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Dry the rain. | Andrea
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Janvier 2025.

Dry the rain.
Andrea & Llewyn

Un frisson glacé lui mordit la nuque. Llewyn s’ébroua pour chasser la sensation de froid humide qui s’insinuait sous son cuir. Elle enfouit un peu plus profondément sa main libre dans sa poche et rentra les épaules pour se réchauffer, les yeux rivés sur le plancher des vaches qui se noyait lentement à quelques pas de là. La rouquine entendait l’averse marteler à un rythme irrégulier le toit d’aluminium du carport sous lequel elle s’était réfugiée. Une pluie lourde et usante s’écrasait à grosses gouttes sur la ville depuis plusieurs heures déjà, ajoutant un soupçon monotone de grisaille parfaitement inutile à une Londres qui souffrait déjà suffisamment du mauvais temps comme ça.

Elle se redressa en grinçant quand une bourrasque de vent chargée de gouttelettes lui frappa les cuisses. Un long filet de fumée s’échappa de ses lèvres pincées, et elle jura dans toutes les langues qu’elle connaissait, s’insurgeant contre le Dieu qui leur pissait joyeusement à la gueule de la sorte, avant de reporter sa cigarette à ses lippes. Llewyn s’installa un peu mieux contre l’aile avant de la Golf anthracite dont les feux allumés éclairaient la route. À nouveau elle frissonna de froid, comme une autre brise glaçante soufflait ses joues couvertes d’éphélides.

La jeune femme rabattit un peu plus son capuchon sur sa tête, tant pour se protéger des températures que des yeux indiscrets qui passaient de temps à autres en voiture. Ses yeux clairs balayèrent la rue et, ne trouvant rien de bien pertinent à accrocher, son regard tomba sur ses chaussures. Le cuir de ses grolles avait lâché à un endroit, dans un pli d’usure qui, mouvement après mouvement, avait rongé la peau tannée. Elle ne s’en était rendue compte que quelques minutes plus tôt, en posant le pied dans une flaque trop profonde. La sensation de chaussette mouillée, particulièrement désagréable, ajoutait à sa bonne humeur.
Elle aurait aimé être ailleurs. À l’abri du temps maussade, bien au chaud dans l’un des rades clandestins qu’elle avait l’habitude de fréquenter. Nul doute qu’elle y terminerait la soirée lorsque le travail serait fait. Bientôt, donc, si son rendez-vous daignait se présenter à l’heure. Songeant à ce dernier point, elle fouilla la poche droite de son blouson à la recherche de son téléphone. Ses doigts engourdis malgré les gants qu’elle portait tâtonnèrent difficilement le bouton de verrouillage du portable. Quand enfin l’écran s’illumina, ce ne fut que pour annoncer qu’il n’était pas encore tout à fait vingt-et-une heure trente. Llewyn attendait depuis quelques minutes seulement, mais le temps semblait s’étirer irrémédiablement ce soir.

Elle soupira. Une épaisse colonne de fumée blanche se mêla à l’atmosphère lourde et poisseuse de la nuit. Le tabac et le goudron dont ses poumons se sustentaient avec tant de plaisir furent rapidement chassés par la pollution ambiante. La capitale anglaise, depuis son émancipation de la sacro-sainte Union européenne, avait fait un pied de nez monumental à toutes ses bonnes résolutions de préserver l’environnement. Le grand retour du charbon, en plus d’avoir indigné la Communauté internationale, faisait peser sur la ville un nuage brunâtre, sans doute dangereux, qui ne manquerait pas de tous les asphyxier, mais offrait aux paysages un cachet saisissant d’authenticité qui rappelait étonnamment l’ambiance du siècle industriel.

C'était bien la peine d'avoir fui Belfast en espérant prolonger son espérance de vie pour la raccourcir d'une bonne dizaine d'années en suffoquant sur l'air contaminé de Londres.

Et, se faisant cette réflexion, Llewyn inspira une longue bouffée de tabac.

