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(Lowri) ▼ Melancholia
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Invité
Melancholia
Lowri & Peter
Honey I'm on fire, I feel it everywhere Nothin' scares me anymore Kiss me hard before you go Summertime sadness I just wanted you to know That baby, you the best I got that summertime, summertime sadness

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« Viens. »

L'ordre est soufflé, à peine murmuré, expiré, accompagné de ce mouvement de tête qui ne souffre d'aucun refus, de ce geste auquel Christian se plie sans broncher, sans me résister, sans aucunement s'agacer, se contentant de soupirer puis d'esquisser ce léger sourire qui ne manque jamais de me faire frissonner, de faire naître en mon être l'envie de le retenir, de m'assurer qu'il restera à jamais à mes côtés, que l'idée de me quitter, de m'abandonner avec cette solitude qu'il jalouse trop souvent, ne traverse pas ses pensées, ne vienne pas s'installer dans cette cage thoracique que j'effleure un instant, que de mes paumes, je caresse pour lisser les pans de son costume avant de jeter mon dévolu sur le col de sa chemise que je refais, puis de ce nœud de cravate que j'ajuste parce que j'ai besoin de le retenir encore un peu, de le dérober à cette soirée à laquelle je ne veux aller, à ce vernissage qui ne sera qu'une excuse pour lui de se venger de toutes ses heures que je passe à travailler, à l'esquiver alors que nous sommes dans la même pièce, à lire, à cuisiner, ou simplement à flâner.

Tu sais que je déteste cela. Je le vois dans ton regard, dans ce petit sourire que tu as alors que tu m'observes jouer l'époux jaloux, le mari qui ne veut te partager. Je sais que tu savoures ta petite vengeance. Je sais que tu aimes me voir rechigner à m'habiller, à ne pas boutonner ma veste, à prétendre que je n'ai pas envie de te plaire. Je te vois jubiler, Christian. Je te vois redevenir ce jeune adolescent qui aimait m'arracher à mes bouquins.

Et de ça, je ne souris même pas, préférant à la place plisser le nez quand c'est sur l'une de mes tempes qu'il dépose un baiser, qu'il égare cette dernière attention qui signe son départ, cette fuite que je ne peux qu'observer avec au cœur ce poids que je ne parviens à soulever, à oublier tandis que je termine de me préparer, d'enfiler cette veste au bleu trop profond, à la facture si élégante que mon propre reflet me renvoie l'image d'un homme que je ne connais pas, d'un traître, presque, qui ce soir va feindre un intérêt pour les mondanités afin de présenter cette fiancée qui n'est qu'une excuse pour sauver cette carrière qui ne craint rien, d'échapper à cette discussion qui revient sans cesse, à ce coming-out que je devrais faire, à nos fiançailles que je ne fais qu'évoquer, qu'imaginer dans ce futur que je crains de savoir lointain, dans ce possible qui devient un poison dans mes veines, une crainte, presque, que plus rien ne vient apaiser, calmer, qui en mes entrailles, se développe comme ce cancer qui devrait me ronger le creux des reins, qui devrait tenter de m(étouffer aussi sûrement que cette culpabilité qui m'empêche de respirer, de profiter de cette cigarette mentholée que je m'allume alors que je quitte notre appartement et grimpe au volant de ma voiture, laissant le ronronnement du moteur me bercer et la circulation se faire le décompte avant la venue de cet inévitable qui m'attend, qui tapit dans l'ombre de ma cavalière, de cette infortunée qui se doit de jouer l'amoureuse à mes côtés, je vais chercher, à qui je vais imposer cet agacement mutique qui déjà me fait regretter d'avoir cédé, d'avoir accepté de me prêter à ce jeu qui n'amuse personne, qui n'est bon qu'à blesser, qu'à mutiler un peu plus cette relation qui ne fonctionne déjà plus, que certains jours, je ne comprends plus, que trop souvent, je contemple en espérant qu'il restera encore, qu'il fera un effort pour ne pas me laisser. Pour ne pas m'abandonner.

Car sans lui, je me sentirais vide, roi d'un palais de courants d'air. Empereur d'une terre morte, couronné d'une auréole spectrale.

Alors que je me gare non loin de son domicile, je prends un instant pour terminer mon mégot, pour l'écraser dans le cendrier de ma voiture avant de trouver la force de m'arracher au siège en cuir de ma discrète berline pour rejoindre la porte de son domicile, à laquelle je sonne, conscient de sentir peser sur mes épaules les regards curieux de ses voisins, des quidams qui doivent se demander pourquoi je suis là, moi qui ressemble à un prince égaré, à un étranger venu d'un monde qui semble trop lointain pour les habitants de ce quartier, pour ceux que trop souvent, les puissants laissent de côté.

Il y a quelques années, je me serais désolé de tout ça. J'aurais eu pitié. J'aurais voulu agir, faire quelque chose. Aujourd'hui je ne sais plus. Aujourd'hui, je me suis résigné. J'ai accepté. Que l'homme ne peut être changé, que le monde ne veut s'améliorer. Que c'est ainsi, que c'est trop tard pour essayer, pour réaliser.

Je n'attends pas bien longtemps avant que la jeune femme ne vienne m'ouvrir, se dessinant ainsi dans l'encadrement de cette porte que je ne prétends pas franchir, devant laquelle, je reste bien sagement, les deux main dans les poches, un sourire à peine dessiné sur les lèvres et dans le regard, cette indifférence presque lointaine qui se fait le privilège que reçoivent tous ceux que je respecte un tant soit peu.

« Lowrie. »

Il n'y a aucune chaleur dans mon ton, aucun accent roulant ou chantonnant qui pourrait indiquer que je suis content de la retrouver, juste la fraîcheur de cette politesse qui la garde à distance, cet éternel maniérisme qui me fait souvent passer pour froid, pour cet homme dénué de cœur, ce vieux garçon qui n'a pour épouse que cette solitude avec laquelle je trompe ceux que j'aime, que je prétends vouloir protéger de ce mal que je ne connais même pas, de cette chose qu'en moi je crains mais que je n'ai encore point rencontré.

« J'espère que je ne suis pas trop en avance. » dis-je en battant des cils, en osant soudain me faire candide, presque exquis, pour celle que je serais prêt à décevoir en lui disant de rester là, de ne pas se prendre la peine de m'accompagner, de me supporter alors que je passerais la soirée à me désoler de faire face à des toiles qui ne m'inspirent rien, à le chercher du regard pour mieux me venger en entament cette danse qui était la nôtre quand nous nous retrouvions encore, celle où parmi les invités, regards et silences n'étaient que des invitations à s'abandonner, à se retrouver dans les ombres pour s'abandonner, pour prétendre une dernière fois que nous étions encore jeunes, encore amoureux, encore portés par cette innocence qui n'est plus depuis longtemps, par cette envie de s'aimer, sans songer aux conséquences, à l'après et aux lendemains. « Christian est parti devant. » Comme si cela pouvait l'intéresser. « Alors prends ton temps. »

De toute manière, je ne suis pas impatient d'être prisonnier de gens qui ressentent trop, qui me donnent l'impression que je suis une machine, un être dépourvu de ce quelque chose que je leur envie.

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07.04.20 22:16
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Lowri Conway

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Melancholia
Peter & Lowri
Sortie à la galerie d'art
Face à mon miroir, je donne les dernières touches à mon maquillage de ce soir. Peter m'emmène dans une galerie d'art pour un vernissage et depuis que nous avons notre espèce... d'arrangement, j'ai dû faire des recherches pour savoir qu'est-ce qu'on mettait pour un vernissage. Ce n'est vraiment pas le genre d'événement qu'on voit sur l'île de Coll, et dans l'univers de mes parents non plus... Je crois d'ailleurs que le seul "vernissage" de fin d'année auquel ma famille est allée c'était... l'exposition de nos dessins en maternelle... Maintenant je suis un peu plus habituée mais à force, l'éventail des tenues que je peux porter se restreint, et Christian m'a gentiment expliqué que ça ne se faisait pas vraiment que de débarquer dans un truc comme ça dans une tenue qu'on a portée... Des considérations de gens riches qui ont une garde robe extensible qui me passent clairement au-dessus... Alors, aidée de Pinterest - gloire à lui- je bricole quelque chose et accompagne le tout d'un rouge à lèvres sombre.

C'est tellement bizarre quand on y pense... Si on m'avait dit six mois plus tôt que je devrais jouer la fiancée d'un des meilleurs avocats de Londres... prétendre que j'aime cet homme et que nous partageons quelque chose alors qu'il a un compagnon de longue date avec lequel il vit... Une situation tout droit sortie d'un mauvais film, même si dans le film en question, les producteurs effrayés auraient fait finir l'héroïne avec le héros... comme une version foirée de Pretty Woman. Ici il est hors de question que je m'immisce entre les deux, parce que Christian et lui sont fous l'un de l'autre, et parce qu'il me manque un pénis. Oh et aussi parce que même si j'apprécie Peter, je serais incapable de vivre avec lui, et encore moins d'avoir une relation avec... Je me rappelle encore quand il m'avait fait cette étrange proposition... mon premier réflexe avait été de l'envoyer promener avant d'avoir cette sensation que je devais accepter... que c'était important pour lui et qu'en restant à ses côtés je pourrai l'aider, dans un futur plus ou moins proche... Et mes factures s'accumulaient également... alors... j'ai cédé, un peu honteuse, tentant de me justifier à moi-même, de me donner bonne conscience... transformée en rouage d'une machine qui me dépasse depuis bien que ce ne soit pas désagréable d'en faire partie... Ca me change, la nourriture est bonne, on boit gratuitement (même s'il n'y a pas d'alcool...) et je découvre un peu plus l'univers de l'art qui m'était totalement étranger, à part celui que je pratique...

Je sursaute quand on sonne, contente d'avoir lâché mon tube de rouge à lèvres quelques secondes plus tôt sinon j'aurais eu l'air d'un clown, attrape ma seule paire d'escarpins et descends pieds nus après avoir enfilé un blazer et saisi mon sac à mains. J'ouvre la porte et me retrouve face à mon cavalier d'un soir, qui est planté devant ma porte, l'air si terriblement mal à l'aise que ça en serait presque drôle. Mais je souris simplement, surtout quand je vois que sa berline de luxe et son costume hors de prix font tellement tâche dans le paysage local.

Bonjour Peter. Tu vas bien? Et tout va bien je suis prête!

Je me penche, glissant mon pied nu dans une chaussures, faisant de même avec l'autre avant de me redresser, petit sac sous l'épaule.

On peut y aller!

A partir de cet instant, quand j'ai franchi le seuil de l'immeuble je ne suis plus moi. Je suis un rôle et une fonction. Je ne suis plus "Lowri la médium écossaise" mais "la fiancée de". Je m'efface, gomme ce que je suis, mes particularité et mes bizarreries pour me couler dans le moule qu'il a bâti pour moi, ce qui est convenable que je sois pour un avocat de sa renommée... je suis un fantôme et une usurpatrice. Je mens sur ce que je fais, parce que dans son milieu, ce n'est vraiment pas pris au sérieux quelqu'un qui fait de la divination et vend des pendules... Je suis devenue Anna, prof d'histoire au lycée, qui me place quand même comme leur inférieure, mais me rend un peu plus crédible et respectable. Je marche jusqu'à sa voiture garée juste devant et ouvre la portière, m'y installant.

Parfait, ça me fait plaisir de le revoir ce soir!

Une fois ma ceinture bouclée je fouille dans mon sac et en tire la bague que je porte pour asseoir notre couverture. C'est du toc, mais assez jolie et pas trop tape à l'oeil pour faire illusion... que j'ai achetée dans une boutique type Claire's sans aucune honte... Je la glisse à mon annulaire avant de tourner la tête vers lui.

Et toi, comment vas-tu depuis la dernière fois?


eden memories
Lowri Conway
Lowri Conway
LONDON PEOPLE
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Profession : Medium, tient une boutique ésotérique
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08.04.20 13:11
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Invité
Melancholia
Lowri & Peter
Honey I'm on fire, I feel it everywhere Nothin' scares me anymore Kiss me hard before you go Summertime sadness I just wanted you to know That baby, you the best I got that summertime, summertime sadness

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Je ne sais encore quoi faire quand je la vois, elle que je connais à peine, dont je ne connais que ses problèmes, que cette étrange gentillesse qui lui a fait accepter cet arrangement.que beaucoup auraient refusés, qui la fait se faire belle pour l'homme indifférent, presque étranger à cette beauté qui plairait sûrement un autre, qui ferait chavirer un être pourvu de cet amour de l'esthétique, de la grâce féminine, qui me fait défaut, qui souvent, me vaut d'être vu comme une machine qui ne sait aimer, comme un être taillé dans la pierre, dans une obsidienne aussi sombre que le goudron, que cette poix que tout le monde évite, afin de ne point s'embourber dans les bras glacés d'une chose qui ne sait exprimer autre chose que ce silence qui est mien, que ce mutisme que j'observe alors que je la détaille, que sans émettre le moindre jugement de valeur, je constate de la couleur de sa robe, de la fabrique de celle-ci des plis qu'elle forme au bas de ses jambes, espérant presque trouver dans ceux-ci ce qu'il me manque depuis que je suis tout petit, cette sensibilité qui ce soir, se fera ce Graal que j'aurais aimé posséder pour avoir le droit de marcher en compagnie de mon aimé, de participer aux discussions qu'il entretient avec les autres, à ces débats qui le rendent si beau quand il s'enflamme, quand il se passionne, quand il avec d'autres il peut trouver, éprouver ce qu'avec moi il ne peut connaître.

C'est comme si il me trompait avec une muse que je ne peux connaître. Si il dansait avec un autre que je ne pouvais que jalouser du coin où je me trouve, comme si sans moi, il se sentait enfin vivant, enfin soulagé du poids que je suis parfois.

Trop longtemps, sûrement, je ne dis rien, vagabondant entre les impressions et sensations qui me font frissonner, presque regretter d'avoir enfilé un costume aussi complexe pour ce nœud qui tente de m'étrangler, pour ce nid de vipères que je ne sais trancher, dénouer malgré la visible bonne humeur de Lowri, à qui je réponds trop tard, quand derrière elle, elle claque sa porte, annonçant son départ, notre départ, vers cette berline à laquelle je la guide, les mains toujours fourrées dans mes poches.

