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Tiens on dirait que le vent est en train de se lever. Je vais accélérer. Aucune envie de me retrouver sous une averse. Comment vais-je retrouver Prem ? On n’avait pas eu énormément de temps pour discuter à son mariage. Il s’est passé pas mal de choses depuis le printemps. Ce n’est pas avec une carte qu’on peut résumer nos progressions respectives. Les parents en savent plus que moi. C’est amusant.

Qu'est-ce que c’est ? -“ HEY!! Ca va pas la tête!!” Ce type est complètement malade à courir comme ça. Ah. -“ Pardon! Poussez-vous!” Le policier me frôle au passage. Ils tournent à droite à l’angle de la rue. Je connais le quartier. C’est très facile de semer avec les petites rues. Pas plus tard que ce matin, je lisais un article sur la hausse de la criminalité, dans les grandes villes.

Ah tiens, j’avais dit que je passerai acheter des plaids avant qu’il commence à faire froid. J’irai tout à l’heure en repassant par ici. Je suis pile à l’heure. Prem n’est pas devant le restau. Je vais aller m’abriter. Il saura bien me trouver. L’odeur de la cuisine nous arrive dès qu’on ouvre la porte. J’aime bien ce genre d’adresse. Ça me rappelle un peu la maison.

Je prends une table contre la baie. On aura un peu plus de lumière naturelle. Voilà. Je commence à faire l’oignon en novembre. Ça arrive quand on a fait dix ans d’exercice en pays chauds. Je supporte beaucoup moins bien la fraîcheur anglaise. Je vais profiter qu’il ne soit pas encore là pour passer aux toilettes. L'allaitement est génial mais vaut mieux ne pas quitter la maison trop longtemps.

-“ Prem!” Il est plus mince non ? -“ Salut!” On n’a plus rien à voir avec la vingtaine. Je lui claque deux bises avant de passer sur la petite banquette. Je pousse ma montagne d’affaires pour avoir un peu de place. Je tire sur les manches du sous-pull pour retirer le moindre pli. Je déteste quand ça fait ça. Val aime bien me taquiner sur ça. Trêve de dérives. Je l’observe davantage. Dehors, il commence à pleuvoir. -“Je vais commencer par un thé froid.” J’ai eu des tocs alimentaires pendant la grossesse. C’est assez dur de m’en séparer. Heureusement que je commence à reprendre un peu de sport. -“ C’est cool qu’on se fasse ce rdv. Ma mère me parle souvent de vous. ” Qui aurait dit que la filleule de mon père se retrouverait mariée avec un ancien stagiaire de ma boîte ? Non mais!

Je décale les menus et je tire mon sac-à-dos pour prendre le paquet. -“Tiens pour la petite.” Ma mère nous lisait ces contes tous les soirs. J’ai réussi à dégoter un exemplaire sur le net. Mais ce n’était pas gagné. La maison d’édition à mit la clef sous la porte début des années 2000. Mais ce sont les versions du sud de l’Inde. Peut-être que tes parents en ont une autre ? Je ne sais plus de quelle région ils viennent. J’en sors un second et je le pose devant lui. -“Celui-ci c’est pour toi.” Un historien américain a étudié les monarchies européennes. Je trouve son analyse plutôt fine et accessible. -“ J’en ai pas mal sur le sujet.”

Je pose mon téléphone portable pas loin. On ne sait jamais si la babysitter a un problème. -“ Alors le journal ? T’as des perspectives ?” Ca va faire deux ans qu’il est là-bas je crois. Avec sa plume et son intuition, ils ont sûrement des projets pour lui.

