Desmond la garda enlacer dans ses bras un très long moment, trop heureux qu’elle partage ses sentiments. Il avait bien fait de prendre son temps, en fin de compte. Là, il pouvait au moins être sûr de ne pas s’être trompé, ou de ne pas y avoir mit tout son coeur. Louisa importait trop pour lui. Avec elle, il ne voulait pas faire les choses à moitié. Cette fois, son coeur y était à fond, et il ne voulait rien de plus que ce petit moment rien qu’à eux; ils reviendraient bien assez vite au campement en compagnie des autres. Desmond encadra de ses mains le visage de Louisa, pour lui donner un dernier baiser. « On continue? », demanda-t-il en souriant.

Le jeune homme se leva, et tendit sa main à Louisa pour l’aider à se relever. « On est plus très loin de ce que je voulais vraiment te montrer », dit-il en commençant à marcher. « L’année dernière j’ai trouvé plusieurs géodes d’améthystes. Je n’en ai pas parlé à Dallas, parce que je savais qu’il me demanderait d’en ramener le plus possible pour les vendre ». Desmond n’avait rien contre les bijoutiers et les collectionneurs, mais il préférait les gemmes à leur état naturel. « Une améthyste naturelle ne vaut pas grand-chose, sauf qu’une améthyste taillée et parée dans un collier ou une bague, ça peut se vendre cher. Mais je ne fais pas ça pour l’argent ».

Une grande cavité s’ouvrait alors devant eux. Des signes des explorations passées de Desmond s’y trouvaient toujours. Les parois de la cavité étaient marquées de lignes blanchâtres, résultat des coups de pioche pour entailler la pierre.

« Nous y voilà », déclara-t-il en ouvrant les bras, fier de lui présenter son petit sanctuaire. La lampe à huile qu’il utilisait pour s’éclairer se trouvait toujours là, accrochée au mur, tel qu’il y avait laissé, un an plus tôt. De son sac à dos, il sortit l’huile et son briquet, et une flamme imprégna la cavité de sa lumière.

Il désigna à Louisa l’endroit où il avait l’habitude de creuser. « Prends ce côté, et je prendrais l’autre ». Alors, Desmond eut un sourire en coin. « Et si on se lançait un défi? », demanda-t-il, l’air joueur « Si je trouve quelque chose d’intéressant avant toi, je voudrais… que tu m’appelles «chaton» pour le reste de la journée. Même en public ». Il aimait bien le surtout de face de chat, mais chaton… ça serait de la musique à ses oreilles. Les autres pourraient bien se moquer, il n’aurait pas honte.

Moqueur, Desmond poursuivi, en croisant les bras. « Si tu trouves quelque chose avant moi, qu’est-ce que tu veux? ».

« J’adore tronche de chat », répondit-il, un sourire mutin se dessinant sur son visage. « J’avais seulement envie de quelque chose d’un peu plus sexy. Et toi, t’aimes ton surnom, Blondie? ». Il ne lui avait jamais posé la question auparavant, mais elle ne s’en était jamais plainte non plus. Quoi qu’il en soit, Louisa semblait certaine de gagner. « Pff. Sois pas si sûre. C’est quand même moi l’expert. Je paris que tu ne sais même pas faire la différence entre du cristal et du quartz. Question piège, c’est la même chose ».

Desmond répondit à sa taquinerie avec un sourire mutin. Il fixa Louisa, les yeux plissés, en comprenant tous ses sous-entendus. Non sans un certain humour, le jeune homme rétorqua « Tch. Je savais bien que c’était toi, la plus dévergondée de nous deux… » Les bras croisés sur son torse, Desmond l’écouta alors faire sa demande. Si elle gagnait, il devrait lui apprendre à nager, ou essayer de lui apprendre à nager. Il n’était pas Micheal Phelps, juste un nageur du dimanche, qui aimait profiter du lac, mais ça ferait sans doute l’affaire. Louisa n’intégrait pas l’équipe olympique demain matin. Il tapa dans ses mains « Entendu! Que le meilleur gagne ».

Armé de sa pioche, Desmond montra à Louisa comment s’y prendre pour ne pas tout casser. Il fallait parfois avoir de la force, mais la plupart du temps, le processus nécessitait une certaine délicatesse dans le minage. Commencer par des grands coups pour dégager la pierre, et poursuivre en travaillant autour, délicatement, pour ne pas endommager les gemmes et les minéraux.