« Tu as l'air d'aller bien, en effet. »

Je me demande presque comment tu fais. Ca semble si naturel chez toi. Si plaisant à observer, presque fascinant à contempler.

Cela semble si simple, de sourire quand on la voir faire, de rougir sous l'effet de cette excitation contenue que je ne perçois pas, qui en cet instant, se fait grande absente pour me laisser en proie à cette lassitude, cette fatigue presque qui s'abat sur moi, qui sur mes épaules fait peser ses bien lourdes ailes, si aisé quand sans peine, elle se glisse sur le siège passager de ma berline, pour poursuivre cette conversation qu'elle entretient seule, qu'elle tente d'avoir avec ma pudeur, avec cette réserve qui me pousse à tout ravaler, à sans cesse enterrer ce que seul Christian peut entrevoir, entre mes côtes, entre les interstices de ma cage thoracique, avec ce mur qu'entre nous j'érige pour ne pas avoir à me dévoiler, à évoquer ce que je ne veux avouer, ce qui n'appartient qu'à cet océan auquel je dis tout, aux vagues qui acceptent, qui font avec les travers que je sème au gré de l'écume, du ressac sur le sable, des coquillages qui se brisent sous mes pas.

« Heureux que ce ne soit pas une corvée pour toi. »

Je ne sais pas si je m'en voudrais si c'était le cas, si j'arriverais à me sentir coupable de la faire prisonnière des rouages malsain de ce plan que Christian n'approuve pas, pour lequel il m'en veut, et m'en voudra sûrement toujours, si je parviendrais à la prendre en pitié, à lui dire que je suis désolé, à m'excuser même d'être un homme ainsi fait, d'avoir dans les veines non du sang, mais de la neige, une poudreuse mordante qui trop souvent, gèle ce muscle qui devrait pourtant battre au rythme de ceux qui savent aimer, qui savent correctement s'aimer, correctement fonctionner. Faiblement pourtant, je tente de lui sourire, notant malgré tout cette passe qu'elle passe à son doigt, et pour laquelle je n'éprouve qu'un pincement au cœur, qu'un regret que les ronronnements du moteur ne parviennent pas à ensevelir, que les paysage londonien qui défile sous mes iris ne chasse pas, préférant l'entretenir, pire lui permettre de se faire ce sel qui revient raviver une vieille plaie, un vieux souvenir que j'aurais aimé être capable d'oublier, d'enterrer avec toutes mes fautes, tout ses échecs que j'ai eu avec Christian, tout ces ratés qui ont manqué de me priver de lui, de le faire fuir, d'ainsi me condamner à cette vie d'errance, à cette existence de solitaire, à le chercher dans la foule, à espérer qu'un jour, il retrouve sa place entre nos draps, entre les bras pécheur que je suis, de ce pénitent qui ne parvient à s'affranchir de sa culpabilité, de cette laideur qui ronge et dévore petit à petit son cœur.

Il avait une bague ce jour-là. Pour moi. Pour lui. Pour nous deux. Et après un silence, je n'ai eu aucune peine à la repousser, à la refuser, à lui souffler qu'il n'était pas temps. Qu'il était trop tôt pour que je m'affiche publiquement à ses côtés.

Le souvenir de ce moment est aussi violent que cette gifle qui en avait suivi, qui avait laissé sur ma pommette une trace qui avait durée des jours, qui n'avait voulu s'effacer, comme si en ma chair, il avait imprimé ce jour-là cette déception qui aujourd'hui, se fait cet amant qu'il ne quitte plus, ce nouvel amoureux avec qui je dois le partager, même quand il m’éteint, quand contre ma peau, il me souffle cet amour devenu roncier entre nous. En un geste mécanique, résultat d'une pulsion que je ne contrôle pas, d'un besoin que je ne maîtrise pas, je pioche une autre cigarette que je porte à mes lèvres, que sans un mot j'embrase afin de lui arracher cette longue volute que j'expire bien discrètement, presque délicatement.

« Je n'ai pas pensé à en prendre une. » Je ne feins même pas de désigner sa bague, préférant à la place me concentrer sur la route, sur la circulation fluide, la danse gracieuse des phares dans la nuit, de celle qui laisse dans l'obscurité de longues traînées rouges. « J'oublie toujours. »

Ou plutôt je n'ai pas envie d'y penser. Pas envie de le blesser.

Mais je n'ai envie d'y penser, de trop m'abimer dans cette peine que je ne parviens à étouffer, contre laquelle il n'existe aucune panacée, aucune promesse de rédemption, ou d'absolution. A la place, je préfère changer de sujet, échapper à la moindre excuse qu'il me faudrait bredouiller pour répondre à une question que je n'ai pas envie d'évoquer avec Lowrie, en feignant de vouloir discuter de ce qui peut aller ou non dans ma vie, de ce qui peut me peser ou me passionner, prétendre avec elle entretenir une conversation qui n'aboutira qu'à cette évidence que tous connaissent, celle que je ne sais y faire avec les autres, que parmi eux, je suis comme un spectre qui ne comprend rien, une ombre qui erre entre leurs silhouettes, l'essence de quelqu'un qui se matérialise difficilement, qui ce soir, se devra de naviguer, d'errer, en quête de cette ancre qu'est Christian, de celui qui de sa présence seule, parvient à me garder en ce monde, à m'insuffler ce peu d'humanité qui me manque.

« Je travaille. »

Beaucoup trop selon lui.

« Mais je ne me plains pas. Il faut bien que quelqu'un s'attaque au député. »

Pensant qu'elle sait de quoi je parle, je ne prends pas la peine de m'expliquer, arrachant à la place une nouvelle plainte à la braise mentholée.

« Je dirais que les choses se passent bien. »

Bien que je ne comprenne plus cette existence que je mène, ni même cet homme dont je croise le regard dans le miroir

Tout va bien. Le voilà mon nouveau mensonge, cette nouvelle que je me forge pour n'avoir à accepter la réalité, à faire avec l'écroulement de mes certitudes, avec la chute de ses écailles qui jusque-là, me faisaient croire que l'humanité pouvait être sauvé, que les hommes pouvaient changer, que tout pouvait encore être rattrapé. Un soupir m'échappe, et pour clore la discussion, ou tout du moins pour lui faire entendre que je ne serais pas bavard, j'ouvre la fenêtre, laissant le chant de la ville saturer mes sens, un instant tuer mes pensées. Heureusement, c'est bien rapidement que nous arrivons sur le lieu de l'expo, où dans une rue adjacente, je parviens à garer ma berline, que je quitte, accompagné de celle à qui je n'offre pas mon bras, mais un demi-sourire.

« Je te préviens, ce sont des requins là-dedans. Ils flairent les néophytes à des kilomètres pour leur tomber dessus et les assommer d'exposés sur le néo-cubisme ou je ne sais quoi. »

Je fais quelque pas, ne cessant de lisser les pans de mon costume, terminant nerveusement ce mégot que je finis par écraser au sol.

« Seulement tu as de la chance.. Je suis l'appât parfait. N'y connaissant rien et ne voyant que des toiles colorées, tous se sentent obligés de venir disséquer mon cœur de pierre. »

Je lui glisse un regard amusé.

« Je te demanderais juste d'aller vider le buffet pour qu'au moins, nous puissions nous consoler en grignotant des toast et en buvant tout ce qu'ils auront de pétillant. »

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09.04.20 22:10
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Lowri Conway

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Melancholia
Peter & Lowri
Sortie à la galerie d'art
Te voilà mon beau prince... et je me retiens de sourire en remarquant encore une fois à quel point tu n'es pas à ta place ici, dans mon quartier populaire alors que William et toi devez sûrement habiter un de ces appartements immenses au loyer hors de prix avec une baie vitrée sur la Tamise, des sculptures et des meubles précieux partout, et une clé pour le cours de tennis partagé de la copropriété... Et moi, moi la sorcière qui roule en moto, qui vend des attrape-rêves et qui ai du mal à boucler mes fins de mois en attendant que je trouve une nouvelle associée pour la boutique. Prince de Londres et ténor du barreau au masque impénétrable qui doit t'être envié par tes collègues et tes ennemis mais qui me désarçonne. Derrière ton masque imperturbable se cachent mille mystères, ça je le sens bien... et la vraie explication se cache derrière... le pourquoi il m'a fait cette proposition si bizarre mais qui tombait à point nommé... J'y pense souvent, même seule, même quand je n'ai aucune nouvelle de lui... Pourquoi? Pourquoi un homme qui a tout, comme lui, l'argent, le pouvoir, la renommée et un homme qui l'aime aurait besoin d'une imposteuse qui ne s'affiche à ton bras que pour éviter de mettre la clé sous la porte. Pourquoi moi? On est aussi compatibles que de l'huile avec de l'eau... Je suis fantasque, bordélique et désorganisée, et je suis certaine que chez lui ses caleçons sont rangés par couleur et ses chaussettes soigneusement pliées par paire... Nous n'avons rien en commun, pas une seule passion ou centre d'intérêt à part, un peu, le cinéma... alors qu'il n'aurait eu qu'à se pencher pour ramasser à la pelle des filles bien plus semblables et avec qui l'illusion qu'il souhaite tant garder aurait été bien plus crédible et parfaite. Le genre de filles qui trottent dans la City avec leurs talons hauts, leurs tailleurs impeccables, au rouge à lèvres soigneusement mis et au brushing tout droit sorti d'un magazine. Le genre de filles avec qui il pourrait parler de droit, débattre de jurisprudences, parier sur les procès à venir ou ce genre de trucs de gens du droit dans leur jargon qui ressemble presque à une autre langue... Pas moi.

Ce n'est pas une corvée pour moi je t'assure. Au contraire ça me permet d'aller dans des endroits où je n'irais pas de moi-même...

Peter et ses mots... J'ai presque l'impression qu'à la naissance, une mauvaise fée lui a dit qu'il ne pourrait prononcer qu'un certain nombre de mots durant toute sa vie, ce qui fait que ses paroles doivent être réduites à leur minimum et choisies avec soin. C'est l'empereur de la concision du discours, et j'espère qu'il est un peu plus bavard dans un tribunal... Je m'installe dans sa berline, dont les sièges sont plus confortables que mon canapé et sors la fausse bague que je glisse à mon doigt tout comme je commence à enfiler mon "rôle" pour ce soir. Je redeviens la respectable Anna, avec une légère touche d'excentricité dans sa mèche bleue parmi ses cheveux blonds, et ses bijoux un peu plus "arty" au lieu d'être sortis des boutiques de joaillerie... Je souris à sa remarque lorsqu'il voit ma bague et hausse une épaule.

Ne t'en fais pas, ce n'est pas grave... Personne ne va le remarquer je t'assure...

J'essaie de le faire parler, de lancer un pont entre nous, construire une sorte de complicité... Ce n'est pas parce qu'il me paie qu'on ne peut pas bien s'entendre... et j'ai sincèrement envie de le connaître un peu plus histoire que ça se passe mieux... Parce que j'ai l'impression que c'est encore plus difficile pour lui que pour moi... Il ne m'offre rien à part un mur lisse, sans aucune aspérité et parfois je désespère presque un peu. Donne moi quelque chose... ouvre moi la porte, même un peu... Et là, enfin, une brèche, quelque chose.

Ah oui? Le député? Qu'est-ce qui s'est passé? Je suis curieuse, raconte moi!

J'ai presque envie de soupirer quand il me dit qu'il travaille. C'est tellement une évidence que c'est écrit sur son front... Et je me demande si à choisir il ne préférerait pas son métier à son copain... C'est toute sa vie et plus encore... au point qu'il préfère faire souffrir William en s'affichant avec moi plutôt que d'assumer ce qu'il est et qui il aime, même si ça risque de froisser un tant soit peu sa réputation... C'est triste, même... et William doit sacrément l'aimer pour supporter ça... mais c'est entre eux... Mon sourire s'agrandit en le sentant se détendre un peu, comme si, à chaque fois qu'on se voyait, il devait se réhabituer à ma présence, un peu comme une bête sauvage à apprivoiser encore et toujours. Mais la conversation se fait plus fluide et plus détendue, agréable même. Sur la fin je ris même alors que nous arrivons en moins d'une dizaine de minutes et que je sors de la voiture.

Je suis une femme forte, et le néo-cubisme ou le post impressionniste ou le pseudo-dadaïsme n'arriveront pas à me vaincre! J'ai affronté pire que des gens rasoirs imbus d'eux mêmes!

Je sens son appréhension et viens glisser mon bras sous le sien alors qu'au loin je vois déjà la vitrine de la galerie illuminée, où se pressent des visiteurs.

En tant que fausse fiancée parfaite je ne les laisserai pas s'attaquer à toi, promis! Je volerai à ton secours où j'enverrai William les occuper avec ses discours d'expert! Ca va bien se passer. Et si ça devient trop chiant, on file une fois qu'on a dévalisé le buffet! Je trouve que c'est un plan du tonnerre non?

Et là, un des rares éclats derrière son masque, une petite fissure par laquelle je vois la lumière de qui il est vraiment irradier ... et j'aime le voir comme ça, drôle, piquant et avec une certaine tendresse envers moi. Là, comme ça, je comprends ce que lui trouve William et je peux même imaginer pourquoi il endure tout ça... pour lui. Une fois devant la porte je le regarde avec un sourire non feint en attrapant la poignée.

Alors, prêt à te baigner dans la fosse aux lions? C'est parti!

J'ouvre, sentant une bouffée de chaleur et d'éclats de voix me parvenir alors que, toujours à son bras, nous entrons dans la galerie. Des visages se tournent vers nous, des sourires, des signes discrets sont échangés jusqu'à ce que William s'approche de nous et que je vienne lui faire la bise.

Bonsoir! Notre cher Peter ici présent m'a dit que tu viendrais nous sauver si nous étions attaquer par des hordes de spécialistes ennuyeux... Relèveras-tu le défi?


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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Voler à mon secours ?

