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Steal the light. | Cassidy
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Vendredi 7 novembre - 17h13

Steal the light.
Cassidy & Llewyn

Llewyn jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. La fenêtre qui crevait la paroi métallique séparant l’habitacle de l’arrière du véhicule lui donnait tout le loisir d’observer le bleu. Assis sur une banquette amochée, sa ceinture de sécurité lui comprimant la poitrine, le gamin supposé jouer les chiens de garde lui paraissait plus nerveux que jamais. Son regard passant frénétiquement des coffres à la route, la manière dont il se cramponnait à son gilet tactique et le frétillement constant de sa jambe droite laissaient entendre à la conductrice qu’il ne se détendrait qu’une fois chez lui, sa porte fermée à double tour et le goulot de son unique bière mensuelle vissé entre les dents.

« Respire, Mhuirnín, on y est presque. »

La rousse reporta son attention sur la route. Il ne leur faudrait pas plus de dix minutes pour arriver enfin à destination ; six-cent secondes de trop pour le jeune homme qui semblait au bord de la rupture d’anévrisme. Elle ne pouvait réellement le blâmer, rien n’avait été habituel aujourd’hui. De la seconde où ils avaient reçu l’ordre de mission à cet instant précis, chaque nouvelle étape s’était avérée être une épreuve pour les nerfs. Si les siens tenaient encore, ce n’était que parce qu’elle était habituée aux contretemps. Mais pour un petit nouveau qu’on affectait tout juste à ce type de poste, la journée était dure à encaisser. Ses appréhensions, cependant, étaient contagieuses. Plus il se tendait, plus l’expatriée pouvait apercevoir la grippe de Leng, installé à la place du mort, se resserrer sur son arme de poing, et plus sa propre gorge se nouait. La tension crasse et l’odeur d’essence qui régnaient dans le fourgon ne lui disaient rien qui vaille. Elle craignait qu’un nouveau contretemps ne mette le feu aux poudres et ne fasse faire une erreur particulièrement regrettable à l’un des deux hommes qui l’accompagnaient.

« Pourquoi tu viendrais pas avec nous c’soir, hein, lança Leng au plus jeune en se réinstallant plus confortablement. Te détendre un peu. Boire un coup. Ca t’ferait du … »

Un fort accent irlandais grésilla brusquement à la radio. L’homme à l’autre bout, porteur de mauvaises nouvelles, leur intima de changer d’itinéraire. Accident sur le chemin, route bloquée. Continuer, c’était risquer de croiser quelques voitures jaunes et bleues et des hommes en uniforme un peu trop suspicieux qui s’étonneraient certainement de les voir. Un fourgon blindé parcourant les rues londoniennes avant douze heures n’avait rien d’inhabituel ; les livraisons étaient fréquentes, et les véhicules estampillés G4S ne manquaient pas. En croiser un à dix-sept heures, en revanche, dans un quartier dénué de banques, était plus rare. Bien trop pour ne pas attirer l’attention.

Llewyn déboîta sèchement dans une rue auxiliaire, s’attirant les foudres de son passager qui s’était déjà plaint à plusieurs reprises de sa conduite un peu trop sportive depuis qu’ils avaient quitté le port de Liverpool. Un chapelet d’injures lui fit comprendre qu’il était plutôt mal placé pour lui faire une quelconque réflexion, sa tenue de volant et de route lui ayant sauvé la peau plus d’une fois. Leng, pour toute réponse, se renfrogna, maudissant l’inspecteur qui avait bien voulu accorder son permis au chauffeur.

Il ne leur fallut effectivement que quelques minutes de plus pour atteindre leur but. Un immense soupir de soulagement franchit les lippes du bleu quand le fourgon s’immobilisa finalement. La jeune femme retira les clés du contact, ouvrit grand sa portière et sauta hors du camion, les semelles trop épaisses de ses chaussures de sécurité heurtant l’asphalte dans un bruit sourd. Rapidement imitée par son acolyte et le gamin, elle resserra son gilet tactique, s’assura que son arme était toujours en place et épousseta ses vêtements. D’importantes taches sombres imprimaient des motifs irréguliers sur le tissu noir de son pantalon comme sur celui du nouveau qui semblait reprendre des couleurs à mesure qu’il respirait l’air extérieur. Imbibée de carburant, Llewyn se sentait particulièrement inflammable.

La porte arrière du bâtiment s’ouvrit soudainement, manquant faire sursauter la rousse. Un grand gars à l’air rèche sortit de l’armurerie et avala rapidement la distance qui le séparait du trio.

« Merde, vous avez fait vite.
- Certaines personnes ici ne connaissent pas les limitations de vitesse.
- Oh for feck sake, s’agaça Llewyn, tu es arrivé en un morceau, non ? »

Leng écarta les mains en signe de rémission, sentant venir l’orage. Il lui confisqua les clés pour déverrouiller le véhicule. Le coffre renfermait la dernière commande d’armes de l’IRA. La moitié des produits serait entrée en stock, étiquetée et vendue légalement, le tampon de Gallagher faisant foi à l’achat. L’autre moitié avait la particularité de n’être pas numérotée ; si elle serait stockée dans la boutique de l’Irlandais quelque temps, elle ne verrait jamais le circuit légal.

Le crissement caractéristique d’une pierre à briquet fit immédiatement frissonner Llewyn. Elle pivota sur ses talons à temps pour voir l’employé de l’armurerie s’acharner sur l’allumage de sa cigarette.

« On est couverts d’essence, mec, si tu veux griller ta clope, fais-le idéalement loin de nous, gronda-t-elle en le poignardant du regard. Tu pourrais aussi nous aider à décharger ? On a pas que ça à faire de notre soirée.
- On bosse dans la joie et la bonne humeur, je vois. »

L’homme haussa les sourcils de consternation et rangea son clou de cercueil dans le paquet dont il l’avait extirpé. Il poussa un soupir, se remonta les manches et approcha le fourgon grand ouvert.

« Les coffres gauche d’abord, ordonna la coursière. Ne touchez pas aux autres pour le moment. Il est où ton patron ?
- À l’intérieur, avec des clients. »

La transporteuse se mit en branle sans plus attendre, remontant les coulisses de l’armurerie. L’accent terriblement reconnaissable de Belfast lui parvint alors qu’elle approchait l’avant de la boutique. Elle ralentit en voyant la silhouette du propriétaire des lieux se profiler de dos, tentant de se faire discrète malgré le martèlement de ses grolles pour ne pas interrompre trop abruptement la vente. Llewyn s’arrêta au seuil de l’espace de vente, s’appuya au cadre de porte, croisa les bras et les jambes. Les deux acheteurs de l’autre côté du comptoir, visiblement du coin, levèrent le nez de leur contemplation - une arme quelconque que la rousse ne parvenait pas à identifier d’où elle se trouvait - pour poser leurs yeux sur la nouvelle arrivante. Elle leur offrit un hochement de tête pour tout salut avant de s’adresser en irlandais à son compatriote qui la remarqua finalement :

« Hey. Tu as deux minutes ? »
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20.11.20 13:26
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Steal the light
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Il n’y avait pas eu un jour où Cassidy n’avait pas pensé à son frère. Ciaràn. Il l’avait imaginé des centaines de fois à l’époque où ses yeux s’émerveillaient de la beauté de l’Irlande alors qu’ils se remplissaient de la poussière londonienne depuis qu’il avait pris sa place. Il s’imaginait marcher dans les pas de son frère, le même boulot, le même appartement. Et il sentait monter en lui un mélange de fierté et de crainte. Ciaràn avait quelques années de puis que lui, assez pour en avoir récolté beaucoup plus d’expérience que son cadet. Assez pour savoir garder son sang-froid, bien assez pour s’être fait connaître dans les rangs de l’IRA. Ciaràn avait été une perte monstrueuse pour tout le monde. Cassidy n’était pas tant que ça attaché aux souvenirs d’habitude. Il était arrivé à Londres avec une valise étonnamment légère, n’emportant que le strict minimum. Partir était devenu une nécessité. L’air de Belfast sentait trop fort le whisky. Clonmel Single Malt, Dungourney 1964, Bushmills 1608, Red Breast Blend, Paddy, toutes ces marques et bien d’autres que Ciaràn stockait fièrement au garage et interdisait à tout le monde d’y toucher. Sa collection de bouteille de prestige que Cassidy avait laissé derrière lui le soir où il était parti, l’odeur du bois mouillé quand le fossoyeur avait balancé la première motte de terre sur le cercueil, Cassidy s’était tenu droit comme un i, laissant la pluie le tremper jusqu’aux os. Ca aussi, il l’avait laissé derrière lui. La tristesse. Il ne lui restait que la fierté et la crainte. La fierté de faire partie de quelque chose de plus grand et de plus puissant que lui, la fierté de trouver enfin un sens à sa vie, d’être une pièce importante d’une machine titanesque qui se mettait doucement en marche à grands bruits du métal des armes qui rentraient et sortaient de sa boutique, enveloppée de la rage silencieuse de l’IRA toute entière. La crainte quant à elle, était plus pernicieuse et ne le prenait que lorsqu’il était seul, souvent dans son lit, la nuit, fixant le plafond à s’en décoller les rétines, là où il était le plus vulnérable. Mais bien heureusement, il avait appris à reléguer cette crainte dans un coin de sa tête jusqu’à en oublier qu’il l’avait un jour ressentie. Cassidy était fier.


Ce matin, il avait ouvert les yeux bien avant que la sonnerie stridente de son téléphone lui servant de réveil ne le remplisse d’envie de descendre, attraper le premier fusil d’assaut du premier étalage qu’il trouverait pour en exploser l’appareil. Mais bien trop consciencieux (et flemmard) pour ça, il préféra grommeler et rouler en position assise pour couper son réveil, laissant tomber son portable sur son lit avant que sa main de retombe tout aussi mollement le long de son corps. Il commençait dans une trentaine de minutes et il fallait qu’il trouve la force de se lever, déjeuner, se doucher et s’habiller. Nu comme un ver, il finit par se mettre en branle et traversa son appartement pour se planter devant sa cafetière, se fichant bien des volets ouverts et de ses voisins qui auraient tout le loisir de l’observer avec autant de clarté qu’une photo volée. Cassidy n’était pas pudique, ou plutôt pas assez pour que certains voisins n’interdisent pas à leurs enfants de passer près des fenêtres à une certaine heure. Il eut juste le temps de croiser le regard désapprobateur d’une vieille dame à son balcon et gronda « cacamas seanchraicinn » entre ses dents (littéralement : saloperie de vieille peau).


Heureusement, il prenait vite froid et alors que la cafetière vrombissait comme le décollage d’un Boeing, il se glissa sous la douche. L’eau brulante lui arracha un soupir de soulagement provoquant des frissons jusque dans son crâne. Au sortir de la salle de bain, il eut la décence de s’habiller et c’est vêtu d’un simple jean qui avait vu des jours meilleurs et d’un t-shirt kaki qu’il se laissa tomber sur son canapé pour boire son café. L’heure avançait sans doute plus vite le matin. Il eut à peine le temps de le finir qu’il dû verrouiller son appartement à clé après avoir attrapé son blouson de cuir pour rejoindre l’armurerie, remerciant le ciel de n’avoir qu’à descendre quelques marches pour y parvenir. Il ne lui fallut qu’une dizaine de minutes pour vérifier que tout était en ordre avant de pouvoir ouvrir.


Il jouissait d’une bonne réputation en ville mais la journée fut plutôt calme. Cadre parfait pour une livraison, l’IRA avait toujours eu le chic de bien les prévoir. Cassidy fit son possible pour ne pas trop surveiller l’heure et ne pas paraître suspect. Ce n’était pas la première livraison qu’il réceptionnait, il commençait à avoir l’habitude de la procédure. En attendant qu’on vienne le chercher, il avait tout le loisir de conseiller les clients. D’ailleurs, c’est lorsque deux quinquagénaires passionnés accoudés au comptoir de tarissaient pas d’éloges et de questions à propos d’un fusil à pompes Mossberg Maverick 88 souhaitèrent en connaître le prix qu’une voix s’éleva dans son dos. Une voix qu’il aurait reconnue entre mille et au-delà de cette voix et du visage solaire qui se dessina devant lui quand il tourna la tête, c’est toute une mission qui l’appela. Hochant la tête, il se retourna de nouveau vers les clients et sourit



« Je vous le fait à 430£. Franchement c’est une valeur sûre, je vous garantis qu'il deviendra vite votre préféré. »




Cassidy avait dû apprendre toutes les techniques commerciales sur le tas et s’était construit une véritable force de persuasion puisque c’est ravi de leur achat que les deux hommes quittèrent la boutique avec deux fusils et l’Irlandais ne put retenir un petit soupir de soulagement en voyant pour combien il avait vendu aujourd’hui. Mais le soulagement devait être de courte durée. Il avait du pain sur la planche et cette mission n’attendait pas. Contournant le comptoir, il fit un détour par la porte principale pour fermer boutique temporairement et suivit la rousse à travers les couloirs qui séparaient la boutique du hangar dans lequel les armes étaient entreposées et rangées. Le géant marchant rapidement, il eut tout juste le temps de s’attacher les cheveux en chignon brouillon chatouillant sa nuque avant de déboucher dans le dépôt. Un sourire sincère étira ses lèvres quand il vit son second qui semblait être sur le point d’accoucher de son propre colon tant il forçait pour soulever une caisse et salua Leng et les autres d’une poignée de main amicale. Il fallait faire semblant.