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Je trouve qu’il a changé. Il a l’air plus adulte… Mais c’est logique on vieillit. On est parents. Gosh. -“ Ca va, nickel !” Je lui rends un sourire. C’est une question que l’on se pose tout le temps quand y a un nourrisson, le sommeil. De ce côté là, Valentine et moi sommes mieux armées que les autres. Il y a une raison simple à ça. -“ Nop. Je dors quand il dort.” Quand on est sur du grand reportage à l’autre bout du monde on apprend vite à dormir dès que c’est possible. Philip et moi faisons pareil. -“ Comment ça va toi ? Et ta femme ? héhé”

Nous sommes donc d’accord. Prem est un finaud. C’est aussi pour ça qu’il est bon dans le métier. -“ C’est comme ça que je l’analyse aussi.” A notre époque, ce qui est arrivé aux parents paraît fou. Pourtant ça s’est passé comme ça. Charles n’avait pas encore divorcé. La noblesse ne voyait jamais un lord renier sa caste pour aller avec une roturière… Et en plus une Américaine. -“Un reproche ? Non! Pas du tout. Une taquinerie peut-être.” Ce que papa donne à Violet, il ne le prend pas ailleurs, c’est du plus. Zac voit les choses différemment. Mais, il est plus envieux… c’est comme ça. -“ Je pense que vous aider leur fait du bien aussi. C’est cool.” Pas de quiproquo entre nous voyons.

-“ Hahaha. Oui c’est un autre genre.” Je prends le livre de ses mains. C’en est un que je ne connais pas. Il y en a pourtant pas mal à Lechlad. La bibliothèque est fournie dans le genre. C’est maman qui a eu une période de fascination sur ce sujet. -“ C’est une saga thriller! Tu ne dois pas t’ennuyer. ” J’imagine que Violet le pousse à se cultiver sur l’aristocratie. Il y a tellement de branches, de noms… c’est une histoire sans fin. La famille Hanovre vient de loin en plus de ça.

-“ C’est marrant on en parlait l’autre jour… ” Je caresse la couverture. J'ai adoré découvrir les histoires. Les parents nous en avaient lu quelques-unes. -“ Une complète. C’est super. Merci à vous deux!” Je pose le cadeau et je sors de ma chaise pour venir lui poser un autre baiser sur la joue. L’attention est hyper touchante. Ça me fait vraiment plaisir.

-“ La première fois oui c’est là-bas. J’étais reporter et elle faisait partie de la team de protection. ” Je reporte les faits non sans sourire. Je me souviens de ce voyage. Je me souviens de cette période à se rapprocher. Tout ça sur fond de campement, de peur, d’adrénaline. Notre premier baiser avec un goût de poussière et d’avidité de vivre. Ma protectrice rapprochée… tout ce qu’on a fait depuis. -“ Elle a pris sa mission à cœur. Un peu comme toi avec la Baronne si je me souviens bien ?” A l’époque on communiquait plus souvent c’est vrai. Mais, je me souviens de ton sourire en coin à l’idée de cuisiner une fille de la haute.

Je vois que le changement d’éditorial t'affecte encore. Pas si étonnant que ça. La façon dont ça s’est terminé pour toi a été réellement dégueulasse. On est quelques-uns à te regretter là-bas. Mais, je ne vais pas le dire maintenant. -“Tu veux dire que tu t’ennuis ?” Donc c’est un peu de ça, je comprends bien. C’est logique. Dès qu’on connaît le frisson du danger… ça fait un peu comme une drogue. Mais, une drogue contre laquelle y a pas vraiment d’aide médicale. Mais, j’ai bien envie de te donner des pistes.

Je n’ai pas envie que Violet traverse ce que maman a traversé. Je ne souhaite pas à Dalia de connaître l’absence de son père. -“Faut que tu lises le bouquin de Chris Hedges. Il nous a permit de faire le point.” C’est un des meilleurs qui a enfin ouvert la brèche sur l’effet addictif du terrain. Ce sera un bon point de départ pour l’amener à penser le sujet, sans être rentre dedans. Avoir un frère addict m’a formée. -“Il l’a sorti y a quelques années.” Six ou sept ans, je dirais. Je l’ai prêté. -“C’est dur de se passer de l’adrénaline. Mais tu peux trouver un domaine moins dangereux où en avoir ?” Je fais du saut à l’élastique. Val fait de l’escalade. De toute façon, pour devenir un grand-père heureux un jour, il n’a pas mille options.