L'idée même qu'elle soulève en me taquinant, en tentant de m'arracher ce sourire que je ne parviens pas à esquisser, à même feindre tandis qu'elle vient saisir mon bras, forcer cette étreinte, ce simulacre d'amour que je n'éprouve que pour cet homme qui n'est pas là, pour celui dont je discerne à peine la silhouette derrière la vitre, derrière les lumières et mon reflet, de cet aimé qui vit sans moi, qui sourit parce que je ne suis pas là, parce que je ne suis pas encore là pour lui rappeler que tout cela lui est interdit, qu'ici, parmi les invité et les toiles, au milieu des mondanités, des politesses et des petits-fours, nous ne seront que deux étrangers qui cohabitent, que deux acteurs qui prétendent s'apprécier et ne partager que les murs d'un même appartement, que les gestes d'une amitié aussi courtoise que le sont nos baisers quand il m'en veut d'être comme je suis, d'être cette vague dont il est tombé amoureux, ce spectre qu'il ne parvient pas à faire prisonnier de ses bras, de cet avenir qu'il a prévu pour nous, dont il a rêvé quand il était pendu à mes lèvres, à espérer qu'un jour, je sois un peu plus comme lui, un peu plus humain, un peu moins incertain. En silence, presque, le souffle retenu, je me laisse entraîner aux côtés de Lowri au sein de la galerie, dont la chaleur de l'endroit et le bruit viennent sans peine fouetter mon visage, doucement caresser mes joues pour y déposer les fragrances étrange des pigments et de l'allégresse de ce rassemblement presque incongru, presque venu d'un temps où il n'était pas un luxe d'être insouciant, de s'entasser dans une grande salle pour s'émerveiller de l'inutile et de sa beauté, du rien et de la vacuité de ces choses matérielles que l'on peut amasser, collectionner afin de calmer cette faim que je suis le seul à ne point ressentir, celle qui dévore l'âme et le cœur, qui exige qu'on la console de belles choses, de petites et grandes choses que l'on entasse, que l'on range, que l'on ordonne ou expose, qui sans cesse tire sur cette cordes sensibles qui me fait défaut, qui n'est pas là à relier mon myocarde à ce carrousel de l'esthétique qui ne tourne jamais, qui depuis l'enfance, est là, à prendre la poussière, à n'être mis en mouvement que par la patience de cet homme qui fend la masse pour nous rejoindre, qui d'un sourire, parvient à saluer celle qu'une nuit il a traité de putain quand il a appris pour notre arrangement et vers laquelle il se penche pour échanger une bise pareille aux battements silencieux des ailes d'un papillon de nuit. Le cœur soudain si petit entre mes côtes, si comprimé par les deux mains de cette horreur, de cette angoisse qui me tient à la gorge, je ferme les yeux et inspire, tentant de me calmer, de ne pas céder à ce sentiment que je ne comprends pas, à cette impression qui me hurle que c'est trop tard, qu'entre lui et moi, j'ai brisé quelque chose, surtout quand de sa voix, il brise le calme brouhaha ambiant.

« Il t'a dit ça ? »

Je le sens. Ton regard sur moi. Cette pointe d'amusement qui se mêle à ce plaisir que tu éprouves en me voyant déjà craindre tes confrères, ceux que tu vas lâcher sur ma personne, que tu vas envoyer me disséquer, m'analyser pour comprendre ce qui ne tourne pas rond chez moi.

Du coin de l'oeil, je parviens à croiser son regard, tandis qu'en silence, je le maudis, l'avertis qu'à l'instant même où nous serons tout les deux de retour à l'appartement, je me vengerais de la plus vile des manières, comme lui le faisait à cette époque où nous aimions nous chasser lors de soirées, où tout le sel de notre relation était de s'intoxiquer du corps de l'autre entre deux portes verrouillées, entre deux chambres d'hôtels.

« Je verrais. C'est que j'ai parlé de lui à certains amis et... »

Salaud.

Face à moi, il ose rire, verre en main, beau à en crever et certain d'avoir gagné la joute de ce soir.

« J'y penserais. » Son regard me quitte enfin pour se poser sur ma cavalière et fiancée de la soirée. « Mais si j'étais toi, je le laisserais aux corbeaux. Il est hilarant de le voir expliquer à des professionnels qu'un Rothko n'est qu'une très heureuse bavure. »

J'inspire, me retenant de lui rétorquer sèchement que cette réflexion datait d'y a longtemps, de ce temps où à ses côtés j'écumais en sa compagnie les musées de la ville pour avoir le droit de perdre un peu de temps en sa compagnie, de profiter de sa passion, du timbre chaud de sa voix et de cette attention qu'il m'offrait mais à la place, je préfère esquisser un sourire, feindre un amusement qui ne parvient pas à détendre mes épaules que je ne cesse de raidir au fil des minutes qui s'égrainent, qui entre nous se font excuses pour se retrouver, pour ne pas se quitter, ne pas s'éloigner, de crainte, peut-être, qu'un jour l'autre se perde au loin.

« Je me doutais cependant qu'en effet tu m'abandonnes aux griffes de tes chacals de confrères. Ce n'est rien. Je verrais si je parviens à battre mon record. En combien de temps ai-je fait abandonner ton amie artiste la dernière fois ? »

De justesse, il ravale son rire en même temps que la gorgée de ce cocktail dépourvu du moindre alcool.

« Hm... Je crois que c'était quelques chose comme dix minutes. En même temps tu as fait fort. Dire que les expressionnistes se contentaient de faire des taches chaotiques... » Il secoue la tête avant de reprendre. « En tout cas... Amusez-vous bien. Et en espérant vous recroiser durant la soirée. »

Sans un regard, il s'échappe, il file et m'abandonne quasiment sur le pas de la porte, en compagnie de celle pour qui je n'ai pas une attention, pas un mot alors que mes prunelles se perdent dans la foule, sur les silhouettes qui l'emportent, qui l'emmènent si loin de ma personne pour le recracher, le donner, l'offrir à ces autres que je ne peux que jalouser, qu'envier d'être dignes de cet amour qu'il a quand il parle avec eux de ce que je ne peux comprendre, de ce monde qui m'interdit, que je ne peux qu'observer de derrière cette paroi de verre que je ne pourrais jamais briser, qui à jamais, sera là pour séparer, pour faire de notre couple, rien de plus que cet amour étrange d'un poète, d'une âme trop noble, pour une vague qui ne connaît que le froid.

Un artiste qui s'entiche d'une anomalie. Tu aurais mérité mieux. Tu aurais dû tomber amoureux de quelqu'un qui aurait su te rendre heureux. Pardonne-moi d'être égoïste. De te vouloir à mes côtés, d'avoir envie de me réveiller contre toi. Pardonne-moi de n'être qu'un homme en ta présence.

Mais c'est trop tard, il est loin déjà, et péniblement, je reviens en ce monde pour soupirer, pour être lassé de cette soirée déjà trop longue, des toiles vers lesquelles je m'approche sans grande conviction, sans lâcher celle dont je viens réclamer sa main, afin d'y chercher un quelconque soutien, une quelconque promesse que tout ira bien.

« J'ai l'impression que tous se ressemblent. Que les motifs sont souvent les mêmes, les intentions aussi. La structure même des coups de pinceaux... »

J'aimerais m'en émouvoir, trouver cela beau, merveilleux, cet assemblage de formes, de lignes, de projections colorés, de morceaux de photos maltraités par une fausse colère, par un empressement feint et induit par cet entêtement à vouloir créer quelque chose du rien, de construire quelque chose d’intrinsèquement inutile, juste bon à satisfaire le besoin d'un instant s'émerveiller, d'une seconde être inspiré pour mieux oublier. J'aimerais aimer tout cela, éprouver juste une fois quelque chose pour comprendre, pour appréhender ce que cela fait d'être humain.

« C'est familier. »

Mais ce n'est pas possible. Cela m'est interdit.

Face à l'immense toile représentant, pour moi, un néant d'efforts produits en vain, je reste interdit, impassible, mes doigts ne cessant de distraitement caresser le dos de cette main que Lowri pose sur mon bras, distant, presque lointain pour ce monde qui n'est pas le mien, qui refuse de me laisser entrevoir ce qu'il y a de si bouleversant dans la pratique d'un art que je vois comme une oisiveté maligne, comme un artifice.

« C'est finalement prévisible, l'art. Comme les hommes. Tous veulent être unique. Merveilleux. Magnifique. Et au final... »

Au final ils ne sont rien. Juste l’événement d'un temps. Une distraction passagère. Un doux souvenir qui n'est précieux que parce qu'il est passé.

Comme toi et moi, mon amour. Nous ne sommes amoureux parce que nous nous accrochons aux deux idiots que nous étions quand nous nous sommes rencontrés. Ce sont eux que nous aimons. Eux et leurs maladresses. Eux et cette innocence que nous avons perdu en grandissant, en laissant de côté nos rêves et l'espoir d'être un jour heureux.

« C'est décevant. Parce que l'unique n'existe pas. »

Parce que la beauté n'est rien. Un mensonge tout au plus. Un idylle au mieux.

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13.04.20 23:49
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Lowri Conway

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Melancholia
Peter & Lowri
Sortie à la galerie d'art
Alors c'est parti... Me voilà à enfiler encore une fois le masque de la fiancée parfaite, celle qui est lisse, celle qui fait plaisir à tout le monde, celle qui sourit et qui est charmante, celle qui cache ce qu'elle est sous le loup de celle qu'on veut qu'elle soit. Que Peter veut que je sois. Il ne cherche pas une medium tenant une boutique d'articles ésotériques qui a du mal à joindre les deux bouts et qui galère à vendre ses toiles. Il n'a pas envie de quelqu'un d'aussi original que ça, parce que dans son milieu, ça ne se fait pas et je l'ai bien compris. Je me crée un personnage un peu différent du mien : le prénom et le métier... pour le reste? J'essaie de ne pas trop m'éloigner de la rive, de peur de me faire entrainer au large et de me perdre dans mes mensonges. Parce que ça a l'air rudement agréable de totalement se réinventer, se raconter différemment à chaque personne qu'on croise, se faire multiple et insaisissable... mais au risque de se perdre. Après tout qui irait vérifier? Qui de nos jours irait se donner la peine de me scruter sur un éventuel réseau social, surtout quand on sait que Peter n'en a aucun à part son site personnel?

Trop occupé sans doute par la perspective de la soirée à venir et l'angoisse que je le sens éprouver il oublie de me répondre au sujet du procureur, ou bien n'en a pas envie... Et ça y est, nous entrons, saluons de loin de vagues connaissances qu'il est de bon ton de croiser dans ce genre d'endroits. Et à part William qui vient à notre rencontre, je me doute qu'une bonne partie de ceux qui sont ici ne s'intéressent pas à l'art et le comprennent encore moins. Ils viennent pour pouvoir se vanter à leurs amis et leurs collègues qu'ils ont été dans une galerie géniaaaaaaaaaaaaaaaaaale et qu'ils ont découvert un jeune talent extraordinaaaaaaaaaaaaaaire alors qu'ils ne sauraient pas différencier un Mondrian d'un Picasso et un Giacometti d'un Arp... Ils sont là parce que les conventions sociales et leur image compte plus que leur souhait d'en apprendre plus où leur goût pour le beau et je trouve ça triste. Il y a tellement de gens à Londres et ailleurs qui n'attendraient que ça, à qui ça ferait du bien, mais qui n'ont pas les bons contacts et les bons raisons pour le faire... Et voilà William à qui je me présente... lui aussi est un mystère... et c'est drôle parce que cette soirée me rappelle un carnaval où chacun vient sous une autre apparence que la sienne... Ce soir il joue le passionné d'art et surtout l'ami... là où lui devrait être le fiancé et l'amant... Et comment peut-il accepter ça? Comment peut-il sourire, être à l'aise, son verre de jus de fruit en main, louvoyant avec souplesse entre les invités, sourire aux lèvres avec une décontraction et une nonchalance qui m'épatent autant qu'elles m'attristent. Combien il doit l'aimer... oh oui, combien il doit l'aimer pour accepter de jouer cette mascarade, d'accepter de voir l'homme qu'il aime, avec qui il vit, s'afficher au bras d'une impostrice, pire, quelqu'un qu'il paie pour l'avoir à son bras, alors qu'il y a quelqu'un qui lui a déjà proposé de partager officiellement sa vie. Je ne comprends toujours pas pourquoi Peter a besoin de ça... Il a tout, vraiment tout, et je ne suis même pas un ornement valable... même pas une valeur ajoutée, juste...une compagnie un peu sympathique... Je me rappelle du premier soir où Peter nous a présentés... Il m'a traitée de connasse arriviste, de voleuse d'hommes et tout un autre chapelet d'horreurs avant d'accepter. Je ne sais toujours pas ce que Peter lui a dit, comment il est arrivé à le convaincre, mais ce soir lui aussi joue son rôle à la perfection, et maintenant qu'il ne me voit pas comme une menace, il se montre des plus charmants avec moi...

Absolument désespérant oui... Et qui n'arriverait à dire de Soulages que... "c'est que du noir" ou de Hopper "Il aurait mieux fait de prendre des photos, il aurait perdu moins de temps!"

C'est faux mais je joue le jeu et prolonge la plaisanterie, parce que c'est devenu presque un jeu, et j'entends quelques rires autour de nous, condescendants, poliment amusés par notre vanne d'aristo de la culture face à la plèbe que Peter représente, ce soir. Et après avoir été adorable et délicieux, spirituel et gentleman sans rien laisser transparaître de ce qui se passe dans son esprit, il file et s'en va débattre d'art plus loin, nous laissant à nouveau tous les deux. Et nous entrons en piste, conquérons l'espace en faisant croire au monde que nous sommes chez nous et que ce que nous faisons est habituel. Mon bras toujours sous le sien on se dirige vers les premières oeuvres devant lesquelles il se plante, moi à ses côtés, et essaie comme à chaque fois, avec toute la bonne volonté du monde d'y comprendre quelque chose.

J'avoue que je ne trouve pas ça exceptionnel... mais bon... Chaque artiste, en général, essaie de sortir du lot et ... ok ça va paraître cliché mais... de laisser parler son coeur. De mettre une partie de lui dans son art. C'es une façon de se mettre à nu,ou d'exprimer ce qu'on ne peut pas dire avec des mots... Pour certains c'est même une question de vie ou de mort... Mais entre nous, ça... je trouve que c'est typiquement le genre de tableau qu'on fait pour être exposé... pas pour passer un message ou exprimer une émotion...

Je souris et lui donne gentiment un coup d'épaule.

