Le combinait du téléphone resta entre les doigts de la rouquine bien après la fin de la conversation. Son esprit s'activa à vive allure, mais tout le reste de son corps sembla aussi figé qu'une image. Les mots se répétèrent en boucle, tout comme les faits, la logique. Mais il était impossible de voir les choses autrement que la réalité qui venait de frapper brutalement. Ses doigts tremblèrent, sa peau devint plus moite et la panique se mit à monter à une vitesse folle. L'irlandaise rangea son mobile dans sa poche et couru aussi vite que possible dans la salle de bain. Le robinet ouvert, l'eau jeté sur le visage, la froideur de celle-ci ne fut guère suffisant pour effacer ce qu'elle venait d'entendre et la sortir d'un mauvais rêve. Elle fixa le double dans son miroir et chercha une réponse qui ne vint jamais. Elle n'avait pas la moindre idée quant à la façon qu'il fallait réagir. Quelles émotions étaient adéquates ? Ces dernières se battaient toute la première place. Mais est-ce qu'il y en avait vraiment une ?

La porte d'entrée claqua et la dure réalité de son présent fit à nouveau surface. La boule au ventre qui se créa lui donnait la nausée tant elle n'avait pas le courage d'en parler, tant elle avait peur de ce qui allait se passer. Néanmoins, il lui était impossible de garder un tel secret. Alors, elle s'empressa de rejoindre son compagnon, affairé à ranger les courses. Un air chantonnant dans la voix. Elle avait presque honte de lui faire ça.

« J'ai un truc à te dire...
- Moi aussi ! Je sais que c'est encore un peu tôt, mais j'ai contacté quelques amis et regarde ça, dit-il en sortant son téléphone, l'écran allumé sur la photo d'un berceau. Il a été fait maison avec nos petites initiales dessus. Je sais qu'on a encore du temps mais... je voulais tellement te faire la surprise.
- Av'... C'est...
- Oh et tu ne devineras jamais ce que j'ai trouvé. On a peut-être la possibilité d'avoir un appartement plus grand, avec une chambre spéciale pour le petit monstre.
- C'est beaucoup... C'est super... mais il faut vraiment qu'on parle...
- Et tu ne connais pas la meilleure ! Si je me démerde bien en jouant un peu des coudes, on pourra le mettre dans une bonne école. Ce n'est pas génial ça ? »

Oui c'était génial. Trop génial pour être vrai. Cette version si paisible et aimant de lui ne l'aidait pas à franchir le pas. Elle n'avait pas envie de briser tout cet havre de paix qu'avait procuré cette nouvelle. C'était presque trop beau pour être vrai. Elle lui en voulait presque d'être sur un petit nuage alors qu'en fin de compte, il n'y avait pas de quoi. Et le nœud dans son estomac continuait à grandir tandis qu'il exprimait davantage les nouvelles si réjouissantes. Voilà qui devenait trop dur pour elle. La rouquine implosa.

« S'il te plait arrête ! »

Avalon l'observa sans comprendre. Il s'approcha doucement pour lui prendre les mains, cherchant dans le fond de ses iris d'où venait le problème.

« C'est trop dur. J'peux pas... J'ai... j'ai eu le docteur au téléphone et … et...
- Qu'est-ce qu'il y a, il y a un problème ? Ne t'en fais pas on va trouver une solution. Tu peux tout me dire. Je suis là ok ?
- Je... Je.... »

Est-ce qu'elle le pouvait vraiment ? Est-ce que ce n'était pas prendre un risque de le blesser bêtement ? Mais il était en droit de savoir. Il comprendrait. Elle en était certaine. Elle lui expliquerait cette situation plus compliquée qu'il n'y parait et, tout irait bien. Parce qu'il allait rester là auprès d'elle, comme il venait de l'affirmer.

« Je ne suis pas enceinte. »

La nouvelle fut larguée telle une bombe. Son expression si inquiète s'assombrit lentement, inexorablement. Il relâcha les mains de sa bien-aimée et la toisa de long en large en cherchant une explication plus complète, plus logique à tout ce bordel.

« Comment ça “tu n'es pas enceinte” .
- Il y a eu un échange dans mes résultats par inadvertance. Et je ne le suis pas. Je... Je ne le serais jamais... Je suis tellement désolée...
- Désolé ? Tu es “Désolée” ?! »

Sa voix s'éleva si brusquement que les passants auraient pu l'entendre. Désolée, elle l'était, le plus sincèrement du monde. C'était surréaliste et pourtant. Siobhan n'était pas fautive. Comment pouvait-elle l'être sur les chemins emprunté par son corps ? Elle avait beau le savoir, son esprit n'arrivait pas a percuter qu'elle était définitivement et irrévocablement incapable d'enfanter. Elle ne s'était jamais vraiment imaginé devenir maman. L'apprendre était tombé comme un cheveu dans une soupe et il fallait désormais composer avec. Cependant, maintenant qu'il s'agissait d'une erreur, que cette nouvelle si réjouissante ne lui appartenait pas, elle savait qu'il lui manquerait quelque chose pour le restant de sa vie.

