La voix paniquée de Louisa arrêta son geste. Elle lui prit le bras, et il tourna la tête vers elle. L’expression dans les yeux de Louisa lui glaça le sang, et lui rappela de mauvais souvenirs. Sans le vouloir, il l’avait blessée. En se rendant compte de son erreur, il revint vers elle, ravagé par la culpabilité. « Non, bien sûr que non, je me barrais pas. Excuse-moi, j’ai paniqué. C’est juste que… ben je ne savais pas quoi faire ».

Desmond se rallongea aux côtés de Louisa, et reposa sa tête sur l’oreiller, près d’elle. Il soupira. « … Je vais avoir l’air d’un putain d’enfoiré, mais bref », commença-t-il frottant d’une main son visage fatigué « Je t’ai déjà dis que j’ai jamais eu de relation stable, donc des matins comme celui-là, je perdais jamais trop de temps pour me barrer parce que j’étais pas nécessairement le bienvenue, ou juste parce que y’avais rien à dire ». Desmond haussa les épaules. « Je voulais pas emmerder, alors je partais ».

Surtout, il n’avait aucune bonne raison de rester plus longtemps que prévu dans le lit de ses coups d’un soir. C’était une situation arrangeait tout le monde, lui y compris, puisqu’il ne ressentait rien pour elles. Mais avec Louisa, c’était différent. Il se gratta la nuque, embarrassé par son manque d’expérience. « Mais toi, je t’aime, et je veux surtout pas t’emmerder. J’ai eu peur que tu me trouves collant, ou je sais pas quoi, si je restais là… », dit-il, sincère. « J’ai fais le premier truc auquel j’ai pensé, auquel je suis habitué. Me lever et m’habiller. Mais je t’assure que je ne partais pas! »

Ça, elle pouvait en être sûre. Il ne l’abandonnerait pas. Desmond prit la main de Louisa, et embrassa ses doigts. «… Pardon. Je veux pas être relou. C’est juste que j’y connais rien, et probablement que je vais encore faire des erreurs. T’as qu’à me le dire si c’est le cas, j’écouterais ». Il apprendrait, car il voulait que ça marche. Il voulait se réveiller près d’elle tous les matins, et pour ça, il ferait tous les efforts possibles, même si Louisa n’avait pas pris le garçon le plus romantique du lot. Avec le temps, il le deviendrait peut-être, qui sait? Finalement, Desmond esquissa un demi-sourire « Alors, si je comprends bien, tu veux que je reste, et qu’on se lève ensemble, c’est ça? ».

Ça sonne comme un bon plan, se dit-il. Puis, il plissa les yeux, l’air rieur. « Toi, est-ce que t’es une romantique, Blondie? Le genre qui veut des chocolats et des fleurs à la Saint-Valentin? », demanda-t-il, curieux de connaître sa réponse.

La peur dans les yeux de Louisa s'estompa. Desmond respira à nouveau, soulagé qu’elle le comprenne. Après tout, il n’avait pas voulu mal faire. Il se taisait, l’écoutait, profitait d’être allongé près d’elle encore un peu. C’était nouveau, et comme le disait Louisa, cela prouvait que tout ça était bien réel. « Tant mieux », murmura-t-il. « Je n’aime pas me lever tôt ». Avec un sourire, Desmond l’embrassa, et la serra contre lui, et passa son bras autour de sa taille.

Franchement, être là, au chaud, sous les couvertures, et profiter de n’être encore que tous les deux était la meilleure façon de démarrer une journée de weekend. Il aurait voulu rester là encore des heures, à discuter de tout et de rien avec elle. Cependant, Desmond ne fut pas surpris d’entendre que ces conneries romantiques, comme les chocolats, les fleurs et la Saint-Valentin, ne fonctionnaient pas trop sur Louisa. « J’ai une amie fleuriste qui serait sans doute scandalisée que je dises ça, mais ouais… c’est un peu cliché », admit-il. « Faut qu’on fasse d’autres trucs ensemble, c’est clair, mais je te préviens, j’aime bien faire des cadeaux. Comme le briquet que je t’ai donné cet hiver. Je vois tellement de trucs et de machins passer dans la boutique que je peux pas m’en empêcher. Quand quelque chose me fait penser à quelqu’un, je l’achète, c’est plus fort que moi. C’est même pas vraiment pour être romantique à vrai dire. Je pense que, parce qu’à un moment j’avais tellement peu d’argent à moi, et que maintenant, j’en ai suffisamment, j’aime le dépenser pour les autres quoi ». Desmond haussa les épaules. Il vivait seul avec son chat, il n’avait qu’un scooter, et Dallas était généreux côté salaire, alors pourquoi pas.

Desmond fut le premier surpris quand Louisa lui rappela leur premier baiser dans cette grotte, et il se mit à rire. « C’est pour ça que je t’aime Louisa. Je suis certain qu’il n’y a que toi dans le monde qui trouve que de s’embrasser au fond d’une grotte, des lampes sur le front, en dessous d’une colonie de vers luisants, c’est romantique », dit-il en l’embrassant à nouveau. « Je suis trop content que tu aies aimé. Une idée du même genre pour notre prochain rendez-vous? ».

