Même si la tentation est là Keenan ne revient pas piquer autour du soin psychologique. L'interlocuteur est fûté. Il peut rapidement retourner l’arme contre elle. Elle n’en a pas envie. Elle en a assez de Cruz et des autres et de leurs petits conseils. Il y a des chapes solides pour enfermer ses traumas. Elles sont très bien. Il faut seulement éviter que quelqu’un tape trop fort dedans. Jessica sait se défendre.

_ « Et vous vous dites ça parce que vous êtes un homme. » Rétorque-t-elle de nouveau narquoise. Jess a évolué dans un cercle où chacun tente de repousser les effets de la vie. Pas de graisse, pas de ride, pas de souci de santé, rien qui ne dépasse. Néanmoins le temps impose sa marque. A partir de là c’est une descente droit vers l’Enfer. « Un homme qui vieillit devient “charmant”. Une femme devient laide. Je n’ai pas envie de me voir dépérir, faiblir. Y a aucun intérêt. » La barre des trente cinq ans a déjà été un coup dans son ventre. Rien qu’à imaginer avoir quarante ans un jour la rouquine déespère parfois.

_ « Où le voyez-vous l’équilibre ? » Ce qui est une vraie question. Keenan est une femme avertie. Elle sait beaucoup plus de choses que d’autres de sa génération. Sans être cynique sur tout, elle est réaliste. Plus que cela elle est lucide sur leur société. Le système est emballé. Il n’y a rien à faire pour l’arrêter. C’est trop tard. Face à cela soit, on se bat comme Liam et on perd. Soit comme elle on en profite tant que c’est là. « Il y a un côté courageux à y croire encore. Je respecte ça. Personnellement cela fait un moment que je ne vois pas l’intérêt de sauver notre espèce. » Je regarde de biais vers le bon docteur. Elle sourit amusée. Ils sont aussi obstiné l’un que l’autre dans leur posture. Il a beau se montrer moins direct, il croit autant qu’elle à ce qu’il lui dit. « Si un jour vous me donnez une preuve valable j’accepte de reconsidérer la question. » Si la forme est en défi, l'ouverture d'esprit, est bien là.

Ils continuent. Lorsque lui fait une grimace, la même moue, atterrit sur les traits de Jessica. Les paroles de bonne charité chrétienne lui passe au-dessus. Même si elle s’imagine bien que Liam croit en ce qu’il lui dit. C’est presque touchant en réalité de tomber sur un homme qui a encore un idéal.

_ « Pitié non. » S’amuse donc la jeune femme avec le médecin. A la mention de pensées premier degré, elle hausse un sourcil circonspect. Elle lorgne le cinquantenaire. Le second degré la fait sourire en coin. Elle rit doucement. Ce n’est pas avec elle qu’il faut jouer sur ce plan. Jess n’est pas du style à faire des jeux de langages. Quand elle a envie de quelque-chose elle le dit et surtout elle le fait. « Donc on est là pour jouer aux docteurs ? » Elle fait mine de lui tendre la tasse mais elle recule la main au dernier moment.

En bonne vraie provocatrice, Keenan s’approche de lui. L'envie de déstabiliser Liam se lit dans ses yeux rieurs. Elle l’attrape lentement par la veste, elle le tire vers elle, et l’embrasse sans aucune timidité. Le baiser tient jusqu’à un peu de langues. Le corps de la rouquine est déjà collé contre celui du cinquantenaire. Jess détache lentement sa bouche, croise son regard, sans aucune gêne et sourit un rien malicieuse.

_ « Vous êtes toujours sûre de vous concernant l’animalité ? » Elle lui attrape doucement une main pour la déplacer, la guider qu’il l’enlace, qu’il touche sa silhouette de façon moins professionnelle que dans le cabinet. Elle se demande s'il va oser ou la repousser. Mais en tous cas, elle s'amuse bien. « Qu’est-ce que ça vous évoque Liam le philosophe ? » Demande la Tigresse joueuse et maintenant charmeuse.

Jessica a un regard de biais sur son interlocuteur. Elle le lorgne avec un mélange de circonspection et de moquerie. Un homme blanc de sa génération ne voit pas/plus l’inégalité du genre. Elle est pourtant présente absolument partout, de la vision dans les médias, aux salaires, jusque dans les diktats de société. Chaque jour, les discriminations se manifestent. Une femme doit être sage, mais un peu pute. Une femme doit avoir de l’ambition, mais faire des enfants, puisqu’elle est venue sur terre pour ça. Une femme doit avoir une opinion sur les choses mais ne pas contredire le Patriarche.

_ « Liam ? Vous êtes conscient que votre posture est encore très minoritaire dans cette société ? » Où a vécu ce médecin pour croire qu’il en est autrement ? L’avocate se demande même s’il ne fait pas exprès de prêcher le discours opposé au sien pour entretenir leur débat. Mais, elle se souvient qu’il a une fille. Donc, il y a bien un moment où il a été confronté à l’inégalité latente entre homme et femme. « Demandez à votre fille si elle ne ressent pas l’inégalité de base… » Quelqu’un qui le connaît bien arrivera probablement à lui ouvrir les yeux.

_ « Je ne parles pas que de l’Angleterre. Je vous parle du monde en général. » Avec une lucidité, cynique, la Tigresse regarde le XXI siècle s’écrouler sur lui-même. Cela fait longtemps qu’elle prévoit la fin de la Civilisation contemporaine. Elle n’est pas la seule à le penser. La seule différence qu’elle a d’avec les experts c’est qu’elle n’a pas peur de ça. Elle en profite. C’est facile d’exploiter la cupidité, la peur, ou le malêtre des clients riches.

