourire. Elle s’imprègne de ce bon moment. Alors que les noms défient elle se tourne vers Victor.