Eh tu vois, tu commences à avoir le coup de main maintenant! Bientôt tu vas pouvoir remplacer William!

On s'arrête devant une autre toile, et je sens toujours sa main caresser distraitement mon bras, non pas dans un geste amoureux, mais plus comme un geste mécanique de réflexion, ou qu'on caresse rêveusement un chat lové sur ses genoux. Je tourne un peu la tête, me détournant de l'oeuvre pour me consacrer à lui, lui tellement différent des autres ici ce soir, à se débattre dans un univers qu'il ne comprend pas...

C'est pas le propre de l'humain de vouloir être admiré? Ou au moins aimé? D'avoir des compliments ou qu'on apprécie son travail? Personne ne peut vivre correctement en se faisant rabaisser en permanence... Et au final?

Je l'entends et le guide un peu plus loin, tout en reprenant.

Bien sûr que si... la majeure partie des choses qui nous entourent est unique. Chaque humain, d'abord (non les jumeaux ça ne compte pas!) tout comme les animaux... même autour de nous, chacune de tes affaires est unique... même si elles peuvent se ressembler chacune a ses spécificités... Il y a plus de choses uniques dans le monde que de choses reproduites à l'identique, tu ne trouves pas?


eden memories
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L'art n'est rien. Qu'il soit ainsi accroché aux murs d'une galerie qui n'est fréquentée que par une élite, dans ses livres que William aime entasser au sein de notre appartement ou dissimulé entre les lèvres de celui-ci, il ne reste que ce concept qui m'échappe, un inconnu qui danse parmi mon âme sans jamais parvenir à la convertir à cette religion étrange qui est presque opium chez ceux assez fous pour se perdre dans les travers et tourment de la création, dans les rouages destructeurs de cette imagination qui n'est qu'une folie acceptée, qu'une maladie étrange de l'esprit que je déteste parce qu'elle m'est étrangère, parce qu'elle est cette pandémie qui m'a épargnée, qui depuis des années, me force à être aux côtés de mon aimé, cet ignorant qui n'est que spectre dans son aura, cette vague lointaine que lui-même ne parvient à garder, à retenir, qu'au final, il regarde partir, comme si au détour d'une étreinte, d'un baiser, il avait accepté la fin de cette union qui autrefois était sacrée, bénie par la beauté de notre innocence, de cette foi qui lui permettait de croire que je méritais ses baisers. Face à la toile, aux côtés de celle qui prétend m'aimer, supporter mes silences, cette distance que j'impose à tout ceux qui viennent effleurer la surface de mon être, qui tentent de comprendre cet océan qui en cette soirée, gronde faiblement pour les mots de ma fiancée, de celle qui essaye, qui fait tout pour comme lui, insuffler cette humanité qui fait défaut à mon âme, à mon cœur que je pense fait d'écumes et de sel, de sable et de verre, je me confonds dans le silence, m'égare dans les échos de sa vérité pour mieux soupirer, pour mieux m'égarer dans les coups de pinceaux qui n'ont de sens, dans les pigments qui ne sont bons qu'à souiller une toile qui était presque plus belle quand elle était vierge, quand elle n'était qu'une possibilité qui ne demandait qu'à être, qu'un rien qui aurait pu tout être, la preuve même que du néant, tout peut émerger, tout peut se créer.

Mais à la place, il n'y a que ça. Que la tentative égoïste d'un être qui veut tromper la mort et l'oubli. Qui veut s'assurer que l'on le vénéra quand il ne sera que nourriture pour les vers, que poussière. L'unicité n'est pas là, en art elle n'existe pas. Il n'y a que cette crainte enfantine d'un jour mourir, d'un jour n'être plus rien, si ce n'est un souvenir, un nom sr une stèle qui sera battue par les vents et la pluie, qu'un squelette qui pourri.

« Il n'y a rien. Que du creux, que du vide. » souffle-je faiblement, en secouant à peine la tête, alors que scrupuleusement, je contemple la moindre éclaboussure, la moindre courbe colorée qui tente de transcender ce sentiment que je n'éprouve pas, qui sur les lèvres du reste des invités, ne cesse pourtant de se promener, de se partager comme cette maladie que l'on s'échange entre deux baisers, entre deux soupirs qui de mon regard d'impie, d'infidèle, se font interdits, sont jalousés, enviés, détestés. « Comme tu le dis, les hommes ne rêvent que de ça, d'exister par delà la mort, par delà les frontières de leur propre corps. Nous sommes tous coupables de ce péché, nous le partageons comme nous partageons tant de choses. Où est l'unique là-dedans ? Dans cette volonté commune qui ronge tout ? Qui force les hommes à envier ceux devenus immortels parce qu'ils ont su s'imposer ? Où la vois-tu, Lowrie ? »

La vois-tu en nous ? En lui ? En toi ? Te penses-tu unique ? Différente de celles qui étaient avant toi, de celles qui seront après toi ? Te penses-tu si différente de moi ? Fais-tu partie de ceux qui croient que nous méritons tous d'êtres sauvé, aimé parce que chacun d'entre nous est une étoile qui mérite d'être nommée et non un grain de sable voué à être battu par les vagues, par la fatalité lié à sa nature ? Serais-tu une croyante ? Une douce âme qui a foi en l'humanité ? Douce enfant. J'aurais aimé naître ainsi, tu sais. Y croire comme tu le fais.

J'aimerais être fait comme eux le sont, trouver dans les couleurs, les formes et les intentions cette beauté qui m'échappe, cette poésie que je ne trouve que dans le vivant, dans le ressac des vagues, que dans les embruns de cet océan qui n'est rien quand il est prisonnier du regard d'un photographe, du cadre d'un tableau, d'une peinture qui tente de capter la puissance de sa fureur mais qui ne parvient qu'à la diminuer, la bafouer, la parodier par cette envie stupide d'être unique, de se faire aussi essentiel que l'éternel, que cet univers indifférent à la détresse des hommes, de cette humanité qui est vouée à passer, à un jour être remplacée, inhumée dans les entrailles même de cette terre à laquelle il nous faut un jour retourner. A nouveau, je soupire, ne parvenant pas à bouger, à changer de toile, à me promener au sein de cette exposition, de ce vernissage dont je suis déjà lassé, qui déjà m'épuise au point de me faire souhaiter pour cette fuite qui ne serait acceptée, pour cette escapade qu'avec ma fiancée je pourrais avoir, juste pour tromper cette terrible vérité, cette fatalité qui ne cesse de me poignarder, d'embrocher mes reins pour les offrir aux crocs même de cette angoisse dont je me protège en me refermant sur moi-même, en me cachant derrière ce pincement de lèvres que j'ai, derrière cet air ennuyé qui peine tant cet aîné, qui en cette soirée, préfère m'oublier, m'abandonner dans ses pas, dans les traces qu'il laisse en ce monde, dans cette ombre que je ne pourrais jamais retenir, que je ne pourrais jamais convaincre d'à jamais m'aimer malgré mes travers, malgré cette âme glacée contre laquelle il ne cesse de se brûler, de se désoler.

Ici nous célébrons la médiocrité d'un être terrorisé. Nous essayons de nous émerveiller de coquilles vides, de choses qui ne veulent rien dire.

« La vacuité d'un cœur. »

J'inspire faiblement, et cesse un instant d'effleurer de mes doigts le dos de sa main, les retirant même pour les glisser dans ma poche.

« Voilà ce qui nous fait face. La dissection parfaite de quelqu'un qui n'est rien et qui tente de se faire canoniser comme d'autres l'ont été auparavant parce que la mort l'effraie, parce qu'il craint autant l'anonymat que la fosse commune. Parce qu'il est obsédé par ce qui devrait être dire de lui quand ses proches en auront assez de se recueillir sur son cercueil. L'unique n'existe pas, malheureusement. »

J'ose esquisser un sourire, un rictus bien triste qui s'échoue au coin de mes lèvres, de cette bouche qui n'est bonne qu'à soupirer un poison dont autrefois William aimait s'enivrer, et qui aujourd'hui, ne cesse de le ronger, de tuer cet homme merveilleux qu'il était, cet homme dans les bras duquel, je me pensais sauvé, expié de mes défauts, de mes péchés, de cet enfer dont il est prisonnier.

Car je suis devenu ton démon, pas vrai ? Cette vipère enroulée autour de ton cou dont tu crains la morsure mais que tu n'oses décapiter car tu as succombé à la beauté de ses écailles, de ses crochets qu'elle ne cesse d'exposer. Je le vois parfois dans ton regard, quand le soir tu viens réclamer mes lèvres, mes caresses. Je te vois, je te sens douter. Te demander si tu restes parce que tu t'aimes, ou parce que tu ne sais pas comment faire pour me quitter, si tu parviendrais seulement à m'oublier dans les bras d'un autre. Je goûte à ton doute à même ta peau, et plus le temps passe, plus il se fait cette amère panacée qui me donne la nausée, qui me fait me coucher toujours plus tard pour ne plus te sentir m'attirer à toi. Nous en sommes là. Comme d'autres l'ont été. Comme d'autres le seront. Même notre amour n'est rien. Si ce n'est un évidence qui se répète d'individus à individus. Plus jeune, j'étais con au point de penser que nous étions tout. Que nous étions une belle exception. Aujourd'hui, je ne sais plus.

« Mes affaires ne sont que les mêmes crimes, les mêmes fautes qu'il me faut condamner, qu'il me faut prouver, présenter à un jury composés d'hommes et de femmes qu'il est aisé de manipuler, de pousser à me voir comme l'unique porteur de cette vérité qui n'est jamais unique. Mes clients ne sont que des victimes, des êtres qui se ressemblent, qui partagent tous cette peine, ce malheur que l'on éprouve quand on a été dupés, blessé, trompés. Mon travail ne se résume qu'à une simple constante : l'être humain n'est pas parfait et il trouvera toujours un moyen de blesser les siens. Alors certes, l'horreur d'un crime peut faire sortir du lot une affaire mais... Crois-moi, au bout d'un moment, tout les cadavres finissent par se ressembler. Tout les meurtriers finissent par fusionner. »

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Lowri Conway

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Melancholia
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Il n'y a qu'avec lui, je crois, que j'ai des discussions aussi profondes et aussi intenses. Il n'y a qu'avec lui, depuis l'époque de la fac, où nos rencontres se changent souvent, quand l'occasion s'y prête, en débats qui s'ils ne sont pas enflammés sont tout du moins intenses. J'aime le fait de me lancer avec lui dans une sorte de combat, et de trouver un adversaire avec qui je puisse aiguiser mes idées comme des lames, et débattre, tout simplement. C'est un art qui se perd, je trouve, même si certains, comme lui, en ont fait leur métier, et de la parole, leur arme principale. C'est drôle de se dire que des mots, une simple succession de sons et d'articulations peut tout changer... redonner du courage à un soldat qui va au front, lui faire accepter l'idée de mourir pour défendre une cause, briser un coeur, changer une vie, pour le bien ou pour le mal. Nous sommes dépendants des mots, écrits ou parlés, à un point qu'on n'imagine pas, ils nous sont presque aussi essentiels que l'air qu'on respire ou la nourriture que l'on mange. Essentiels. De simples traits et des lignes, des points et quelques arabesques... dans un sens l'écriture c'est aussi de l'art, l'art de communiquer, et quand on voit les kanjis japonais ou les idéogrammes chinois, c'est le maillon manquant entre les deux...

Comment veux-tu qu'il y ait du creux et du vide là où il y a quelque chose? Alors oui, c'est pas aussi flagrant qu'une sculpture mais tu as déjà le relief de la peinture sur la toile... C'est super intéressant à regarder, chez certains, de voir que justement l'artiste a réfléchi sur le comment il utilisait la matière de la peinture dans l'oeuvre d'art, comme Soulages. Si tu regardes une photo, tu verras rien, mais si tu vois la toile en vrai, là tu comprends parce qu'il faut bouger autour de la toile, regarder comment la lumière se reflète dessus, la profondeur... Regarder un tableau impressionniste de trop près ça n'a aucun intérêt... faut s'éloigner pour que les taches de couleur forment quelque chose... et devienne magnifique... Tu vois l'idée?

Notre conversation parle ensuite du souhait des hommes de vouloir être reconnus et admirés et je hoche doucement la tête alors qu'on glisse d'une oeuvre à l'autre, captant dans son regard qu'il essaie de comprendre, voyant chaque toile ou chaque sculpture comme un problème mathématique qu'il faudrait résoudre, ou un coffre hermétique contenant le savoir dont il cherche la clé. Je sens sa frustration face à ça, et j'admire quand même sa ténacité... Certains sujets qui me laissent totalement étrangère ne me donnent pas envie de me battre, mais quand son...fiancé baigne dans ce monde, c'est une sorte de dommage collatéral implicite que d'y être confronté.

Eh bien... ça doit faire partie de l'âme humaine... dans la façon dont elle est construite. Ou l'esprit si tu préfères. Surtout que quasiment toutes les cultures ont des formes de rites pour perpétuer la mémoire de leurs ancêtres... En fait je pense qu'il y a la peur de l'oubli, qu'à un moment donné on n'existe plus du tout, ni physiquement, ni dans les souvenirs des gens... Je crois... qu'il y a chez beaucoup cette... impossibilité d'accepter l'idée qu'on ne sera vraiment plus rien à un moment donné, à part un nom sur quelques papiers, et des photos qui vont disparaître petit à petit... Il y a déjà une lutte pour subsister à travers le temps, et pour la reconnaissance je ne saurais pas te dire pourquoi nous avons tous ce besoin et cette envie d'être reconnus et admirés. Qui a été le premier à vouloir ça, à lancer cette sorte de mode? Puis à créer les moyens de perpétuer ça comme les peintures, les livres, les photos, le cinéma, et maintenant youtube, où chacun espère avoir sa minute de gloire...

Sa main quitte la mienne et il reste à mes côtés, alors qu'on est un peu perdus dans notre bulle au milieu de ces vrais et faux passionnés, ces mondains et cette élite culturelle dont je me sens totalement étrangère.

Le monde n'est pas aussi uniforme que ça! Chaque plante, chaque fruit est unique, chaque animal aussi! Sans compter nous... Nos gestes, énormément de choses sont uniques... comme notre façon de penser ou réagir, notre attitude face à tel événement... J'ai l'impression que tu vois un peu trop le monde en noir et blanc alors qu'il y a beaucoup de nuances de gris... Oui on peut dire que notre pensée est influencée par plein de choses qu'on peut identifier et calculer et pourtant...

