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Mettre la main à la pâte - Pv Colin
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L’atmosphère était lourde, pesante, presque étouffante. Le SMOG était toujours présent, laissant sa présence noyée la ville. Tout était gris, triste, sal avec la pollution qui colorait les murs. L’orage menaçait d’éclater. Il était attendu par les habitants de la ville, à croire que de l’eau pourrait laver un peu la ville et rendre la vie meilleure. Mais si Londres pouvait être belle, c’était aujourd’hui une citée morose. Le déclin se faisait tangible, c’était un ressentie comme pouvait l’être les températures négatives… Mais c’était aujourd’hui, la chute lente d’une ville, d’un pays, d’une culture.

Dans le ciel brumeux, l’orage éclata et un éclair illumina la ville. Pendant un instant, la ville fut de nouveau éclairée. Un flash, un moment, un dixième de seconde qui permirent à Charles de voir l’ensemble de la rue où il marchait. Les lieux étaient mal famé. Il le savait. L’homme avait travaillé des années à se fondre dans cette masse. Quelque part, c’était son monde. Charles ne méritait pas plus.

L’homme arriva devant le lieu de rendez-vous, devant un bâtiment qui regrettait sa gloire d’antan. Cet hôtel était désormais perdu dans un quartier abandonné par la bonne société. Ces murs avaient eu leur heures de gloires, désormais, il n’y avait plus que les marques du temps.

Charles était arrivé à l’heure convenue. Il lui arrivait de faire quelques extras, de travailler un peu plus. Ceux qui arrivaient jusqu’à lui savait de quel fer il était forgé. Peu de mot, un travail discret propre et sérieux, Charles était un professionnel fiable. Le cuisinier resta silencieux, conscient que son interlocuteur allait arriver d’un instant à l’autre.
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10.02.21 10:35
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La mainCharles et Colin

- Bonjour Charles. Je suis Colin, le propriétaire de cet hôtel.

Dit Colin de sa voix de ténor alanguie.

Il tend la main, il sourit poliment. Il cache sa surprise.

Le cuisinier est surprenant. Il a le regard de ceux qui ont vu la poussière des routes dangereuses et les rides des hommes qui n’ont pas été tranquilles. Mais les apparences peuvent être menteuses.

La poigne est lente, assurée. Colin est attiré par les autres. Tous les autres. Même les bébés et même les monstres.

Tu ressembles à un baroudeur, le cuisinier
Tu ressembles à un homme qui n’a plus de foi

Il est un peu honteux de ses pensées. De ses jugements hâtifs. Il tient la porte et s’efface afin de laisser passer l’homme qu’il a employé pour ce soir seulement.

Tu es bizarre
Tu parais fait de roc
Ta peau parait de pierre
Et tes mains me paraissent d’acier

- Je suis désolé pour la poigne glacée. Je viens tout juste de terminer de laver les sols avec la femme de ménage.

Pourtant, j’ai envie de te ménager
J’ai envie de ne pas faire de bruit
De ne pas te brusquer
Quand je te vois
Et toi ?

Le bout de ses doigts sont rougis et la peau de ses mains est encore légèrement humide. Le propriétaire du Black Lady n’est pas pauvre mais un passé de pauvreté l’a formé à être prudent sur les dépenses.

Il a les humeurs qui se détendent. La présence de l’inconnu le rassure. Il ne saurait dire pourquoi. Ses muscles se desserrent. Son sourire de politesse devient un vrai sourire de gentillesse.

Me brusqueras-tu, Charles ?
Secoues-tu les gens ? Les choses ?
J’espère que tu es doux

- Bienvenue au Black Lady. J’espère que vous aimerez nos cuisines.

Il laisse la porte se refermer d’elle-même, dans un chuintement feutré de vieille mécanique en laiton bien huilée.
Sur la porte, la petite pancarte « fermé ce soir » tinte légèrement.