La recherche dura quelques heures, celles-ci s’écoulant paisiblement. Ils ne feraient pas ça tous les weekend, mais avoir quelqu’un à ses côtés, avec qui partager un peu de sa passion, donna à Desmond encore plus envie de passer chaque moment avec elle. Finalement, ce fut Louisa qui trouva quelque chose de vraiment intéressant. Alors qu’il n’avait trouvé que de la pierre sans importance et du vieux quartz, la pierre de couleur verte que lui montra Louisa attira tout de suite son attention. Il la regarda de plus près et s’exclama : « Eh beh! De la malachite! C’est plutôt rare dans ce coin-ci! Félicitations, on dirait que t’as gagné. Je m’incline », dit-il en feignant la déception. Il sourit, puis embrassa sa joue. « On rentre? Il doit bientôt être l’heure de diner je crois. Mangeons avec les autres, et après, on saute à l’eau! » D’autant plus qu’à la tombée de la nuit, ils pourront nager loin des yeux indiscrets, pensa-t-il.

Desmond guida Louisa, la main dans la sienne, jusqu’à la sortie. La lumière du soleil restait aveuglante après avoir été aussi longtemps dans le noir, mais la nuit tombait doucement, créant un magnifique mélange de violets, d’orangés et de roses dans le ciel. Desmond inspira l’air frais à plein poumon, et s’étira de tout son long. Quitter cette grotte l’attristait un peu, car c’était son havre de paix. C’était aussi un peu étrange, de se retrouver là, en plein jour, avec Louisa. «… J’ai l’impression de sortir d’un rêve », commenta-t-il, en marchant avec Louisa jusqu’au bateau, avant d’ajouter « un très beau rêve ». Il sourit à Louisa « Pas toi? »

De retour au campement, les autres étaient effectivement déjà en train de manger des hot-dog autour du feu. En les aperçevant, Ruby leur fit signe de la rejoindre. Desmond aurait tout donné pour un dîner en tête à tête avec Louisa, mais il ne voulait pas avoir l’air de fuir le groupe. Ruby, au moins, ne les mettrait jamais aussi mal à l’aise que Seth. Ils s’approchèrent donc de Ruby et de sa copine, Pearl, ses cheveux blonds perpétuellement noués en chignon à la base de sa nuque, qui leur servit une bière.

Desmond avait toujours préféré discuter avec les deux filles, entre tous les potes de Dallas. Après quelques bières cependant, elles n’étaient pas exemptes de défauts.

-Alors Louisa? demanda Ruby. T’en penses quoi du gouvernement?

-Ruby, commence pas avec ça!

-Quoi?

-Faut toujours que vous parliez politique, vous tous. C’est gênant ta question.

-C’est peut-être gênant pour toi, mais peut-être pas pour Louisa! Puis toi, de toute façon, t’as jamais d’opinion sur rien, alors qu’est-ce que ça change?

-Ouais Des, laisse donc répondre ta copine, ajouta Pearl.

Desmond poussa un soupir, envoyant un regard désolé à Louisa. Conservateurs, Travaillistes, tout ça, pour lui, c’était du pareil au même. À vrai dire, les Travaillistes faisaient du mieux qu’ils pouvaient, sans doute. Desmond n’avait aucun véritable avis, sinon que la démocratie était tout de même mieux qu’une dictature ou une monarchie.

Y’a rien comme la politique pour foutre la merde pendant un dîner. Surtout que les potes de Dallas étaient du genre tous engagés politiquement. Ils avaient des valeurs, et tout ça. Pas que Desmond n’avait pas de valeurs, mais il gardait le peu d’opinion qu’il avait pour lui-même. D’ailleurs, cela lui fit plaisir que Louisa soit d’accord avec lui. « Exactement », renchérit Desmond. « On peut avoir des opinions différentes sans se fâcher, mais il y a toujours quelqu’un pour prendre ça trop à coeur. Les gens aiment bien critiquer, par agir par contre, c’est mort, y’a personne ».

« Alors quand le gouvernement fait un truc qui te plait pas, tu fais rien? Tu reste les bras croisés et tu laisses les autres manifester à ta place? »

« Je me dis simplement que si j’étais à la place des politiciens, je ne ferais sans doute pas mieux ».