Et notre débat glisse ensuite sur son métier. Comme pour Zac, je n'aurais absolument aucune envie de le faire... De nature, je suis bien trop empathique, et mon don me le renvoie puissance mille... Alors être constamment au contact de meurtriers et d'assassins, de criminels, je supporterai pas. J'incline légèrement la tête en l'écoutant, fronçant les sourcils.

Tu veux dire que tu n'es pas touché par les histoires que tu entends? Tu n'as pas vraiment, du fond des tripes, envie de défendre telle personne ou d'en condamner une autre? Je pense que surtout dans ton métier il y avait beaucoup plus de cas par cas, avec chaque affaire à voir comme un renouveau... De nouvelles circonstances, de nouveaux profils... tout ça... Pour toi c'est tellement devenu la routine alors que tu n'arrives plus à différencier tes affaires? Ou que tu voies tellement de similitudes?

J'arrête le serveur qui passe avec son plateau, et attrape deux cocktails sans alcool sophistiqués, en tendant un à Peter en face de moi.

Voir la souffrance des autres ne te touche plus, c'est ça que tu veux dire? Tu es blasé par tout ça? Qu'est-ce qu'il te faudrait pour rallumer la flamme?


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Lowri & Peter
Honey I'm on fire, I feel it everywhere Nothin' scares me anymore Kiss me hard before you go Summertime sadness I just wanted you to know That baby, you the best I got that summertime, summertime sadness

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il me faut fermer les yeux pour échapper aux évidences qu'elle soulève par ces questions, aux vérités qu'elle soulève par sa candeur que je lui envierais presque, si j'étais capable de la comprendre, de pleinement l'apprécier pour mieux le lui la dérober en une tentative de sauver mon âme abîmée par les années passées à côtoyer l'horreur, à faire avec les mensonges et la laideur de cette humanité dont je m'échappe toujours un peu plus chaque jour qui passe, soupirant longuement alors qu'elle arrête un serveur pour attraper deux coupes dépourvues du moindre alcool dont j'aurais pourtant besoin, afin de faire taire cette chose qui s'échine à me dévorer les reins et le cœur, pour la noyer sous la rasade d'une liqueur dont le baiser brûlant me manque soudain, pour mieux pincer l'arrête de mon nez, puis attraper le verre sans même essayer de le porter à mes lèvres, me contentant de le laisser peser entre mes doigts, au creux de cette paume qui, il y a moins d'une heure, reposait sur son torse, sur l'un de ses pectoraux qu'au travers de sa peau, je pouvais sentir se contracter, se bander à l'idée même que je puisse tenter de venir l'effleurer de mes lèvres pour mieux le retenir, l'empêcher de m'échapper, avant de se relâcher, en comprenant que je n'oserais pas, que je n'allais même pas essayer, par lâcheté. Une seconde, j'en viens à souhaité que je sois resté à l'appartement, que sous la couette, je sois à l'attendre, à jouer l'adolescent pour le forcer à me revenir au plus vite mais conscient qu'il me faut être adulte, je rouvre finalement les yeux pour croiser les iris de ma fiancée, de celle que je fais prisonnière d'une alliance dénuée de sens, d'une relation qui dans six mois sera la risée des journaux à sensations qui n'auront pas le moindre à mal à me tailler la réputation d'un homme difficile à combler, peut-être même impuissant, ou vicié par des travers pire encore que l'homosexualité. Je soupire à nouveau, incapable de siroter une gorgée du cocktail coloré, de desserrer les lèvres pour admettre qu'en effet, j'ai fini par me faire hermétique au malheur des autres, à la douleur de ceux qui ne sont plus que des noms dans des dossiers, des visages capturés par des photographies, par des transcriptions qui les déshumanisent.

Plus jeune je pensais que je parviendrais à faire la différence, à sauver ce monde d'un mal qui a fini par avoir raison de moi, par m'arracher à cette réalité, à m'emporter toujours plus loin du rivage. Aujourd'hui, je ne sais même plus pourquoi je continue. On ne peut les sauver. Parce qu'ils ne veulent pas être sauvés, Lowrie.

« Si tu les voyais. »

Ils finissent tous par se ressembler, par pleurer de la même manière, par jurer que c'est injuste, que la vie n'a pas été douce avec eux, que l'univers est cruel et l'humanité encore plus. Ils deviennent lassants avec le temps, criminels ou victimes, ils sont tous prisonnier du même cycle, des mêmes envies, des engrenages du désespoir, du vice et de la culpabilité. Ils sont une ruche, une nuée grouillante qui fredonne sans cesse les mêmes banalités, ou insanités, persuadés d'être unique, d'être les élus, de mériter toute l'attention du monde et même plus. Ils deviennent lassants, avec le temps.

« Les victimes défilent et pleurent tous en chœur sur les mêmes horreurs. Ils regrettent tous leurs défunts de la même manière, se penchent tous sur les photos en sanglotant, en jurant que ce n'était pas mérité, que c'était des gens bien, qui ne méritaient pas ça, qui auraient dû connaître la quasi-immortalité que l'on attribue aux personnes âgées qui refusent d'y passer. Ils sont touchants les premières fois, puis à force, on ne voit que les larmes, que les yeux rougis, que les visages bouffis, gonflés par la peine, par la douleur qui leur fait courber l'échine. Au bout d'un moment, ils disparaissent derrière leurs sanglots, ils se font comme une silhouette derrière une cascade. Un corps ballotté par les remous de leur existence. Ils sont faibles quand ils ne sont pas en colère. Meurtre, détournement d'argent... Ils trouvent tous une raison de pleurer, de se lamenter. »

En guise de conclusion j'ose sourire, parvenant enfin à descendre d'une traite le breuvage dont le mélange des saveurs me fait plisser le nez tant il est sucré, tant il a été pensé pour des amateurs d'arts qui aiment se noyer dans les excès, dans plus d'un des sept péchés capitaux. Un serveur passe à nos côtés, et sur son plateau, je dépose ma coupe vide, en profitant pour glisser un regard à mon hédoniste qui s'adonne à son art favoris, à celui de faire le bel homme au milieu de sa petite cour, de sa petite secte d'admirateurs qui lui font sûrement regretter d'être un jour tombé amoureux de l'étrangeté que je représente, de cette vague qui ne cesse de lui échapper, de jouer avec son cœur.

« Je finis par en avoir assez de les entendre se plaindre. »

Pire, j'en viens à les mépriser, à ressentir l'envie de les abandonner là, de leur dire qu'ils méritent de souffrir, de devenir les esclaves d'un malheur qu'ils on sûrement invoqués.

« Quant aux autres ? Ce que je fais tomber ? »

Le sourire que j'esquisse n'a rien de plaisant tant il est dénué de cette chaleur qui parfait irradie de ma personne, me berce comme une aura rassurante et bienveillante qui me donnerait presque des allures de père. Sur mes lèvres, il se dessine sans conviction, sans parvenir à illuminer mes traits rendus graves par l'étrange colère que je ressens en me sentant entouré, observé par des œuvres créent dans le but de calmer, d'apaiser cette pulsion primaire qu'ont tout les hommes à un moment, ce besoin répugnant de devenir un dieu, ou tout du moins, une figure éternelle que le temps ne pourra effacer, comme si cela était l'unique but de cette existence déjà souillée par cette arrogance qui les fait prisonnier d'un cycle aberrant, d'un Ouroboros agaçant.

Exister pour créer.
Créer pour accéder à l'éternité.
L'éternité pour prouver que l'on a existé.

Sans m'en rendre compte, voilà que je serre les dents, que je verrouille ma mâchoire le temps d'expirer cette colère que je ne cesse de ravaler dans l'espoir de l'étouffer, d'à nouveau l'enterrer quelque part entre mes organes, dans les tréfonds au sein desquelles elle aurait dû rester. J'expire une fois de plus.

« Ils finissent par n'être qu'un seul et même être. Un homoncule ridicule et grotesque, l'incarnation parfaite de la nature même de l'être humain.L'envie d'être riche, le besoin de détruire. Ils cherchent tous la même chose. Ils veulent posséder, ils convoitent. Que ce soit le pouvoir, la gloire, le droit d'être puissant, d'être sauvé d'une démence. On n'est surpris par la violence et l'horreur qu'une fois, Lowrie. Le premier meurtre soulève le cœur. Les suivants, non. Les détournements de fonds et les politiques qui piquent dans la caisse sont répugnants la première fois, après, on en vient à se demander si leur couper les mains ne serait pas un bon moyen de leur faire passer l'envie de se gaver d'un argent avec lequel ils ne pourront se faire enterrer, qui ne parviendra pas à les sauver de la fatalité. Ils sont fatiguant. Si tu les voyais tous... »

Tu te dirais que l'humanité ne mérite pas d'être sauvé. Qu'il n'y a rien à faire pour nos semblables. Que c'est trop tard. Et que le mieux à faire est de se damner à leurs côtés, plutôt que d'essayer de purger ce pays de ces péchés.

Un autre soupir et voilà que j'admets ma défaite, que j'avoue en silence que j'en ai assez, que je suis fatigué de tout ça, que sur mes épaules, pèse le poids de cette lassitude qui depuis quelques mois, me fait maigrir au point que William s'inquiète de me voir consommer plus de cigarettes que ces repas que nous prenons en silence, l'un à côté de l'autre, comme deux âmes qui se fréquentent parce la solitude les effraie trop, qu'un soir, entre deux reproches, il m'a demandé si je lui cachais une maladie, un mal que par fierté, je chercherais à lui dissimuler afin de ne pas le blesser. Dans les limbes de ma mémoire, il me semble lui avoir dit qu'il devenait ridicule, chose qui m'avait valu de me voir refusé le droit de venir me lover contre lui quelques heures plus tard, et d'ainsi dormir dos à lui, mon oreiller contre le cœur et les draps remontés jusqu'à mon nez.

« En tout cas. Art ou pas, ces peintures ne valent rien. Pas besoin d'être un critique pour réaliser que ce ne sont que horreurs que l'on va vendre à des nantis qui ont trop d'argent pour réaliser qu'ils se contentent d'entretenir le délire d'un artiste qui n'a pour seul talent que de savoir les tromper. »

Par-dessus l'épaule de ma fiancée, je jette un regard à la toile qui depuis notre arrivée se fait cet invité de trop que je rêve presque de décrocher pour le retourner contre le mur, pour exposer le châssis de la toile gâchée.

« La souffrance devient un concept abstrait tu sais. Comme l'unicité et tout le reste. »

Je n'ose plus la regarder, me contentant de prétendre m'intéresser aux tâches colorées qui jurent sur le blanc cru de la toile qui n'a pas été préparée, avec l'intention, sûrement, de porter un propos auquel je reste sourd.

« Je crains que tu sois celle encore aveuglée par le principe de beau et de laid, d'unique et de conforme, d'être sous l'influence du binaire. Des envies, des passions et du reste. Tu vois encore les compartiments, des différences infimes qui ne veulent rien dire, qui n'existent justement que pour empêcher les hommes de voir le gris, l'unique teinte de gris qui finit par touts les unir, par tout les engloutir, par se faire cette fosse commune qui aura raison de nos ossements. Je la vois, ce nuancier de gris. Au quotidien. Et crois-moi, l'unique n'existe pas dans cet océan de rien. Tout ce que l'on peut y voir, c'est que tout ressemble. Qu'au final, il n'y a pas grand chose de spécial. »

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24.05.20 21:53
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Lowri Conway

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Melancholia
Peter & Lowri
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Peter l'océan, une étendue immense et indéchiffrable, imprévisible, qui recèle tout un monde sous sa couche de vagues frangées d'écume, un univers fait de coraux et d'épaves, de cités englouties et de peuples entiers de poissons et de crustacés. Un monde inversé, comme le négatif de ce qui se passe sur la terre ferme, mais invisible, insondable à part pour les rares initiés, sortes de plongeurs de l'âme humaine et aventuriers téméraires... comme Will je pense. Et encore, je me demande si son William est arrivé à explorer toutes ses profondeurs, les fosses et les abysses qui le constituent... Peut-être qu'il a eu de la chance et qu'il est devenu roi de sa capitale engloutie mais le fait qu'il ait besoin d'une couverture me fait douter. Il ne vit peut-être pas avec Poséïdon mais il reste roi d'un domaine inexploré et perdu... loin de tout et des hommes... et à chaque fois que je le vois, je mesure toute l'étendue de cette distance qu'il garde avec les autres, comment il nous voit, presque comme appartenant à une espèce différente de la sienne. Et ça se renforce lorsqu'on parle des cas qu'il traite, des affaires dont il s'occupe jour après jour, et depuis des années.

Alors qu'il parle, je sens mes doigts serrer plus fort la flute en verre ou en cristal que je tiens, remplie d'un cocktail de jus de fruit presque trop sucré et manquant d'alcool. Comme si j'avais ouvert une vanne les mots s'échappent, comme une rivière gonflée par la crue brise sa digue et inonde les champs alentours. Des mots qui comme un secret honteux semblent avoir été cachés et retenus, par honte d'un jugement, sûrement, de perdre sa place si on l'entendait dire de tels trucs, peut-être... mais il se lâche, peut-être mis en confiance par notre débat et je ne peux que le contempler déverser ces vérités honteuses que personne ne semble avoir le cran d'admettre ou d'accepter, cette révélation que même celui avec les meilleures intentions et la plus grande foi dans ce qu'il fait se trouve dépassé et perde la flamme qui l'avait animé au départ. Je ne m'attendais pas à un discours si désabusé... Au contraire j'avais toujours imaginé Peter comme un chevalier blanc, une sorte de loyal bon, défenseur de la veuve et de l'orphelin, alors entendre des paroles aussi amères dépassant ses lèvres me fait frissonner. Est-ce que c'est si dur? Est-ce que le monde de la justice est impitoyable pour qu'il arrive à briser une motivation aussi pure... Est-ce qu'à regarder l'abime, l'abîme a regardé en retour est toujours vrai? Est-ce qu'à force de côtoyer le pire de l'âme humaine vous salit et vous corrompt forcément? L'entendre m'a coupé l'envie de finir mon verre et je le pose encore à moitié plein sur le plateau du serveur indifférent qui passe près de nous, avant de murmurer finalement.