Faire semblant que la cargaison était tout à fait ordinaire, banale, que rien ne justifiait qu’il la traite avec plus d’attention que n’importe quelle autre livraison. Alors, se faisant craquer les phalanges, il commença à décharger le camion de quelques munitions avant que son regard ne se pose sur les caisses de droite. A droite. Toujours à droite. Descendant du camion, il sortit une clé de sa poche et traversa le hangar pour l’enfoncer dans une serrure à l’apparence grippée. Mais le mécanisme n’opposa aucune résistance et, poussant la porte, il dévoila ce qui pouvait s’apparenter à un vestiaire ou un fourre-tout, entièrement vide. Il ne dit rien et ne fit rien de plus que laisser la porte légèrement entrebâillée. Il ne fallait pas trop en faire, ne pas être idiot au point d’apostropher Leng pour lui lancer un cliché « vous pouvez les cacher là. » Ridicule. Alors il resta silencieux et se contenta de l’ouvrir pour quelques plaisanteries de surface avec les autres, pour détendre l’atmosphère, riant légèrement alors que quelques gouttes de sueur commençaient à perler son front à force de porter des caisses. D’ailleurs, quand il releva le bas de son t-shirt pour éponger son visage, dévoilant son torse puissant et compact, un des gars le siffla, ironiquement, ce qui eut comme effet de le faire rire. Au moins, d’un œil extérieur, il ressemblait simplement à une bande de potes tout à fait classique qui déchargeait une cargaison tout ce qui avait de plus normale.

Quand tout fut terminé, il ferma la salle du fond, puis le hangar tout entier et les invita à le suivre jusqu’à l’avant-boutique où il leur balança sommairement quelques tabourets de fortunes ainsi qu’un peu d’eau du robinet dans des gobelets en plastique.


« Putain vous puez l’essence ! » rit-il, sans doute ne l’avait-il pas remarqué assez à l’extérieur et voyait ses narines envahies par l’odeur du carburant une fois dans un petit espace fermé.
Puis, il soupira, sans se départir de son sourire amusé alors que ses yeux se posèrent sur Llewyn, la dévisageant un court instant. Pas assez pour que ça en devienne gênant, assez pour qu’il en fronce les sourcils, rangeant cette information dans un coin de sa tête pour la traiter plus tard. Ils n’étaient pas seuls.
Frappant dans ses mains, il haussa les sourcils et lança


« Bon. Vous rentrez prendre une douche et on se rejoint dans deux heures pour boire un coup ? »


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20.11.20 16:33
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Cassidy ne se fit guère prier et, se reconcentrant pleinement sur sa vente, parvint à la conclure en un tour de main. Le prix auquel il abandonna sa marchandise n’eut aucun effet particulier sur la rouquine ; elle qui ne connaissait strictement rien en la matière fut bien incapable de déterminer si l’armurier avait fait une offre réellement intéressante à ses clients, ou si les malheureux avaient déboursé bien trop pour ce qu’on leur proposait. Llewyn pouvait mettre un nom sur les canons les plus connus et jauger au poids d’une caisse son hypothétique contenu, mais là s’arrêtaient ses compétences. Elle ne s’intéressait que peu aux armes à feu et n’avait d’ailleurs jamais eu à utiliser la sienne en dehors des sessions de tir qu’elle s’accordait une à deux fois l’an pour ne pas oublier comment s’en servir. Au cas où. Jusqu’alors, le Jericho planté au creux de ses reins n’avait été que dissuasif, sa simple existence suffisant à calmer les esprits lorsqu’une situation se faisait délicate.

Leur acquisition faite, le duo d’Anglais se retira, laissant tout le loisir au propriétaire des lieux de suivre la coursière jusqu’à l’arrière-cour. Les trois hommes qu’elle avait laissés derrière elle s’exténuaient à décharger, une bonne partie de la commande officielle avait déjà trouvé sa juste place dans les stocks de l’établissement. Llewyn grimpa à l’arrière du véhicule pour récupérer les premières pièces de la livraison moins légale tandis que Gallagher ouvrait leur cache désignée.
La plupart des caisses renforcées et mallettes blindées pesaient leur poids, si bien que la sueur ne tarda pas à perler sur le front moucheté de taches de rousseur de la jeune femme. Elle abandonna son gilet sur le siège arrière pour ne pas mourir de chaud, remonta les manches de son haut floqué au nom de la société par laquelle ils se disaient employés et se remit au travail. L’affaire terminée, Llewyn récupéra son équipement, le plus jeune de la bande qui ne savait visiblement plus quoi faire, et verrouilla la camionnette. Dix minutes de pause, pas plus. La journée était loin d’être finie pour son équipe ; il leur faudrait encore retourner le fourgon à son propriétaire - celui-là même qui se voyait régulièrement graisser la patte en échange d’une remise de clés non recensée. De là, dissimuler dans sa voiture les bouteilles de contrebande qu’elle avait réussi à faire venir d’Irlande en même temps que les armes, rentrer à Hackney, prendre soin du bébé, enfiler une tenue moins identifiable et finalement se mettre en chemin pour sa soirée. Au fond, la rousse avait surtout hâte de retrouver son appartement et la petite boule de poils qu’elle y avait abandonnée à contrecœur. Depuis deux semaines déjà, l’expatriée partageait son nouveau lieu de vie avec un chiot anormalement incliné vers la destruction et le chaos. Elle n’était jamais sûre de l’état dans lequel elle retrouverait son canapé, ses chaises ou même sa tapisserie lorsqu’elle s’absentait.

« Putain vous puez l’essence, ricana Cassidy en leur offrant de quoi s’hydrater.
- On a comme qui dirait eu un p’tit accident en récupérant les commandes. »

Les joues du bleu s’empourprèrent. Il baissa les yeux, visiblement embarrassé qu’on rappelle qu’ils étaient dans cet état par sa faute. Llewyn ne lui en tenait guère rigueur, d’abord parce qu’elle savait pertinemment que lui en vouloir n’aurait fait qu’amplifier le mal-être qu’il ressentait déjà, ensuite parce que la sensation étonnamment désagréable de se savoir susceptible de prendre feu plus vite qu’à l’habitude arrangeait grandement son futur cancer des poumons. Elle n’avait pas touché à une seule cigarette depuis plusieurs heures, un miracle pour ses éponges, une épreuve pour son addiction au tabac.

Installée sur un tabouret bancal, l’Irlandaise s’étira pour chasser la fatigue qui ankylosait progressivement ses muscles après l’effort. Elle passa une main dans ses cheveux attachés pour les lisser vers l’arrière, persuadée qu’un millier de petites mèches rousses devaient se dresser au sommet de son crâne et lui donner l’air d’avoir subi une décharge électrique de plein fouet. Son regard croisa brièvement celui de l’armurier qui s’agita.

« Bon. Vous rentrez prendre une douche et on se rejoint dans deux heures pour boire un coup ?
- On est chez Liam ce soir, il inaugure son nouvel appartement. Mhuirnín nous accompagne déjà, tu peux venir aussi si ça te tente. »

Un sourire con se ficha sur les lèvres du petit nouveau. Son sobriquet avait visiblement plus d’effet lorsqu’il était détendu ; un peu plus, et Llewyn se serait attendue à le voir rougir. Le gamin se pinça les lèvres pour retrouver un peu de contenance, vida son gobelet et se risqua à demander :

« Vous êtes sûrs que ça le dérangera pas.
- Pas si c’est moi qui t’invite. Elle descendit la fin de son verre à son tour et renchérit à l’attention de Cassidy : tu joueras les plus un de Leng, ça changera des radasses qu’il a l’habitude de nous faire subir. »

Le concerné dressa fièrement deux doigts pour toute réponse puis se leva dans un bond. Il beugla quelques mots d’encouragement pour leur donner la force de terminer leur mission et s’enfonça dans les méandres de l’armurerie pour retourner au fourgon, le gamin et l’employé de Gallagher dans son ombre. La jeune femme retint leur hôte par un pan de son t-shirt lorsqu’il voulut leur emboîter le pas.

« On vous rejoint. Deux minutes. »

Elle attendit que les oreilles indiscrètes soient suffisamment éloignées pour se tourner vers lui.

« Il manque quatre caisses. »

Son ton fut plus affecté qu’elle ne l’aurait souhaité. Llewyn fit quelques pas en arrière, attrapa le gilet tactique qu’elle avait posé sur l’un des comptoirs vitré et l’enfila, l’air grave.

« J’étais sur une livraison, il y a quelques mois. Rien de particulier, tout se passait bien jusqu’à ce que je reçoive un message d’un numéro non enregistré. Un type qui se fait appeler Apophis. Mercenaire, visiblement, il a les yeux et les oreilles qui traînent un peu partout. Toujours est-il qu’il me conseille vivement de changer d'itinéraire pour éviter de me faire coincer. J’ai fait marche-arrière sans poser plus de questions, et j’ai envoyé deux des nôtres faire le chemin que je devais prendre. Il y avait effectivement des gars qui m’attendaient au bout, et pas les personnes que je devais rencontrer. Elle croisa ses bras sous sa poitrine et s’adossa à une vitrine. Il y a trois semaines, des collègues de Leng s’en sont pris plein la gueule durant une mission. Accident de voiture, un fourgon leur est rentré dedans pleine vitesse, l’un d’eux est encore dans un état pitoyable. Liverpool, aujourd’hui ? Les relais avaient quarante-cinq minutes de retard, j’avais jamais vu deux des mecs sur les trois, et ils ne sonnaient pas Irlandais. J’ai pas la prétention de dire que je connais tous nos contacts, et peut-être que j’ai mal compris le nombre de caisses que je devais récupérer quand les Très-Hauts m’ont donné l’ordre … Elle fronça les sourcils, persuadée que son ouïe ne lui avait pas fait défaut. Il en manque quatre. »

La transporteuse clappa sa langue contre son palais, jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour s’assurer qu’aucun des membres de leur troupe n’était revenu entre-temps et, voyant le couloir menant aux stocks vide, se risqua à échapper un soupir.

« Mickey est au courant qu’il y a eu une couille sur cette livraison, je le vois demain à la première heure pour lui en parler. Ca pue, Cass. Sérieusement, ça pue. Je veux pas nous porter la poisse ou attirer le mauvais œil, elle se toucha le front pour conjurer le sort, mais je le sens pas. Ça chauffe déjà assez pour nous en ce moment, entre ces connards d’Anglais qui s’acharnent à nous faire remarquer qu’on est plus les bienvenus ici, et les flics qui nous collaient au cul avec l’histoire de l’université … Maintenant ça ? Elle serra les dents et secoua la tête. Tu devrais venir avec moi demain. Ça te concerne aussi, mine de rien. »
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24.11.20 22:59
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Un rire moqueur s’échappa de sa gorge alors qu’il quittait son siège pour venir s’approcher de Leng, roulant excessivement des hanches en faisant des mimes de baisers atroces, manquant de s’étouffer avec sa propre salive en éclatant de rire avant de murmurer, entre deux tremblements tellement il avait envie de rire :


« Je serai tout doux t’inquiètes mon cœur. »


Un ton léger, presque trop quand on savait ce qui venait d’être fait et surtout ce qui restait à faire. Un ton léger qui leur permettait certainement de ne pas péter un câble et piocher au hasard une arme dans la boutique de Cassidy pour se tirer une balle dans la tête. Malheureusement, ces temps d’insouciance passèrent bien assez vite et la petite équipe fut bien obligés de partir. Parce qu’au fond, leur mission n’était jamais terminée. Et à vrai dire, s’ils partaient un jour, c’était les pieds devant. Mais eux n’auraient pas de cérémonies, pas de coups de canons et leurs cercueils ne seraient pas baladés dans la ville recouverts de drapeaux irlandais. Et le repos était de courte durée. Alors qu’il s’apprêtait à les suivre pour au moins les regarder partir et leur dire au-revoir, Llewyn le retint. Fronçant les sourcils, il obtempéra et se laissa tirer à l’écart.


« Quatre caisses… Putain »



En réalité, ce n’était pas réellement ce qui angoissait Cassidy. Il y avait en réalité un faisceau de circonstances, il y avait en réalité beaucoup plus de choses susceptibles de l’inquiéter. Cassidy n’avait jamais été un nerveux, bien au contraire. Il s’était fait un nom à l’époque où ses bottes militaires claquaient les pavés de Belfast : La Force tranquille. Le géant de plus d’un mètre quatre-vingt-dix ne s’énervait que très peu ou alors ne s’époumonait pas à grand renforts de mouvements de bras inutiles pour exprimer sa colère ou n’importe quelle autre émotion d’ailleurs. Mais le fait qu’il ne soit pas démonstratif ne voulait en aucun dire que rien ne l’atteignait et qu’il n’était en réalité qu’un immense bloc de pierre immuable et aussi émotif qu’une pierre tombale.
Généralement, s’il ressentait bien un grand spectre d’émotions différentes, il avait pris l’habitude d’en faire une boule et de la fourrer dans un coin de sa tête. Un comportement tout sauf sain contre lequel son ex petite amie était très vite partie en croisade. « Tu sais Cass, il faut que tu apprennes à t’ouvrir, à partager tes sentiments, tes craintes… A me dire les choses. Tu sais m’écouter et c’est super mais… Moi aussi je veux t’écouter. » Tirade à laquelle il répondait souvent par un haussement d’épaule et quelques phrases clichées qu’il avait sans doute entendu de son frère à l’époque où lui parlait avec sa fiancée. Une fiancée qui n’avait pas tenu longtemps. Pas parce qu’elle était morte ni parce que lui aussi mais plutôt parce que Ciaràn était très dur à aimer. Trop. Beaucoup trop.


Et Cassidy dans tout ça ? L’éternel entre deux qui devait être à la fois le petit frère de Ciaràn à s’inquiéter de ne pas le voir rentrer le soir, un amant pour une jeune femme qu’il n’aimait pas, un grand frère pour Aisling et Boyd, un ancien soldat pour l’armée et de la main d’œuvre pour l’IRA. Tout ça en même temps, il aurait sans doute explosé s’il avait eu à parler de ses sentiments. Ou parler tout court d’ailleurs. Loin d’être mutique, Cassidy n’était pas un bavard. A vrai dire, la Force Tranquille lui convenait parfaitement. Un géant aux gestes lents mais puissants toujours flanqué de son air blasé et calme.
Tout le contraire de Llewyn à ce moment précis et si lui aussi était affecté par ce qu’elle venait de lui annoncer, il ressentit le besoin d’être là pour elle, d’être ce mur de brique contre lequel elle pouvait s’effondrer. Celui qui n’allait pas la laisser tomber, paradoxalement.
Alors, pliant légèrement les genoux pour réduire son mètre quatre-vingt-onze, il posa ses mains sur ses épaules et pressa légèrement sur celle-ci, comme s’il cherchait à la ramener à la réalité


« Llewyn ? » la coupa-t-il, « Llewyn. Ca va aller. D’accord ? Ca va aller. On va trouver une solution. On trouve toujours une solution non ? »


A ce moment précis, il se rajoutait une autre casquette. Un autre titre, un autre rôle, un rôle qu’il n’avait jamais endossé auparavant. Presque comme un amant, pas exactement comme un protecteur. Lui-même n’arrivait pas à le définir et en réalité, n’en avait pas très envie. Ce n’était pas sa priorité sur le moment.