Il était plutôt rare de la voir sans une clope au bec lorsqu’elle patientait ; à croire que les Lucky Strike étaient une extension pure et simple de son corps impatient. L’Irlandaise faisait passer le temps en vidant son paquet de cigarettes, un clou de cercueil entre les lèvres et un reste de fumée s’échappant à chacune de ses expirations. Chaque homme avait ses petites astuces pour tuer les minutes. Faire les cent pas, s’abrutir sur les réseaux sociaux, jouer nerveusement avec ses clés … Elle, elle avait choisi un poison, le tabac pour nécroser ses poumons. Le cancer les guettait tous, de toute manière.

La jeune femme releva les yeux en voyant se profiler au bout de la rue les phares d’une nouvelle voiture. Elle se débarrassa de son mégot sans grand respect pour l’environnement quand le véhicule sembla ralentir et releva son cache-nez pour dissimuler les traces de rouille qui lui mordaient le nez et les joues. Llewyn se redressa et, méfiante, attendit avec une certaine crispation dans les muscles que le chauffeur sorte de l’habitable. Aveuglée par les feux braqués sur elle, elle ne parvenait pas encore à distinguer le visage de l’homme derrière le volant. Elle le devinait, pourtant : Andrea Vaughan. Détective privé, rattaché aux Italiens - en dépit de la couleur de son patronyme -, grand brun aux yeux noirs. L'expatriée avait encore en mémoire la photographie qu’on lui avait montrée. Il ne s’agissait pas de livrer des informations à la mauvaise personne.
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07.04.20 2:45
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Dry the rain
Llewyn & Andrea
Méfie-toi des irlandais, méfie-toi des italiens, méfie-toi des anglais qui n'aiment ni les uns ni les autres sachant que tu as des origines de chaque côté. Attention aux flics, les privés sont mal vue, n'oublie pas que les avocats - tes employeurs et les autres - ne veulent que briller devant le juge. Pense bien que ton ex la juge t'appellera exclusivement pour s'informer des dernières enquêtes. Surtout surveille tes arrières dans les ruelles sombres - elles le sont toutes, ici. Chaque pékin est potentiellement dangereux de toute façon, rien ni personne n'est innocent ;
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La journée démarre sur ses joyeuses et optimistes pensées. Un léger reste de migraine me tire du lit et trouve son sens lorsque j'aperçois les deux verres sur le comptoir près d'une bouteille entamée laissée ouverte. Je lui passe le bouchon dans un soupir puis vérifie que je suis bien seul dans l'appartement.
Il est près de neuf heures lorsque je rejoins les bureaux de ces plaideurs arrogants et l'envie d'aller me perdre à des kilomètres, dans ce qu'il reste de campagne à peu près épargnée par le nuage nauséabond du pays, me saisit fortement. Mais il est trop tôt. Si je veux pouvoir continuer de vanter mes qualités, impossible de réduire les heures de boulot ;

" Écoute, Andrea, je sais que c'est délicat et je doute que tu aies des relations avec ces extrémistes, mais crois-moi ils ont plus d'une raison de détester ce type. Si irlandais soit-il. Trouve-moi encore quelques crasses pour le faire tomber définitivement. "

La migraine vient peut être de cette pseudo mission, en fait.
S'il en sait tant, pourquoi maître Harper ne récupère pas lui-même ses infos ?! J'ai monté de A à Z pour lui et les derniers détails nous échappent.
Non, je ne supporterai pas qu'il les trouve. Je le vois d'ici s'attribuer tout le mérite alors que j'ai fait quatre-vingt pourcents du taf.

~

J'avoue avoir manqué de subtilité quand je suis entré dans cet établissement officiellement - et populairement - irlandais. Avec tous les sous-entendus que cela implique. Je me suis attablé, j'ai souris, bavardé, séduis - essayé du moins, et me suis fait meilleur public que je ne suis. Leur humour est douteux, mais j'ai fait l'effort ;
Après plus d'une heure au milieu de ces blonds, j'ai évoqué le nom.
Et l'explosion a eu plus de répercussion que je pensais. On m'a pris à part et il a fallut que j'explique - quitte à prendre le risque de me justifier devant des partisans du fameux gus - qu'il s'agissait d'un procès. Finalement, l'avocat avait vu juste : il n'est pas aimé. Du tout. On m'a lâché la grappe et j'ai pu me retirer sans mouchard. Sans ennemi. Je crois.
J'espère.