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Il est clair que l’enfant prodige des Hanovre méritait à tout le moins du respect. Le déclassement n’est jamais aisé. Le comportement de ses parents dans l’affaire avait rendu la situation encore plus dure. Je pensais à Papa chaque fois que je pensais à elle. -“Oui. Violet a du courage. Bien plus qu’on ne l’aurait pensé.” Moi la première, je ne l’aurais jamais imaginé quitter son monde pour Prem. C’était un pari fou. -“Je verrais avec Val’.” Je faisais de l’équitation depuis que j’avais appris la marche. Ma fiancée découvrait cela lors de nos passages au manoir. Depuis la naissance du petit, c'étaient les parents qui venaient à Londres. Nous verrons au printemps.

Je pense que la vie de mes parents auraient été plus douce avec un soutien comme celui qu’ils apportent ici. Ils avaient été seuls. Même s’ils disaient que cela leur convenait je n’en étais pas si sûre. -“Mh. Je pense qu’ils n’arrêteront pas de vous aider.” Même si la vindict aristocratique était calmée, il y aurait des retours de flamme. Ces gens avaient la mémoire longue et le fiel acide.

Je revois la tête de la mère le jour où je lui ai appris mon inscription à l’école de journalisme. Je revois le sourire de mon frère et celui de mon père. -“Le désir de vérité.” C’est ce que j’avais dit à chacun de mes entretiens dans ma carrière. J’étais dans cette quête depuis aussi loin que je me souvienne. Mais, depuis que j’avais appris le secret de mon Père… ma détermination s'était affaiblie. Je cherchais à révéler la vérité aux yeux du monde. Alors que tout le monde mentait dans mon propre foyer… depuis toujours. -“Enfin, celle que l’on peut trouver. ” Ca aussi, ça m’a aidé à lever le pied. Pourquoi risquer ma peau quand tout le monde passe son temps à mentir ?

-“Je comprends. Moi aussi je serai curieuse d’avoir une conversation avec eux.” Nous ne sommes pas les seuls. Je pense que la Yard serait ravie de tenir cette bande de radicaux. Ils ont fait beaucoup de mal sous couvert d’un idéal. Même si je comprends la rébellion dans son essence, je ne suis pas d’accord avec ce qui se passe ici. -“T’as un contact ?” Le réseau d’Hadid était bon en général. Pas impossible qu’il ait trouvé. C’était une enquête qui méritait d’aboutir. Les londoniens avaient envie de savoir ce qui se cachait derrière ces attaques. A mon avis, il ne fallait pas lâcher.

Le changement avait de quoi inquiéter. Pas mal de monde s'interdisent de nouvelles expériences par peur de l’inconnu. Mais, je crois que nous sommes un peu plus courageux que cela tous les deux. -“Mh. Je te conseille de parler de parler à ma mère si tu envisages de reprendre des études.” Maman n’avait jamais cessé de chercher des manières d’agir dans l’intérêt des moins chanceux. Même si le gros de son travail avait été fait dans le sud de l’Inde, je sais qu’elle avait monté une antenne sur Londres. Pendant la période où nous avions migré ici pour grand-maman. Je ne sais pas où en est le programme. Mais, je sais que si elle le peut, elle interviendra en ta faveur. -“Tu es assez futé pour te trouver un plan B. Ça va venir.” On est encore jeunes!