Passant un bras dans le dos de la rousse, il attira son corps contre le sien, la faisant presque disparaître contre son torse tant il était immense. Sa peau était chaude, sa voix aussi. Le souffle pas tout à fait apaisé d’avoir déchargé la cargaison, le regard perdu devant lui, quelque part vers leur propre reflet dans la vitrine de la boutique. C’est tout ce qu’il arrivait à apercevoir en regardant l’extérieur. La nuit tombait bien trop vite en cette période de l’année. Dans un soupir, il finit par lâcher



« J’vais venir demain. J’vais venir avec toi. »



En vérité, il n’avait pas eu à réfléchir bien longtemps pour prendre cette décision. Ce n’était pas leur faute, ils n’étaient que les petites mains et en réalité, s’ils avaient connu quelques complications, leurs missions respectives avaient toujours réussi avec brio.
Il la laissa partir presque avec regret. Si le ton était grave et les événements encore plus, il était bien avec elle. Il avait toujours été bien avec elle. Ils se comprenaient, ils n’avaient pas besoin de parlementer des heures pour être d’accord et s’ils se charriaient souvent, ils étaient presque toujours sur la même longueur d’onde. Toutefois, il laissa échapper un soupir de soulagement en voyant le fourgon partir. Tout était (presque) en ordre et sa mission était de survivre jusqu’à demain. Et ce n’était pas une mince affaire.

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25.11.20 22:26
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Les autres ne savaient rien de cette histoire et n’en sauraient rien. S’ils devaient apprendre qu’une partie de la livraison manquait, l’information ne viendrait certainement pas d’elle, ni de Cassidy, par ailleurs. La transporteuse le savait suffisamment discret malgré son allure de géant difficile à se faire oublier pour ne pas piper mot de la situation critique dans laquelle ils se trouvaient. Leurs supérieurs pourraient leur en parler, s’ils le souhaitaient, mais en aucun cas la rouquine ne prendrait les devants. Elle n’était qu’un pion sur l’échiquier de l’IRA, certainement pas la main qui insufflait les décisions ou faisait avancer chaque pièce. Et Dieu savait comme cette position lui convenait.

L’armurier, s’il ne parut pas aussi inquiet que pouvait l’être son interlocutrice, ne mesura pas moins l’ampleur de la situation et ce que quatre caisses perdues dans la nature pouvaient bien vouloir dire pour l’Armée véritable. Les Irlandais n’avaient jamais été particulièrement appréciés dans le coin, moins du fait de leur aspect communautaire et sectariste que pour la réputation de poseurs de bombes particulièrement nationalistes et extrémistes qu’ils traînaient depuis des décennies. Leurs ennemis en Angleterre étaient bien plus nombreux que leurs alliés, et la liste s’était étonnamment rallongée depuis les attentats. Bon nombre d’entre eux trouveraient un intérêt à leur faire du tort ; mettre la main sur une partie de la marchandise qu’ils importaient et exportaient n’était qu’une solution parmi tant d’autres.

La pression légère et rassérénante des paumes du brun sur ses épaules sortit Llewyn de sa torpeur. Elle leva le nez et braqua ses prunelles noires d’inquiétude vers les yeux trop clairs de son compatriote. L’expression qu’elle crut y trouver lui comprima le palpitant. Cette lueur fraternelle et compatissante, terriblement caractéristique des grands gars de l’IRA, lui rappela Bryson Street, si lointaine. Ils avaient fait tant de chemin depuis Short Strand, depuis ce foutu quartier où ils avaient grandi tous les deux. La jeune femme se rapella dans un sursaut du cœur et de l’âme les hauts murs de la paix, le square non loin de l’église, la voix de Ciaràn qui l’appelait pour lui confier une course, les éclats de rire de Cassidy quand Ailbhe, leurs amis et lui occupaient le jardin jusqu’au matin. Ce qu’elle avait pu détester ses orbes azurs quand elle n’était qu’une gamine trop jeune qu’il refusait de remarquer.

« Llewyn ? Llewyn. Ca va aller. D’accord ? Ca va aller. On va trouver une solution. On trouve toujours une solution non ? »

Elle haussa un sourcil peu convaincue. Plus défaitiste que jamais, la seule solution qui s’imposa dans l’esprit de la rouquine fut un sapin, quatre planches et quelques clous. L’espace d’un instant, elle se demanda si l’arbre qui fournirait son cercueil était encore debout. Et brusquement, sans qu’elle ne s’y attende, elle fut précipitée entre les bras du grand brun qui lui faisait face. Llewyn eut à peine le temps de réagir, à peine le temps de cligner des paupières et d’inspirer son parfum mêlé de sueur ; déjà Gallagher la relâchait, lui rendant sa liberté de mouvements.

Un soupir amusé passa la barrière de ses lèvres. Ailbhe avait dû lui ordonner d’être particulièrement attentionné avec sa sœur, et pour cause, les membres de l’IRA ne se permettaient que rarement de telles démonstrations d’affection avec elle. D’une part parce qu’elle n’en voulait pas, ne souhaitant guère qu’on la considère plus faible que son prochain ; d’autre part parce qu’elle ne donnait que peu envie de lui témoigner une quelconque douceur, ses sourcils habituellement froncés de colère et ses lippes tordues de jurons faisant de bonnes dissuasions.

« J’vais venir demain, martela-t-il pour la rassurer un peu plus. J’vais venir avec toi.
- Ouais, soupira-t-elle. »

La coursière hocha la tête, se redressa, offrit une tape sur le bras à son collègue avant de ramasser ce qu’il restait de sa contenance pour terminer leur mission comme il se devait. Elle ne pouvait pas se permettre de flancher maintenant, au risque de faire perdre le peu de nerfs que le bleu avait retrouvé avec cette petite pause.

« On se voit ce soir. Leng a la nouvelle adresse de Liam, tu n’auras qu’à lui demander. »

Et elle s’esquiva sans autre forme de procès, rejoignant ses deux acolytes dans l’espoir de pouvoir laisser derrière eux le fiasco de cette journée, le temps de quelques heures seulement.

*


Si la route pour revenir de Liverpool lui avait semblé affreusement longue, celle qu’il leur restait à faire une fois le fourgon vidé de son contenu passa à une vitesse affolante. Ils rendirent bien vite le véhicule à leur contact, se débarrassèrent des vêtements flanqués des logos de la compagnie de transport sécurisé et transférèrent les bouteilles de contrebande dans la Ford avant de se séparer. Llewyn, pour son plus grand plaisir, ne trouva pas de représentant de la loi sur le chemin qui devait la ramener à Hackney. Elle aurait eu bien du mal à expliquer l’odeur d’essence qui restait sur ses vêtements et les sacs regorgeants de whiskey et de bière sous la banquette arrière. Fatiguée par les kilomètres avalés dans la journée, la perspective d'une course poursuite avec les mœurs dans les rues londoniennes ne l'enchantait qu'à moitié.

Il n’était pas tout à fait vingt heures trente quand la rousse claqua la porte de son nouvel appartement. Elle avait troqué ses chaussures de sécurité contre ses éternelles Dr Martens ; ses vêtements de travail contre un pull noir informe et une paire de jeans un peu trop serrés à la taille - sa garde-robe s’acharnait à lui faire entendre qu’elle devait lever le pied sur la malbouffe, depuis quelques semaines, mais elle refusait de l’écouter - ; son Jericho contre une autre arme redoutable : le chiot. Alfie, surexcité, mâchouillait la laisse qu’il tirait de toutes ses maigres forces dans l’espoir de faire avancer la personne qui se trouvait à l’autre bout. Une énième cigarette plantée entre les dents, Llewyn se pencha pour le prendre dans ses bras et, évitant de justesse un coup de langue sur le menton, le coinça contre son flanc.

Le nouvel appartement de Liam, en réalité un maison mitoyenne de quatre pièces avec jardin, typique du coin, ne se trouvait qu’à une vingtaine de minutes à pieds du sien ; quelques coups d’accélérateur suffirent donc à l’y emmener. Elle laisserait certainement la Focus sur place en repartant, profiterait de la balade pour dégriser un peu et assommer la boule de poils encore bien nerveuse vu son jeune âge. La jeune femme retira les clés du contact, abandonna Alfie sur le siège passager et extirpa deux premiers sacs de transport noirs de l’arrière de la voiture. Elle avala la maigre volée de marches du perron et sonna à plusieurs reprises, par principe.

Le panneau de bois grinça sur ses gonds quand on lui ouvrit, le visage familier de Leng se dessinant dans l’entrebaillement. Llewyn fonça vers la cuisine, se débarrassa de son bardage sur le plan de travail, salua l’assemblée rassemblée autour et lança à l’un des gars de mettre les bières au congélateur. Sa première affaire faite, elle fila vers le salon, traversa la pièce d’un pas rapide et déboucha sur le jardin où le maître des lieux se trouvait, accompagné de quelques compatriotes qu’elle n’avait pas eu le loisir de croiser ces dernières semaines, de Gallagher et du bleu.

« Quelqu’un s’est fait particulièrement beau ce soir, railla-t-elle à l’attention du petit nouveau quand elle arriva à leur hauteur. Jolie chemise Mhuirnín. »

Elle le dévisagea de haut en bas et de bas en haut, l’esquisse d’un sourire aux lèvres.

« J’ai besoin de bras pour les bouteilles. Cass, un coup de main ? »

Elle n’attendait pas réellement de réponse. Llewyn pivota sur ses talons dans une tornade de mèches rousses, revint sur ses pas, le trentenaire dans son ombre. Elle dévala l’escalier de pierre, déverrouilla la voiture et récupéra la marchandise restante. Jaugeant les sacs puis la carrure de son accompagnateur, elle jugea qu’il ferait la mule idéale et lui flanqua donc deux paquets dans les bras.

« Tu arriverais à en prendre un troisième ? Je m’occupe des derniers. »

Llewyn contourna l’arrière de sa charrette pour récupérer la boule de poils qui l’attendait nerveusement sur la banquette avant. Le chiot sauta au sol, s’empêtra quelque peu dans sa laisse trop longue avant de la ramasser, recommençant à faire ses dents sur la corde tressée.

« Donne. »

Le Staffordshire Bull Terrier s'aplatit au sol, la langue pendante, l’air mutin. Il fit un bond en arrière quand Llewyn plia dans les jambes pour récupérer un bout de longe. Elle siffla, répéta son ordre d’une voix plus distincte, la main tendue vers le chiot pour qu’il comprenne qu’elle n’avait pas à faire de pas vers lui, que l’effort devait venir de son côté. Conscient que l’heure n’était pas au jeu - quoique déterminé à la faire tourner en bourrique un peu plus tard -, le bestiau se fit docile. Assez pour vouloir lui emboîter le pas quand elle retourna vers la maison.

« Cass, Alfie. Alfie, Cass. Elle se fendit d’un léger sourire. Tu peux refermer le coffre ? »
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28.11.20 13:38
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] & Cassidy Gallagher

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Cassidy était bien resté dix minutes devant l’entrée de la réserve, observant d’un air absent l’endroit où le fourgon avait disparu. Regardant le nuage de fumée du pot d’échappement mélangé à la poussière des graviers soulevée par le passage du véhicule avant de pousser un grand soupir, se tournant vers son second, détachant enfin ses cheveux, frottant son front pour en décoller les quelques mèches qui s’y étaient engluées avec la sueur.


« Rentre chez toi. On ferme plus tôt ce soir. Va te reposer. »



Sa voix n’était pas spécialement antipathique, ni inquiète, juste calme, neutre, comme si elle était sortie d’une machine qui l’avait vidée de toute émotion. L’homme sembla le remarquer puisqu’il s’approcha légèrement de lui, devant lever le museau pour garder un œil sur les siens


« Ca va ? T’as l’air épuisé… »



Semblant revenir à la réalité, les yeux du patron firent de nouveau la focale pour pouvoir détailler ce qui les entourait. En novembre, la nuit se couchait tôt et les contours des objets devenaient de moins en moins perceptibles. A vrai dire, Cassidy n’allait pas bien. Mais sans aller mal non plus, il était dans un état d’esprit assez étrange comme une fatigue mentale extrême, peut-être était-ce d’avoir tenu à faire bonne figure devant Llewyn, Leng et les autres et sans doute la perspective d’avoir à le faire encore et encore, de sourire aux clients, aux anglais qui semblaient fiers de penser leurs blagues sur son accent drôles et qui parfois allaient jusqu’à se taper la cuisse tellement ils rigolaient quand l’un d’entre eux avançaient le fait qu’ils achetaient des armes à un Irlandais. On avait même demandé à voir sa licence, une fois. Une seule. Cassidy n’était pas du genre à s’emporter, ni à perdre ses moyens mais il ne s’était pas fait prier cette fois ci pour faire une exception et virer les deux de son armurerie.