C'est en fin d'après midi, une poignée d'heures plus tard, qu'un message arrive sur mon portable pro - bon en réalité je n'en ai qu'un - pour me donne rendez-vous. Apparemment ils veulent bien filer des infos. On sait très bien ce que cela signifie, ils vont vouloir tirer profit de la situation. A moins que la lourde condamnation qui va tomber sur leur traître suffise, mais j'en doute.
Loin de me douter qu'ils ont fait le lien entre mes agissements et les italiens, à des années lumière d'imaginer qu'ils pourraient vouloir se renseigner sur le procès d'un camarade ou encore me demander de supprimer des preuves dans un cas gênant, je fonce tête baissée.
Pas le choix.

Même si j'ai tendance à être habitué au temps de merde, celui d'aujourd'hui est sacrément dégueulasse. Il parvient à me décourager de monter la Harley. C'est en voiture que je rejoins le lieu donné. Glauque. Pour leur défense je ne vois pas un coin chaleureux en ville par cette météo.
Je repère les feux du véhicule d'assez loin malgré l'opacité de l'atmosphère. Entre pluie, brume et pollution, je tire le frein à main à quelques mètres et plisse les yeux pour essayer de rendre la silhouette inconnue plus nette. En vain. Je fais mes poches à la recherche d'une arme inexistante avant de quitter l'habitacle en me faisant violence.

" ...'soir. "

Trois secondes, je suis trempé. L'eau ruissèle sur mon cuir et j'apprécie de voir les mêmes reflets sur la croûte de son vêtement. Madame a bon goût, donc, mais reste imprécise à ma vision. C'est elle qu'ils envoient pour me livrer quelques révélations. J'ai bizarrement moins d'appréhension face à sa petite stature ; je reste prudent néanmoins, gardant une distance suffisante et un œil sur ses mains.

" Comment ça s'passe ? Je dois vous présenter une carte professionnelle ? "

Je souris, pourtant rien n'est amusant. Disons que je n'ai jamais été si directement en contact avec l'IRA. Ce doit être l'émotion.
En fait-elle vraiment partie ? Quelles sont mes certitudes sur son cas, sur la qualité des infos, l'éventuel piège dans lequel je tombe ? Va-t-elle seulement coopérer ?
Une inspiration pour retrouver mon calme.

Sa présence prouve qu'ils sont intéressés par le sujet.
Que la partie commence.
(c) princessecapricieuse


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07.04.20 11:51
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La portière conducteur s’ouvrit bien rapidement, électrisant considérablement l’atmosphère. Discrètement, sur ses gardes, la rouquine se tendit davantage, prête à faire un bond en arrière et à glisser sur le capot pour retourner derrière son volant et écraser la pédale d’accélérateur si la situation n’était pas celle attendue. Elle retint son souffle comme un ponteur malchanceux qui jouait sa vie à la roulette russe, maudissant le contre-jour qui dissimulait les traits de l’inconnu. Son Jericho, laissé dans la boîte à gants, lui manqua instantanément. Elle se rassura comme elle le put de la présence de son couteau-papillon dans l'une des poches de son blouson ; consciente malgré tout qu'un balisong faisait un bien piètre pare-balle. Finalement, les quelques pas qu’il amorça dans sa direction pour s’abriter de la pluie suffirent à révéler son visage. Sa poitrine retrouva immédiatement sa liberté quand elle reconnut la gueule de la photo. À moins d’un jumeau maléfique qui chercherait à lui nuire, elle ne doutait pas une seule seconde de l’identité de l’homme.

« … 'soir. »

Un hochement de tête pour toute réponse, Llewyn jaugea de ses orbes perçants la silhouette de son interlocuteur. Plutôt grand, une bonne tête de plus qu’elle, à première vue. Les épaules larges, le cuir aidant sans doute. Il avait la quarantaine passée, une barbe lentement grisonnante, des rides d’expression marquées et le teint un peu terne de l’homme qui était plus proche de la cinquième décennie que de la précédente. Charmant, sans doute, si on aimait le genre.

