Il y a JB que je n’ai pas encore vue assez longuement pour le remercier lui aussi. Mais je vais le faire. Déjà voir deux personnes en même temps c’est pas mal. Heureusement que c’est ici. Je ne supporte pas du tout l’extérieur, le monde, le bruit. Une réaction normale après six mois coupés du monde. J’ai beaucoup pensé aux personnes qui ont la prison à vie. J’y pense aussi quand je n’arrive pas à fermer l’œil. Maintenant, je sais que c’est la pire des sanctions au monde.

Je souris en voyant Marlon avec une bière. Je ne peux pas moi. Je suis épuisée. Trois gorgées et je suis fracassée. C’est vraiment la loose car je suis connue pour être une bonne vivante. Mais je me dis que ça reviendra. Je souris. Voilà une image plus ordinaire. J’ai aussi beaucoup pensé à chacun d’eux. Remémorer des souvenirs pour ne pas devenir folle. Ca m’a aidée à tenir contre le silence et la peur. Aussi pour ne pas oublier qu’il y avait des gens bien dans ce monde. Je ne sais pas comment j’ai fait en réalité.

Je ne répond pas trop à Rylee sur mon sommeil. Je n’ai pas envie de faire peser ce sujet maintenant. Je lui en parlerais après. Je sens que le Tank danse sur deux pieds aussi. Autant ne pas augmenter la gêne. Je pense qu’un jour je leur en parlerais. Je leur raconterais ce qui s’est passé. Je donnerais les détails de ma captivité. Mais pas encore.

« C’est super pour vous deux.» Enfin c’est ce que je le dis. Mais c’est vrai qu’il a l’air de prendre la nouvelle avec mesure. J’écoute les deux parler du sujet. « Je comprends que ça te fasses un peu flipper.» Ca ne va pas de soi de changer de mode de vie. Le changement ça inquiète. Rylee, t’as émis des réserves pour qu’on vive plus ensemble. Je me souviens de ça. Mais, on ne doit pas sous-estimer notre capacité d’adaptation. Ca je le sais maintenant. « Vous prendrez le temps qu’il vous faut pour trouver un équilibre. .» Telle qu’on la connaît Sam va se trouver mille et une activité bénévole. Ils vont s’accorder. En tous cas il faut qu’il y croit. « Ne sous-estime pas votre intelligence collective Marlon. Ca va bien se passer.» Quoiqu’il arrive de n’est pas la peur qui sera la meilleure conseillère.

Je les regarde chacun leur tour. Je pose doucement la cuillère dans mon bol. Je sens que sous l’humour il y a un autre truc. Alors j’ai bien saisi que les mois ont été durs. Je sais qu’il y a eu des dérapages. Que Zac a été compliqué à gérer pendant l’enquête… Mais Rylee ne me dit pas grand chose sur la Strike non plus. Je ne sais pas si c’est volontaire ou si c’est qu’elle est concentrée sur nous.

« Zac ne gère plus l’administratif ?» Marlon sera peut-être plus près à me dire ce qui ne va pas. Je suis fatiguée d’accord. Mais, je suis la mieux placée pour comprendre “Junior”. J’ai grandi avec lui. Je peux les aider. J’en ai envie. Ils ont fait tellement pour moi tous et toutes…

J’ai toujours été partagée entre l’admiration et l’effarement de voir comme ils arrivent à rire de tout. Zac a le même fonctionnement. Peut-être moins Jean-Baptiste. Mais, tous les quatre vous me faite penser à des vieux chevaliers. Des guerriers qui ont vus tellement de batailles qu’ils n’ont plus vraiment peur. Alors, qu’on sait que c’est faux. Rylee, tu aurais pu te prendre la balle autre part. J’y pense beaucoup. C’est l’un de mes cauchemars récurrents te concernant. Mais je n’arrive pas encore à te le dire. Tu en fais déjà tellement pour m’aider.

« Ne t'inquiète pas Marlon. Je suis là. Je vais l’empêcher de faire des bêtises.» Disons que je veux juste être sûre que tu vas tout récupérer de tes forces. Pour ça je sais que les garçons seront d’accord avec moi. C’est bien, pour une fois oui tu vas te poser. Il n’y a pas de mal à ça. Au contraire c’est plutôt une forme de sagesse, surtout dans ton cas. « Si elle en fait trop je t’appelle Marlon..»

« Qu’est-ce qu’il y a ? »Pourquoi me regardes-tu comme ça Rylee ? Je ne sais pas ce qu’ils ont les deux. Mais je sens qu’ils se disent un truc en silence. Enfin, je suis trop fatiguée pour chercher plus loin. Si je dois savoir ils finiront par me le dire.

« Ouais c’est vrai...» Même à l’école c’était comme ça. Zac n’aime pas rédiger. Ce n’est même pas qu’il ne sait pas. Il y met la mauvaise volonté d’un démon. Je me doute que ça ne doit pas être simple tous les jours. Dans une autre circonstance j’aurais proposé de plaider leur cause devant lui. Mais pas cette fois. C’est trop dur avec lui depuis mon retour. « Une petite formation au pir.» Ce qui est un rien sadique quand on connaît mon frère. Mais il cherche un peu.

Je les écoute discuter du reste de l’équipe du Yard. J’aime bien les regarder parler ensemble. J’aime bien entendre leurs voix posées. C’est comme dans mon souvenir. Ca me fait du bien de retrouver ça. Je m’en rend bien compte. Mais à un moment, la fatigue revient me donner un coup de massue. Je ne lutte pas. Je pose le bol et j’attrape un des plaids pour m’allonger sur le canapé. Ceux sont leurs voix qui me restent dans l’oreille pendant que je m’endort. Pour une fois, je ne suis pas tendue. Il n’y a pas de frissons. C’est une espèce de paix qui m’entoure comme un doux cocon. Ca fait du bien d’être rentrée à la maison.