Alors, il se contenta de lui sourire légèrement et de hausser les épaules avant de rentrer, fermant la boutique seulement quand son second en fut sortie. Là et seulement là, il sentit toute la tension s’envoler, libérant ses épaules qui s’affaissèrent dans un énième soupir exténué. Passant par l’arrière, il remonta les escaliers et ferma la porte de son appartement derrière lui, à clé.
Une autre douche, un énième café, encore. Et quelques dizaines de minutes à se débarrasser des nœuds qui parsemaient ses cheveux. Il sortait ce soir. Ce n’était pas si rare mais plutôt inhabituel, assez pour qu’il porte une attention toute particulière à comment il allait se montrer ce soir. D’ailleurs, chose qui le fit sourire, il se rappela qu’officiellement, il était le « plus un » de Leng. Bien évidemment, il n’était pas débile au point de penser que Llewyn était sérieuse en avançant qu’il allait devoir jouer son rencard mais il trouvait la situation si drôle qu’il ne put s’empêcher d’envoyer un message à Leng


« Je comptais porter ma jolie robe bleue, tu penses que ça ira bien avec ta chemise mon cœur ? »



Il ne reçut en réponse qu’une série d’émojis signifiant d’une manière assez imagée qu’il ait des relations sexuelles violentes et brutales avec sa propre mère. Ce message eut au moins l’avantage de le faire rire et d’un coup d’œil à l’heure qu’affichait son téléphone, il décida qu’il avait le temps de trainer un peu au lit avant de devoir sortir de chez lui.

Nu comme un ver, comme d’habitude, mais cette fois-ci sous les couvertures, privant tous ses voisins d’une vision de son corps, se moquant totalement que ses cheveux soient encore mouillés, il ferma les yeux quelques minutes mais ne parvint à trouver le sommeil. Alors, une heure plus tard, il se releva et traversa sa chambre pour ouvrir les portes de son placard, attrapant des vêtements sans même les regarder. Un caleçon propre, un jean sombre déchiré au niveau des genoux, plus parce qu’il le portait depuis trop longtemps que par effet de style. Un t-shirt noir et son éternel blouson en cuir passé par-dessus. Sa flemme de conduire lui hurla de prendre le métro, sa flemme de voir d’autres gens que ceux qui allaient être à la soirée lui hurla de prendre sa voiture. Alors, il choisit d’attraper ses clés de voiture en même temps que celles de son appartement en sortant et rejoignit le parking de l’armurerie au fond duquel était garée sa bécane. Une vieille caisse à l’aile droite rayée mais Cassidy n’était pas du genre à s’en soucier. Ce qui l’importait c’était d’avoir une voiture avec de la place pour ses jambes, le reste était secondaire.
Sa conduite était calme, tranquille mais elle devint un peu plus énervée quand, au milieu du trajet, il se rendit compte qu’il avait oublié son élastique dans sa salle de bain. Flemme ultime de faire demi-tour, pas envie de se rajouter du trajet pour rien, il trouverait bien une fille invitée avec des cheveux longs, Llewyn devait bien en avoir un, voire même Liam. Allumant une clope, il baissa la vitre de sa voiture, laissant l’air glacé et le vent refroidir son habitacle sans sourciller, la clope au bec, souriant aux gamines qui le dévoraient des yeux aux feux rouges avant d’enfin arriver devant la nouvelle maison de Liam. Une maison mitoyenne avec jardin. Se garant deux rues plus loin, une fois arrivé dans la maison qui paraissait bien spacieuse comparée à son appartement, sa première accolade fut pour Liam avant de littéralement se jeter sur Leng pour lui coller ses lèvres saveur tabac sur les siennes, éclatant de rire.
En réalité, Cassidy était imposant. Même sans le vouloir, il prenait de la place. On le regardait, on le remarquait surtout. Il lui sembla même que l’entièreté de la pièce marqua une pause quand il arriva, rire tonitruant mais sincère, des gestes brusques, des gestes d’affections bruyants, on ne pouvait pas le manquer.
Continuant sa tournée d’accolades et de check amicaux, il termina dans le jardin où il décida de rester. L’air était froid mais largement supportable.

La musique couvrit le bruit de la voiture de Llewyn, le faisant alors hausser un sourcil quand elle sembla apparaître derrière lui en le sommant de la suivre. Mais il ne se posa pas de questions, pas surpris de sa venue pour un sou puisque c’était elle qui lui avait proposé de venir. Marchant sur ses talons, elle lui fourra très vite deux sacs remplis de bouteilles sur les bras. Presque insoulevables, il cligna des yeux de la facilité avec laquelle elle lui balançait les bouteilles dans les bras comme s’il était une mule. Un éclat de rire lui échappa quand elle lui demanda d’en prendre un troisième et railla


« Ah ouais donc clairement jsuis ta pute donc. »



Mais, cala les deux premiers en bandoulière, un du côté gauche, l’autre pendant devant lui atteignant son ventre, le troisième finit sur son côté droit. Alors qu’il allait rebrousser chemin, il stoppa net en voyant la petite boule de poil qu’il aurait clairement put écraser s’il n’avait pas fait attention. Clignant des yeux, il finit par secouer la tête


« Putain mais où tu trouves le temps de t’occuper de ça en plus de tout le reste ? »



En réalité, cette interrogation était plus pour lui-même, à lui-même. Tendant à peine le bras devant lui, il fit claquer le coffre et retourna à l’intérieur sans l’attendre, faisant un premier arrêt par la cuisine pour se débarrasser des sacs et laisser l’hôte de la maison en mettre quelques bouteilles au frais, le tout n’allant certainement pas rentrer.


« Il gèle dehors, on peut laisser les sacs dehors en vrai… »


Rejoignant le jardin, il tourna un instant sur lui-même, repérant une jolie blonde entourée de deux mecs qui pensaient avoir une chance face à Cassidy. A vrai dire, Cassidy n’était pas un homme à femme, pas le genre à passer chacune de ses nuits avec une femme différente mais sa masculinité le poussait quelques fois à se rassurer quant à son potentiel de séduction. Alors il s’approcha du cercle et s’y fit une place sans problème et capta en une fraction de seconde l’attention de la jeune fille qui devait avoir 25ans.


« Jte sers un truc ? »


Si l’alcool était pour tout le monde, il restait le géant qui avait porté les sacs. Quand elle accepta, elle le remercia même d’une légère pression sur son biceps, qui fit passer dans ses yeux une lueur lubrique qu’elle ne remarqua pas. Lui intimant qu’elle voulait bien une bière, il hocha lentement et se détourna, sentant le regard de la belle sur sa nuque. Arrivé au sac, bien décidé à dénicher la bière la plus fraiche, On l’alpagua, quelqu’un avait pensé drôle de voler une des chaussures de Leng pour la coincer dans un arbre et Cass était sans doute le plus grand. Secouant lentement la tête en riant, il lança


« Ouais donc jsuis ici pour faire la pute et ça va finir en bukkake dans un cave. »


Mais, ôtant son blouson pour le jeter littéralement sur une chaise, il s’approcha de l’arbre. La branche sur laquelle était coincée la chaussure n’était pas bien épaisse, d’ailleurs, quand il s’y accrocha pour faire une traction et ainsi récupérer la chaussure, elle céda sous son poids et il finit par s’étaler de tout son long dans l’herbe humide, les larmes aux yeux tellement il riait, la branche sur le ventre qu’il dégagea bien vite sur le côté, ses pensées dorénavant totalement dirigée vers l’idée de déconner avec ses amis qu’à draguer une jolie blonde.

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29.11.20 14:53
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Cassidy cilla, visiblement décontenancé de se trouver face à pareille créature. Alfie, encore si petit, paraissait réellement minuscule face au trentenaire. Peu impressionné, il tira pourtant sur sa laisse dans l’espoir de pouvoir sauter contre les jambes du géant.

« Putain mais où tu trouves le temps de t’occuper de ça en plus de tout le reste ?
- Je suis une gonzesse, j’ai été programmée pour pouvoir tout gérer sans jamais flancher, lâcha-t-elle, sarcastique, en haussant ses épaules chargées. »

La porte arrière de la Focus claqua sourdement dans son dos alors qu’elle rejoignait l’intérieur, le Staffie trottinant gauchement à ses côtés. En vérité, Llewyn n’avait plus grand chose à faire de son temps. La solitude que Siobhan lui avait imposée en déménagement avait forcé un certain calme dans sa vie. Si la charge mentale était toujours là, les factures familiales ne se réglant pas seules, le quotidien de l’expatriée était bien moins houleux qu’il n’avait pu l’être par le passé. Pour la première fois en trente ans, la rousse n’avait eu à s’occuper que d’elle-même, et cette pensée l’avait terrifiée. Assez pour qu’elle ressente davantage le besoin de noyer son temps libre dans le travail. Assez pour qu’elle s’empêtre d’un animal de compagnie.

Les bouteilles s’entrechoquèrent quand elle posa le premier sac sur le plan de travail. Son épaule gauche fut déchargée à son tour et Alfie libéré. Llewyn s’apprêtait à aider Liam dans la partie de Tetris qu’il venait de lancer dans son réfrigérateur quand Gallagher fit remarquer, à juste titre, que la météo londonienne leur offrait des températures suffisamment fraîches pour n’avoir pas à s’inquiéter de ne pas rentrer l’intégralité des bières dans le bac à légumes. Du reste, le whiskey n’avait pas besoin d’être exposé au froid ambiant, au risque de le priver de ses arômes. On sortit l’alcool sans plus attendre, alignant les canettes de verre en rangs d’oignons contre la façade arrière de la maison.

Llewyn décapsula une blonde des plus banales et se rinça l’œsophage de plusieurs longues gorgées. La tiédeur du liquide n’enleva rien à la satisfaction qu’elle tira de la boisson ; il y avait un plaisir tout particulier à savourer une interdiction. Elle emmerdait l’Angleterre et sa prohibition ridicule, tous ces foutus loyalistes qui avaient cru intelligent de priver les habitants de ce que Dieu avait fait de plus beau. À quoi bon sevrer une population de ses spiritueux ? Pour mieux la laisser se perdre dans les paradis artificiels des drogues ? L’opium s’achetait aussi facilement qu’un paquet de cigarettes dans cette ville, mais on verbalisait à tout-va pour une bouteille de vin ou une canette de pale ale ? L’Irlandaise clapa sa langue contre son palais. Belfast lui manquait parfois.

Elle s’installa sur une chaise de jardin, les yeux rivés sur son sac à puces qui tournait amoureusement autour d’une jolie blonde qu’elle avait dû croiser quelques fois, ici ou ailleurs. La demoiselle, bien que séduite par la parade nuptiale du chiot, semblait davantage intéressée par l’armurier qui devait lui arranger un verre. Llewyn suivit un instant le trentenaire du regard avant d’être distraite par la chemise impeccablement repassée du bleu qui se profilait à ses côtés. Il claqua doucement sa bouteille contre celle de sa compatriote et se laissa tomber sur le siège le plus proche.

« Tu t’en es bien sorti aujourd’hui.
- Ouais ? J’ai cru que Leng allait me fusiller un moment.
- Il est un peu tendu parfois, mais je l’aurais pas laissé faire, ne t’en fais pas. On a encore besoin de toi de toute manière.
- Encore désolé pour ton pantalon.
- J’ai connu pire.
- Tu fais ça régulièrement ? Trimballer ce type de marchandise, demanda-t-il en levant sa consommation.
- Chaque fois que je peux m’approcher de la frontière et traiter avec des contacts sûrs. Je me charge rarement avec autant de litres d’un coup, par contre. J’avais compté de quoi imbiber une vingtaine de personnes, à l’origine, mais je doute qu’on termine tout ce soir. Elle eut une grimace malicieuse. Faudra revenir.
- Tu me réinvites ?
- Si t'es sage. »

Une soudaine agitation secoua l’assemblée. Leng, clopin-clopant, pestait contre trois grands gars qui s’étaient amusés à le maltraiter un peu, par amour. Il apostropha son cavalier et prince, le priant de bien vouloir récupérer le soulier de verre qu’on avait eu l’audace de coincer dans l’arbre complètement nu qui trônait d’un côté du jardin. Le chevalier en armure de cuir que faisait Gallagher releva le défi et, se débarrassant de son blouson, entreprit de grimper le tronc pour sauver la dignité de son beau.

« Arrête tes conneries Cass, tu vas t’écla- »

Comme si ses mots avaient précipité le destin, l’acrobate chuta, s’étalant de toute sa grande longueur sur le plancher des vaches. Llewyn retint son souffle un instant, les pires scénarios se bousculant brusquement dans son esprit. Ce ne fut que lorsque l’Irlandais éclata de rire qu’elle s’autorisa un soupir dépité et une injure en shelta.
La dernière soirée en comité restreint s’était terminée en aller-simple pour l’hôpital, l’une des âmes présentes ayant trouvé intelligent de se fracasser l’arcade contre un coin de meuble, ses jambes remplies d’alcool ne le portant plus. La coursière, seule rescapée de la beuverie puisque devant prendre la route le lendemain, s’était retrouvée à jouer les ambulancières à trois heures du matin.

« Ne comptez pas sur moi pour vous sauver ce soir. Vous pouvez bien vous tuer, je m’en fous ! Je serais trop saoule pour rouler de toute manière. »

Et pour appuyer ses propos, elle vida la bouteille entre ses doigts tatoués d’un tiers de son contenu.

« Quelqu’un peut le ramasser ?
- Conduire c’est quand même ton boulot, tu sais.
- Tu me paies pour l’emmener à l’hôpital s’il s’est fait un traumatisme crânien, ce con, râla-t-elle alors qu’on aidait l’armurier à se remettre sur pieds.
- Tu f’rais même pas ça de bon cœur ? »

Elle considéra longuement Cassidy qui approchait.

« Non. Non, vraiment. »

Bien-sûr qu’elle l’y emmènerait. Si elle parvenait à soulever sa lourde carcasse pour le caler dans sa voiture. Il devait peser son âne mort, inconscient, et Llewyn avait déjà levé trop de charges aujourd’hui pour avoir envie de continuer l’exercice physique.