Je caresse la tasse que j’ai entre les mains. Le temps de réfléchir à ma façon de présenter les choses. -“J’arrête le reportage de guerre. Je ne quitte plus le pays. Je vais faire du local.” Valentine et moi étions engagées dans un projet commun. Je n’avais plus envie de fuir à l’autre bout du monde. Maintenant, je voulais bâtir ma maison. Je voulais un foyer. -“Il y a des sujets intéressants ici aussi.” Je n’étais pas encore retournée au bureau. Il fallait que je vois le directeur. Mais, je suis presque sûre qu’il dira oui. -“J’aimerai bien creuser dans les affaires internes, la politique.” Le terrain de guerre était sale et ignoble. Ceci dit, tout commence dans des bureaux bien propres où des gens prennent des décisions.

Même à la coure de justice il y avait de quoi creuser. Le peu que me disait Zac méritait d’être exposé au grand public, un jour. J’allais y aller étape par étape. Protéger mes arrières et frapper. -“Crois moi l’adrénaline on peut la trouver dans des endroits inattendus Prem.”

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Sans surprise, on un gros raccourcis. -“hahaha. Oui. Les gens associent anarchie et désordre.” Une idée fausse qui est largement diffusée dans les médias. J’ai croisé un groupe anarchiste au moment de la fac. J’étais allée à des réunions par curiosité. La base de la pensée anar a de quoi être attirante. Je ne peux pas mentir. -“Mais ça n’a rien à voir. Ils ont une démarche cohérente.” Cela m’avait attirée pendant un temps. Mais je suis bien trop matérialiste pour parvenir à mettre en pratique leur pensée. -“Je te conseille de lire Bakounine sur le sujet. C’est vachement intéressant.” Je suis persuadée que Zac adhère bien plus que moi aux idées. C’est juste qu’il ne veut pas l’étiquette.

L’avenir est incertain. C’est une certitude. -“Heu. Non. Pas fondamentalement. Elle a tout le temps bossé dans le commerce international.” Elle avait fait un cursus pour ça. Je sais qu’il était prévu qu’elle bosse pour son frère à l’usine de Baltimore. -“Je pense au financement de ta formation. Elle a un moyen d’action par le caritatif. Je sais que ça lui fera plaisir de t’en faire profiter.” Je sais qu’elle a cédé la direction depuis un moment. Mais elle est encore dans le conseil d’administration. On ne peut pas aider tout le monde sur Terre. Mais quand on peut intervenir je crois qu’il faut le faire.

-“Carrément. Je suis d’accord avec lui.” Je pense qu’il a tous les éléments pour. -“T’as de quoi inspirer les nouvelles générations. Sans parler des travaux de recherches que tu pourrais faire.” Ne pas négliger l’importance d’avoir des personnes qui pensent la société, qui la réfléchissent. On a besoin de tout, pour faire le monde. C’était une piste valable. Peut-être que mon père a encore des contacts avec son université ? L’aristocratie est un réseau en lui-même ici. Je lui poserai la question.

Le congé durait un moment. Je n’ai pas encore remis le nez dans mes notes. Mais, je cogite sur la suite. -“C’est sympa de me dire ça Prem. ” Je ne pensais pas avoir cette réputation. C’est vrai que mon ancien patron avait été déçu. Sept ans aux quatre coins de la planète. Cela m’avait pas mal claquée. Et puis, il y avait mon père… j’avais failli le perdre pour de bon… deux fois !! -“Je réfléchis.” J’avais quelques idées. Mais, je ne voulais pas d’un sujet qui soit en lien avec ma situation personnelle. Je voulais trouver un point qui me sorte de mon univers.

-“Peut-être creuser sur les conséquences du Brexit. … sur le niveau de vie et le logement.” C’est endémique sur Londres, depuis que je suis gamine. Mais, je sais que ça s’aggrave. Avoir un toit au-dessus de sa tête, l’accès à des soins, c’est le début de tout. -“Faut que je vois ce qui est possible. Qu’est-ce que tu en penses ? ” Toujours bon de prendre l’avis d’un collègue. Je sais que la franchise n’est pas ce qui manque entre nous.