Tout ce que Louisa était également vrai. Plusieurs fois, les manifestations avaient dégénéré en brutalité policière. Desmond voulait bien avoir des principes, mais se retrouver avec un oeil au beurre noir, ou même risquer sa vie pour ça, non merci.

« On vous parle pas de manifester putain! On vous parle de vous battre. Si le gouvernement et la police parlent par la force, alors on répond par la force ».

Sans se douter que Pearl était sérieuse, Desmond lâcha, incrédule « De quoi tu parles? ».

« Laissez tomber Desmond, Louisa… Calme toi Pearl. Changeons de sujet ».

Le sujet disparu aussi vite qu’il était apparu, et Desmond en fut ravi, oubliant aussitôt le commentaire de Pearl, qui redevenue elle-même. La nuit tomba sur la forêt, et chacun vaqua à ses occupations, soit dormir, rester près du feu, et pour Desmond et Louisa, se rendre au bord du lac. Desmond rapproche le camping-car près de l’eau, loin des autres, question d’avoir la paix. « Désolé pour ça, Pearl est cool d'habitude. Je sais pas ce qui lui a prit. Mais tu t'es bien défendu! Je suis content qu'on soit d'accord surtout. La politique, c'est que des emmerdes». Il gara la voiture, et embrassa Louisa sur la joue « Je te laisse te changer, je t’attends près de l’eau ».

Il n’eut besoin que de retirer son t-shirt et ses godasses pour se jeter à l’eau. La fraîcheur du lac raviva ses sens comme l’aurait fait une douche froide. Il y avait quelques algues, rien de bien méchant. Il espérait seulement que Louisa n’en soit pas dégoutée. Desmond remplit ses poumons d’air, et se laissa flotter, les bras et les jambes écartées en étoile de mer, les yeux fixés sur les étoiles, et essaya de ne pas penser que Louisa le rejoindrait d’une minute à l’autre en maillot de bain. Y penser le fit rougir.

Lorsqu’il entendit finalement Louisa approcher, la première chose que Desmond remarque fut d’abord son air inquiet fixé sur l’eau du lac. Elle en avait réellement peur, et Desmond se dit qu’il ne faudrait sans doute pas la pousser à faire plus qu’elle ne pouvait le supporter. Elle semblait même hésiter à tremper ses pieds dans l’eau. « T’es sûre que ça va? ». Même si c’était elle qui avait eu l’idée, elle changerait peut-être d’avis, une fois le corps plongé dans l’eau. Sinon, il sera là, quoi qu’il arrive.

En deux mouvements de bras, Desmond la rejoignit près de la rive. « Oh mais quelle chochotte », lança-t-il d’un air moqueur en la voyant tremper un pied dans le lac, et frissonner. Mine de rien, il commençait à connaître Louisa. En tout cas, assez pour savoir qu’elle répondait à l’incitation et au défi. Comme lui d’ailleurs. Un sourire provocateur étira ses lèvres. « Faut pas que tu restes immobile hein, sinon tu vas continuer d’avoir froid! T’en ai pas encore là, mais quand on entre dans l’eau, faut pas hésiter, sinon on se lance jamais ».

Il essayait tant bien que mal de la distraire, mais visiblement, Louisa n’était pas rassurée du tout. Desmond sortit de l’eau, et une fois debout à ses côtés, il lui prit la main telle qu’elle le souhaitait. « Tout ira bien Blondie. T’as pas eu trop peur dans la caverne, et pourtant, t’avais raison de trouver ça flippant. C’est pareil pour l’eau. Y’a pas de requins, de sangsues, de monstres marins… Y’a que toi et moi ».

Desmond se pencha vers elle pour l’embrasser sur la joue. Il l’attira doucement vers l’eau. « T’sais quoi? Commençons tranquillou. Asseyons-nous dans l’eau. C’est pas encore trop profond ici ». Démontrant ce qu’il venait de dire, Desmond plia les genoux, et s’assit au fond de l'eau, qui lui atteignit le haut des épaules. Les pieds calés dans le sable, le jeune homme espérait rassurer un peu Louisa. S’ils devaient rester dans les hauts fonds, ça lui convenait bien. « Voilà. Aucun danger de quoi que ce soit ici ». Avec l’eau si peu profonde, elle ne risquait pas de se noyer, de couler, ou de craindre la moindre chose.