Aucun mouvement hostile de sa part, l’inconnu se montrait au moins aussi méfiant qu’elle. Il entama le dialogue :

« Comment ça s'passe ? Je dois vous présenter une carte professionnelle ? »

Llewyn haussa les sourcils. Le type ne devait pas être habitué à traiter avec l’Armée véritable puisqu’il ignorait leur manière de faire.

« Bien-sûr. J’ai besoin d’un certificat de naissance et d’une attestation de domicile, aussi. »

S’il doutait encore de son affiliation aux Irlandais, l’accent qui crevait chacun de ses mots trahit sans mal les origines de la jeune femme. On pouvait difficilement imiter avec tant d’authenticité les petites inflexions si caractéristiques des habitants de l’Île d’Émeraude, moins encore lorsqu’ils étaient originaires de Belfast.

Le cache-nez qui dissimulait toute la partie inférieure du visage de la coursière ne permit pas à l’Anglais d’apprécier le sourire moqueur qu’elle esquissa. Llewyn échappa un soupir amusé en se décrochant de l’avant de la voiture pour ouvrir la portière passager de la Volkswagen mise à disposition pour les courses de la journée. L’habitacle empestait la clope froide sur fond de désodorisant parfum vanille. Le mélange d’odeurs lui prit les narines et lui souleva le cœur comme elle se penchait pour récupérer une enveloppe en papier kraft. Les documents qu’elle contenait ne pesaient pas bien lourds mais devaient être suffisamment précis pour renseigner le détective. Les Irlandais avaient cette qualité toute particulière d’être directs, tant dans leurs conversations que dans leurs échanges d’informations. On ne s’embarrassait pas de ronds de jambes et de papiers inutiles à l’IRA, par manque d’intérêt pour les banalités autant que par souci de gagner du temps.

La jeune femme claqua la porte métallique derrière elle. Elle fit quelques pas en direction de son interlocuteur mais s’arrêta malgré tout à bonne distance. Dans un geste sec et précis, elle lui tendit le paquet dont elle ignorait le contenu exact. En tant que transporteuse, son rôle n’était pas de savoir quoi, mais , quand et à qui. Combien, parfois. C’était aussi simple que cela. Pas de questions, pas de commentaire ; elle se contentait de livrer ce qu’on lui remettait d’un point A à un point B en veillant à ne pas trop laisser traîner ses yeux et à ne pas éveiller les soupçons. Elle ignorait donc les petites manigances entre ses supérieurs et le grand brun qui lui faisait face. Sa curiosité presque maladive lui mordait pourtant la nuque, et il lui fallait faire un effort immense pour fermer sa gueule.

La rousse fit un pas en arrière quand il récupéra l’enveloppe pour lui laisser un peu d’intimité et le temps de contrôler que les Irlandais ne tentaient pas de l’entuber. Elle enfonça ses mains dans ses poches et suivit avec précision ses réactions, s’attardant sur son visage plus que sur les documents entre ses mains pour ne pas risquer d'entrevoir quelque chose qui ne la concernait pas. Immobile, elle se laissa aller à frissonner de froid une nouvelle fois.
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07.04.20 14:44
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Dry the rain
Llewyn & Andrea
Méfie-toi des irlandais...
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Pour commencer, la jeune femme ne répond pas.
J'ai choisi de considérer qu'elle est jeune, oui, car autant lier l'utile à l'agréable. Je ne vois pas son visage, bien trop masqué, je peux simplement deviner la suite des rares traits visibles derrière le rideau de pluie. Des yeux joliment esquissés d'une couleur assez remarquable, pas de trace de vieillesse sur les lignes du front - ce qui ne l'empêche pas de cacher quelques mimiques fendues, et je n'ai pas le loisir d'observer ses mains protégées.
Autant imaginer un joli tableau, voyez.

Joli, mais guère poli. Aucune réaction à ma salutation, je mets ça sur le compte d'une timidité bien peu crédible et m'avance d'un ou deux pas. Il semblerait que le froid se soit insinué dans tout son être. Pas grande, elle se réduit encore, courbée par l'humidité. Je me demande si j'ai bien respecté l'heure du rendez-vous.
Suite à ma question, l'irlandaise daigne répondre. Le ton est cassant, direct, écorché. Hm, et l'accent, j'adore. Si elle n'est pas directement rattachée à l'IRA cette demoiselle est irlandaise c'est une évidence.