Puisque Jessica est une femme de l’action, il est logique qu’ils en viennent à donner une preuve par l’exemple. La jeune femme est surprise pendant un quart de seconde que le docteur l’embrasse en retour. Bien qu’elle se sache désirable, elle ne pensait pas jusqu’ici qu’un homme comme lui agirait. La délicatesse du baiser la laisse à court de stratégie. D'autant que c'est loin de lui déplaire. Ca lui change. Elle vient poser ses mains sur ses hanches.

_ « Je vois ça oui. » Lui répond la rouquine, amusée, taquine, sans pour autant être mauvaise. Elle lit en lui un désir physique qui l’étonne un peu et l’intrigue. Il ne correspond pas du tout aux hommes de sa génération. Ceux qui viennent chercher chez Jessica le crue. Pour cela aussi il est en opposition. Elle lui caresse lentement les hanches et se demande quoi faire. C’est un baiser sur sa gorge qui lui fait miroiter quelque-chose d’agréable. La perspective d’un échange différent de ce qu’elle a pour habitude de consommer. « Comment va-t-on faire docteur ? » Elle descend une main pour caresser sa fesse et la pincer, plus doucement qu’elle en a l’habitude. « Parce que là…. vous m’ouvrez l’appétit. » Dit-elle pour continuer à jouer avec lui. Elle le tire de nouveau contre son corps et s’y caresse, lentement, sensuellement, en allant retrouver ses lèvres. Car Jess est une allumeuse, mais surtout, elle adore le sexe. Il n’y a que dans ça qu’ils sont égaux et que le plaisir transcende le reste.

_ « Montrez-moi ce que c’est que là non animalité. » Ainsi se pose le deuxième défi entre eux. Quand on joue avec Keenan il faut être prêt à jouer jusqu’au bout.

_ [/b]« Oh mais je vous empêche pas de parler. Mr Le Professeur ! » Contrecarre tout de suite Jessica sans se départir d’un sourire de féline. Une déformation professionnelle est à l’épreuve ici: celle de plaider pour sa propre paroisse. Hawkins peut se tromper de chemin. Si c’est qu’il veut absolument après tout. Elle ne va pas l’empêcher de se perdre. Le libre arbitre c’est cela. Ou bien ce que l’on prétend appeler le libre arbitre. Quant à sous-entendre qu’elle a un côté superficielle ce n’est pas ce qui peut la toucher, ou la faire réfléchir. Jess est très au clair sur pourquoi son apparence physique est importante. Elle n’est pas naïve comme beaucoup de filles de son âge qui disent s’être émanciper de du poids de l’apparence. « Pourquoi plus qu’il n’est utile ? Tout dépend de ce que l’on fait de son corps docteur. » Un sourire au coin de la bouche assume le double sens de ce point. Décidément les chevaliers blancs ont du mal à ce qu’une autre catégorie que la prostituée se serve de son corps comme d’un atout. Dixit Lemoine et ses préjugés. « Dans mon cas c’est ma première arme d’attaque. »

_ « Tant mieux. Qu’elle le fasse. » La rousse imagine bien comment cet homme a du préparer ses enfants aux grandes batailles contemporaines. Il faut des vaillants. Tout est une question d’équilibre. Une avocate en a plus que conscience. C’est seulement après une question de choix. D’ailleurs, c’est ce qu’ils disent depuis le début de cette discussion. « Et ce n’est pas parce que j’utilise les machos que je les approuve. Mais vue tout le travaille de fond à faire autant se servir de la stupidité. C’est moins énergivore. » Jess ne connaît pas encore assez cet homme pour aller lui conter ses expériences négatives. Les combats d’ados perdus. Les violences et les craintes emmagasinés pendant sa vingtaine. Ca ne changerait rien au débat qu’ils ont.

Ils ne se froissent pas complètement. C’est le principal. Jessica aime contredire ceci dit elle n’a pas suivit Liam ici pour se disputer. Elle le fait assez pendant la semaine quand elle est sur le paquet devant ses confrères. Les rêveurs sont mignons. Ils lui rappellent seulement pourquoi elle-même n’est plus comme ça depuis longtemps. Ce n’est ni bien ni mal. C’est ce qui est. Ils n’ont qu’à s’y adapter et passer à des choses plus agréables.

La rousse observe son aîné. Elle est fûtée. Elle sent l’aimatation qui opère entre eux. C’est totalement imprévu. Mais, ceci dit ce n’est pas une raison pour repousser une opportunité de s’amuser. Jess est quelqu’un qui est continuellement en recherche de sensations. Elle veut de préférence des sensations fortes. Liam n’est pas de ces gars qui vont la retourner et la faire hurler. Elle le sait. C’est son expérience qui attise la curiosité de la jeune femme. Elle lui rend le baiser et mord doucement sa lèvre inférieure sur la fin.

Elle joue donc le jeu avec entrain. Ca débute par des caresses surprises le long du chemin. C’est amusant. Cela rappelle à Jess des années qui ne sont pas si loin. Elle entre au chaud avec soulagement. Tout de suite elle retire le menteau et vient dans ses bras, en ondulant comme un joli serpent. Ses mains sont directes et fouillent au travers des couches pour le réveiller et exciter son envie d’homme. Il y en a avec qui c’est facile. Quelques mains bien placées et le tout est lancé.

_ « Alors ? » Souffle-t-elle reculant un pas après l’autre sans le quitter des yeux. Elle n’a pas peur. Keenan est une fonceuse. Ses doigts trouvent la boucle de la ceinture au pantalon pour la défaire alors qu’ils marchent. Elle a dans les yeux une flamme de conquérante. C’est une prédatrice née… ou plutôt on en a fait une très vite. Elle se frotte contre lui pendant que sa main tente de défaire la pression du vêtement. Il ne fait plus du tout froid. L'ombre derrière son épaule semble avoir momentanément disparue.