« Pourquoi as-tu peur de l’eau, au fait? », lui demanda-t-il en levant les yeux vers elle. Il ne se souvenais pas lui avoir déjà poser la question, ni si elle avait déjà élaboré sur sa phobie. Elle avait pourtant vécu bien pire, vécu des choses encore plus effrayante qu’un petit lac, mais Desmond voulait bien admettre que toutes les peurs n’étaient pas rationnelles.

Sa petite provocation sembla fonctionner, car Louisa s’avança un peu plus dans l’eau du lac. Parfois, une mise au défi était tout ce qu’il fallait pour convaincre quelqu’un qu’il pouvait réussir. Ou du moins le persuader d’essayer. De plus, il ne la laisserait pas seule. Il était tout près, sa main dans la sienne.

« Il y a des algues, mais pas de sangsues! », répondit-il en riant. « Pas que je sache en tout cas. Moi non plus je ne les aime pas trop. Même s’il y en avait, se faire mordre ne fait pas trop mal. On les sent à peine à vrai dire. C’est juste gluant, et une fois accrochées, faut juste décoller la ventouse en glissant un bout de bois en dessous, ou un ongle. On peut juste la laisser bouffer aussi! ». Desmond haussa les épaules. C’est toujours ce qu’il faisait. Il attendait que la bestiole ait fini son dîner, et elle repartait d’elle-même. Comme ça ne faisait pas mal, et qu’il n’y avait pas de risque d’infection, ça ne le gênait pas vraiment. « Il y a des gens qui leur jettent du sel, ou qui les brûle, mais ça leur fait mal pour rien ». Comme pour la chasse, Desmond laissait tranquille les animaux et autres bestioles. C’était eux qui se trouvaient sur leur territoire après tout.

Assis tous les deux dans le lac, Louisa expliqua d’où lui venait cette peur de l’eau. À bien y penser, c’était logique. Quand on ne sait pas nager, il y a toutes les raisons pour croire que l’on peut aussi se noyer. « Je vois », murmura-t-il, pensif. « Eh bien j’espère que tu n’auras plus peur, quand je t’aurais montré. Ou que tu auras moins peur… » Sans doute la nage pouvait faire peur, mais pas besoin d’être un champion de natation pour nager correctement.

Desmond laissait Louisa s’habituer à la sensation d’immersion de son corps dans l’eau. Silencieux, lui aussi leva les yeux pour regarder les étoiles, et le croissant de lune. En sentant Louisa se rapprocher de lui, Desmond baissa les yeux pour la regarder, et il lui sourit. Puis, son sourire amoureux s’effaça pour faire place à la gravité de son désir assombrissant son regard bleu, lorsqu’elle posa une main sur son torse, et une autre sur sa cuisse. Peut-être n’avait-elle jamais eu l’intention d’apprendre à nager. Peu importe, se dit-il. Il répondit à son baiser sans la moindre hésitation, les yeux clos, s’abandonnant à l’ivresse de son amour pour Louisa. Elle embrassait bien. Desmond lâcha le fond de l’eau, et posa une main sur sa joue, et l’autre sur sa taille, jusqu’à ce que Louisa vienne doucement la glisser sur sa poitrine.

Les joues rougies d'excitation, Desmond en voulait plus. Il aurait embrassé Louisa toute la nuit, si elle ne s’était soudainement relevée. « Hey! » En la voyant s’enfuir, Desmond, avec un sourire de défi, bondit sur ses pieds. La jeune femme courrait vite, mais il était confiance de pouvoir la rattraper. « Reviens ici toi! Ah-! ».

Desmond perdit l’équilibre en posant son pied contre un rocher glissant, à demi enfoui dans le sable. En tombant, il percuta un autre rocher, entre l’os et la chair tendre de son coude, directement contre le gros nerf qui traversait l’os et la chair. Desmond poussa un cri de souffrance. Une douleur irradia son coude par pulsations qui lui traversèrent tout le bras, jusqu’aux bout de ses doigts. Il se releva péniblement et porta une main à son coude. Il saignait. « Putain! Quel trou de balle », pesta-t-il contre lui-même. « Louisa! Faut que… que je nettoie ça ». Il ne fallait tout de même pas que ça s’infecte, ça faisait déjà bien assez mal comme ça. Autant physiquement que psychologiquement, car son égo venait d’en prendre un coup.