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En allant sur les terrains des conflits j’ai appris énormément de choses. La situation est toujours plus compliquée qu’il n’y paraît. Ce n’est jamais manichéen, parce que l’être humain ne l’est pas de base. Souvent, un peuple se rebelle pour des raisons légitimes. La révolte apparaît face à l’injustice. C’est après que les choses sont compliquées à gérer sur place. Il suffit d’un petit nombre pour manipuler une idée.

Depuis le temps, j'aurais pensé que tu connaissais l’histoire de ma mère. Elle en parle facilement aux personnes qui l'interrogent. Le commerce international a été l’une de ses passions. -“ Les épices. ” Ça ne suffira pas à assouvir sa curiosité. -“Quand elle est arrivée en Inde c’était pour un autre projet, autour du tabac. ” Mes parents avaient bouleversé deux vies en se rencontrant. -“Quand elle a voulu couper la avec sa famille elle s’est tournée vers les épices. ” L’entreprise était encore là. Elle faisait un peu de bénéfice. Beaucoup moins de bénéfices que ses concurrents. Mais, maman n’a jamais recherché le profit à tout prix. -“Mais, sa réussite ne s’est pas tant faite dans la vente que… dans l’avancée d’une culture respectueuse de la nature et des ouvrières. ” Sans son estime d’elle-même, et une bonne dose d’assurance, elle n’aurait pas avancé. -“ Le droit international lui doit quelques victoires. ” A mon humble avis maman aurait été une superbe juge.

N’était-ce pas évident ? Pourquoi donc une femme comme elle serait intéréssée par vous ? -“ Parce que tu as un profil qui lui plaît.” Je souris. -“ Un jeune journaliste travailliste à la recherche de la vérité. Un mec qui a été capable de tenir tête à l’aristocratie anglaise. Celui qui a réussi à détourner Violet Hanovre de la voie toute tracée. C’est facile à voir. ” Je fais une pause et te regarde dans les yeux. Ça va au-delà de vos similitudes. -“Elle vous admire. ”
Je caresse ma bague de fiançailles de mon pouce. Je le fais souvent maintenant qu’elle est là. Surtout quand je pense à Valentine. La question de gérer le besoin de pression, d’adrénaline, s’est posée. Nous avons toutes les deux un parcours lié à ça. Ce n’est pas pour rien si Zac a été dans une unité spéciale d’intervention. Que mon père a été un espion ! On a ça dans le sang. -“L’adrénaline tu peux l’avoir ailleurs.” Prend la moto avec mon frère et tu verras ! -“ Elle reste à l’armée oui. Ce monde est le sien. Elle a demandé une mut’ . Elle a un poste sur base maintenant.” Pour le moment, c’est un changement de carrière qui lui convient. Philip aura ses deux parents avec lui.

J’ai en tête les attaques qu’on m’enverra dans la gueule. Tu en cites la plus grande partie. De toute façon quand on s’en prend à la politique interne, on sait à quoi s’attendre. Le pouvoir trouve un moyen de décrédibiliser la voix. Ça ne m’inquiète pas personnellement. -“ Je n’ai pas de problème avec ça.” Val et moi sommes au clair sur ce que l’on est prêtes à assumer pour le boulot. Elle sait que j’ai besoin que les papiers aient du sens. -“ Je ne veux pas que ça déborde sur la famille. ” Zac a un passé sulfureux. Les parents… Ils avaient eu leur lot.

-“ Je pense que je vais en parler avec eux. Histoire qu’ils se préparent.” J’étais à peu près sûre de leur réponse. Ceci dit, autant faire les choses dans l’ordre. Toi comme moi cherchons notre voie. C’est amusant de voir, qu’une fois encore, nos chemins se croisent. En parler fait du bien. Je me rends compte que je n’ai pas envie de lâcher cette idée. -“ Mais, je sais que toi et moi on a encore de quoi bousculer les choses.” Londres est devenue une de mes terres. Je la vois qui se renferme. Hors de question que j’assiste à ça sans intervenir.