« Tu sais qu’une passe avec une prostituée amochée vaut moins ? Tu devrais faire attention. Faudrait pas que nos affaires souffrent si tu t’abîmes ... »
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01.12.20 1:32
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Plus de peur que de mal. Il en fallait bien plus pour amocher Cassidy. A vrai dire, heureusement qu’il était sobre. Il avait prévu de boire à cette soirée. Beaucoup d’ailleurs, mais s’il avait choisi de descendre deux ou trois bières avant de jouer les princes charmants pour Leng, il ne se serait certainement pas relevé en s’essuyant les joues tellement il riait. D’ailleurs, il continua à rire quand il balança la chaussure qu’il avait délogée de l’arbre en faisant céder la branche directement dans le ventre de Leng. « Tu me revaudras ça bâtard » qu’il avait maugréé en tordant son t-shirt pour apercevoir les dégâts. Ceux-ci n’étaient sans doute pas aussi impressionnants que si une côte s’était délogée de sa colonne vertébrale pour perforer sa poitrine mais son haut restait trempé et couvert de boue et de morceau d’herbes divers. Ce qui eut pour effet de le faire gronder mais toujours avec le sourire.

Se penchant sur la rangée de bouteilles, il attrapa une blonde brune et la décapsula d’un simple coup de briquet avant de la porter à ses lèvres. Elle était encore un peu tiède mais la sensation de l’alcool sur sa langue le satisfit tellement qu’il ne l’avala pas tout de suite, préférant la laisser tourner en bouche comme s’il savourait un bon vin. Cassidy n’avait jamais été de ces hommes qui levaient leur petit doigt en l’air plus haut encore que ce que leurs maigres queues ne bandaient quand ils se retrouvaient serrés comme des sardines à boire des jus de légumes et manger des graines pour un prix exorbitants et à la limite de l’insulte quand on leur servait deux pauvres feuilles de salade et une carotte couverte de terre. Cassidy, c’était un homme. Un vrai. Avec la barbe, les blousons en cuir, les muscles, le rire gras et les blagues de merdes qui ne faisaient rire personne d’autre que lui. Cassidy c’était ce géant qui pouvaient s’avérer bien plus qu’insupportable et envahissant quand il s’y mettait mais qui savait aussi devenir invisible et qui avait toujours fait son travail. Ses supérieurs n’avaient jamais rien eu à lui reprocher et ses amis trouvaient ça aberrant qu’il arrive à être sage.

Pas un homme à grand cru mais un homme à p’tit cul donc. Avalant trois grandes gorgées de sa bière, il l’attrapa par le goulot et tordit la nuque pour arriver à apercevoir son dos, poussant un nouveau grondement de fausse exaspération, son rictus se transforma en un grand sourire quand Llewyn osa dire qu’elle ne l’aurait pas emmené à l’hôpital s’il s’était blessé. S’approchant d’elle avec un air faussement enjôleur, il minauda devant elle et se pencha vers la chaise de jardin sur laquelle elle trônait, susurrant


« Dis pas de conneries Mo chuisle, j’suis sûr que t’as eu peur pour moi et que tu te serais précipitée pour me faire du bouche à bouche… »


Et à ses mots, il posa sa bière non loin, se pencha de nouveau vers elle, appuyant ses mains sur les accoudoirs de la chaise, ignorant totalement le bleu à côté d’eux, fit mine de vouloir l’embrasser en avançant exagérément ses lèvres comme une véritable bimbo londonienne sur lesquelles il crachait allégrement quand il les voyait défiler sur le trottoir quand lui conduisait mais bien silencieusement quand elles étaient accrochées comme des morpions au bras d’un homme sans doute richissimes qui venait lui acheter des armes. Mais aussi amusant ce jeu était-il, la sensation de boue détrempée dans son dos lui devint très vite désagréable. Alors, il se redressa et rentra de nouveau dans la maison, ayant laissé sa bière sur une table de jardin, il se retourna une dernière fois vers Llewyn pour lui asséner un :


« Et on met pas de ghb dans ma bière attention ! Sinon j’me contrôle plus après, demande à Leng ! Et on vient pas me voir tout nu !»



Une dernière œillade charmeuse et clairement sexuelle à Leng, un éclat de rire et il disparut dans les escaliers, rejoignant la salle de bain, refermant la porte derrière lui. Ôtant son t-shirt, il s’installa sur la cuvette abaissée des toilettes, tenant le t-shirt tendu devant lui, examinant les dégâts d’un air bien trop impliquée puisqu’il s’agissait simplement de terre et d’eau. Attrapant un paquet de mouchoirs qui trainaient sous le lavabo, il en tira un premier pour frotter activement le tissus, recommençant à maugréer


« Mais putain de merde c’est quoi ces arbres qui tiennent pas là merde ! En novembre en plus merde de putain de bordel de merde merde merde merde. »


Il n’était pas réellement énervé, d’ailleurs, il avait plutôt tendance à s’en foutre complètement. Mais jurer le détendait. Être ici avec tous ses amis le détendait. Il n’arrêtait jamais d’être un soldat de l’Armée Républicaine d’Irlande et sur le tableau noir accroché juste à côté de sa porte d’entrée, censé être fait pour noter les choses à ne pas oublier ou une liste de courses, il avait inscrit « Óglaigh na hÉireann » quand il avait emménagé et ne l’avait plus touché depuis. Mais il avait besoin de décompresser par moment. De ne plus avoir à faire attention à lui, d’être libre de faire des blagues de cul, de draguer, de plaire… Et pendant qu’il essuyait son t-shirt aussi énergiquement que Fred Astaire sous coke, un visage s’imposa dans son esprit. Avec une telle force qu’il eut un mouvement de recul comme si on l’avait placardé en poster devant lui sans prévenir. Un visage solaire, lumineux, des yeux clairs, des tâches de rousseur, des cheveux de feux qui lui brulèrent la rétine si fort qu’il baissa les yeux. Ce visage… Il n’avait pas besoin de réfléchir bien longtemps pour savoir à qui il appartenait. Par contre, la raison pour laquelle Llewyn se retrouvait d’un seul coup aussi fort dans ses pensées le dépassait. Il pensa à leur jeunesse presque passée ensemble, lui qui était toujours fourré avec son frère à faire les quatre-cents coups, mais ces souvenirs auraient pu lui revenir à son arrivée à Londres… Pourquoi que maintenant ? L’alcool. Certainement l’alcool. D’un revers imaginaire de la main, Cassidy balaya les preuves évidentes qui montraient qu’il n’était pas bourré du tout et se leva, enfilant son t-shirt. Le tissu était toujours mouillé mais n’était plus détrempé et il avait réussi à décrocher la majeure partie de la boue.
Satisfait par son travail, moins par la vision et ayant rempli les trois quarts de la poubelle de Liam de mouchoirs, il haussa les épaules et retrouva les autres au rez-de-chaussée, attrapant sa bière pour en siffler deux autres gorgées non sans un regard suspicieux à Llewyn et Leng.

Cassidy avait beau être un géant qui avait l’habitude de descendre des packs de bières entiers avant que les royalistes pensent judicieux de se débarrasser de leurs derniers neurones, sans doute pour s’alléger avant une prise de décision, il avait perdu l’habitude de boire autant. A la cinquième bière, les effets de l’alcool commencèrent à pointer le bout de leur né. L’irlandais affichant un sourire plus béat, une voix plus rauque, des blagues plus beaufs (si cela était possible) mais il en fallait plus pour le terrasser. C’était toutefois néanmoins assez pour faire tomber les quelques filtres qui lui restaient


« Non mais, an t-óg, t’as carrément sorti la chemise quoi ! Putain la prochaine fois prend la mallette et les bilans comptables… »


Une raillerie qui ne valait pas grand-chose, il suffisait de l’ignorer. Mais il était bien difficile d’ignorer un géant…

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01.12.20 14:12
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Le visage moucheté de traces de rouilles de la jeune femme se fendit d’un sourire narquois. Elle se trouva bien imaginative, songeant un instant que Cassidy ferait probablement un bon gigolo. Connaissant le goût de certaines vieilles carnes londoniennes, celles qui exhibaient leur or, leurs pierres et leur vison chaque fois qu’elles mettaient le nez dehors, elle ne doutait pas une seule seconde qu’il trouverait facilement sa clientèle. Il plaisait, avec sa carrure de géant, sa coupe de surfer californien, ses beaux yeux clairs, son sourire stupide et son accent à couper au couteau. Il plaisait à la jolie blonde qui ne le quittait toujours pas du regard et s’était approchée à son tour en espérant prendre part à la conversation. Il plaisait à d’autres demoiselles gravitant autour de l’IRA. La rousse avait déjà entendu certaines lèvres féminines prononcer son prénom au détour d’une conversation, souvent accompagné d’un compliment rêveur.

« Dis pas de conneries Mo chuisle, j’suis sûr que t’as eu peur pour moi et que tu te serais précipitée pour me faire du bouche à bouche… »

Llewyn haussa doucement les épaules, tentant de se composer une expression pleine de mystères. Si elle avait espéré un temps pouvoir goûter ses lippes, ses envies adolescentes étaient passées depuis longtemps. Elle les avait enterrées il y avait bien des années à grand renfort de déceptions amoureuses, de premier amour bancal, de jeunesse avortée et de mariage raté. Et pourtant, son palpitant manqua un battement quand le brun s’approcha dangereusement d’elle, ignorant tout du cercle qui les entourait. Elle fronça les sourcils, fixa sa bouche en cœur, déglutit difficilement, se saoula de son parfum, recula le visage, fut tentée de lui flanquer un coup de genou dans le sternum, retrouva la possibilité de respirer normalement quand il s’éloigna finalement. Sa liberté d’être à peine récupérée, la jeune femme noya son ventre et de son cœur dans de longues gorgées de bière, espérant engloutir son trouble et éviter tout regard suspicieux de l’assemblée. On ne remarqua rien, par chance.

« Et on met pas de ghb dans ma bière attention ! Sinon j’me contrôle plus après, demande à Leng ! Et on vient pas me voir tout nu ! »

Elle dressa fièrement son index et son majeur à l’attention du dos de l’armurier qui disparut à l’intérieur. Pourvu qu’il manque une marche dans l’escalier en trébuchant sur sa connerie et se rompe le cou.

« Il est sous coke, demanda la blonde en s’appuyant sur la table de jardin.
- Oh non, c’est son état naturel. »

Llewyn frappa ses cuisses pour appeler le chiot qui ne savait plus où donner de la tête et tournait d’un invité à l’autre, réclamant un peu d’attention. Alfie se précipita vers elle, langue pendante, trop heureux qu’on lui accorde brusquement de l’intérêt. Il sautilla contre ses tibias, se laissa attraper et se roula sur les cuisses de sa maîtresse, ses pattes trempées imprimant des traces de boue sur son pantalon. Surexcité par le monde qui l’entourait, le Staffie fut cependant incapable de tenir en place. Il ne tint pas deux minutes, et la coursière dut se résoudre à le reposer sur le plancher des vaches quand l’un des Irlandais présents se munit d’une petite branche pour le distraire.

Le froid nocturne s’insinua peu à peu dans les os de l’expatriée. Les quelques bières qu’elle avala encore à l’extérieur ne suffirent pas à la réchauffer, aussi se décida-t-elle à rentrer. Llewyn se débarrassa de sa veste et de sa volonté d’y aller progressivement : elle troqua les blondes contre la robe ambrée d’un whiskey, avala un premier verre cul sec pour se remémorer le plaisir de pouvoir boire rapidement sans crainte de manquer d’alcool, se resservit un blended, finit sa course sur le plan de travail de la cuisine.
Les jambes ballantes, les joues lentement roses, la chaleur caractéristique libérée par l’éthanol se diffusait dans ses veines. Ses sourires étaient plus larges, son rire plus fréquent et fort, ses paroles plus rapides, moins contrôlées. Plus aucune âme ne s’acharnait à causer anglais. La transition s’était faite progressivement au courant de la soirée, accélérant à chaque verre. Même Leng, qui n’avait pourtant jamais vécu sur l’Île d’émeraude, se prêtait à l’exercice. Il avait grandi dans la communauté irlandaise londonienne, s’était habitué dès son plus jeune âge à entendre la langue et la parlait sans grande difficulté, quoiqu’il traînait un drôle d’accent qui lui valait souvent des railleries.

« Non mais, an t-óg, t’as carrément sorti la chemise quoi, interrompit Gallagher en les rejoignant. Putain la prochaine fois prend la mallette et les bilans comptables… »

Le Bleu eut un rire jaune et se défendit du mieux qu’il le pût, renvoyant difficilement à la gueule du trentenaire une pique qui n’eut pas l’effet escompté. Si Llewyn tenta de faire comprendre à l’armurier que son humour devenait pesant en le fusillant du regard, l’homme ne sembla pas remarquer les éclairs qu’elle lui lançait. Elle attendit une dizaine de minutes que la conversation tourne, que le dernier arrivant la quitte à contrecœur et qu’elle se retrouve seule avec Cassidy pour planter ses yeux noirs et las dans les siens.

« Tu pourrais arrêter tes conneries et faire en sorte qu’il se sente bienvenu, claqua-t-elle sèchement. Il est nouveau, c’est déjà assez compliqué pour lui de se sentir à sa place parmi nous sans que tu en rajoutes une couche. Elle désigna d'un signe de main ses compatriotes, dans la pièce d'à côté. Je connais Liam depuis cinq ans, je bosse avec Leng depuis trois, je traîne constamment avec les autres … T’as toujours fait partie de ce monde. C’était peut-être facile pour toi de déménager ici et de recroiser des gars du quartier, mais c’est pas son cas. C’est pas évident d’arriver quelque part en étant foutrement plus jeune et de se faire sa place dans un cercle déjà constitué. Vas-y mollo sur les piques. Il te connaît pas assez pour bien les prendre. »

Elle ramassa son whiskey, se laissa couler du comptoir et se mit en tête de laisser son interlocuteur planté là, comme le con qu’il s’avérait être par moments. La rouquine fit cependant volte-face, plantant ses yeux pâles dans ceux du géant.