Juste comme les choses commençaient à être intéressantes, se dit-il, l’air renfrogné, alors qu’il regagnait le rivage. Il chopa une bouteille d’eau et renversa l’eau sur la plaie. « Louisa? Tu peux me donner un coup de main pour panser mon coude? La trousse de premiers soins est dans la boîte à gants… », dit-il en retenant un soupir. Avec son coude en charpie, est-ce qu’il pourrait seulement continuer à lui montrer comment nager? Il lui avait quand même fait une promesse.

Sa maladresse n’aurait pas pu tomber à un pire moment, alors que Louisa commençait tout juste à être à l’aise dans l’eau. Il s’en voulait d’avoir tombé. « Rien de cassé non ». Et heureusement, se dit-il. Ça aurait été encore plus humiliant, et ce l’était déjà bien suffisamment. Desmond avait tout de même son orgueil après tout.

« Ça fait un mal de chien, et ça saigne un peu mais c’est tout », assura-t-il à Louisa. « J’ai déjà eu pire comme blessure, tu t’en souviens? ». Le souvenir de cette soirée d’Halloween le fit sourire. Bien sûr, pendant les faits, ça n’avait rien eu de drôle, de se manger une droite en plein visage et des coups de pieds dans les côtes, mais l’anecdote était pas mal à raconter. Pour Desmond, même s’il avait passé la nuit en prison, ça restait un bon souvenir, parce que Louisa y était aussi. C’était à partir de ce soir-là qu'il avait commencé à lui faire confiance.

Alors que Desmond s’asseyait sur le rebord du sol du camping-car, les jambes à l’extérieur, Louisa ramena la trousse de premiers soins. Desmond avait l’habitude de se soigner lui-même… mais sans qu’il le demande, Louisa s’occupa de lui, et Desmond se laissa faire avec une coupable complaisance, un sourire ravi sur les lèvres. « À moins que ça ne s'infecte, je pense que ça ira. Puis t’as l’air de t’y connaître un peu », dit-il en observant Louisa, qui s’appliquait minutieusement à désinfecter la blessure et à poser un bandage sur son coude. « J’ai pas trop mal. Je suis entre bonnes mains ». Il lui décocha un clin d'œil.

Desmond lui promit qu’il lui apprendrait à nager le lendemain, si sa blessure se portait bien. « Considère que c’était le premier cours. C’était déjà pas mal ce que tu as fait comme progrès. Tu peux être fière de toi. Je suis fier de toi, moi ». De son bras valide, Desmond ébouriffa les cheveux blonds de Louisa. Elle apprenait à surmonter ses peurs, et s’il pouvait l’aider, il ne ferait. Elle l’avait bien aidé à surmonter la sienne : la peur d’être trahi par les gens qui l’aime. Il n’était pas totalement guéri, mais le simple fait d’avoir enfin quelqu’un sur qui compter était un pas vers l’avant.

La remarque de Louisa le fit sourire. Effectivement, se blesser pour faire l’intéressant et trouver une fille assez naïve pour qu’elle s’occupe de lui, c’était vraiment trop ringard. « Pfff! Je n’ai pas besoin de ça pour attirer l’attention des filles », répliqua-t-il, sourire en coin. « Les gars qui font ça, c’est parce qu’ils ont rien pour eux, ou parce qu’ils ont aucune personnalité. Alors que moi… moi?! ».

Desmond exagéra sa voix de vendeur de pierres précieuses pour se donner une allure volontairement théâtrale. « Un jeune homme de carrière, de succès, qui gagne bien sa vie, qui danse bien, qui adore les animaux, et qui est beau gosse en plus! Ça ne se trouve pas tous les jours à tous les coins de rue ». Le jeune homme eut beaucoup de mal à conserver son sérieux et à rester dans le personnage, alors qu’il souriait jusqu’aux oreilles, mais il poursuivit, toujours moqueusement. Autant jouer l’homme-objet jusqu’au bout. « Je dirais même presque que je te fais une faveur Blondie, clairement je suis au dessus de tes moyens. Mais vas-y, trouves-moi un seul défaut si tu oses », dit-il, en sachant très bien en avoir plein. « Sinon, vends tes qualités, je suis tout ouïe ».