Une petite femme, rondouillette et aux cheveux sombres tirés en arrière les croise pour sortir. La femme de ménage s’éclipse en faisant un geste d’au revoir aux deux hommes. Elle a la mine réjouie pourtant elle ne dit pas un mot.

Colin lui rend son geste d’au revoir.

- Au revoir Matilda.

Quand la lourde porte s’est refermée sur la femme, il se tourne vers Charles.

- Elle est muette, elle ne parle qu’avec les gestes. Si vous retravaillez pour moi, il est fort probable que vous la recroiserez.

Il frissonne un peu.
Il se retrouve seul avec Charles.
Il s’étonne de frissonner ainsi. Il y a quelques secondes à peine, la présence du cuisinier le rassurait. Et soudainement, il se sent en danger.

- Suivez-moi, je vous montre les cuisines.

Et si un jour tu es brute
Et si un jour tu es hargneux
Et si un jour tu me hais de toutes tes forces
Seras-tu cruel, Charles ?
Comme les bourreaux
Comme les chasseurs
Comme les bouchers

Seras-tu comme eux ?
Comme tous les autres ?
Comme ceux qui m’ont déçu ?
Comme ceux qui m’ont montré le purgatoire ?

Il marche d’un pas de chat. Il est grand, mais souple. Il se rend compte, soudain, qu’il a toujours eu un peu peur des cuisiniers. De ces hommes et de ces femmes capables de jeter de pauvres homards vivants dans de l’eau bouillante et de découper une patte d’un coup d’un seul, de couteau bien aiguisé.

Il traverse le grand hall, de marbre et de bois déconfit. De dorures passées et de miroirs tachés. Le Black Lady vit pour les passes d’un soir et pour cacher, dans ses vastes caves sombres, des hommes aux sourires ricanants qui se heurtent aux lois et aux bienpensants.

- Voici votre royaume pour ce soir.

Ou serais-tu un roi ?
Serais-tu un homme qui sauve la foi ?
La foi en les hommes ?
La foi en les rois ?

Que serais-tu ?

Il pousse les doubles portes. Et devant les deux hommes, apparait une immense cuisine antique. Les fours sont en fonte émaillée. Les deux cheminées sont si grandes qu’elles pourraient faire rôtir des petits veaux à la broche. Aux murs, des casseroles en laiton ruissellent de lumière jaunie et des placards en bois cachent, derrière leur couleur éraflée et leurs vitrines cloisonnées, des ustensiles et des condiments hétéroclites.
Au centre, des tables massives semblent surgies d’un passé de vieux château.

Qui es-tu, l’homme ?
Qui es-tu, l’étranger ?
Dans ton royaume
Dans ton univers
Que fais-tu ?

- Un vieux royaume, en réalité. Mais propre. C’est déjà ça. Si le Black Lady était une femme, elle serait désargentée, âgée, fanée, mais nette et coquette, sans doute.

Il rit un peu. Il passe une main câline sur le bois essoufflé d’une des tables de travail. Il a fini par s’attacher à ce vieil immeuble. Cet hôtel qui ne sert qu’à baiser des putes, qu’à cacher de l’alcool illégal. Il a fini par s’attendrir devant une carcasse qui ne sert que d’apparence mais qui, un jour, dans le passé, a fait la fierté de ses propriétaires.

Et toi, Charles
Es-tu comme ce vieil hôtel
Une apparence d’un passé oublié ?

Et toi, l’homme ?
Sais-tu, comme moi, jouer un rôle
Traverser les comédies d’un jour
D’un soir
D’une nuit ?

Sais-tu danser entre les faussetés
Sais-tu trouver ta vérité au milieu des viandes
Au sein des sangs des victimes dévorées ?

- Je serai votre seul aidant ce soir, malheureusement. Comme je vous l’ai dit au téléphone, je crois, le client veut l’hôtel pour lui seul ce soir. Il apportera la viande lui-même.

Il laisse Charles poser des questions s’il en a et il y répond du mieux qu’il peut. (*)

Aux murs, sonne un vieux carillon.