À moins qu’elle ne préfère quelque chose de plus conventionnel, la prochaine fois. L’important, c’était qu’ils soient ensemble. Le reste lui importait peu. Pendant un instant, tout redevenu silencieux. Desmond ferma les yeux, apaisé par la chaleur de leur lit de camp, et du souffle de Louisa près de lui. Il aurait presque pu se rendormir, quand la question de Louisa lui fit brusquement ouvrir les yeux. Pour lui, la réponse allait de soi. « Un couple, ouais. On est un couple, et je compte bien le dire à tout le monde. Pour une fois que je suis réellement en couple, je ne vois pas pourquoi j’en ferai un secret », lança-t-il, souriant. Surtout pas quand il avait la chance d’avoir une copine aussi parfaite que Louisa, en plus d’être totalement canon. « D’ailleurs, est-ce que tu as l’intention d’en parler à ton père? Franchement, je comprendrais que tu ne le fasse pas ». Après tout, même si au premier abord, JB avait l’air moins que le la moyenne des policiers, Desmond appréhendait la réaction qu’il aurait.

Puis, le visage de Desmond s’assombrit. Sans le savoir, Louisa venait de toucher une corde sensible. Être un couple libre aurait été le pire de ses cauchemars. « J’en veux pas non plus », affirma-t-il, sans doute plus sérieux qu’il ne l’avait jamais été avec Louisa. Il plongea ses yeux bleus dans ceux de Louisa. « Ce genre de conneries, ça a détruit mes parents. Mon père surtout. Il supportait pas les «écarts» de ma mère, et ça l’a détruit. Pareil, je pense que moi aussi, ça me tuerait trop ». Le problème de son père était qu’il pardonnait trop, pour tout, et par amour. Desmond ne voulait pas devenir comme lui, même pour Louisa. Si elle voulait un jour voir d’autres mecs, ils devraient se séparer. Pour l’instant, Desmond ne voulait pas y penser.

Louisa répondit à sa question avant même qu’il ne la pose : comment connaissait-elle Addison? « Ah! Le monde est plus petit qu’on pense! » Quelles étaient les chances pour que ces deux-là se croisent? Desmond sourit, content que Louisa apprécie son amie. « Elle est sympa ouais. Sa grand-mère et elle m’ont beaucoup aidé quand j’étais à la rue. Elles m’ont logé et nourri plusieurs fois. Je restai jamais trop longtemps cela dit. Je ne voulais pas abuser de leur générosité ». Puis, il y avait eu Dallas, qui lui avait finalement donné une chance à la vie. Un vrai boulot, du vrai cash rien qu’à lui. Il ne devait plus rien à personne désormais, et Desmond avait bien l’intention que cela reste ainsi.

Maintenant, Louisa était avec lui. Elle l’aimait, lui faisait confiance. Franchement, que pouvait-il demander de plus? Peut-être que le weekend durera encore un peu, mais ils retourneraient bientôt en ville. Heureusement, elle avait déjà des idées pour leur prochaine sortie ensemble. Desmond lui lança un sourire amusé. « Eh ben j’ai hâte de voir ça! Tu ne me donnes même pas un indice? », demanda-t-il d’un ton enjôleur.

Il pourrait toujours essayer de deviner, mais à ce genre de jeu, il était souvent très nul. Du moment qu’elle ne souhaitait pas immédiatement l’inviter chez elle pour rencontrer son père… Quand elle lui demanda si JB lui faisait peur, Desmond lança « Carrément! Je ne sais pas s'il est du genre protecteur, mais je pense pas que ça lui fera vraiment plaisir de savoir qu’on est ensemble. Surtout s’il apprend les trucs qu’on vend, qui sont pas toujours légaux. Je cache mes traces, mais je ne suis pas un génie du crime non plus ». Il suffisait qu’on ancien client les dénonce pour tout faire péter. Ou qu’un vendeur les trahissait. « Je ne veux pas t’empêcher de lui dire, bien sûr… Enfin, je te fais confiance ».

Elle connaissait mieux son père adoptif que lui après tout. Elle saurait ce qu’il valait mieux taire ou avouer. Toutes ses méfiances et ses inquiétudes envers Louisa s’étaient évanouies dès qu’ils s’étaient embrassés dans cette grotte. Maintenant, il lui accordait une confiance aveugle. Elle l’avait mérité. « Je t’aime aussi, Blondie ». Il l’embrassa sur la joue. « T’as faim? Si t’as jamais mangé d’œuf et de bacon cuits au feu de bois, c’est le moment d’essayer. Ensuite, je te ramène, même si j’en ai pas du tout envie », murmura-t-il près de son oreille. Se redressant sur son coude, Desmond la regardait au dessous de lui, et déposa un baiser sur ses lèvres, pour leur donner tous les deux le courage d’enfin se lever.

Desmond passa ses vêtements de rechange, et avec Louisa, il se rendit au feu de camp, autour duquel quelques amis de Dallas se trouvaient déjà. Comme Louisa termina de manger avant lui, Desmond lui désigna la cabane de bois. Si elle voulait se doucher, c’était là dedans. Il l’aurait bien rejoint… mais la douche était si minuscule qu’on ne rentrait qu’un à la fois. Il y ferait son tour après elle.

Une fois douché, Desmond fit ses adieux au groupe, puis à Dallas. Louisa et lui avaient beaucoup de route à faire jusqu’à Londres.