« Et fous-lui la paix avec sa chemise, putain. Elle lui va bien. »

Elle s'approcha, se hissa sur la pointe des pieds, attrapa le t-shirt du brun au niveau du col et lui assena :

« Il les porte clairement mieux que toi. »
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08.12.20 0:12
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D’aucun aurait sûrement eu du mal à le croire, mais Cassidy avait été calme un jour. Réfléchi même. Il avait porté un uniforme, rasé ses cheveux longs et sa barbe, il avait été plus musclé que ça, le gendre idéal. Mais c’était également la période où il on il hurlait « Sir yes sir » à tout bout de champ et que ses supérieurs prenaient un malin plaisir à lui envoyer des coups de bottes dans le ventre. Il avait été aussi un bleu, un grouillot, il avait déjà tout fait pour tenter de cacher la peur qu’il avait au bord des lèvres puisqu’on s’acharnait à la faire déguerpir de ses tripes à coups de pieds. Il avait été un débutant mais il avait rapidement monté les échelons. A vrai dire, il n’avait jamais été vraiment haut gradé voire gradé tout court, rester soldat lui convenait parfaitement. Mais il avait gagné le respect. Ses supérieurs ne le regardaient plus en riant et en se moquant de voir un géant se recroqueviller au sol pour empêcher le sang de couler de sa bouche lors des bizutages et ses camarades de faction le regardaient avec crainte. S’il avait été un soldat, il n’avait jamais été un ami. Cassidy n’était pas allé à l’armée pour rencontrer des gens et c’est sans doute ce qu’appréciait ses supérieurs : son sérieux et son dévouement à son métier. Les amis, il en avait déjà. Une famille, des frères et des sœurs, des parents, des amis et même une petite amie qui l’attendaient tous quand il rentrait à la maison.

Il avait quitté son uniforme quelques très rares fois pour enfiler une chemise mais il avait essayé de faire bonne figure une fois, et une seule. Le mariage de Llewyn. Il aurait bien voulu dire qu’il avait complètement oublié ce jour mais il n’aimait pas mentir. Il s’en souvenait très bien. L’enfer pour trouver une chemise à sa taille, les heures passées dans la salle de bain à se débarbouiller, se gratter les oreilles, sa copine dans son dos qui entreprenaient de panser ses plaies qui n’étaient plus qu’aujourd’hui que de minces cicatrices quasiment invisibles pour qu’elles ne tachent pas la chemise, repasser derrière lui sur tous les endroits qu’il lavait mal, pour faire bonne figure. Par affection pour la gamine. Parce qu’il voulait faire bonne figure, pour elle. Et s’il avait échangé quelques plaisanteries avec le frère de celle-ci lors de la cérémonie, il s’était tenu à carreaux.


La deuxième et dernière fois qu’il avait porté une chemise avait été pour l’enterrement de Ciaràn. Mais cette fois là n’avait plus aucune importance à ses yeux. A vrai dire, il se souvenait de tout. Du temps, des nuages, de la pluie, du nombre de pas depuis l’entrée du cimetière jusqu’à la tombe de son frère. La sensation de la terre trempée dans ses mains quand il en avait jeté une motte sur le cercueil encore rutilant, l’horreur d’imaginer qu’à l’intérieur se trouvaient les restes de son frère, qu’il n’avait pas eu le droit de le voir parce qu’il n’en restait certainement pas grand chose. Que le grand Ciaràn avait fini percuté par un wagon, qu’il ait été poussé ou qu’il soit tombé, tout ça n’avait aucune importance, l’important était qu’il était mort. Et la seule chose dont Cassidy ne se souvenait pas, c’était de sa chemise. Mais il l’avait portée puisqu’il l’avait retrouvée trempée le lendemain, posée sur son lit. En temps normaux, sa mère serait rentrée dans sa chambre pour récupérer son linge sale et le laver, mais cette fois-ci, elle avait préféré laisser de l’intimité à son fils. Il avait beaucoup à penser. Devenir l’aîné de la famille, toutes les responsabilités qu’il devait endosser…
Cassidy y avait pensé des heures et il était arrivé à une conclusion qui n’avait pas changé depuis. Jamais il n’aurait l’étoffe d’un aîné, d’un vrai, son frère Boyd le faisait déjà bien mieux que lui. Alors il était parti, et le nouveau Cassidy naquit d’un mélange instable presque radioactif d’émotions fortes. Il était devenu sarcastique, brut, beauf et plein d’autres défauts qui le rendaient soit insupportable soit irrésistible. Peut-être que le nouveau lui était le vrai lui ? Peut-être qu’au final, c’était sa vraie nature trop longtemps étriquée derrière un treillis puis trempé par la pluie. Peut-être. Trop de questions auxquelles il ne tenait pas à répondre.

Cassidy était railleur. Il fallait bien s’y habituer puisque le faire taire n’était pas choses aisée. Parce que s’il n’était pas méchant et qu’au fond, il n’avait jamais voulu blesser qui que ce soit, il était intimidant. Trop apparemment pour que le bleu ose lui flanquer une gifle ou juste lui gueuler de fermer sa grande gueule. Alors il se laissa faire, en proie au rire fort de Cassidy qui ne s’arrangeait pas avec les bières qu’il avalait.

L’irlandais laissa l’alcool désinhiber ses membres et ses réflexes et revint brutalement à la réalité quand Llewyn planta son regard noir dans le sien.



« Tu pourrais arrêter tes conneries et faire en sorte qu’il se sente bienvenu. Il est nouveau, c’est déjà assez compliqué pour lui de se sentir à sa place parmi nous sans que tu en rajoutes une couche. Je connais Liam depuis cinq ans, je bosse avec Leng depuis trois, je traîne constamment avec les autres … T’as toujours fait partie de ce monde. C’était peut-être facile pour toi de déménager ici et de recroiser des gars du quartier, mais c’est pas son cas. C’est pas évident d’arriver quelque part en étant foutrement plus jeune et de se faire sa place dans un cercle déjà constitué. Vas-y mollo sur les piques. Il te connaît pas assez pour bien les prendre. »




Il arqua un sourcil mais perdit néanmoins son sourire, débout, coi presque pendu à ses lèvres comme s’il n’y avait plus qu’eux deux sur terre. Clignant des yeux d’un air hagard, plus surpris que réellement énervé. Ouvrant la bouche pour répondre, il décida de se la fermer quand elle se retourna mais avant qu’il n’ait le temps de connecter deux neurones, elle empoigna son col, l’attirant en avant et se hissant à sa hauteur.


Llewyn jouait à un jeu dangereux à lui remémorer les temps où son affection pour elle n’était motivée que par son âge et le fait qu’il la trouvait adorable à tourner autour de son frère et du reste de leur bande de potes, à vouloir faire partie de leur duo, de leur bande. Mais elle n’était plus adorable. Du moins, plus de la même manière. Elle n’avait plus onze ans, mais bien 19 de plus et il n’allait certainement pas se laisser faire.


Empoignant sauvagement ses épaules pour les presser, bien différemment de lorsqu’il avait tenté de la calmer et de la réconforter dans l’armurerie, il esquissa un mouvement pour l’écarter brusquement de lui avant de se raviser. La pression de ses mains disparut en une seconde mais son regard hargneux et vif ne le quitta pas. La respiration courte, tellement près d’elle que des mèches de ses cheveux bruns virent piquer les taches de rousseur de la jeune femme, tellement près d’elle qu’il ne tint pas plus longtemps et que de son regard noir, il ne retint qu’un océan agité mais magnétique. Son front se lissa et sa bouche se calma, l’orage qui animait ses prunelles se dissipa et ses lippes s’étirèrent dans une moitié de sourire calme, douce, presque trop.


« Tu as raison Oz, excuse moi. Je joue juste au con parce que tu me plais. »



C’en était presque irréel, comme si d’un seul coup, quelqu’un s’était mis à le contrôler à distance. Quelqu’un qui n’en avait apparemment pas fini puisqu’en plus, il se pencha de quelques centimètres supplémentaires et posa ses lèvres sur la commissure gauche des siennes, pas vraiment un baiser mais trop proche pour que le geste soit anodin. Puis, il s’effaça brusquement, reculant d’un pas qui, avec la taille de ses jambes ressemblaient à un saut d’un mètre cinquante avant de la contourner pour finir par quitter la pièce lui aussi, rejoignant Leng, Liam et tous les autres et en particulier le bleu. Ayant retrouvé son sourire moqueur habituel, il s’exprima néanmoins sans aucun sarcasme dans la voix


« Désolé, elle te va bien. »


Et puis sans rien dire d’autre, il recommença à rire avec Leng, s’amuser sur leur couple présumé. Llewyn l’avait-elle ensorcelé ? Lui qui d’habitude était et restait insupportable… Avait-il était sincère ? Dans un autre contexte, l’aurait-il vraiment embrassée ?

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08.12.20 11:39
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La critique n’avait pour but que de le blesser un peu dans son égo, de le faire redescendre du piédestal sur lequel il s’était perché. L’air devait lui manquer là-haut et priver son cerveau d’oxygène, lui laissant tout le loisir d’être un imbécile heureux particulièrement détestable quand il s’y mettait. La carrure de Cassidy lui valait de n’être pas souvent remis à sa place ; on avait tendance à le laisser faire, par crainte des représailles, par crainte qu’il ne s’emporte et ne décoche à son interlocuteur une droite bien placée. Llewyn le connaissait cependant assez pour savoir qu’il n’était pas du genre à répondre violemment ; s’il était impulsif, il n’en était pas belliqueux, moins encore homme à s’emporter pour un oui ou un non, pour une remarque déplacée. Son physique d’armoire à glace ne correspondait pas tant à son caractère, elle pouvait donc se permettre une réflexion amère.

L’armurier, pourtant, n’eut pas la réaction attendue. Il lui agrippa brusquement les épaules, enfonçant ses griffes dans ses chairs sans pour autant la repousser. Ses prunelles s’obscrucirent l’espace d’un instant, se teintant d’un voile noir de colère. La rousse fronça les sourcils, le palpitant et la respiration suspendus, son champ de vision obstrué par les traits de son interlocuteur qui se rapprochèrent dangereusement. Tadgh avait la même rage dans les yeux lorsqu’ils se faisaient face, et Llewyn crut, une fraction de seconde, que Gallagher aurait le cran de l’envoyer chier en lui fracassant la mâchoire au passage. Si elle avait toujours eu l’ascendant sur ses frères, si elle savait se défendre, frapper fort, calmer les ardeurs de certains gars de l’IRA lorsqu’ils oubliaient qu’ils lui devaient le même respect qu’à leurs compatriotes, l’Irlandaise ne doutait pas qu’une gifle bien placée de son opposant lui décollerait les neurones et la laisserait dans le vague plusieurs secondes. La pression qu’il exerçait sur ses trapèzes suffisait à trahir le bouillonnement sourd qui devait tordre ses veines.
Sans se défaire de son expression fermée, sans baisser le nez, courber l’échine ou montrer le moindre signe d’inquiétude, elle espéra que le brun serait assez intelligent pour se rappeler que Liam se trouvait dans la pièce adjacente, et qu’il se ferait certainement une joie de calmer son invité s’il s’avisait de toucher à une seule de ses taches de rousseur. Mais le coup de poing ne vint pas. Les paroles assassines non plus.

Un changement soudain se fit cependant dans le regard de Cassidy. Brutal, inattendu, il souleva l’estomac de la transporteuse. Les traits du trentenaire se firent plus calmes, plus lisses, comme si les secondes passées à se regarder en chiens de faïence n’avaient simplement pas existées.

« Tu as raison Oz, excuse moi. Je joue juste au con parce que tu me plais. »

L’intéressée papillonna des cils et tomba des nues. Elle n’eut pas le réflexe de reculer le nez lorsqu’il s’approcha encore pour déposer un baiser au coin de ses lippes. Son cœur trébucha avec fracas dans sa cage thoracique sous l’effet de la surprise, de la consternation et de l’adrénaline qui se taisait. Elle voulut le repousser, mais l’expatrié s’était déjà éloigné sans lui donner la chance de lui cracher qu’il n’était décidément qu’un trou du cul. Crucifiée par la connerie de Gallagher, incapable de dire s’il se foutait d’elle pour se venger ou si l’alcool l’avait rendu anormalement honnête, Llewyn resta plantée sur place comme une idiote, le monde tanguant danfereusement autour d'elle. Les sentiments contraires qui s’entrechoquèrent derrière son front plissé de désarroi ne firent que la troubler davantage. Il lui fallut une gorgée de whiskey pour se tirer de son immobilisme et ses réflexions.

« Désolé, elle te va bien, lança une voix qui lui parut lointaine. »

La rouquine rejoignit le salon, l’air plus renfrognée que jamais. Elle contourna diligemment Cassidy sans lui adresser un regard pour aller s’échouer dans le fauteuil le plus proche et s’embourber davantage dans ses pensées. Liam approcha, prit place dans le canapé lui faisant face et fit couler un peu plus d’alcool dans son verre pour en relever le niveau.

« Grosse conversation ?
- Ta gueule. »

Le blond leva les mains devant lui pour s’excuser d’avoir mis les pieds dans un plat qu’il ne savait même pas exister quand Llewyn avalait d’une traite la boisson maltée. Le liquide lui brûla la gorge et l'estomac, mais elle fit malgré tout glisser le contenant vide devant elle et en tapota le bord pour indiquer à son hôte de ne pas s’arrêter en si bon chemin. Ils n’échangèrent pas trois banalités qu’elle se relevait dans un bond en abandonnant son verre sur la table basse et sa discussion. La jeune femme enfila sa veste dans un tortillement empressé, revint sur ses pas et s’imposa dans le quatuor où bavardait Cassidy. La tête lui tournait, ses joues avaient viré carmin.

« Dehors, grinça-t-elle la mâchoire crispée. Tout de suite. »

Elle ne pivota sur ses talons que lorsqu’elle fut certaine que le brun lui emboîterait bien le pas. Llewyn traversa la pièce d’un bout à l’autre, fit irruption sur la terrasse et pressa le pas jusqu’à une extrémité du jardin. Le brouillard poisseux qui couvrait le ciel nocturne ne laissait pas filtrer un seul rayon de lune, ils ne purent compter que sur l’éclairage qui provenait de la maison pour n’être pas plongés dans une parfaite obscurité.