- Oh, il y a quelqu’un dans l’entrée. Ça doit être notre client. Venez, j’aimerais lui présenter son Chef Coq de ce soir.

Il est de bonne humeur. Pour une fois depuis longtemps, il peut mener une activité normale d’homme normal. Il ne doit pas fermer les yeux sur les faux couples d’un soir, il ne doit pas produire un travail interdit par la loi. Il ne doit pas cacher. Il peut travailler en plein jour, en pleine nuit, sans jamais fermer les paupières sur ses globes oculaires afin de les tenir aveugles et muets.

- Bonsoir Monsieur Lawley.

Probablement un faux nom. Mais que lui importe. Il le dit avec bonne humeur et langueur. Il s’incline légèrement. Le client a suffisamment payé pour être respecté. Malheureusement, à Londres comme partout ailleurs, l’argent donne une odeur d’égard.

- Bonsoir Monsieur Davies.

Le client est un homme d’une cinquantaine d’année. Cheveux gris et sourire très blanc. Voix étonnamment mielleuse et regard pointu.
A sa gauche comme à sa droite, se tiennent deux hommes de haute taille et de mine sévère. Costumes simples. Regards furtifs et nerveux. Muscles saillants. Des gardes du corps, sans doute.

Ils ont quelque chose de toi
Ces hommes sans douceur
Ces hommes sévères
Ces hommes…

- Je tenais à vous présenter votre Chef Coq…

Colin tourne la tête vers Charles et le laisse se présenter s’il le veut. (*)

Mais vous êtes aussi si différents
Eux, sur une route de métal
Toi, sur une route de terre
Moi, aux abords
Vous regardant
Te priant

Ne sois pas comme eux, s’il-te-plait
Ne sois pas de métal avec moi

- Je pensais que vous seriez seul… Je n’ai préparé qu’un seul couvert… Je vais de ce pas ajouter deux autres couverts…
- Non, non, laissez. Mes gardes du corps ne mangent jamais avec moi.

Dans la voix du client, Colin devine un rire caché. Une petite cruauté d’homme puissant.
Il pense que le client est méprisant avec ses gardes du corps. Il se tourne vers Charles. Sa bonne humeur s’est envolée. Il n’aime pas le mépris mais il cache sa déception et il revient à sa conversation avec le client.

Est-ce que toi aussi, tu l’as perçue…
Cette lance cachée…
Ce vice incongru…
Ce rire délétère…

Je ne l’aime pas…
L’aimes-tu ?

- Oh… D’accord.
- Voici la viande.

Un des gardes du corps s’approche de Charles et lui donne une glacière.

Sur lui et sur Charles, Colin sent le regard du client. Et dans les pupilles couleur bleu acier de Monsieur Lawley, il perçoit le rire souterrain qui traverse toute sa personne d’homme riche.

Je ne l’aime pas…
Me laisserais-tu seul avec lui ?

Ou seras-tu indifférent
Comme devant les viandes
Comme devant les flots de sang
Que tu travailles
Que tu cuis
Que tu fais

- Je vais vous conduire à la salle à manger.

Il suppose que Charles retournera seul aux cuisines et préparera la viande comme il peut (*)

Pendant quelques minutes, il montre le chemin de la grande salle à manger et il laisse le client et ses gardes du corps s’installer. Il retourne voir Charles aux cuisines.

- Je peux vous aider ?

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(*) Afin de ne pas jouer ton perso, je suis resté très vague sur ces parties. Tu joues avec les PNJs comme tu veux, évidemment. Amuse-toi :3
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10.02.21 21:51
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Charles était observateur. Il regarda longuement son interlocuteur, se demandant à quel genre d’homme il faisait face. L’assassin avait rencontré beaucoup d’individus dans sa vie, s’il avait rencontré des hommes mauvais, il avait aussi rencontré des personnes profondément gentilles et courageuses. Mais la majorité de ces rencontres c’était soldé par la lâcheté, la traitrise et autre attitude misérable. L’excellence était rare, tout comme la volonté d’être chose que médiocre.