Je fronce légèrement les sourcils en essayant de savoir si elle se fout ouvertement de moi - derrière son écharpe, ou si elle est sérieuse auquel cas je suis bien mal renseigné sur les procédures de la fameuse Armée.

Les deux secondes qui s'écoulent sont une prise de risque modérée. Je préfère la laisser enchaîner plutôt que de me ridiculiser en sortant ma carte. Bout de plastique auquel je tiens et pour une fois la photographie n'est pas trop mauvaise ;
Aucune réclamation, elle s'enfonce dans le véhicule et je prends mon mal en patience, mains au fond des poches pour éviter de perdre un doigt. Finalement je la vois me tendre une pochette que je récupère sans montrer trop d'avidité. Ce n'est pas non plus mon procès, ma plaidoirie qui est en jeu. Juste un peu de ma réputation. Encore que, tout ceci est bonus j'estime avoir déjà fait de l'excellent boulot.

" Merci. "

Désormais il faudrait que je me dédouble pour garder un œil sur les agissements de la voix rauque. L'option "j'emmène un avocat avec moi" ne s'est jamais présentée : hors de question. Je préfère encore prier pour la révélation tardive d'un don d'ubiquité plutôt que d'envisager le travail en binôme.
Tant pis je compte sur ma chance et estime qu'elle n'est pas venue pour m'égorger. Je survole le document tiré de la pochette humide et suis assez vite satisfait. L'homme a des casseroles plein le cul. Des choses sans réelles gravités qui, indépendamment, passeraient inaperçu, mais le cumul en fait un sacré loustic et ses chances de quitter la taule s’amenuisent tandis que mes yeux survolent les lignes ;
De toute façon je me vois mal réclamer plus. Je remballe le tout et ouvre mon blouson pour y glisser la chemise cartonnée. Elle sera protégée jusqu'à ce que je rejoigne l'intérieur de la voiture.
Mon attention se raccroche à la livreuse et je hausse les épaules.

" ... Se prendre une telle rincée pour trois infos ; pas toujours facile d'être coursier hein. "

Je ne tente pas d'engager la conversation, disons que je n'ose pas repartir en la laissant les mains vides. Ce que j'ai l'intention de faire, en réalité, mais je veux être sûr : elle n'attend rien. Je n'ai rien à lui remettre car on ne m'a rien demandé. Bien sûr, la contrepartie sera réclamée plus tard, je ne suis pas si naïf.
Pourvu qu'ils ne m'aient pas jugé excessivement généreux.

(c) princessecapricieuse


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07.04.20 16:50
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On aurait pu croire qu’une vie passée à Belfast aurait épargné à Llewyn d’être frileuse ; mais le froid qui régnait là-bas et celui qui ankylosait Londres n’étaient pas les mêmes. L’humidité toute particulière des rues de la capitale anglaise s’insinuait sous la peau et transperçait les os bien plus que toutes les averses glaçantes de son pays natal. L’esprit de la rouquine se prit immédiatement à divaguer, filant vers une salle chaude, une banquette au cuir usé, un verre de whiskey pour lui réchauffer le cœur et l’âme. Elle se plongea en pensées vers ce futur proche, à portée de mains, tandis qu’un silence religieux s’abattait sur la scène se déroulant sous ses yeux pâles. On n’entendait guère plus que le martèlement constant des gouttes de pluie au-dessus de leur tête et tout autour d’eux. Un vrai décor de film noir. Ne manquait plus qu'un imperméable à son interlocuteur pour asseoir le cliché.

L’homme, quand il eut terminé sa lecture muette, glissa les documents dans la pochette en papier et l’enfouit contre son cœur pour la protéger des intempéries. Ses prunelles noires cherchèrent celles de l’Irlandaise, comme dans l’attente qu’elle prenne la parole et annonce la douloureuse. Llewyn resta cependant muette. Elle inclina légèrement la tête face aux secondes qui s’allongeaient. Finalement, voyant qu’aucune demande de paiement ne franchissait les lèvres dissimulées de la transporteuse, le détective haussa les épaules et rompit le silence.