Tu penses que tout le monde qui fréquente ce milieu perd ses illusions? Devient aussi désabusé que toi? En tout cas je... je suis désolée qu'à présent tu voies ton métier comme ça...

Il parle cette fois non pas des victimes mais des coupables, ceux qu'il arrive à faire condamner et encore une fois, l'espoir a fait place à une sorte de résolution plein de noirceur, d'amertume et de rancoeur qui me serrent la gorge. Je n'avais pas imaginé qu'il en était à ce stade. Je ne m'étais pas douté que son boulot était devenu une telle souffrance, ou tout du moins si violent au point que tout se mélange en une sorte de bouillie noire dont on ne distingue plus le bien du mal, où tous les cas et les visages se ressemblent. C'est presque dangereux, pour lui, et je me permets de reprendre la parole, murmurant pour n'être entendue que de lui là où lui semble n'en avoir plus rien à faire de l'opinion des autres.

Et... as-tu pensé à te reconvertir? A ce que tu me dis j'ai l'impression que... tu as perdu le goût et l'envie de ce que tu fais alors... pourquoi ne pas essayer de trouver autre chose? Un domaine... où tu pourrais te changer les idées?

Je jette un oeil à William, totalement dans son élément, lui, ou tout du moins qui feint très bien de l'être, discutant, riant, commentant chaque oeuvre sous les yeux remplis d'admiration de la petite troupe de fans regroupés devant lui qui boivent ses paroles. Il est tellement à sa place que ça en est impressionnant, alors que Peter et moi on tranche, on fait presque tache. Lui par obligation, moi parce que je ne viens pas du même monde qu'eux, du même univers... Deux outsiders... Et alors que je me fais cette réflexion il reprend la parole, comme si de rien n'était, comme si tout son monologue sur sa vision du métier n'étaient rien, et reprend comme si de rien n'était sur l'art, et le fait qu'encore et toujours il juge ça vide et creux. J'ai un léger rire en entendant son opinion si tranchée et hausse une épaule.

Je sais que beaucoup trop les oeuvres d'art sont vues comme des investissements, comme on achèterait des lingots, ou des actions, espérant qu'une toile va prendre de la valeur... et que ces financiers entassent dans des coffres des centaines d'oeuvres dans l'espoir qu'une d'entre elles, dans dix, vingt ans, se vendra des millions, rentabilisant toutes celles qui seront juste bonnes à décorer le salon d'un type lambda. Mais elles disparaissent aux yeux du monde, elles sont enfermées alors qu'il faut qu'on les voie, qu'on les apprécie. Une oeuvre n'a pas d'intérêt si elle n'est pas vue, lue, admirée ou écoutée... si on l'enferme dans un placard, c'est comme si elle n'existait pas... Et c'est tellement dommage... On trouve aussi beaucoup trop d'oeuvres qui sont achetées pour pouvoir déduire des impôts et souvent ces types ont des acheteurs qui les conseillent, même s'ils n'ont aucune connaissance et aucun attrait dans l'art... Je trouve ça triste... vraiment...

J'attrape un canapé, délicieux, et après l'avoir mangé, alors que j'en ai un autre en main, je secoue doucement la tête à sa remarque.

Je ne pense pas que les choses soient si tranchées... J'essaie juste de laisser parler ce que je ressens avant d'essayer de comprendre l'oeuvre. C'est une histoire de lâcher prise... pour une fois de laisser les sentiments prendre le pas sur la raison et les idées... C'est dur pour certains... d'inverser un peu cet ordre de pensée mais c'est nécessaire, ça fait voir les choses autrement... Tout n'est pas un gris uniforme... Et pour ce qui est spécial... c'est à toi de laisser le monde t'émerveiller. Un arc en ciel inattendu c'est spécial... une coccinelle qui se balade sur ta fenêtre et te donne le sourire c'est spécial... ta chanson préférée à la radio c'est spécial... Il faut juste se laisser la chance d'être émerveillé... Certains, beaucoup même, l'ont perdu... malheureusement...

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Lowri Conway
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06.06.20 17:42
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Melancholia
Lowri & Peter
Honey I'm on fire, I feel it everywhere Nothin' scares me anymore Kiss me hard before you go Summertime sadness I just wanted you to know That baby, you the best I got that summertime, summertime sadness

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Je ne sais pas ce que je fais ici. Je ne sais pourquoi je m'acharne encore à essayer, à espérer lui ressembler, leur ressembler quand je vois, quand dans les mots de Lowri, de cette fausse fiancée que je ne conserve à mon bras que parce que je suis uniquement trop lâche pour m'exposer, pour dévoiler au monde un infime fragment de mon être, cette beauté éthérée, cette pure innocence qui parmi l'écho de mes paroles souillées par la violence d'une lassitude qui n'est qu'un poison que je sème à la moindre de mes expirations, parvient à me faire frissonner, à un instant, me ramener en ce temps où j'étais encore jeune, où dans les bras de mon aimé, de William dont j'ose à peine croiser le regard, je me pensais encore capable de sauver le monde, de faire changer les choses, d'expier l'âme humaine de ses pulsions et envies, de ces étranges travers que je n'ai jamais effleuré, qui à moi, ne ce sont jamais présentés, comme si je n'avais jamais été comme eux, comme si depuis le début, je n'avais jamais été autre chose que cette étrange créature qui ne cesse de vouloir se perdre dans le fessa des vagues, ente l'écume et la rage de l'océan, cet alien, presque, qui marche dans les pas d'étrangers en se demandant pourquoi les traces qu'il laisse derrière soi sont différentes. Un instant, trop peu de temps sûrement, elle parvient à me faire revivre les souvenirs, les affres et esquilles de ce temps où rien ne semblait important, de cette époque où contre son coeur, je lui soufflais que je l'aimais, qu'un jour, j'allais y passer à tant avoir besoin de lui, à ne rêver que d'une vie où nous n'aurions à être, où avec lui, je me sentirais enfin à ma placent enfin en compagnie de la seule personne qui pourrait comprendre ce qui en moi ne tourne pas rond, entrevoir ses failles qui aujourd'hui, sont des crevasses, d'immenses plaies béantes qui saignent au creux même des paumes de celle qui essaye de me sauver, d'extraire de ma cage thoracique, ce jeune étudiant qui ne demandait qu'à réussir, qu'à enfin devenir comme les autres, à les sauver pour mieux s'intégrer, pour être enfin accepté.

Je crois qu'un temps, j'ai espéré qu'il me préserve de tout ça, qu'il parvienne à m'arracher à cet océan qui ne cesse de nous séparer, qui en cette soirée, gronde si fort que le monde n'est plus, qu'il n'y a plus que Lowri pour me faire face, pour tenter ce miracle que sur ses épaules j'ai un jour déposé entre deux embrassades, deux soupirs semés contre sa peau brûlante.

"Je crois que je ne l'ai jamais eu… Cette…"

Sans m'en rendre compte, voilà que je fronce les sourcils, soudain inquiet, presque peiné de réaliser que je n'ai jamais connu cette bénédiction qu'est la candeur juvénile, ce don qui en cette soirée, m'empêche d'apprécier ces toiles que je continue de mépriser du coin de l'oeil, de détester parce qu'elles me privent de William, qu'elles arrachent à mes bras celui qui au milieu de son assemblée, se fait ce roi qu'autrefois je charmais, je dérobais le temps de quelques baisers passionnés, de caresses interdites échangées entre deux ombres, entre deux verres ben vite abandonnés, de faire de cette soirée une chance pour me réconcilier avec l'humanité, avec ces étrangers que je peine à considérer comme mes contemporains, comme des égaux que je devrais respecter, prétendre aimer et vouloir aider.

"… Capacité à m'émerveiller."

J'ose soupirer, doucement expirer tandis qu'autour de nous, serveurs et amateurs d'art ne cessent de bourdonner, de répéter encore et encore les mêmes pas de danse, se perdant dans un ballet que je ne prends plus la peine de décrypter, que j'ignore pour mieux me perdre dans le regard de ma fiancée, de celle dont je viens, d'un geste étrangement élégant, caresser la joue pour en chasser une impureté qui n'existe que parce qu'il me faut occuper mes doigts.

"J'ai toujours été un peu différent. Je le sais depuis longtemps, je l'ai accepté."

Je marque une légère pause, le temps d'esquisser un sourire qui ne monte pas jusqu'à mes iris.

"Tu lui ressembles un peu en un sens."

Assez pour que je me dise parfois que vous devriez passer du temps ensemble, que c'est de toi dont il aurait dû s'enticher, au lieu de s'enchaîner avec cette ambiguïté que je suis. Assez pour que j'ai de la peine pour lui, que dans ses bras, je ne puisse que pleurer, que m'excuser de le retenir, d'avoir besoin de lui, qu'en silence, je me désole d'être sa malédiction.

"Je crois qu'il t'aurait aimé si les choses avaient été différentes, si je n'avais pas été là."

Si il avait aimé les femmes.

Face à Lowri, je pince les lèvres, perdu et confus, incapable de comprendre pourquoi je suis ainsi en cette nuit, pourquoi à elle, je livre ce que je ne cesse de ravaler, d'enterrer au fin fond de mes entrailles et viscères depuis des années. L'envie de m'excuser se fait un vertige pour lequel je vacille, chancelle et m'abandonne finalement.

"Je suis conscient de ne pas voir le monde tel que toi, et crois-moi, je tuerais pour être autrement, pour avoir été fait correctement. Je suis conscient d'être différent, je n'ai pas besoin d'eux pour le réaliser." D'un gesse de la main, je désigne la foule qui s'en fout bien de nous, qui ne voit que les toiles et la vacuité d'une âme égoïste, qui entre eux se murmurent qu'ils on tout compris, qu'eux seuls savent pourquoi le monde tourne et dans quel sens. "J'aimerais tant être comme vous. Vraiment. J'aimerais tant."

Mais c'est trop tard. J'ai été mutilé par quelque chose il y a longtemps. Je me suis perdu. Dans l'océan je me suis perdu, entre les vagues et l'écume, entre le ressac et l'horizon qui ne cesse de disparaitre.

"Je ne sais même pas si changer de métier aiderait. Si cela servait à quelque chose, après tout,que ferais-je ? Je n'ai aucun don et mes passions ne seront jamais autre chose que des moyens de tuer le temps, des instants que je ne partage qu'avec lui et encore, des moments où je peux juste me détacher de tout cela, échapper à cette société que franchement, au fil des années, j'ai appris à détester."

Je marque une pause.

"Je n'ai pas envie. D'essayer. De faire l'effort. J'ai conscience que c'est vain, que cela ne servira à rien. Que même espérer est une erreur. Tout n'est pas aussi simple, et crois-moi, pour les personnes comme toi, comme lui et tant d'autres, j'aimerais que ce soit le cas… Mais vous ne réalisez pas. Vous ne voyez pas que les rêves ne mènent à rien. Que la musique et les arts ne sont là que pour vous tromper, pour un temps, vous faire penser que l'être humain est parfois unique, quant en réalité nous sommes tous voués à mourir, à terminer dans une boîte en bois et à pourrir pendant que l'on nous oublie. Vous voulez tant y croire, à cette possibilité que nous puissions être quelque chose qu'un temps, je me suis battu pour vous. J'ai essayé mais aujourd'hui je suis conscient que je ne pourrais jamais vous atteindre. Qu'à jamais, je serais quelque part à vos côtés, peut-être dans votre ombre, à me demander pourquoi le monde est si laid d'où je me tiens. J'ai conscience d'être différent. D'être compliqué à comprendre."

Comme un enfant, voilà que je baisse la tête, que je fuis son regard pour contempler le sol, pour m'empêcher de me tourner vers celui qui n'a point envie que je sois avec lui, vers William, qui dans ses silences, par son absence, ne cesse de m'en vouloir d'être tout de même venu, d'être arrivé avec au bras, celle que je tiens à distance, que délicatement, je repousse d'un murmure.

"Je t'en prie. Ne commets pas la même erreur que lui. Profite de la soirée et ne te soucie pas de ce que je ne parviens pas à voir. De cette beauté qui ne m'atteint pas, de ces mots et aspirations qui ne m'apparaissent pas au milieu des coups de pinceaux et des intentions. S'il-te-plait. ll n'y a rien à changer, à réparer, à sauver. William a essayé et regarde-nous."

A jouer les étrangers, à se croiser dans notre propre lit, à avoir l'impression de se tromper quand nous échangeons quelques baisers. Regarde. Vois comme toutes les peintures du monde ne peuvent faire la différence entre deux hommes qui auraient dû être heureux. Vois comme la beauté est cruelle, comme les rêves ne sont que des poignards dans nos flancs, que des vipères qui ont fait leurs nids au creux même de notre cage thoracique. Regarde comme il est beau, cet émerveillement, cette capacité à déceler le bon dans la crasse.
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21.07.20 23:15
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Lowri Conway

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Melancholia
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C'est triste. C'est tellement triste. Je ne saurais pas comment l'expliquer, mais au fil des secondes où il se livre plus que ce qu'il a fait depuis que l'on se connaît, qu'il lève un peu le voile à demi-mot, restant une silhouette cachée derrière un rideau de gaze ou de mousseline, se dessine le portrait de quelqu'un de terriblement seul. De terriblement seul et de terriblement différent. Je sens à ses mots, désabusés et résignés, je le sens à ses demi-mots et ses silences qui valent mille discours, je le sens à son regard fuyant comme s'il se sentait piégé et qu'il cherchait une issue. C'est triste d'avoir l'impression d'être quelqu'un qui est en train de s'effondrer de l'intérieur, quelqu'un dont les pièces qui le constituent sont en train de se détacher l'une après l'autre et se briser sur le sol en mille éclats coupants sur le sol, le laissant de plus en plus vide. J'en ai presque le souffle coupé quand mon empathie prend le dessus et qu'une partie de ce qu'il ressent me parvient, comme une vague, un tsunami glacé et amer dans lequel j'ai presque l'impression de me noyer. Il est comme ces pare-brise accidentés, recouverts d'une toile d'araignée de fissures, et qui ne tient que par magie jusqu'au choc de trop. Il m'avait semblé distant et solitaire, la réalité est toute autre. Il est à part et il en souffre. Il est différent et n'a pas sa place. Je m'efforce de ne rien laisser paraître alors que j'effleure cette sorte de détresse muette et sourde du doigts, commençant la percevoir quand il me parle de cet émerveillement qu'il n'a jamais réussi à éprouver. Je plonge mon regard dans le sien alors qu'il ôte quelque chose sur ma joue, tentant de trouver quelque chose dans ses yeux, une lueur d'espoir, une flamme toujours en train de brûler, un signe que tout n'est pas totalement perdu, pas totalement éteint mais je n'y vois que le reflet d'une nuit sans lune. Un vide. Un vide immense et infini, si vaste que j'ai peur de m'y perdre, ou de m'y noyer... si immense que sur le coup j'ai l'impression que rien ne pourra le combler. Tout commence à s'effacer autour de nous, un peu comme si le monde s'endormait, et les sons s'étouffaient petit à petit, nous laissant comme seuls au milieu de la foule.