Charles une poigne ferme, mais il n’avait pas la volonté de briser les doigts de cet individu. Il aurait pu, lui écraser les phalanges, lui disloquer les tendons et déchirer les ligaments. La mécanique humaine était fragile, particulièrement celle des mains. Déchiré une main n’était pas difficile. Cela demandait peu de force pour des dégâts considérables.

Après avoir longuement sondé le propriétaire des lieux, Charles lui rendit enfin son bonjour. Le cuisinier n’avait pas grand-chose à dire. Il n’était pas là pour faire causette, ni pour rassurer cet homme. L’assassin ne fit pas de commentaire quant à la froideur de sa peau. Charles était habitué aux changements de température. La peau de ses mains étaient tannées et son pouce droit s’était élargie avec le temps. C’étaient des traces de son métier, de sa vie…. Changer d’identité pouvait le dissimuler aux autorités, mais pas ce qu’il était vraiment. Charles savait qu’il ne pourrait jamais réellement changer, il pouvait tout au plus se faire illusion.

Charles était silencieux. Son regard se braqua sur celui de la femme de ménage, sur ce témoin potentiellement gênant. Il fallait tout noter, tout observer, tout envisager pour survivre. Les mécanismes étaient si profondément ancrés que Charles ne pouvait s’en défaire. Tout comme en entrant dans ces lieux à la gloire passé, l’homme ne pouvait s’empêcher de repérer toutes les sorties possibles, mais aussi les armes potentielles. Tout pouvait tuer, mais il y avait des moyens plus simples que d’autre.

Devant cette petite femme, Charles n’abaissa pas sa vigilance. Un témoin, même muette, pouvait poser problème. Il n’y avait pas de discrimination ni de passe-droit dans ce genre de monde. Tous devaient faire face à la mort.

A côté de Colin, Charles le suivait silencieusement comme une ombre… ou un chien, un cabot. L’ancien tueur sentait le malaise grandissant de cet individu. Charles savait percevoir la peur, il savait aussi en jouer. Il y avait presque quelque chose de drôle à pouvoir terroriser cet individu en quelques mots, quelques gestes. Mais L’assassin n’était pas venu pour ça… il n’était plus payé pour ce genre de chose. Aujourd’hui, son métier était de donner du bonheur au gens. La cuisine avait quelque chose de noble que Charles n’avait plus. Pratique cet art, c’était essayer de hisser de nouveau parmi les vivants.

Ce royaume temporaire, cette cuisine ancienne au passé glorieux, était aussi superbe qu’abimé par le temps. Charles s’avança dans la pièce. Il laissa son guide lui parlé de cet endroit désuet. Le cuisinier était silencieux, mais impressionné. Si ce n’était pas moderne, c’était une cuisine qui était dans un état particulièrement génial. Pour tout individu aimant la cuisine, ces lieux pouvaient faire rêver. L’extraordinaire se lier à l’oublier… C’était révoltant de voir un tel lieu laissé dans un état pareil.

Devant l’explication de Colin sur le fait qu’il serait son seul aidant, Charles répondit enfin « Cela sera suffisant. ». Et largement. Un cuisinier pouvait abattre une charge importante de travail, pour un couvert, ce n’était pas difficile. La description de ce client interpella Charles. L’étrangeté de la démarche était un redflag, un signe que l’anormal, et donc le danger allait se montrer. L’ancien assassin n’avait pas peur. S’il n’était pas armé, sa santé mais surtout ses compétences faisaient qu’il était largement capable de se défendre. Le problème était que le cuisinier ne voulait pas mettre en danger sa vie ici. Sa fausse identité était précieuse.