Ruminant ses pensées et son énervement, l’Irlandaise fouilla ses poches à la recherche d’un paquet de clopes qu’elle ne tarda pas à trouver. Elle coinça un clou de cercueil entre ses lèvres tremblantes et jura en se rappelant que son briquet avait été confié à Dieu savait qui un peu plus tôt dans la soirée.

« Donne ton feu. »

Elle le lui arracha presque des mains quand il le tendit et se détourna pour s’éviter le vent de face. La première bouffée de nicotine aurait dû calmer quelque peu ses nerfs ; elle n’eut pas l’effet escompté. Llewyn échappa une épaisse colonne de fumée blanche et croisa ses bras sous sa poitrine, légèrement frissonnante. Elle dévisagea l’armurier.

« Comment ça, je te plais ? Tu te fous de moi ? T’es sur le point de m’assassiner un instant, et une seconde après tu me lances ça à la gueule ? Joue pas avec moi, Cass. Avec qui tu veux, mais pas avec moi. J’ai eu une journée suffisamment merdique comme ça, j’aimerais bien pouvoir profiter un tant soit peu de ma soirée avant de me faire défoncer par Mickey demain matin. Tu crois que j’ai que ça à faire, d’écouter tes conneries ? De jouer les mamans en te disant d’être mignon avec les autres enfants ou de me fracasser le crâne pour savoir si tu te paies ma tronche ou non ? »

Un duo d’Irlandais se hasarda sur la terrasse pour venir à leur rencontre, plus curieux que réellement inquiets de les voir s’exiler de la sorte. Llewyn leur conseilla si violemment d’aller voir ailleurs s’ils y étaient qu’ils firent demi tour sans demander leur reste.

« T’es vraiment qu’un con, putain, maugréa-t-elle sur sa cigarette. »
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09.12.20 21:10
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Dieu savait que Cassidy n’était pas agressif. Du moins, il savait que la violence n’était pas sa première réponse aux contrariétés. D’ailleurs, Ciaràn, du temps où il était encore en vie en avait toujours ri. Dans la rue, la nuit, on avait tendance à l’éviter, changer de trottoir ou ne pas oser lever les yeux pour croiser les siens. Comme si le simple fait d’exister sur le même plan spatio-temporel que lui suffisait à ce qu’il s’énerve et veuille en découdre. Bien sûr, il savait s’énerver comme il savait en venir aux mains après quelques verres de trop les jours où ils choppaient de la bonne contrebande. Mais, s’il avait été entrainé pendant ses années d’uniforme, sa manière de se battre bourré ressemblait plus à une sorte de rite satanique qu’à du véritable combat. Il avait néanmoins un atout : ses compétences une arme à feu à la main dépassaient l’entendement. Déjà doué à l’armée, l’armurerie n’avait fait que renforcer ses connaissances. Il était invincible et s’il perdait de sa superbe ivre mort, ce n’étaient pas quelques bières qui allaient faire trembler ses mains quand ils visaient.

Et pourtant, elles tremblaient bien ses mains. Et sans trop savoir lui-même si c’était à cause du froid qui mordait sa peau ou alors était-ce le fait de se retrouver seul avec Llewyn. A s’écouter, il aurait préféré admettre qu’il avait froid mais au fond, la réponse était beaucoup plus nuancée. Quand elle lui aboya de lui passer son briquet, il obtempéra, sans rien dire, sans même la regarder, sans même réfléchir à une réponse où à l’endroit où il l’avait fourré. Son briquet était toujours dans la poche arrière de son pantalon, il s’en était servi pour allumer une cigarette plus tôt dans la soirée. La lumière chaude et pâle de la clope de la rousse éclaira un instant son visage et Cassidy ne se refusa pas un petit sourire quand elle lui cracha la fumée à la gueule.


Llewyn. Llewyn. Elle aurait dû s’appelait Tine. Tine Le feu en irlandais. L’énergie d’une bombe atomique en quelques secondes, trop longtemps contenue qui ne se serait pas fait prier pour lui exploser en pleine figure s’il avait fait l’erreur de lever la main sur elle. Il savait à qui il avait à faire et si l’idée de se foutre de sa gueule lui avait un instant chatouillé l’esprit, la sensation de ce qu’un coup de pied de ses Dr Martens entre ses cuisses pouvait être avait calmé ses chatouillements. Alors il avait préféré obéir, obéir pour se retrouver seul avec lui. Mais une fois dehors, sans doute revigoré par le froid, l’esprit embrumé par l’alcool et le temps, il n’avait pas résisté à caler un soupir, relâchant un léger nuage de fumée devant lui, témoin d’un fort différentiel de température.


« Putain mais… »


Un éclat de rire s’échappa de sa gorge, rauque, comme sa voix abimée par l’alcool et les rires tonitruant aux conneries de Leng, Liam et les autres


« Lève le pied sur l’alcool trente seconde you alcoholic gobshite, »
avait-il aboyé à son tour, « j’suis pas maso au point d’me réjouir de me faire soulever par Mickey demain non plus et c’est pas mon délire de jouer avec toi. »


Il laissa passer un léger silence, puis se ravisa, la tête penchée sur le côté et finit par se corriger


« Bon ok si j’avoue. Mais… »



Un autre silence, plus long cette fois. Il passa sa main dans ses cheveux, les ramenant en arrière, geste qu’il avait l’habitude de faire et auquel il ne pensait plus


« Putain merde à la fin, je sais pas pourquoi j’t’ai sorti ça comme ça ! J’essayais de profiter un peu de la soirée aussi ! »



Il avait commencé à s’emporter et le froid l’avait tout de suite rappelé à l’ordre, si les mouvements favorisaient la circulation du sang, agiter les mains tel qu’il le faisait aidait surtout à les refroidir en les confrontant au vent et au brouillard qui avait commencé à les tremper.


« Mais j’me fous pas de ta gueule Oz. Pas cette fois. »



Le croire était compliqué. A l’instar de la fameuse histoire de Pierre et le loup, Cassidy était quelqu’un de sérieux dans un cadre professionnel mais devenait très vite ingérable avec ses amis. Leng en faisait les frais plus que quiconque ce soir puisque le géant s’était mis en tête qu’au moins quelqu’un à la soirée pense qu’ils étaient réellement en couple. Il prenait son rôle de +1 très au sérieux. Du moins, jusqu’à présent. Llewyn était celle qui le connaissait depuis le plus longtemps. Elle savait comment il était. S’il était très sarcastique et assez insupportable quand il commençait à s’y mettre, ce n’était pas non plus quelqu’un d’horrible. Il lui arrivait souvent d’être méchant mais c’était très rarement intentionnel. Et surtout, si mentir en racontant qu’il savait très bien comment Leng embrassait ne lui posait aucun problème, ce n’était pas un menteur. On lui avait trop souvent menti, ou plutôt omis la vérité pour qu’il en soit traumatisé. Ciaràn surtout, qui rentrait quelque fois, refusant d’en dire trop sur ses activités, mentait pour les protéger, faisant même passer sa mort pour un suicide pour laisser la surprise à sa famille en découvrant les chiffres effarant de la composition de son sang. Ciaràn. Le parfait Ciaràn, drogué jusqu’à en tomber sur les rails.

Penser à son frère n’était peut-être pas la meilleure chose dans ce genre de situation. Ces souvenirs remontant n’eurent pour effet que de l’énerver encore plus. Alors, il se passa une énième fois la main dans les cheveux et grogna


« Mais j’imagine que, enfin, t’es venue avec "chemise" du coup. Et… Les choses entre Leng et moi sont assez sérieuses. » Piètre tentative de se détendre, tentative ratée d’ailleurs puisqu’il serrait les poings tellement fort que ses jointures en blanchissaient. Ou alors c’était le froid. Il n’en savait rien et ne pouvait pas s’en foutre plus.


« T’inquiètes. » Siffla-t-il entre ses dents serrées.

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Ses doigts tatoués récupérèrent la Lucky Strike dont elle tapota le cul. La cendre qui s’était accumulée à son extrémité tomba rapidement, immédiatement balayée par le vent désagréable qui rafraîchissait l’air. Dieu qu’elle aurait aimé se trouver ailleurs à cet instant précis : sur les routes espagnoles qu’elle avait quittées quelques jours plus tôt après une longue mission à l’extrême sud de l’Europe. La misère comme la colère étaient moins pénibles au soleil.

Un léger tremblement remonta le long de son échine, réveillant un peu plus l’amertume qui coulait dans ses veines. D’aussi loin qu’elle se souvenait, Llewyn avait toujours eu le sang chaud, une tendance à l’implosion et un tempérament incendiaire qu’elle devait à ses racines irlandaises et travellers autant qu’aux responsabilités qu’il lui avait fallu assumer trop jeune. Jamais la fratrie n’aurait tenu si longtemps si elle n’avait eu en elle ce bouillonnement sourd qui lui avait permis de tenir le coup. Son aîné n’avait pas le même feu en lui ; bien plus calme, il était son exact opposé.
Cassidy s’était visiblement trop habitué au caractère de long fleuve tranquille d’Ailbhe. Son expression à la fois étonnée et déconfite laissait entendre à la rousse qu’il avait oublié que sa ressemblance avec son frère se limitait à leur physique.

« Putain mais… »

Le gloussement tonitruant de l’armurier la déstabilisa davantage. Elle se serait attendue à ce qu’il la raisonne à grand renfort d’insultes ou la secoue comme un prunier pour lui intimer de se calmer et lui remettre les idées en place. Son éclat de rire fut comme une claque supplémentaire que Llewyn eut bien du mal à avaler. Qu’on se foute d’elle était une chose, qu’on lui rit à la gueule en prime lorsqu’elle essayait de se faire respecter en était une autre. Elle se renfrogna, ses lippes se pincèrent un peu plus sur le filtre de sa cigarette, ses sourcils se froncèrent davantage, ses bras se resserrèrent sur sa cage thoracique, ses doigts se comprimèrent sur le malheureux briquet qu’elle n’avait pas rendu à son propriétaire, ses épaules se soulevèrent encore.

« Lève le pied sur l’alcool trente seconde you alcoholic gobshite, j’suis pas maso au point d’me réjouir de me faire soulever par Mickey demain non plus et c’est pas mon délire de jouer avec toi. »

La transporteuse n’était pas facile à séduire. Trop bornée, bien trop occupée à gérer le fiasco qu’était sa vie privée depuis son divorce et son emménagement à Londres, elle ne se laissait généralement approcher que lorsqu’elle le voulait bien. Lorsqu’elle le décrétait. Du reste, elle faisait volontiers la sourde oreille, ignorant - sciemment ou non - les avances qu’on lui faisait. Que le trentenaire puisse s’intéresser à elle ne lui avait donc jamais traversé l’esprit. La soudaineté avec laquelle Cassidy avait fracassé cette certitude lui faisait l’effet d’une bombe qu’elle n’avait pas envie d’encaisser. Et l’honnêteté brusque qu’elle entendit dans sa voix la décontenança encore plus mais eut l’avantage de calmer quelque peu la tempête qui faisait rage dans son esprit.

« Bon ok si j’avoue. Mais… »

L’orage reprit de plus belle. Un sifflement dédaigneux passa les dents de l’expatriée. Elle avala une épaisse bouffée de nicotine pour se rendre un peu de contenance.

« Mais j’me fous pas de ta gueule Oz. Pas cette fois. »

Son front déjà barré de scepticisme se plissa plus fort. Ailbhe connaissait assez son interlocuteur pour pouvoir dire s’il mentait ou non. Mais à cette heure de la soirée, sa sobriété et sa patience s’étant envolées, Llewyn ne pouvait plus démêler le vrai du faux.

« Mais j’imagine que, enfin, t’es venue avec "chemise" du coup. Et… Les choses entre Leng et moi sont assez sérieuses. T’inquiètes. »

Sa vaine tentative de détendre l’atmosphère ne prit qu’à moitié. la jeune femme secoua le nez, ses cheveux dansant entre ses omoplates. Quelle déité fallait-il prier pour voir son interlocuteur foudroyé sur place pour sa connerie ?

« On va reprendre les choses dans l’ordre : si tu veux t’amuser, trouve quelqu’un d’autre, arrange-toi avec l’autre greluche qui n’a visiblement qu’une envie ce soir : se faire troncher. »

Llewyn n’avait aucun grief particulier envers la jolie blonde qui apportait un peu de fraîcheur à leur soirée, mais elle déplorait généralement l’attitude d’une majorité de femmes qui gravitaient autour des gars de l’IRA et faisaient passer toutes les personnes dépourvues d’un service trois pièces pour des radasses. Cassidy n’avait aucune idée du temps qu’il lui avait fallu pour se faire respecter, à Londres. La coursière, malgré ses compétences, malgré sa loyauté, ses coups de gueule qui faisaient trembler les mondes et sa sale manie de poinçonner les pneus des personnes qui l’irritaient, avait longtemps été vue comme un vulgaire trou à boucher. Elle s’était appliquée à démentir ce stéréotype en évitant de s’envoyer en l’air avec le premier Irlandais venu et se tenait encore à cette philosophie de vie, Liam étant une exception.

« Ensuite, si tu veux faire croire à une gonzesse qu’elle te plaît, commence par arrêter de te contredire. T’as pas envie de jouer avec moi, mais t’avais juste envie de profiter ? En fait oui, mais finalement non ? »

Elle enfouit sa main gauche dans sa poche pour ne pas exposer davantage de peau à la morsure du froid, regrettant amèrement de n’avoir pas pensé à prendre de gants. Le retour avec Alfie risquait d’être difficile. Le chiot apprenait vite, se dressait plutôt facilement, mais il lui manquait le réflexe de ne pas se jeter sous les roues de la première voiture venue lorsqu’elle ne le tenait pas en laisse. Llewyn espérait que cet instinct de conservation ô combien utile lui viendrait vite. La dernière chose dont elle avait envie était de ramasser la carcasse de sa petite boule de poils après que quatre essieux lui soient passés dessus sur un parking poids lourds. La rousse s’était déjà bien trop attachée à lui pour survivre à un tel drame. Son cœur déjà malmené par ses derniers échanges avec Siobhan ne pouvait plus rien encaisser à l’heure actuelle.