Il m'aurait aimée? Comment ça? Tu m'as dit que William était gay depuis toujours...

Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression d'avoir crevé un abcès, ou fait exploser un ballon qui contenait des choses qu'il cachait aux autres, et peut-être même à lui depuis longtemps, trop longtemps... comme une plaie qui suite, et dont il n'arrive plus à retenir les plaies béantes maintenant qu'elle s'est rouverte, car le flot qui était contenu s'échappe comme un torrent de goudron. Une marée noire qui a l'air de le paniquer autant que moi, parce que je me sens insignifiante et impuissante... Je ne suis pas son amie, je ne suis pas sa petite amie, ni sa soeur ni... rien. Je ne suis qu'une relation factice et monnayée même si je prends plaisir à le voir et à passer du temps avec lui. Et il se livre un peu, un peu plus, comme s'il écartait doucement les bords de sa plaie pour que je voie ce qui se cache vraiment, réellement à l'intérieur, alors que je me pince les lèvres. Je l'écoute parler, m'expliquer, s'épancher, dans une litanie qu'il n'a peut-être jamais dite à son fiancé lui-même qui me fait entrevoir toute l'étendue de sa solitude, comme cette baleine dont le chant est trop grave, ce qui fait que ses appels ne sont jamais entendus et qu'elle parcourt les océans, seule. Une si bruyante solitude... celle qui m'étouffe presque rien qu'à l'entendre, alors à la vivre, encore et toujours, depuis des années... je comprends. Je le comprends, un peu mieux maintenant, et j'ai un sourire triste alors que sans trop réfléchir je me hisse sur la pointe des pieds pour simplement le prendre dans mes bras. Peut-être qu'il va mal le prendre. Peut-être qu'il va se sentir envahi ou submergé. Peut-être qu'il va se dire que j'outrepasse ce pour quoi il me paie mais tant pis, à cet instant ça me semble juste la chose la plus simple et la plus immédiate à faire. Je noue donc mes bras autour de son cou, peut-être encore plus bouleversée que lui parce que je le découvre, alors que lui vit avec et murmure à son oreille.

Alors emmerde le monde. Vraiment!

Je redescends pour lui faire face et plante mon regard dans le sien.

Alors ne te force pas. Tu n'es pas le seul à ne pas aimer l'art. Ne t'y intéresse pas. Si la pâtisserie t'intéresse plus que le droit et que tu y trouves plus de sens que dans ce que tu fais actuellement, alors ouvre une boulangerie et travaille seul! Je sais, c'est totalement idiot mais c'est vrai! J'ai l'impression qu'à trop vouloir te conformer aux autres et à faire comme eux tu t'es perdu... Tu as oublié comment être toi même. Ce que tu voulais. Ce que tu cherchais. Et j'ai l'impression que ce sont à ces questions là que tu devrais répondre, avant tout...

Brusquement emballée par la perspective de l'aider, par ce changement qui se profile j'ai un léger rire alors que je pose ma main sur son bras.

Je pourrais t'aider si tu veux! Je peux te faire une séance de divination, et on demandera aux esprits ce qu'ils te conseillent! Honnêtement tu peux leur faire confiance, ils ne m'ont jamais trahie ni déçue... Peut-être...que la clé est là... Non? Tu en dis quoi?


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Lowri Conway
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14.08.20 18:32
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Melancholia
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Je me raidis à l'instant même où elle pénètre dans mon intimité, où sur la pointe de ses pieds, elle vient rejoindre mon oreille à laquelle elle murmure une simplicité que je ne peux accepter, que d'un pincement de lèvres, je refuse et repousse, j'ignore et efface d'une expiration presque lasse, d'un souffle résigné qui devient ce léger sourire que je lui adresse, que je laisse se glisser à la commissure de mes lèvres émaciées par le temps, par cet âge un peu cruel qui a fini par tuer l'innocent que j'étais, cet enfant qui grandissait trop vite, cet adolescent qui ne comprenait ces pairs, puis cet adulte qui n'a jamais réellement su faire avec cette humanité qui finit toujours par être décevante, par user les illusions et cette candeur à laquelle elle s'accroche parce qu'elle a besoin d'y croire, de voir le bien dans l'obscurité, dans le miasme repoussant et grouillant qu'est la réalité, qu'est cette vérité qui poignarde lâchement entre les reins, qui insuffle dans les veines et l'âme ce venin qui me fait parfois espérer que tout cesse enfin, que le silence tombe sur les foules et les masses, que l'océan recouvre la terre et que parmi l'écume, je sois l'unique, le seul digne de contempler les vagues, d'apprécier le ressac permanent et sauvage d'une mer chaotique, imprévisible mais jamais décevante, jamais aussi laide que le cœur des hommes peuvent l'être. Face à elle, et pour les mots qu'elle tente de faire panacée, ultime remède contre cette mélancolie permanente et incessante qui m'interdit d'apprécier les futilités de l'existence, la beauté dans la vacuité et l'expression même de passions qui ne cesse de se répéter, d'être empruntés aux anciens et défunts, je reste sans rien dire, sans oser, sans réellement parvenir à la contredire, à tuer cette envie d'espérer, cette étincelle qui anime son regard, l'enflamme comme celui de William, préférant à la place m'attendrir, m'adoucir de la voir ainsi tenter de me sauver de cette indifférence que je porte aux autres, à ceux que je ne fréquente que par obligation, que parce qu'il me faut bien prétendre me fondre dans la masse afin de ne devenir ce paria, cet étranger à sa propre espèce qui évolue en parallèle, qui existe et survit comme un parasite, comme une étrange créature qui scrute la surface, qui ondule toujours loin des mains qui peuvent se tendre vers lui, tenter de l'effleurer, de comprendre la nature même de son isolement, de ce mépris qui l'anime.

Tu es bien comme lui, à ta manière. Tu insistes, tu refuses de prendre non comme une réponse, d'abandonner dans tes pas quelqu'un que tu juges trop beau, trop précieux pour vivre comme je le fais. Je t'envie ton acharnement, la pureté de ton être, la bonté qui rend tes prunelles si belles. Je t'envie, mais me désolé aussi car je connais la conséquence de tes efforts, la nature des remords qui te rongeront et la violence des reproches que tu me feras quand tu en auras assez de moi et de mes silences, de cette distance que je laisserais toujours entre nous car tu ne peux voir, tu ne dois voir ce que je suis. Tu ne voudras l'entendre mais c'est mieux ainsi. Après tout, comment pourrais-tu aimer un cœur fait d'eau salé?

« Tu sais... Mes parents ne voulaient pas particulièrement que je sois avocat hein. Loin de moi l'envie de les faire passer pour des monstres qui ont fait de moi ce que je ne voulais pas être. »

Parce que je me suis fait tout seul. J'étais déjà ainsi, gamin, quand dans le minuscule jardin que nous avions, je restais des heures assis à regarder le monde s'agiter autour de moi, les autres enfants de mon quartiers courir à la recherche de la prochaine connerie à faire. Mon père pensait qu'ils ne voulaient pas de moi, ils s'inquiétaient, mais il a fini par apprendre que c'est moi qui refusait de me mêler à eux.

« C'est trop fatiguant de jouer à être leur ami. » avais-je simplement dit.


« Je voulais les rendre fiers, tu sais. Juste ça. Qu'ils puissent me regarder autrement qu'en s'inquiétant pour mon avenir, en se demandant si ils n'avaient pas donné naissance à un petit monstre qui finirait par tant mépriser les autres qu'il en viendrait à les tuer. Et puis, je voulais leur acheter une belle maison, loin de Londres, de l'agitation, de la crasse, du crime et d'une vie qui n'en est pas une. Voilà ce que je voulais, et maintenant que je l'ai fait. »

Maintenant je ne sais plus vraiment. J'ai l'impression d'avoir rempli un devoir, d'avoir acquis le droit de me retirer de tout, d'aller m'exiler sur les côtes et disparaître, n'exister que pour les marées, les saisons et les tempêtes, de me laisser bercer, enfouir sous les caresses de la brise et du sable qu'elle charrie.

« Maintenant je ne sais pas. Je ne suis pas certain de ce que j'espère ou attends. »

Je suis simplement là, avec elle, loin de lui, à jouer à un jeu dont je ne comprends plus les règles, à prétendre être fiancé quand j'aimerais à jamais rester dans les bras de cet aimé que je sens lentement m'échapper, doucement se faire lointain, devenir cet étranger qui trouvera mieux, qui pourra dans les bras d'un autre se consoler, m'oublier, à jamais me rendre à cet abysse dont je n'aurais jamais dû émerger.

« Alors... Pourquoi pas ? »

Demander aux petites lettres que tu conserves dans un sac, que tu aimes secouer en pensant que les esprits et les astres ont des choses à te murmurer, autre chose que le silence à te donner, à t'offrir pour avoir pris le temps de les consulter.

Enfin, je parviens à croiser son regard, à sourire plus sincèrement, plus pleinement à Lowri, que l'air de rien, j'entraîne jusqu'à la sortie, passant avec elle la porte pour feindre l'envie de griller une cigarette que je glisse pourtant entre mes lèvres et allume sans me soucier du regard de mon amant que je perçois dans le reflet de l'immense porte vitrée.

« Je suis curieux de savoir ce que tes esprits ont à me dire. »

Je marque une pause le temps de souffler une volute mentholée et lui offrir un clin d'oeil presque taquin.

« Mais ce serait pour un autre rendez-vous, tu veux bien ? Ce soir je crois que j'ai assez déçu les arts en général. »

C'est déjà trop dur de le voir heureux sans moi, de constater qu'il est mieux avec des inconnus qu'avec moi, qu'au final, il se force quand il vient chercher mes bras, se glisser contre mon échine et feindre l'envie de m'entendre gémir.

« Partons. » finis-je par souffler, le cœur plus léger, les lèvres désormais empoisonnées par ce tabac que je fume distraitement, entre deux silences, deux pensées que je me garde de partager. « Qu'en dis-tu ? Cette soirée est d'un ennui à mourir et pour entendre quelques intellectuels m'expliquer que tout ceci est très néo-comtemporain, le tout sans pouvoir boire une goutte d'alcool, non merci. » Délicatement, je viens me saisir de sa main, l'entraînant déjà vers ma berline. « Je connais un endroit bien plus calme. Un où nous serons bien. »

Où je serais en paix. Où je n'aurais pas à le voir, à devoir faire avec sa beauté, avec cette auréole autour de son crâne qui ne cesse de m'aveugler.

Très galamment, je lui ouvre sa portière et la laisse s'installer avant de me glisser derrière le volant, et de sans un regret, démarrer pour m'élancer dans les rues de Londres, pour nous perdre dans le trafic tranquille d'une nuit déjà bien avancée, dansant avec les autres voitures pour enfin atteindre les berges de la Tamise, où je me gare en souriant, en poussant un soupir bien léger.

« Mon père aimait bien me traîner là, les dimanche où il en avait assez de me voir lire dans ma chambre. Il prétextait qu'on allait pêcher ensemble. »

Je ris quelque peu à l'évocation de ce souvenir.

« Bon, je n'ai évidemment jamais ferré le moindre poisson. Enfin, sauf si une vieille chaussure peut prétendre être une espèce de truite mais... J'en doute. »

Autre silence de ma part, alors que je croise son regard, m'excusant bien piteusement.

« Pardonne-moi pour mon empressement. J'avais simplement besoin de m'échapper. »

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11.09.20 16:33
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Lowri Conway

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Sortie à la galerie d'art

Lever le voile. Il m'aura fallu plusieurs "rendez-vous" pour lever le voile, saisir l'insaisissable, cerner le brouillard et attraper le vent. Tout ce temps pour avoir enfin un aperçu de qui il est vraiment, de ce qui se cache derrière ses yeux verts, derrière cette mine si stoïque, derrière ce regard si lointain. J'ai enfin compris, ou cru comprendre ce qu'il était et comment il fonctionnait, un être si différent et si spécial qu'il n'est pas à sa place avec les autres, avec nous, commun des mortels. Il est presque d'une autre espèce, comme un extraterrestre capable de parler et se faire comprendre, mais incapable de partager la vie qu'il a sur sa planète, et les spécificités de sa race. Condamné ou presque à être un étranger, ou comme Sting le chantait, "Englishman in New York"... un être à part qui ne pourra jamais rencontrer un semblable, au mieux un humain avec qui les choses seront plus faciles, ou le fossé moins grand... Est-ce que c'est le cas avec William? Je ne sais pas, même si leur relation a l'air compliquée pour qu'il s'affiche avec moi, un rôle, qu'il paie plutôt qu'avec celui dont il partage la vie depuis quelques années maintenant. Et sans trop comprendre, je le prends dans mes bras, dans une bouffée de tristesse face à sa solitude qui me fait serrer la gorge et rendre mes yeux un peu plus humides. Je sens qu'il n'aime pas ça, je sais que ça ne lui plait pas mais c'est quelque chose que je fais sans réfléchir, poussée par quelque chose que je ne contrôle pas, par cette envie de lui montrer que malgré tout, il n'est pas absolument tout seul. Et qu'en plus de son alibi, je peux simplement être son amie, s'il en a besoin, celle qui peut essayer de naviguer sur l'océan plutôt que d'attendre sur la plage. Il se fige comme si je lui avais dit des horreurs, avant de se fendre d'un sourire que je n'arrive pas à lire. Est-ce de la politesse? Est-il amusé? Est-ce que c'est pour cacher son malaise? Je n'en ai aucune idée et j'ai peur d'avoir vraiment merdé, alors je redescends sur mes escarpins et recule légèrement pour le contempler, m'attendant à me faire hurler dessus d'une seconde à l'autre et l'attente est terrible, mine de rien. Et enfin il ouvre la bouche, comme pour se raccrocher à notre monde, ou qu'il se rappelait que c'était ce que les convenances lui demandaient de faire et je hoche la tête, presque contente qu'il ne m'en veuille pas.