« ... Se prendre une telle rincée pour trois infos ; pas toujours facile d'être coursier hein. »

Llewyn haussa un sourcil inquisiteur qui fut masqué par sa capuche. Et que savait-il de la vie de coursier, au juste ? Ou des missions effectuées tout au long de la journée sous cette pluie battante ? L’intéressée poussa un soupir las, les mains toujours enfoncées dans ses poches. Elle clappa sa langue contre son palais et se détourna sans autre forme de procès. D’une démarche souple, l’expatriée contourna le nez de la voiture du peuple pour se poster côté conducteur. Elle ouvrit la portière, posa un pied à l'intérieur et suspendit son geste pour reporter son attention sur le quadragénaire.

« On te fera signe lorsqu’il s’agira de régler la note. »

L’IRA ne demanderait pas de paiement ce soir, signe incontestable que les informations aimablement partagées n’avaient pas de valeur monétaire à proprement parler. Il y avait cependant une autre réflexion derrière cette manière de procéder : on gagnait toujours à s’entourer de débiteurs. Certains services valaient plus que des livres. Et la sale manie de l’Armée de faire exploser les véhicules de ceux qui refusaient de s’acquitter de leur dette dissuadait généralement les autres d’en faire de même. Vaughan aurait à leur retourner une faveur. Dans une heure, une semaine, un an. Llewyn ne pouvait lui dire quand, ni quoi, mais elle savait qu’il aurait tout intérêt à se montrer coopératif, le temps venu. Elle espérait pour lui qu’il en avait conscience également.

« Bonne soirée, conclut-elle d’une voix rayée. »

Sans s’attarder davantage sur des explications, la rouquine prit place à l’intérieur du véhicule et s’y enferma. L’efficacité de ce type de transactions lui plaisait. Il n’était pas nécessaire de faire des frais, encore moins de perdre son temps à recompter une liasse de billets - ce dont elle avait particulièrement horreur. Un interlocuteur à l’heure, une nuit encore jeune ; il ne restait plus qu’à traverser la moitié de la ville pour rendre les clés de cette voiture à celui qui les lui avait confiées, et le reste de la soirée serait sien. Llewyn retira rapidement l’un de ses gants pour pianoter un message bref et concis à son supérieur. Elle se débarrassa de son téléphone sur le siège passager, jeta un coup d’œil à Vaughan qui regagnait lui aussi son carrosse, et fit vrombir le moteur pour s’en aller. La transporteuse dévora l’asphalte sans attendre une seconde de plus et, quand elle fut à une distance suffisante ; quand les feux du détective ne réfléchirent plus dans les rétroviseurs, elle fit tomber le tissu qui lui barrait le nez comme son capuchon. Elle lâcha d’une main le volant pour récupérer le paquet de Lucky Strike au fond de sa poche et coinça bien vite entre ses lèvres tachetées une nouvelle dose de cancer des poumons.
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07.04.20 20:26
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Dry the rain
Llewyn & Andrea
Méfie-toi des irlandais...
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le vent est glacé. Ça gronde fort et gelé, mais c'est elle qui détient le record du souffle le plus hostile. Ses orbes clairs me foudroient comme si sortir du cadre de l'échange, même d'un centimètre, était criminel. Insultant. Totalement inconscient.
La petite silhouette se détourne rapidement, le regard mauvais laissant place à une indifférence totale. C'est brutal, mais j'encaisse, l'observant comme si je cherchais à être sûr que cette irlandaise est réelle.
Je ne leur connaissais pas cette réputation de frigide mais, en y songeant, le paternel n'était pas l'enthousiasme incarné.

Son geste est suspendu et après avoir vérifié que mes articulations inter-phalangiennes étaient encore de ce monde, je relève le visage. Va-t-elle se contenter d'une œillade haineuse supplémentaire ou ira-t-elle jusqu'au crachat dédaigneux ? J'empêche mon sourire de s'élargir, ses mots le font totalement avorter ;

« On te fera signe lorsqu’il s’agira de régler la note. »

" ... bien sûr. "

Dis-je en faisant un signe, rompant le contact visuel avec cette femme dont je n'ai aperçu que les yeux autoritaires. Et la voix, assez particulière. Je manque de laisser mes doigts louper la poignée quand la coursière me souhaite une bonne soirée. Je n'ai pas le temps de lui retourner la politesse - ni l'envie, avouons-le - qu'elle s'est déjà calée derrière le volant. Diable, cette fille a des problèmes !
J'entre dans le véhicule et jette le dossier sur le siège passager en soupirant. Mes mains pétrifiées s'agrippent au volant et je prends la route, laissant l'irlandaise me semer avec grand plaisir.