« Pour information, c’est Leng qui a invité le Bleu en premier lieu ! Tout ce que je fais, c’est être sympa avec lui pour qu’il se sente bien. Tu devrais essayer de temps en temps, tu verras, c’est pas mal. Donc tu peux remballer ta jalousie bancale et arrêter tes tentatives d’intimidation à deux balles. Elle se décrispa uniquement pour lui jeter son briquet en raillant :et si vraiment t’es encore assez stupide pour me soutenir que je te plais quand t’auras décuvé, tu pourras toujours m’inviter au restaurant. Histoire de me faire croire que t’as pas juste envie de tirer ton coup. »
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12.12.20 20:00
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Steal the light
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] & Cassidy Gallagher

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Elle s’était appelée Laoise. Cassidy avait toujours eu tout plein de surnoms pour elle. Certains plus avouables que d’autres et certains qui auraient mis en pièces la réputation de dur silencieux qu’il avait réussi à se construire à l’armée. Ils étaient restés ensemble plus d’une dizaine d’années et elle avait trouvé le temps long. Long parce qu’au bout de tout ce temps, elle n’avait pas pu lui arracher mieux que quelques « je t’aime » susurré du bout des lèvres, pas trop fort, que personne n’entende. 10 ans, pas d’enfants ni même de bague au doigt, rien. Rien qui puisse attester que Laoise était en couple avec Cassidy. Juste leur parole. Mais ça ne suffisait pas. Enfin, pas à Laoise. Mais elle était si amoureuse qu’elle n’osa jamais rien dire. Après tout, c’était un mec. Et puis, il avait coupé court à leur relation, comme ça, sans dire aurevoir. Sans dire grand chose d’ailleurs. Il était tout simplement parti pour Londres et si elle avait parfois de ses nouvelles de la part de sa mère, lui, ne lui parlait plus. Et pourtant. Pourtant elle restait amoureuse. Parce que si lui ne l’avait jamais été et pouvait se permettre de balayer des années de relation d’un revers de la main ou d’un simple trajet en avion, elle, avait l’impression de devoir se battre pour l’homme de sa vie. Si elle savait.


« Ok. »


Si elle savait que c’était tout ce que Cassidy avait répondu à Llewyn, le visage qui ne souriait plus, complètement refermé sur lui-même, comme une montagne qui d’un coup se couvrait de nuages orageux. Les éclairs dans les yeux et le tonnerre aux poings, il avait lentement hoché la tête et pris une longue inspiration, sans faire attention à la froideur mordante de l’air qui lui avait brulé la gorge comme une nuée de cristaux de glace acérés qui étaient venus lacérer sa trachée. Cassidy avait une réputation de « mec », avec des guillemets. De mec beauf, un peu con sur les bords, insupportable, gamin, mais ses vrais amis savaient très bien qu’il ne se comportait comme ça que quand ils étaient dans des contextes qui le permettaient et étaient tout à fait au courant que Cassidy était surtout quelqu’un sur qui on pouvait compter, quelqu’un de confiance qui se serait réveillé en pleine nuit pour aider un ami. Quelqu’un qui comptait pour lui. Mais Cassidy avait beau avoir le coeur sur la main, il n’en restait pas moins un homme. Et avec ce chromosome Y venaient pas mal de tares. Premièrement un égo proportionnel à sa taille (et à ce que Laoise aurait sans doute voulu voir plus) qui venait d’être mis en pièces par une rousse qui ne voulait lâcher un sourire et qui n’en avait strictement rien à foutre de sa pseudo déclaration. Plus d’égo, plus rien, Cassidy apparaissait presque nu devant elle, le vrai Cassidy, l’homme sincère qui s’était épris d’elle.

Et alors, lorsqu’il avait été sincère avec elle, elle s’était montrée encore plus cassante, frappant l’homme derrière l’égo. Alors, au delà de la fierté, c’était de la véritable tristesse qui avait teinté son visage d’un rictus amer. Pour le cacher, il avait baissé les yeux et la tête, mais en faisant presque 2m, baisser la tête ne servait à rien, la plupart des gens arrivaient tout de même à le voir. Ses cheveux formant comme un rideau autour de sa tête, bougeant lentement au rythme du vent et d’un soupir qui projeta un léger nuage de vapeur d’eau devant lui.



« Pour ma défense, j’ai bu que trois ou quatre bières et tu sais très bien que j’suis loin d’être déchiré. Et puis tu sais pertinemment que c’est pas mon délire de te faire souffrir ! Et… »




Un énième soupir. A cet instant précis, le simple fait de se tenir debout devant elle dépassait tout ce qu’il avait déjà subit en terme de tortures. Alors, décidant que de toute façon, elle l’ayant déjà recalé, il n’était plus nécessaire qu’il insiste.



« Et puis rien du tout. Tu sais quoi ? Oublie. Oublie ce que je viens de te dire. Oublie tout. T’as raison. »



Elle avait tort. Tort de penser qu’il se jouait d’elle, qu’il ne la voulait que pour une nuit. S’il avait été immature et irresponsable et que c’était clairement la manière dont il s’était comporté durant la soirée, il était bien loin de l’être en réalité. Il avait bientôt 40ans et il commençait à en avoir sérieusement marre de se balader de femme en femme. Lui qui n’avait jamais été volage ni même infidèle, il n’avait pas envie de commencer à l’être à 37ans.
Mais ne pas être volage ne voulait pas dire se passer la bague au doigt tout de suite. S’il avait envie d’une relation sérieuse, il cherchait tout d’abord à la commencer par le début. Mais pas avec Oz. Apparemment.


Alors, il se craqua les phalanges, peut-être pour réveiller ses mains gelées et hocha la tête en guise de bonsoir avant de se détourner. Retournant à l’intérieur, il s’arrêta un instant devant Leng et les autres et soupira, l’air clairement saoulé


« Jsuis crevé moi. Grosse journée aujourd’hui, grosse journée demain. Merci de m’avoir invité mais je pense que j’vais me rentrer. »



Sans un regard pour la blonde, ni pour le bleu, ni pour personne d’autre que ses amis proches, il referma la fermeture éclair de son blouson en cuir et ramena ses cheveux longs dans son dos pour sortir de la maison, traversant deux rues pour y retrouver sa caisse, grippée par le froid qu’il mit plusieurs minutes à allumer. Ne désirant pas tellement s’éterniser dans le froid et la nuit, il dépassa cette fois-ci toutes les limitations de vitesse et arriva chez lui en quelques minutes. Se garant sur le parking et grimpant les marches quatre par quatre, il claqua la porte de son appartement derrière lui sans considération aucune pour ses voisins et, après s’être entièrement dénudé, se laissa tomber sur son lit.

Mais il ne trouva pas le sommeil tout de suite. Se retournant encore et encore et encore, repensant à toute la soirée, se repassant des moments dans la tête jusqu’à cette fameuse phrase de Llewyn qui lui avait donné envie de s’arracher la peau du visage et d’en faire des confettis. Et c’est finalement au bout d’une vingtaine de minutes, épuisé, qu’il finit par s’endormir, d’un sommeil agité qui ne le reposa pas une minute.

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13.12.20 0:37
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Elle inspira nerveusement une dernière bouffée de tabac avant que sa cigarette ne rende l’âme. Trop agacée pour songer à l’écologie, Llewyn laissa tomber le mégot au sol, serra les poings dans ses poches et écrasa son pied de nez à l’environnement du bout de sa grolle pour éviter de déclencher un autre incendie que celui qui ravageait déjà l’air autour d’eux. Elle releva le regard et subit de plein fouet celui rempli de haine que lui lançait son interlocuteur. Son cœur manqua un battement, son sang se fit glacé et douloureux dans ses veines.

« Ok.
- Ok …? »

Interdite, la coursière avait murmuré plus qu’elle n’avait prononcé ces deux lettres. Elle recula le visage et hocha la tête. Était-ce là tout ce dont il était capable ? La considérer avec hargne, la poignarder du regard, mais ne rien dire de plus ? Se taire et se renfrogner, comme un enfant qu’on réprimandait ? Elle aurait préféré qu’il lui hurle dessus et se défende encore plutôt que d’avoir à affronter la tempête dans ses yeux et le silence crevant qu’il imposait. Il était toujours plus simple de perdre patience face à une personne prête à répondre que de s’énerver seule contre un géant muet qui s’était mis en tête de vous haïr. Sa réaction la blessa bien plus que la certitude qu’il jouait avec elle.

Elle voulut s’emporter mais n’en eut pas l’occasion. Les prunelles si dures du brun se radoucirent tout à coup, comme si l’orage qui grondait en lui avec tant de fracas s’était brusquement tu. Ses traits fermés prirent une inflexion douloureuse, arrachant un haut-le-cœur à l’Irlandaise. Son palpitant chuta dans son estomac avant de se couvrir d’une chape de plomb.

« Pour ma défense, j’ai bu que trois ou quatre bières et tu sais très bien que j’suis loin d’être déchiré.
- J’ai pas passé ma soirée à compter tes verres, se borna-t-elle à rétorquer, je suis pas un putain d’éthylotest !
Et puis tu sais pertinemment que c’est pas mon délire de te faire souffrir ! Et… »

Et quoi ? Elle se suspendit à ses lèvres, attendant une suite qui la laisserait moins nauséeuse, moins remontée contre la terre entière. Mais l’armurier se contenta d’un sourire terne.

« Et puis rien du tout. Tu sais quoi ? Oublie. Oublie ce que je viens de te dire. Oublie tout. T’as raison. »

La victoire qu’il lui accordait ne lui offrit aucune satisfaction. Llewyn se sentit stupide, une fraction de seconde. Elle soupira lorsqu’il se détourna, remua légèrement sur place, l’appela doucement, mais il ne se retourna pas. Et elle ne prit pas la peine de lui courir après. La rouquine lui laissa une longueur d’avance, le temps de pester une dernière fois contre la connerie des hommes et le temps londonien. Il s’était déjà sauvé lorsqu’elle retrouva la chaleur réconfortante de la petite maison.

Llewyn s’attarda quelques heures de plus, espérant que les verres lui feraient oublier la querelle et que l’alcool effacerait le goût amer qu’elle avait sur la langue. En vain. Elle se réveilla avec le souvenir cuisant de leur dispute dans la gorge, et un marteau-piqueur dans le crâne.

*

La voix de Mickey était une véritable torture. Son Torquemada personnel la cuisinait depuis plusieurs longues minutes, la flageolant à coups de reproches et de conseils mal placés sur la manière dont il lui aurait fallu gérer la réception de la livraison à Liverpool. Llewyn, la mâchoire crispée, le regard noir, tentait tant bien que mal de composer avec l’énervement de son supérieur; la gueule de bois du diable qui l’empêchait de réellement se concentrer sur ses mots et le mal-être qui la happait chaque fois qu’elle sentait les orbes clairs de Gallagher dériver brièvement sur elle. Éreintée, elle eut du mal à se traîner hors du bureau lorsqu’on eut enfin terminé de lui passer un savon. La jeune femme ne se serait guère donné la peine d’inviter l’armurier à assister à cette petite sauterie si on lui avait dit qu’il ne servirait que de décoration. Il s’en était avant tout retourné du manque d’efficacité des transporteurs, pas du destinataire, ni même des hommes qui ne leur avaient remis qu’une partie de la commande.

Llewyn, maussade, ouvrit si violemment la porte coupe-feu du bâtiment pour s’en extirper que le vantail métallique partit s’écraser avec fracas contre le mur extérieur, réveillant les cloches qui tintannabulaient déjà entre ses deux oreilles. Si l’air frais lui parut salvateur, elle fronça les sourcils et plissa les paupières. Il faisait anormalement clair, en ce début d’après-midi - à moins que ce ne furent ses yeux fatigués qui ne toléraient plus le moindre rayon de soleil, quand bien même il s’amusait à se cacher derrière une armée de nuages. Se sentant encore imbibée d’alcool, la rousse hésita à se griller une Lucky Strike ; ses nerfs à vif eurent cependant raison de son instinct de survie, et elle fit claquer son briquet en priant Dieu qu’il la préserve d’une immolation.

« Cass, lança-t-elle quand il passa à côté d’elle sans la regarder. »

Elle poussa un soupir nimbé de fumée, récupéra sa cigarette entre son majeur et son index et se frotta les yeux pour tenter de les réaligner dans leurs orbites. Ses prunelles azurs eurent du mal à accommoder lorsqu’elle ouvrit les paupières : l’armurier lui sembla moins loin qu’il ne l’était réellement. Elle se lança à sa poursuite pour tenter d’avaler la distance qu’il avait réussi à mettre entre eux en un battement de cils seulement, ses longues jambes couvrant sept lieues à chaque pas. L’Irlandaise l’attrapa par la manche lorsqu’elle ne fut plus qu’à un mètre pour le forcer à s’arrêter. Résolue, ou prise de pitié, l’armoire à glace s’immobilisa, lui évitant l’humiliation de se faire traîner sur plusieurs mètres sans qu’on ne lui accorde la moindre attention.
Llewyn lui fut silencieusement reconnaissante pour cet acte de bonté et passa sa main libre dans ses cheveux pour les plaquer en arrière. Ses mèches rousses, peu obéissantes, revinrent cependant immédiatement encadrer son visage livide. Ses cernes creusés criaient distinctement qu’elle n’avait presque pas fermé l’œil de la matinée, et le manteau anormalement chaud dans lequel elle s’était réfugiée hurlait qu’elle avait bien trop froid à présent que la chaleur de l’alcool tentait de quitter son corps. Elle se sentit idiote, plantée devant lui, minuscule, fatiguée, à ne savoir quoi dire ou quoi faire.

« Écoute, pour hier soir … »

Ce qu’elle crut lire dans ses grands yeux clairs lui retourna l’âme.

« Merde Cass, arrête de me regarder comme ça … S’il-te-plaît. »

Une supplique plus qu’une demande. Sa voix cassée semblait plus râpeuse qu’en temps normal, comme si ses cordes vocales peinaient à aligner deux mots sans vouloir tout éteindre.
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14.12.20 0:16
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