-“Rien à voir… mais… tu pourra me redonner le contact de ta mère ? J’aimerai bien la voir avant de me marier. ” On avait rapidement échangé le jour de ton mariage. Cela m’avait donné envie. Titi était partante aussi.

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Mon dieu, ça jamais. -“Non. Absolument pas! ” Répondis-je en bonne fille de l'entrepreneuse américaine. La question avait été posée. Comme celle de la reprise de l’héritage paternel. Zac et moi avons refusé l’un et l’autre. Pourquoi marcher sur leurs traces ? Leurs gains sont les leurs. -“Je n’ai pas le cuir assez solide pour ça ” C’était honnête. Arriver dans le sud de l’Inde dans les années quatre-vingt, jeune femme blanche…américaine, bouegeoise. Je ne sais même pas comment elle a réussi à convaincre les premiers paysans à parier sur elle. Mais elle avait réussi. Je lui tirais mon chapeau.

A chaque génération, ces exemples de femmes anti-conventionnelles. Je ne pense pas que la fille d’Alexia et Oliver Hanovre avait envisagé être l’une d’entre elle un jour. Je sais que le fait de te rencontrer était un élément de bascule. Maintenant, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Je n’en avais aucune idée! Tout ce dont je peux témoigner c’est de votre bonheur aperçu à votre mariage. -“D’un regard extérieur je peux dire qu’elle est mieux avec toi que “le baron”. ” Le scandale est retombé. Crawley était de nouveau visible dans certains cercles. Ignoble. Pourtant c’était un exemple parmi tant de montre exempté par ses pairs…

-“T’as raison, pas besoin de se précipiter.” Les choix précipités ne font pas bon effet dans une vie. Je pourrais en témoigner.

J’eu un sourire même si j’étais un peu gênée. Personne ne connaît le début de l’histoire à part les de Lascelle. Pour couper avec l’aristocratie anglaise, j'ai repris le nom de ma mère à la majorité. Zac a fait pareil. C’était d’un commun accord. C’est précisément parce que j’ai repoussé la noblesse que j’ai été acceptée dans les rangs du comité éditorial. Depuis, la situation n’est plus tout à fait la même. La naissance de Phil a modifié ma façon de voire les choses. Je ne sais pas si cela va être bien pris. -“De toute manière je verrais à mon retour de congé… pas vrai ? ” Ce qui me donnait une marge.

J’ai eu vent de ton agression à l’époque. Je me souviens que tu n’en as jamais parlé devant nous. Cela m’avait choquée sur le coup. Mais, pareil, mon point de vue à changé aujourd’hui. L’attaque sur nous au manoir n’a pas été sans conséquences! Je sais pourquoi on ne dit pas tout. Pourquoi, parfois, le mieux à faire est de se taire. -“Mmm. Oui. La situation est tendue de ce côté. ” Avec un père militaire de profession, un frère policier, une fiancée officier, je sais que je ne suis pas représentative.

-“Oui, tu peux! ” Je posais mes mains autour de la tasse. Elle était tiède maintenant. Je ne voulais pas formuler les choses de façon maladroite. Je ne voulais pas non plus que tu penses qu’il y avait un problème. -“C’est à propos du mariage en lui-même. C’est un acte fort. Val et moi n’avons pas exactement la même vision des choses. Elle a accepté parce qu’elle sait que j’y tiens. Mais, elle n’est pas convaincue. ” Ce dont nous sommes conscientes toutes les deux. Les invitations n’ont pas encore été officiellement envoyées. Même si l’on organise déjà les choses. -“J’ai besoin d’un avis extérieur. Pour savoir si je dois rester sur mon idée ou pas. ” Est-ce que j’ai raison de vouloir la tradition ? C’est vrai que ça paraît paradoxal quand je regarde mon parcours.