Louisa n’aurait sans doute aucun mal à lui trouver des défauts. Desmond était plus curieux de savoir ce qu’elle allait dire sur elle-même, car il ne l’avait pas souvent (peut-être jamais d’ailleurs) entendue se vanter. Même avec de l’exagération, y’a pas mieux pour retrouver un peu de confiance en soi. Et si vraiment, elle ne trouvait rien de bien à dire sur elle-même, il saurait déjà quoi dire.

Desmond se mit à rire. « Ah ouais? En quoi c’est une faveur? J’écoute », lança-t-il, croisant les bras à la façon des juges de Got Talent. Sourire aux lèvres, il écouta ses arguments. « Future grande star? Pourquoi pas », dit-il, impressionné par son ambition. En même temps, Desmond ne voyait pas de raison que ça n’arriverait pas. Il y avait des chanteuses bien plus connues, qui de son avis, ne chantaient pas aussi bien que Louisa… Même peut-être était-il biaisé.

Une moue amusée se dessina sur ses lèvres quand elle évoqua ses talents de boxeuse, dont lui, et ses fesses, avec en effet bénéficié. « Tu l’as seulement fait parce que tu le voulais, mon cul parfait, avoue », se moqua-t-il pour la taquiner. « Sérieusement, j’aimerais beaucoup qu’on retourne au club. Qui sait, un jour, c’est peut-être moi qui sauvera tes jolies fesses ». Encore plus parfaites que les miennes, pensa Desmond.

Quand Louisa s’était serrée contre lui, le jeune homme avait passé son bras autour de sa taille. Le nez contre le sien, il posa sa main libre sur sa joue. « On reprend… en espérant que tu ne t'enfuis plus », murmura-t-il, sourire en coin, avant de l’embrasser, en sachant qu’il ferait tout pour qu’elle reste ainsi collée à lui. Sa peau avait encore la fraîcheur de l’eau, et ses lèvres goûtaient le sel.

Son baisé se prolongea, jusqu’à lui faire oublier la douleur à son coude. En fait, chaque fois qu’il l’embrassait, il se sentait flotter, le corps léger comme l’air, comme la vapeur qui séchait les gouttes d’eau de sa peau à mesure qu’elle se réchauffait sous l’effet de son désir. Il désirait Louisa. Il ne la voulait que pour lui. Il la voulait toute entière, la garder dans ses bras jusqu’au matin.

Alors, Desmond glissa ses lèvres sur son cou, embrassa sa gorge, sa cicatrice, sa clavicule, tandis que ses deux mains s’étaient maintenant posées sur ses hanches. Seigneur… pourquoi n’avait-il pas fait tout ça dès qu’il en avait eu l’occasion, au bar, il y a des mois. Il avait la sensation de devoir se racheter, de rattraper le temps perdu, de se faire pardonner toutes les hésitations qu’il avait pu avoir à son sujet. Il ne la ferait pas regretter d’être avec lui, sa belle chanteuse.

Desmond posa à nouveau un long baiser au creux de son cou. Lorsqu’il posa sa joue contre la sienne, il murmura à son oreille « Je t’aime ». Il s’écarta pour la regarder. Ses yeux bleus, assombris par la gravité de son désir, ne laissaient aucun doute sur ce qu’il voulait. Desmond l’embrassa de nouveau, et l’attira près de lui, juste assez pour qu’ils se retrouvent près du camping-car, encore ouvert. Ils n’auraient plus qu’à entrer, et refermer la porte, pour être seuls.

Entendre Louisa lui dire qu’elle l’aimait fit battre son coeur à un rythme effréné, si fort qu’il rougit comme les pivoines qui tapissaient le sol de la forêt. Quand elle lui mordit l’oreille, il frissonna, à mi-chemin entre l'excitation et le désir. Au début de ce weekend, lorsqu’ils avaient quitté Londres pour se retrouver seuls ensemble au milieu de nulle part, Desmond avait vraiment espéré ce moment, mais le vivre était encore mieux.