Monsieur Lawley était ce fameux client. Le cuisinier resta silencieux, observant cet homme et des deux gardes du corps. Des montagnes de muscles qui se pensaient puissants. L’assassin avait rencontrés beaucoup d’hommes qui leur ressemblaient. C’était un moyen efficace pour faire fuir le menu fretin. La réalité était qu’une fois que quelqu’un professionnel avait décidé de vous tuer, il y arrivait quoi qu’il advienne. Il fallait être assez puissant pour qu’aucun des assassins compétents de ce monde puissent le prendre pour cible.

Ce client était un homme bouffé par l’orgueil et la cruauté. C’était le genre d’individu qui n’avaient plus aucune empathie et qui se délectaient de la souffrance des autres. Ces monstres se ressemblaient tous.

Si Charles avait pu se sentir en danger, mais ce n’était pas le cas. Il était calme. Les apparences étaient trompeuses. Le cuisinier ne payait pas de mine, mais il savait qu’il avait les capacités pour renverser la situation. D’autant plus que le mépris de ces hommes les empêchait de voir. Mais Charles ne voulait pas faire de vague.

Le cuisinier prit la glacière. Tout les signes étaient là pour qu’il y ait un problème. Charles sous-pesa l’objet. Qu’il y avait-il dans cette glacière ? Silencieux et discipliné, le cabot retourna dans les cuisines. Charles ne savait encore ce qu’il allait cuisinier, il allait devoir s’adapter.

Alors que le propriétaire des lieux était en train d’accompagner son client jusqu’à la salle à manger, Charles ouvrit la glacière. Il s’attendait à tout, surtout au pire en réalité, mais l’assassin eu tout de même un temps d’arrêt. Il y avait une main, une main humaine. L’assassin avait vu nombre de cadavres dans sa vie, si bien que la mort était désacralisée, mais il ne s’attendait pas à ça. Au de-là de toute question moral, Charles eut une question : Pourquoi ? Une main n’avait pas de chair, il n’y avait pas d’intérêt. Pour le reste, le cuisinier ne s’était pas engagé pour une telle activité.

Au moment où Colin entrait dans la cuisine, Charles fit un geste de la tête vers la glacière. « Ce n’était pas dans le contrat. ». L’homme était calme, il n’éprouvait pas d’animosité. L’ancien assassin se demandait quelle allait être la réaction de cet individu. Il y avait de quoi hurler.
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23.02.21 23:02
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La mainCharles et Colin

- Pas dans le contrat ?

Il répète, dans un murmure qui serre les poumons. Qui contracte les muscles de la mâchoire et des sourcils.

Dehors, il y a l’orage et le froid
La brume et les lumières erratiques
C‘est l’hiver sur les pierres et dans les esprits

Ton calme, cuisinier
Ton assurance
Mon doute

Il s’approche de Charles, il penche la tête vers la glacière.

Il entrouvre les lèvres. Ses lèvres roses et douces. Aucun son ne sort. Ses mâchoires, des mécaniques de carrousel désenchanté. Pétrifié.

Ton calme, Charles…
La tonitruance de ton assurance…
Cette bombe de silence, dans mon antre…

Il lève le regard vers l’homme de terre placide.

- Je…

Sa main vient se placer vers sa bouche, seule. Pour clore les lèvres. Pour clore la stupéfaction. Et pour empêcher ce qu’il sent arriver du profond de ses tripes… un dégout et un malaise verts, chroniques. La bile aigre de rejet pulsionnel des meurtres et des tortures.

Et puis, le doute. Un doute mensonge. Une espérance.

- C’est peut-être une fausse ?

Dit-il en se penchant de nouveau vers la glacière.
Il a déjà vu des pattes de bêtes fraiches, des bouts de chairs non cuisinées… Il n’a guère de doutes.

Il n’ose pas toucher le bout du cadavre. Il ose à peine regarder la frontière de la peau tranchée, le blanc de l’os scié. Les ongles sont courts. De fins poils recouvrent les doigt et le dessus. Une main d’homme.

- J’espère qu’il n’a pas souffert…

Il déglutit. Il se redresse.

Il voulait une soirée calme. Un moment de normalité.