Je ne prendrai pas les paroles pour évangile. Je questionnais tout en bonne reporter. -“L’amour est rarement là où on pense le trouver… ” Les exemples ne manquent pas autour de nous. Il y aurait un truc à écrire sur le sujet. Mais, je vais laisser ça aux sociologues et aux romancières. -“Je dois dire que toi et moi ne sommes pas du tout où on s’imaginait il y a cinq ans! ”

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Mes parents m’ont inspirés, tous les deux, chacun à leur façon. Je me sens plus proche de Papa sur pas mal de points. -“Haha oui. Disons que j’ai été vers la branche paternelle. Mon père a fait beaucoup de missions en mer! ” Oui, je mens effrontément à un bon ami et sans rougir. Papa a fait un métier encore plus dangereux que celui de militaire de carrière. Mais, je ne peux pas en parler aux autres.

Nous sommes d’accord. Tu es un homme bien plus respectueux que l’autre ordure. -“C’est vrai.” Je ne parle pas avec ta femme. Nous ne nous connaissons pas des masses. Mais, j’ai de l’empathie. J’ai trouvé qu’elle a eu du cran d’aller sur la place publique. Le mouvement Me-Too appartient à la génération de nos mères. -“Elle a un accompagnement psy ?” Ce n’est pas un truc à faire tabou. J’ai creusé le sujet et je sais de manière empirique qu’un traumatisme non traité c’est une bombe à retardement. Je préfère en parler plutôt que de te voir avoir des regrets à l’avenir.

-«T’as-t-elle dit pourquoi elle n’est pas convaincue? Quels sont ses arguments?» Je regarde ailleurs pour aider mon cerveau à faire un tri. Il y a eu de longues discussions sur le sujet. Je pense qu’il y a plusieurs strates superposées. Par exemple, ses parents ont appris son homosexualité tardivement, un peu avant qu’elle me présente. -“C’est compliqué de faire carrière en étant une femme à l’armée, alors en étant une lesbienne… ” Ce que je ne peux pas contredire. Notre beau pays n’est pas si progressiste que cela quand il s’agit des questions de pouvoir. Mais ce n’est pas à toi que je vais apprendre ce qu’est la discrimination… -“C’est une fille de divorcés.”

Je me marre doucement. -“Il parait que l’on s’était croisées à une soirée. Mais je ne m’en souviens pas.” Pour être tout à fait honnête j’étais différente à ce temps là. Je buvais plus. Je terminais souvent la nuit avec une inconnue. C’était une autre époque de ma vie. -“Je me voyais au Chilli ou en Alaska.” Oui loin de Londres et des grandes villes pour faire une étude sur un sujet négligé par la société britannique.

Je me souviens que tu n’avais pas de relation fixe. Je me souviens que tu étais tout le temps partant pour venir aux soirées. Toi comme moi on a arrêté d’être des jeunes, je crois que c’est surtout ça. -“Quoi ? Tu fumais des joints ?” Qui n’en fumait pas dans l’équipe en même temps ? Ça faisait partie du truc.

Doit-on tout dire à sa partenaire de vie ? J’en connais deux qui me diraient que “oui”. Mais, je pense que mes vieux sont quand même une exception. -“T’as peur qu’elle te juge ?” Valentine sait quasiment tout maintenant. Mais ça n’est pas venu tout de suite. C’est quand on a décidé d’avoir un gamin ensemble qu’on a posé les cartes sur la table. Toi tu as déjà une fille et une épouse. Je pense que tu ne risques pas grand-chose. -“Après tout ce que je vous ai vu accomplir toi et Violet… je pense qu’on ne peut pas négliger sa capacité d’adaptation !” Ne sousestimons pas une femme qui a su s’extraire de sa condition de naissance. Ce n’est pas rien!

-“Parfois ceux que l’on aime nous surprenne le plus.” Me dis-je en même temps qu’à toi.