Sans trop rechigner, peut-être même avec un certain plaisir, Desmond se laissa gentiment pousser à l’intérieur du véhicule par Louisa. À nouveau, ils étaient enfermés, comme dans la caverne, parfaitement isolés, enfin seuls. Elle le fit s’asseoir, et Desmond s’exécuta, les mains agrippées au siège pour s’empêcher de toucher Louisa, de réprimer son envie de la toucher. Il ne pouvait que la dévorer des yeux. Son regard baissa sur ses seins lorsqu’elle retira le haut de son maillot, et quand les yeux de Desmond s’accrochèrent à nouveau à ceux de Louisa, ils étaient en feu. Le fond de ses yeux brûlant laissait deviner la fièvre amoureuse qui s’emparait de son corps, et court-circutait ce qui lui restait de neurones.

Lorsqu’elle revint finalement vers lui, Desmond effleura son ventre pour toucher sa poitrine, et embrasser ses seins. Il répondit à son baiser, entrouvrit les lèvres pour caresser sa langue, avide d’en retrouver la douceur. Avec un certaine impatience, déchiré entre son envie de caresser Louisa et celle de s’allonger avec elle, Desmond cherchait à tâtons la poignée qui baissait les sièges et permettait d’ouvrir le lit dans l’obscurité du camping-car.

Comme si le véhicule avait deviné l’empressement des jeunes tourtereaux, un déclic retentit dans la cabine et le siège arrière s’abaissa brusquement, emportant Desmond et Louisa. Le jeune homme étouffa un cri de surprise. Il se retrouva sur le dos, et elle, au-dessus de lui. Pendant un court instant, il eut le souffle coupé, peut-être moins à cause du choc que d’avoir le visage de Louisa suspendu près du sien. S’il n’avait pas eu aussi envie d’elle, il aurait pu la regarder ainsi, au-dessus de lui, mais il tendit le cou, et l’embrassa à nouveau. Il se débarrassa de son maillot de bain, qui, glissé de ses jambes, fut envoyé valsé quelque part dans l’habitacle d’un coup de pied impatient. Il aida Louisa à se déshabiller, pour le peu de tissu qu’il lui restait.

Desmond aurait voulu embrasser chaque parcelle de son corps. Les blessures, les cicatrices, les marques sur le corps de la jeune femme ne diminuaient en rien son désir pour elle. Il s’en fichait. Il la trouvait belle et le lui répétait, entre deux baisers posés sur son corps. Il se redressa pour l’embrasser, et dans un murmure, il s’éloigna furtivement. « Attends ».

Trébuchant presque dans son maillot de bain à la traîne, Desmond se rendit près de la cabine, et ouvrit la boîte à gants, où se trouvait le providentiel petit emballage carré…amené pour l’occasion, au cas-où.

Le lendemain matin, Desmond mit un moment à se réveiller. Il n’avait pas envie de se lever. Se retournant sur le matelas grinçant du lit de camping, le jeune homme retrouva rapidement la chaleur du corps de Louisa prêt du sien. Un petit sourire éclairci son visage. Il approcha sa main de son visage, souffla pour vérifier que son haleine du matin n’allait pas asphyxier Louisa, et vérification faite, il approcha son visage du sien. Il avait toujours trouvé un peu bizarre se réveiller pour constater que la fille avec qui il avait passé la soirée le regardait dormir, mais il ne pouvait pas s’empêcher de le faire pour Louisa. Peut-être qu’elle trouverait ça bizarre, elle aussi, se dit-il.

En fait, Desmond réalisait qu’il était étrangement nerveux. Jusqu’à présent, les matins de ces soirées où il couchait avec une fille se déroulaient toujours selon une même routine. Lui, ou la fille, se réveillait, s’habillait, peut-être échangeait deux trois mots avant de partir si la meuf était sympa, ou filait en douce si la meuf ne l’intéressait carrément pas. Là… c’était différent. Il n’avait pas envie de partir de ce lit, aussi grinçant et inconfortable était-il. À quoi ressemblent les matins des gens qui s’aiment?

Quand Louisa se réveilla, Desmond rougit, et détourna les yeux. « … Bonjour », dit-il d’une voix encore enrouillée par le sommeil. Nerveux, il s’éclaircit la gorge. « Euh… bien dormi? ». Il ne savait pas trop comment aborder la conversation, comme si son cerveau n’était pas encore totalement remis de la veille. « J’espère que t’as aimé hier soir. En tout cas, moi oui… Mais t’es pas obligé de me répondre. C’est gênant, excuse-moi. T’occupes pas. J’arrête de parler », balbutia Desmond en faisant mine de se lever.