C’est le bruit de la brisure sèche.
L’aigu cristallin du verre éclaté.
Le grincement de dents à la stridence.

- Je vais quand même demander au client si…

Dans ses yeux, un flottement…
Les pensées, en mode automatique.
Le corps, en mode de survie. Fuite ou combat… ? Colin n’est pas adapté au combat. Et combat contre qui ?

- Enfin, vous voyez…

Il cille.
Deux secondes suspendues, au bout de ses lèvres, sur le bord de ses cils. Dans le tourbillon de ses pensées.

- Au cas où…

Il soupire.
La lassitude de la fatalité.

Parties, les secondes. Des lèvres. Des cils. Des pensées.

- … il ne saurait pas.

Il se tourne vers la porte qui mène au restaurant vide cette nuit, à l’exception de la présence de Monsieur Lawley et de ses deux gardes du corps.

Dans le souffle de la porte poussée, le souffle de sa voix :

- On peut espérer... Mais je crois savoir maintenant pourquoi ses gardes du corps ne mangent pas avec lui…

Il se dirige vers la table où Monsieur Lawley s’est attablé. Le client observe Colin qui s’approche. Et dans le regard de son unique client nocturne, le propriétaire du Black Lady lit la malice criarde, celle qui est consciente, qui se gave des autres, qui se sait ostentatoire et qui s’affiche éternellement.

- Monsieur Lawley…
- Oui, Monsieur Davies ?

Colin a envie de tourner les talons. Quelques mots à prononcer. Une torture pour la langue.
Il force ses pectoraux et son diaphragme. Il force l’air à s’expirer. Ses cordes vocales à vibrer.

- Dans la glacière…
- Oui ?
- Il y a une main coupée.
- Oui.

Colin contemple l’homme. Une contemplation figée. D’une créature venue comme d’un autre monde. Une autre réalité. Une âme qu’il ne peut pas comprendre. A-t-il une âme, ce client-là ?

Dans le restaurant aux moulures dorées et égratignées, dans les étincelles de la splendeur mourante, cet homme-là…
Dans la quiétude d’un vieil hôtel qui a vu passer des milliardaires, des ducs, des duchesses, des actrices et des courtisans… cette horreur-là.

A ses côtés, comme un corbeau géant, un garde du corps.

- Vous voulez vraiment que cette main soit cuisinée… ?

Il ne veut pas y croire, Colin. A cette vérité. Cette réalité charnelle et froide. Humaine et morte.

- Oui. Sans faute.
- Un instant.
- Bien sûr.

Le propriétaire du Black Lady s’empresse de sortir du restaurant. La présence de cet homme, un étouffoir. Sous son regard, Colin a l’impression de mourir.

Le sol tremble sous ses pieds. Ses chaussures, soudainement trop grandes pour lui. Les os de ses jambes deviennent du coton. L’air devient incandescent.

Une ombre sur le sol.

Il relève la tête.
Près de la porte de la cuisine, un des gardes du corps.

- Vous êtes là depuis longtemps ?
- Un certain temps.
- Ah ok.

Colin s’engouffre dans la cuisine. Il se dirige vers Charles, comme une aiguille est attirée par un aimant.

Te mentais-tu, toi ?
Moi, parfois, je préfère les mensonges
Les non-dits et les non-vérités…

Colin refuse de regarder de nouveau dans la glacière. Sa bouche, près de l’oreille du Chef Coq. Il est incapable de parler haut. Il murmure, plus par incapacité de respirer que par volonté de passer inaperçu :

- Il savait, pour la main…

Son regard, en recherche, sur les murs, sur le sol, d’une échappatoire qui lui semble partout et nulle part à la fois.

T’étais-tu préparé pendant mon absence ?
T’étais-tu résigné ?
Ou mis en colère ?
Ou tu ?

De l’index, il pointe la porte qui mène vers le restaurant.

- Il y a un des gardes du corps près de la porte…

L’index se replie, la main s’ouvre, se plaque contre sa joue droite.