Je vois... mais je n'ai jamais dit qu'ils étaient des monstres tu sais?

Et à ma grande surprise il se livre, encore, dévoilant des pages d'un livre que je ne pensais jamais voir, et encore moins feuilleter. J'écoute silencieusement, presque religieusement, consciente du presque privilège qu'il m'accorde en me disant tout ça. Je penche ensuite la tête sur le côté, touchant doucement son avant bras.

C'est un beau geste que tu as fait. Les monstres n'achètent pas de maison à la campagne à leurs parents... Et... maintenant que tu n'as plus à t'inquiéter pour eux, il serait temps de t'inquiéter pour toi... et faire ce que tu as vraiment envie de faire. Quitte à changer radicalement de voie. Rien n'est écrit dans le marbre alors... tente autre chose, au pire tu en tenteras une autre, et au mieux ça te plaira!

Et je suis encore plus surprise quand il prend mon bras et m'emmène dehors. La transition entre la salle surchauffée et la douce fraîcheur de la rue est brutale mais ça fait du bien, et j'en profite, comme lui, pour m'allumer une cigarette dont j'inspire une première bouffée les yeux clos. J'ai un léger rire quand il accepte ma proposition de lui tirer les lettres, hochant la tête.

Vraiment? Toi l'esprit si cartésien? Eh bien quand tu veux, ça me fera plaisir!

Il m'accorde un clin d'oeil et brusquement je me sens plus proche que je ne l'ai jamais été, presque sa complice contre le reste de la soirée et le reste du monde, ce qui donne un goût beaucoup plus piquant à cette soirée, surtout parce qu'on la quitte.

C'est toi qui décides de toute façon, je ne suis là que pour t'accompagner là où toi tu veux aller. Si tu veux qu'on aille boire dans un parc, je t'y suivrai! Et l'art, pour les passionnés, est quelque chose de personnel, d'intime... qui s'en fout du jugement des autres. C'est entre soi et l'oeuvre, c'est tout... c'est ce qui en fait toute la beauté!

Je prends une nouvelle bouffée de tabac, l'esprit un peu ailleurs quand mes yeux s'agrandissent quand je l'entends. Quoi? Partir? Je souris et laisse retomber ma cigarette dans le pot de fleurs rempli de sable qui sert de cendrier avant de lui emboiter le pas.

D'accord, ça me va! Et on est d'accord, ça manque totalement d'alcool...

Curieuse de sa proposition, je le suis jusqu'à sa voiture, et le remercie quand il me tient la portière, m'installant sur le siège passager moelleux de sa berline de luxe, bouclant ma ceinture avant d'observer la ville se déroulant sous mes yeux à mesure qu'on s'éloigne de la galerie, pour se rapprocher vers la nouvelle étape mystère de notre soirée. Ca a un petit côté mystérieux et excitant qui me fait sourire et un silence agréable, confortable même règne dans l'habitacle jusqu'à ce qu'il se gare, une dizaine de minutes plus tard, près de la Tamise qui s'écoule paresseusement à nos pieds. Je le suis, nous approchant de la berge, agréablement surprise d'entendre son rire.

Tu as un beau rire... ça te va bien quand ça t'arrive... c'est un bruit agréable, pas comme d'autres. R

Rien de pire que les rires de hyène, ou les rires qui ressemblent à des hoquets, ou des phoques échoués. Autant il est l'homme océan, autant il y a du soleil de printemps dans son rire, une lumière de renouveau, présage à de belles choses, s'il acceptait de s'écouter et de se lancer dans ce qui lui fait plaisir. Qu'il acceptait d'être lui-même plutôt que de vivre selon ce que les autres lui demandent d'être, ou attendent de lui. Je n'imagine pas la pression constante, le tiraillement incessant entre ce qu'il se sent obligé de faire et ce dont il a envie, sans oser abandonner l'un pour l'autre... Mes escarpins résonnent doucement sur les pavés inégaux et je fais attention à ne pas tomber, avant de m'installer près de lui pour écouter son histoire, une petite parenthèse enfantine, douce et mignonne, m'asseyant sur la plus haute marche d'un escalier de pierre menant à l'eau.

Ne t'excuse pas... On ne devrait pas se forcer à endurer des choses pour lesquelles on n'est pas fait. Dans la mesure du possible, bien sûr... D'ailleurs à propos de ça... Quelles sont les questions que tu voudrais poser? Tu m'as dit que tu serais d'accord pour tenter l'expérience alors... pourquoi pas maintenant? Je trouve le moment plutôt bien choisi...


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Honey I'm on fire, I feel it everywhere Nothin' scares me anymore Kiss me hard before you go Summertime sadness I just wanted you to know That baby, you the best I got that summertime, summertime sadness

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Comme un enfant, comme ce jeune que je ne suis plus, que j’ai enterré quelque part au sein de ces années où je n’étais qu’un corps perdu entre ses obligations et le travail, entre le souvenir d’un homme qui n’était plus là et les regards échangés lors de réceptions, d’expositions auxquelles je ne me rendais que dans l’espoir de l’arracher à ses arts, au regard de ses pairs et des toiles qui n’ont jamais su imiter la beauté de ses gestes, l’élégance rare de ses silences; je me surprends à rougir pour cet étrange compliment que Lowri sème entre deux de mes aveux, qu’elle offre à cette eau qui coule à nos pieds, qui indifférente à mes chagrins, à cette mélancolie qui m’étreint, qui fait fleurir à la surface de mes reins, cette impression tenace qu’il est trop tard pour remuer les fragments de cette enfance qui s’est consumée à une vitesse vertigineuse, que cela ne sert à rien de prétendre être humain en sa présence, d’émuler, de créer, de faire jaillir du néant une affection qu’elle ne pourra jamais éprouver pour l’être mutilé que je suis, pour cette anomalie à laquelle elle est liée par le mensonge, par le besoin égoïste et cruel de blesser, de jouer un peu plus avec les plaies de cet aimé qui, parmi les invités, doit sûrement me chercher, se désoler que je ne sois à côtés, que j’ai dans les veines une lâcheté qui gâte la grâce qu’il pouvait autrefois déceler dans ces murmures qu’il était le seul à pouvoir cueillir, faire prisonnier de ses lèvres que j’ai tant désiré, dont aujourd’hui encore, je rêve parfois, sous le couvert d’une eau brûlante, d’un instant d’égarement entre les cloisons d’une douche sous laquelle il ne vient plus me rejoindre, qui préfère à la place maudire mon ombre et mes étranges vertus, tenter de me dérober caresses et soupirs, de me ramener à lui, m’arracher à cet océan qui me réclame en tout instant, qui là, gronde contre mon échine, tue et dévore le chant discret de ce cœur qui se contracte à peine dans ma poitrine, qui bat par devoir, et non pour alimenter une quelconque passion, une unique obsession qui pourrait me détourner de la fatalité, du ressac de ces vagues que je suis le seul à percevoir, dont je suis autant l’empereur que l’esclave, l’élu et le condamné.

C’est étrange. J’avais oublié la saveur des compliments, des sourires échangés, de cette sincérité qui n’existe pas au sein de cet enfer dans lequel je m’égare toujours plus, de ce purgatoire où l’on n’embrasse que les plaies, que les viscères exposées, que les paumes de ceux tombés, des trop frêles pour survivre à la cruauté des péchés de l’humanité, à la noirceur de ceux qui comme moi, prétendent être faits de cette même chair dont on émergés les vertueux, les innocents, les épargnés en son genre.

La tête légèrement baissée, les prunelles perdues dans les ondulations gracieuses de l’eau paresseuse, de ce fleuve tranquille qui traverse la ville, c’est prudemment, avec timidité, presque, que je me permets de sourire à nouveau, d’esquisser un rire, plus discret, quand ma douce fiancée se permet d’insister, de vouloir trouver dans quelques lettres en plastique, les secrets de cet avenir que je n’ai envie de voir arriver, la suite de cette existence étrange que je mène, de cette vie vouée à se terminer, à s’enfoncer un peu plus dans ses ténèbres que je vois envahir mes prunelles, lentement réveiller un autre que je ne comprends pas, un inconnu qui partage mes traits mais rêve de vengeance, de châtiment, au dernier jugement de cette humanité qui ne mérite mon temps, mes attentions, qui à mes pieds, devrait ramper et implorer le pardon, moi qui suis évidemment différent, né avec le cœur de ses archanges qui n’ont jamais été tendres avec les créations du Seigneur, avec sous le derme cette armure aux tons changeants, avec dans la gorge, cette lame qui aime pourfendre, être cette désolation qui emporte autant les preux que les miséreux, les vainqueurs et les déchus.

« Tu insistes. » constate-je simplement, amusé par sa ténacité, par cet entêtement familier, cette détermination qui était mienne, quant à son âge, je déclarais vouloir changer le monde, sauver les hommes d’un mal qui a fini par se faire ce goudron sur mes paumes, cette poix que je ne peux laver, cette pollution qui ronge désormais mon être, me fait douter, vaciller, me pousse à succomber aux chants de sirènes qu’autrefois j’aurais repoussé, que j’aurais étouffé en allant me purifier dans les bras de celui que j’ai couronné saint, dont j’ai déposé sur les épaules, un fardeau que je n’ai le courage de lui retirer, dont je l’accable par peur de me voir dépérir seul. « Ce soir je n’ai pas la force de les affronter, tes esprits qui se cachent dans le rien, qui disent détenir la vérité. »

D’eux j’ai bien trop peur, je crains ces murmures qu’ils pourraient te souffler, déposer au creux de ton oreille, de ces avertissements qu’ils viendraient graver à même tes rétines, toi qui ne voulait percevoir le danger de mes ambitions, la laideur de cette indifférence que je t’aurais porté, si je n’avais pas été désespéré ce soir-là, si j’avais eu au doigt, cette alliance que Christian garde enfermé quelque part, loin de mon regard, de mes faiblesses, de mes mots qui se font trop souvent crocs.

En un geste étrangement doux, terriblement tendre, je viens déposer mes doigts sur le dos de cette main que je viens faire prisonnière de ma paume, que je réclame, le temps d’inspirer, d’à nouveau la fuir pour me perdre dans le lointain, dans cet horizon qui se dessine à la surface de l’eau, qui se tord et se déforme au rythme des flots, de ces lumières qui se font étoiles, qui transforment pour un temps, la Tamise en un ciel plus flamboyant que celui au-dessus de nos têtes.

« Une autre fois, veux-tu ? Il me faut le temps d'accepter les retours et départs que tu pourrais m'annoncer, me faire à l'idée que les prophéties ne sont peut-être pas que des histoires que l'on brode dans le noir, mais l'autre visage de cette fatalité qui finit toujours par nous rattraper. »

Nos doigts, j'entrelace, lui permettant de venir se glisser un peu plus à mes côtés si elle le désire tandis que je ferme les yeux, de sombrer, de donner mes poignets à cet inconscient devenu miasme grouillant, à ses pensées que je ne pensais être miennes, ces horreurs qui me font trop souvent apprécier la colère de Christian, ses hurlements, ses marques qu'il laisse sur ma peau quand je viens me réconcilier contre sa peau, qu'aux draps et à ses crocs, je me donne pour l'apaiser, lui rappeler que je l'aime malgré tout, malgré les silences de mes extases, la violence de cette distance qui se creuse à nos pieds, érigé en cimetière des passionnés que nous étions, des enfants qui pensaient ne jamais se lasser, vieillir autrement que comme ceux qui les ont précédés.

« Je ne sais pas. »

Je me doute de ce que les autres peuvent te demander, mais je ne te ferais pas l'affront de me rassurer sur ce que je sais, sur cet inévitable dont je perçois déjà la gueule béante, de l'apparence de ce Léviathan qui finira par m'engloutir, par me condamner à une éternité dans la terre et la poussière, dans une postérité où je ne serais qu'ossements, que restes et fragments.

Lentement j'inspire, frémis, transi par la crainte, par un doute trop humain.

Suis-je donc au final terriblement humain ? Souillé par les mêmes travers que je reproche aux autres ? Coupable de ses péchés que j'aime tant mépriser quand je vois d'autres êtres tourmentés par leurs fautes ? Suis-je donc si terrestre, moi qui aimait me penser presque céleste?

D'un battement de cils, je chasse au loin ce frisson qui se permet de serpenter entre mes vertèbres, de venir s'égarer au creux de mes reins, pour enfin parvenir à croiser son regard, à sourire à la petite médium que je couve d'une attention paternelle, d'un geste qui vise à glisser derrière son oreille, une mèche de cheveux un peu rebelle.

« Nous verrons le moment venu. N'y penses plus. Ce n'est pas le soir où tu dois t'inquiéter pour moi. »

Je marque une pause, le temps de retirer ma main de manière à venir poser mon index sur le bout de son nez pour la taquiner.

« Ne m'en veux pas. Ne penses plus à moi. »

Comme j'aimerais effacer ta mémoire, te faire battre des cils et disparaître, devenir spectre, te rendre la liberté de ton existence, m’éclipser et m'en retourner le retrouver, me glisser dans ses bras et le réclamer, emmerder une dernière fois ce monde auquel je donne trop d'importance.

« Je ne t'ai jamais demandé d'ailleurs... »

Redevenant un peu plus léger, dissimulant mon sérieux et mes angoisses sous un flegme typiquement anglais, je reprends, empruntant à mon père, les accents rassurant et chaud qu'il avait pour moi, quand justement, nous étions là, à prétendre pêcher, à prendre le soleil et regarder les nuages passer.

« Si elle était douce, ton enfance. Si tu étais heureuse. »

Si nous aurions pu nous croiser, quand j'étais encore adolescent.

« Comment étais-tu, avant ? »

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31.10.20 22:34
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