Avalon pestiféra et le sac de course vola en éclat sur le sol, sous le coup d'une colère brusque qui lui montait au nez.

« Tu te fous de moi ?! C'est lui qui t'as dit de dire ça ? Pesta-t-il sans avoir à prononcer son nom, tant il était évident. Hein, avoue ! Tu me mens depuis le début c'est ça ?!
- Quoi ? Non, non, non ! Bien sûre que non ! Jamais je ne ferais ça ! C'est horrible. Je n'arrive pas à croire que ça puisse être possible ! »

Mentir ? Pourquoi ? La nouvelle n'était-elle pas suffisamment affreuse comme ça ? Siobhan avait du mal à comprendre sa réaction disproportionnée. Pour est-ce qu'il lui en voulait subitement. Pourquoi sa colère se dirigeait sur sa personne. Il voyait rouge, il voyait encore les mêmes rengaines. Siobhan avait souffert silencieusement.

« Tu m’as menti ! Sur quoi d’autres tu mens encore, hein ? C’est parce que c’est lui le père en réalité, c’est ça ?!
Non... je t’assure que non...
DIS MOI LA VERITE ?! »

Siobhan recula par instinct, mais Avalon plus rapide lui attrapa le bras et la plaqua contre la porte du frigo. Elle n’essaya même pas de se débattre tant elle connaissait le rapport de force si maigre. Tant il ne lui restait sur les eaux qu’une peau trop fine pour le peu qu’elle mangeait et les substances étranges consommé pour fuir cette réalité. L'énergie elle n’en avait plus depuis longtemps. Mais la peur, continuait de se nourrir davantage.

« Ce petit jeu t’amuse, c’est ça ? Tu prends ton pied, hein ? T’en as rien à foutre de ce que tu m’fais ! Tu ne te rends pas compte à quel point tu rends dingue Siobhan. Après tout ce que j’ai fait pour toi ! Tu oses me faire un truc pareil. Crachat-il contre son visage.
Non ! C’est faux ! J’pourrais pas faire ça... !
Tu m’as fait croire que t’étais enceinte putain d’merde ! Il s’écria si fort qu’elle entendit sa voix dérailler, une peine dissimulée sous la colère.
… Je ne le savais pas... j’te le jure »

D'une main il la plaça violemment sur sa gorge, hurlant de se taire, qu'il ne tenait pas à entendre ses mensonges qu'elle semblait manier si bien. Le toussotement qui s'échappa doucement entre ses lèvres ne fut guère suffisantes pour qu'il desserre sa poigne. Son visage a quelque centimètre du sien, elle put sentir toute la rage, la triste qui se bousculait et explosait. Les doigts fins de Siobhan s'accrochèrent à sa grande main, tirant pour l'éloigner, mais en vain. Elle supplia dans un murmure d'obtenir un peu d'air. Et ce dernier lui hurla une fois encore de se taire.

Avalon retira pourtant ses doigts avant qu'elle ne tourne de l'œil. Et pour la première fois il écrasa sa main contre son visage. Siobhan ne s'y attendant pas rendit instinctivement la gifle. Un silence flotta autour d'eux. Jamais elle n'avait rendu les coups, mais jusqu'à présent il n'avait jamais franchi cette limite-là. Et elle le regretta aussitôt. Profitant de cet instant de confusion pour s'éloigner. Avalon la rattrapa néanmoins en prenant ses cheveux entre ses doigts. La projetant au sol sans prendre en compte ses excuses hurlantes, il se jeta sur elle et laissa pleuvoir quelques poings sur son doux visage d'ange qui ne l'était plus.

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Siobhan se releva avec difficulté. Sa tête lui faisait terriblement mal, le sang envahissait sa bouche et la vue n'avait rien de très satisfaisant. Sans savoir combien de temps elle était restée au sol à prier pour que le cauchemar cesse, elle rassembla toutes ses forces pour avancer vers la sortie. L'appartement paraissait paisible. Mais elle ne voulait pas prendre le risque de rester à l'intérieur s'il avait fini par sortir. Elle tituba dans la cage d'escalier. Manquant de tomber à plusieurs reprises, mais utilisa toute son énergie pour maintenir le capte.

Une fois à l'extérieur, la pluie battante la prise de court. Elle ne voulait pas perdre de temps à remonter et prendre un parapluie. La capuche de son sweet sur la tête, elle s'enfonça dans les rues inondées de Londres. Le pas lourd en direction d'un abri qui la laisserait suffisamment loin de son propre démon...