~

Les informations se sont avérées de bonne qualité et suffisamment pesantes pour que l'avocat soit on ne peut plus satisfait. Ses remerciements furent péniblement éloquents et il a fallut que j'invente une obligation pour me tirer du bureau. Quelques jours plus tard, j'ai assisté à l'ouverture du procès. Plusieurs audiences sont programmées, mais l'issue est inévitable, en défaveur de l'accusé.

L'IRA sera ravie d'apprendre que le traître est condamné à plus d'une décennie de barreaux. Je m'interroge néanmoins sur tous ces autres types mêlés d'une façon ou d'une autre aux histoires sordides des gans et mafias. Les captifs jugés ne sont-ils pas finalement les plus chanceux ? Y a-t-il fin plus propre et tranquille que la prison, pour les gens qui vivent en dehors des lois ? Les italiens m'ont encore demandé quelques services et quand un irlandosh' bourru me réclame le fameux paiement début mars, je me demande si le destin ne me prend pas pour bouc-émissaire.
Merde.

L'arrivée certes discrète de la famiglia commence à faire du bruit. Les plus perspicaces, les moins sereins et autres malfrats sur les nerfs commencent à se douter de mouvements anormaux, dangereux pour leur business ou leur intégrité physique. Que je sache, le grand-père n'a pas de litiges en cours avec les siciliens de Londres, ni avec l'Armée des extrémistes irlandais.
Mais il n'est pas nécessaire qu'un conflit existe pour se renseigner ; et c'est ce que me demande l'IRA. Des informations, solides. Des noms d'établissements ou de propriétaires, les ambitions des têtes pensantes, les méthodes des bras armés. Bref, la demande est vague, large, générale.

Mais moi, j'en sais bien peu sur ces gars là.

~

Je n'ai pas la prétention de croire que je pourrai faire oublier ma dette. J'ai simplement compté sur le temps pour m'apporter plus amples connaissances tant en matière ritale qu'en termes de protection. Eh, il faut savoir s'entourer. Malheureusement ils semblent moins patients que prévu ;
Une première relance a été faite, brève, explicite, par message.

Deux semaines après ce rappel je me place contre le comptoir d'un bar miteux et commande une première vodka. J'ouvre mon blouson, attrape un tabouret et m'installe au moment où mon portable s'anime. Enfin ! Je fais quelques poches avant de pouvoir le coller à mon oreille.

Vaughan ?

Qu'est-ce que tu bois ?

Hm, la voix railleuse. Bonne surprise, je crois.
... Vodka, sauf si c'est trop fort pour toi ?

J'aime mieux les alcools qui ont du goût ... :Brève pause.: Tu te souviens de moi ?

J'esquisse un sourire et scrute l'assemblée.
Capuche et haut col trempé ? Très bien.

Tes capacités mémorielles sont excellentes, félicitations. Tu penses pouvoir m'expliquer pourquoi tu te rappelles de ma voix mais pas de la faveur que tu nous dois ?

... Parce qu'on m'a demandé paiement ? Dis-je en feignant l'incompréhension mais j'abandonne et contiens un soupir La demande n'est pas, très claire

Je suis presque persuadée que tu as rencontré brièvement l'un de mes compatriotes, récemment. Ton manque de coopération l'a marqué, en tous cas ...

J'ai précisé que je ferai mon possible mais... Pourquoi tu m'appelles ?

Par pur plaisir de te voir regarder autour de toi en essayant de deviner qui est à l'autre bout du fil.

Contrarié, je me lève et fais un tour complet sur moi-même en cherchant une des plus petites silhouettes parmi la clientèle.
La question n'est pas qui, mais où ? T'es du genre toujours planquée toi ;

J'essaie d'être discrète. Un indice : j'ai un téléphone collé à l'oreille.

