Jessica sentit le tissu s’évantrer le long de son dos. Cette peau synthétique faite pour endormir les proie. La peau à l’air libre peut enfin respirer. C’est la peau d’une rousse, claire, opaline, douce et souple tant elle en prend soin. Pourtant, ce spectacle sensitif n’est pas encore assez captivant. MacAskill a le don de parole. Il en use.

_ « Distrayants! Ha! Oui. Evidément. » Le grand Rêve Américain est implanté dans la tête des gens depuis la Grande Dépression. Les gens croient encore que l’Amérique leur offrira la grande vie. Mais, comme partout ailleurs, c’est réservé à quelques-uns. « La liberté ? » L’ironie permet de brouiller la piste. Au fond, l'avocate veut bien jouer. Mais, elle n’a pas envie de perdre. Elle n’a pas envie que l’on la connaisse. Que l’on sache qui elle est “au fond” serait une façon de l’amadouer ou de la manipuler. « Du calme. » Ce qui est un peu plus vrai. Chez elle la presse, les paparadzie sont là à plein temps. Ils ont médiatisé les seize premières années de sa vie. Ils l’ont fait sous tous les angles. Mais, à Londres, ils ne viennent que périodiquement. Il faut que Jessica agite quelque chose sous leur nez.

Pendant une fraction de seconde quelque-chose arriva. Une toute petite, une infime infraction dans le monde de Jessica. Pendant un battement de cil, elle fut prise au dépourvue par un homme. Pendant un instant, elle perdit son assurance. Le sourire maléfique de Connor s'impose sur son iris. _ « La célébrité. » Tout est normal. La voix de l’avocate est joueuse, tout comme son regard aguicheur. Elle sourit et minaude. Ses doigts venant défaire un bouton de chemise après l’autre. Elle dévoile le poitrail écossais et explore la zone de la peau. « ... mon frère. » Lui souffle-t-elle d’un ton faussement complice. Aaron Keenan est le premier héritier. Ils sont tous deux comme le jour et la nuit. Cohabiter sur le même continent est… très compliqué.

Mais, ce n’est pas un sujet dont la jeune femme aime parler. La vie de LA est restée de l’autre côté de l’océan. _ « Veux-tu réellement passer la soirée à parler ? » Provoque-t-elle rieuse. Ses lèvres s’approchent avant de capturer sa bouche trop curieuse. Jess l’embrasse avec une certaine persuasion. Sa langue va effleurer la sienne et goûter à la saveur maltée. Une fois le baiser donné, elle sourit et pose sa bouche sur sa jugulaire. Ses mains libèrent tranquillement les épaules du tissu. « Montre-moi ton savoir-faire Vince. »

Maintenant qu’ils sont face à face, Keenan passe ses mains le long des hanches, et descend défaire la boucle de la ceinture de pantalon. Une opération plus ou moins aisée selon les modes masculines. La fantaisie des systèmes demande de temps en temps une certaine ingénierie. Mais, ce soir Vince semble avoir opté pour un modèle plutôt classique. C’est une aubaine.

C’est dans la langue des sourds que tout se dit ensuite. La belle rousse n’a qu’à suivre les pas de la danse des amants. Une danse qu’elle pratique soir et matin. Les habits qui tombent. Les peaux qui chauffent. Et les souffles qui s’entrechoquent. Jess l’attire pas à pas d’un mur à un couloir, jusque dans une immense chambre. C’est sans doute la pièce la plus impersonnelle de cet habitat. C’est un abris et non un foyer pour cette femme sans attaches.

Ils atterrissent sur le lit, dans les draps du bordeau soyeux que l’on prête aux chambres de luxe. Et Jess n’a pas de peine à prendre le pas. Elle pourrait être un modèle pour Vénus, les formes et les rondeurs des heures durant travaillées par le sport et les massages. Elle s’est sculptée pour le charnel. Très vite, elle invite l’Ecossais à se faire mener par le bout du nez. L’idée étant avant tout de s’amuser. Ne plus penser à rien que la fièvre qui monte et l’envie d’en découdre avec l’imaginaire.

Une fois, deux, trois fois les cris remontent de sa gorge blanche. Elle retombe sur le matelas en souriant extatique. La poitrine encore soulevée par une respiration chahutée. Sa main repousse ses cheveux de feu sur son crâne. Elle lance un regard vers la baie. Le ciel est d’un bleu grisonnant. L’aube va arriver incessamment sous peu. Dans moins de deux heures le réveil matin va annoncer le départ de la journée.

_ « ... tu peux dormir là si tu veux. Mais je décolle dans trois heures. » Lui indique-t-elle avant de gonfler son oreiller de plumes d’oie pour y coucher sa nuque. Keenan roule pour pratiquer une sieste matinale. Il faut qu’elle dorme un peu pour que son cerveau soit fonctionnel pour la journée. _ « Faut que je me repose. Peut-être à plus tard. Sinon claque la porte en partant. » La belle est déjà à moitié en train de s’endormir. Entre les alcools et le sexe, son corps abdique bien volontier face à Morphée. Elle trop éreintée pour penser à autre chose et c’est tout à fait ce qu’il lui faut.

Très vite, son épaule se soulève et s’abaisse au rythme de sa respiration endormie. Elle est étendue sur le côté, son dos en muraille contre toute chaleur humaine. Vince et charmant, bien bâtit, mais la Tigresse est faite pour le plaisir, pas pour l’intimité.