Tu es le seul normal, ici-bas, ce soir
Le seul qui ne soit pas horrible
Dis-le moi, Charles, tout haut
Que tu n’es pas horrible

- Je le sens tellement mal…

Colin s’assied. Il dépose le bout de l’index sur la glacière. Ses mots, comme une prière…

- Vous ne pouvez pas cuisiner cette main, tout de même… ?

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01.04.21 22:38
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Charles était calme. Rien dans sa posture n’indiquait qu’il pouvait être stressé… parce qu’il ne l’était pas. L’ancien tueur savait bien qu’il était dans une situation particulière, mais pour le moment, sa vie n’était pas en danger. Charles savait qu’il avait aussi la capacité de se défendre, qu’il s’était de nombre de situation extrêmement dangereuse. Mais il avait promis à Eliott Elric qu’il ne se ferait pas remarquer. L’ancien tueur avait le droit a une deuxième vie, il fallait qu’il profite de cette chance.

Le regard froid et professionnel observait le propriétaire de l’hôtel. Rapidement, une information lui paru évidente. Colin était un homme qui n’avait pas été réellement confronté à la mort, depuis pas suffisamment pour réussir à comprendre la situation. Il était clair que ce client était venu dans la seule optique de pouvoir manger cette main humaine. Le projet avait dû être murement muri. Charles savait que le cannibalisme était quelque chose d’inacceptable dans la société. Mais les hommes finissaient par renoncer à la moral lorsque la famine se faisait sentir. Ils n’étaient pas dans ce cas. C’était cet élément qui était le plus inquiétant. Charles n’avait pas de compassion pour l’individu à qui appartenait cette main. Il était probablement mort… et les mots ne souffraient plus. IL fallait avoir pitié pour les vivants.

Devant la fuite de propriétaires, le cuisinier observa le bout de viande. Si c’était d’origine humaine, cela restait un bout de chair, de ligament et d’os. Il était nécessaire de connaître l’anatomie pour savoir comment bien la découper… Connaissance que Charles avait en parti. Il avait appris à briser les os à déchirer les tendons. Mais le cuisinier restait dubitatif. S’il n’avait jamais gouté de chair humaine, il était évident que cette main n’était pas là pour le gout. Pragmatique, Charles voyait bien qu’il n’y avait pas de gras, pas de de chair qui pouvait être consommé. Il y avait là un désir de choqué, de faire mal. Le cuisinier posa longuement le regard sur son hôte. Le propriétaire de l’hôtel était déboussolé. Il avait perdu toute sa splendeur, tout comme les lieux.

Charles était un homme avare de parole, mais il avait bien vu la présence du garde du corps à la porte. Il se pensait menaçant, il en était ridicule. Amusé par ce jeu d’intimidation, le cuisinier attrapa de quoi aiguiser les lames présentes. Puis d’un geste professionnel, il affuta le couteau qui allait lui servir. Charles était de ceux qui avait tué assez d’homme pour perdre le compte. Il fait grincer le tout puis observa le garde du corps avec un visage froid et neutre. Il eut un échange de regard et Charles savait lire le cœur de cet homme. Il avait peur.

Ne souhaitant pas intimider le maitre des lieux, Charles posa la lame sur le plan de travail. La question était normal, la réponse était simple. « Je peux le faire. ». Le cuisinier avait la capacité technique ainsi que l’absence de morale nécessaire pour réaliser cette demande. Néanmoins, il comprenait bien la réticence de cet homme. La situation était-elle que tous les signaux étaient dans le rouge. La question n’était pas de savoir si cela allait mal se passer, mais quand la situation finirait par dégénérer. « C’est à vous de décider. » C’était lui le patron. Lui qui prenait les décisions. Le cabot n’était qu’un exécutant et le resterait. « J’agirai pour que votre décision soit respecter. ». Même cela signifiait rentrer en conflit avec ce client. Charles n’avait pas peur.
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02.04.21 22:53
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