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Franchement, les femmes agressées devraient de base avoir un soutien professionnel. Ca me semble indispensable. -“Encourage la à essayer. Je suis même étonnée qu’Alexia ne l’est pas fait.” Ils ne pouvaient pas faire comme s’il n'était rien arrivé à leur fille chérie. Ça a été révélé dans la presse nationale. Bon, ce n’est pas papa qui se sera permis de venir sur le terrain. Ceci dit, tout trauma mérite une écoute professionnelle.

Je souris évidemment très fort. Bien entendu que ma fiancée est une femme extraordinaire. Une fille extra ! Elle comble mon coeur, mes sens, mon esprit. Je veux vieillir avec elle. Je veux prendre soin d’elle et qu’elle prenne soin de moi. -“On fera en sorte que vous vous connaissiez. Phil est un peu petit pour jouer avec Dalia. Mais ça viendra.” Il faut créer les occasions ! Sinon on finit par avoir des regrets. -“Ah oui, Oscar, c’est une bonne idée.” Je note le tuyau. Même si maman a un œil artistique, je ne vais pas lui demander de faire ça, le jour du mariage de sa fille. -“Je vais voir avec lui. Merci.” C’est une bonne idée. J’aime bien bosser avec lui.

Bon, après qui n’a pas cherché à planer d’une manière ou d’une autre! -“C’est davantage dans la culture allemande. Je ne serai pas étonnée qu’elle ait testé.” L’aristocratie a accès à tout ce qu’elle veut. La jeunesse dorée teste les bons produits illicites. C’est un secret de polichinelle. Violet était une enfant sage, une bonne élève, la fille parfaite de ses parents. Les enfants modèles ont aussi cherché les limites du cadre et parfois plus ardemment que les autres.

Je reconnais que je n’étais pas préparée à entendre parler de putes. Que tu sois un mec à fille oui. Mais la rémunération du sexe c’est différent. Je recule mon dos, contre le dossier de la chaise, un peu sonnée. Pourquoi un jeune mec séduisant passe par les travailleuses de nuit ? -“Violet ne t’as jamais demandé les détails ?” Probablement pas. Comme elle-même avait son passé à gérer. Je saisis en quoi l’affaire est délicate. C’est une chose d’avoir des aventures d’une nuit. C’en est une autre de faire une transaction pour service sur mesure. Je connais quelques catins de notre génération. J’avais été les questionner à mes débuts pour faire un papier sur les métiers sans protection sociale.

J’ai un sourire. -“Oui ça va changer le regard. Mais un changement ce n’est pas forcément négatif.” La plupart des gens redoutent le changement. L’inconnu fait peur. C’est un réflexe naturel. D’autant plus que vous avez une histoire particulière vous deux. Je peux comprendre que tu n’ais pas envie de ramener des choses compliquées entre vous. En même temps, le sujet peut aussi approfondir votre relation et vous rendre plus solides. -“Si c’est un jugement moral que tu crains, le mieux c’est d’être au clair avec toi et avec elle, sur ce qui t’as motivé à le faire.” Je n’en sais rien et ce n’est pas à moi de poser les questions. -“Pour être à même de le lui expliquer.” De toute façon le sujet de la sexualité est embarrassant pour beaucoup de monde. Quel dommage.

Je trouve ça intéressant. Violet a été mariée à un homme riche et influent. Pour certaines personnes cela suffit pour sous entendre qu’il y a une sorte de proxénétisme. Une jeune et jolie jeune femme va accepter de donner des faveurs en échange d’un confort matériel. Les mariages arrangés induisent ça par nature. -“Mh. Intéressant.” Je tapote le bord de la table pour rythmer ma pensée. -“Je pense que je le dirais. Mais pas en le faisant sonner comme une confession coupable. Parce qu’en soi tu n’as rien fait d’illégal… ” Je te sonde au cas où. Pas de mineure ? Pas de violence. -“Tu peux l’amener comme une discussion sur le rapport au sexe, au corps, aux expériences.” Qui sait, si ça n'amène pas des idées pour enrichir vos activités intimes ?