Merci pour l'indice.

Le téléphone est glissé dans l'arrière de mon jean quand je rejoins l'interlocutrice mystérieuse. Entre sa taille et les tons sombres de ses vêtements, elle est effectivement en un mode discret presque absolu. Presque, car arrivé à sa hauteur, de bien trop voyantes et jolies particularités me sautent aux yeux.
Le feu de ses cheveux, ses orbes toujours si bleus et les multiples tâches qui soulignent son expression.

Je dépose mon verre sur sa table et attrape la chaise disponible.

" Tu permets ? "

Belle, mais pas commode, je ne me laisserai pas prendre ;

(c) princessecapricieuse


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07.04.20 22:05
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Samedi 5 avril, 23h16
L’unique salle du bar, d’une taille plus que convenable, bourdonnait d’un brouhaha raisonnable qui recouvrait somme toute sans le moindre mal les dernières musiques à la mode crachées par des enceintes à bout de souffle. Enterré à plusieurs mètres de la surface, sous une salle de jeux où les amateurs de billard se rinçaient misérablement le gosier à coups de boissons sans alcool - ce qui ne les empêchait pas de se lancer des boules à la gueule, la première esclandre venue - en ignorant tout de ce qui se passait sous leurs pieds, le rade clandestin ne souffrait pas d’un problème de volume sonore. Les épais murs de pierre et la dalle large faisant office de plafond étouffaient les bruits comme dans une tombe, écartant considérablement les descentes des mœurs qui s’amusaient à fermer des speakeasies à tour de bras. La clientèle était hétéroclite et causante, mue par un même besoin de trouver à Londres un blind pig qui ne faisait pas payer sa pinte le triple du prix pratiqué avant la Prohibition. Les bons alcools se faisaient rares, c’était dire précieux et chers. Les débits illégaux qui pullulaient en ville ne servaient pour la plupart que des spiritueux de basse qualité et des bières imbuvables. Il fallait connaître les adresses pour s’offrir le luxe d’une soirée dans un établissement à la carte qualitative. Celui dans lequel elle se trouvait n’en était pas un.

Llewyn descendit une gorgée insipide d’ambrée, regrettant avec une amertume nostalgique l’époque bénie de Dieu où trouver une bière de goût ne l’empêchait pas de payer son loyer. Son regard clair balaya la pièce, accrochant ça-et-là un visage qu’elle connaissait pour l’avoir déjà croisé ailleurs, sans qu’elle ne puisse se rappeler avec exactitude le lieu ou le contexte. La rouquine aurait aimé pouvoir se targuer d’une mémoire infaillible ; d’être capable d’associer sans la moindre difficulté un nom à une figure. Mais comme bien des gens, elle souffrait d’une maladie commune et bénigne qui l’empêchait d’être bonne physionomiste.
Elle l’avait donc oublié, l’Anglais, tout naturellement. Quelque neuf semaines et de trop nombreuses courses à l’autre bout de la ville ou du pays avaient effacé de sa mémoire la précision de ses traits, sa voix, ses paroles. Il avait fallu une douloureuse piqûre de rappel pour que sa rencontre avec Vaughan lui revienne clairement. En l’occurrence, l’aiguille mesurait un bon mètre quatre-vingt-dix de haut et résonnait d’un accent nord-irlandais reconnaissable entre mille. L’un des gars de l’IRA, celui chargé de rappeler aux débiteurs de l’Armée les dettes qu’on lui devait, était venu lui souffler dans les bronches en beuglant qu’elle avait manqué à sa tâche. Llewyn s’était offusquée, bien évidemment, avait congratulé son collègue d’une flopée de noms d’oiseaux avant de se demander sérieusement si elle avait fait le travail. Une exploration dans le brouillard poisseux de sa mémoire pour retrouver le type en question plus tard, l’échange avec le détective lui était revenu. Ses grands yeux bruns, son cuir trempé, son besoin palpable de créer un lien en entamant la conversation. La Golf, la pluie, le froid de janvier. Et sa propre voix qu’elle entendait encore énoncer distinctement le coût du service rendu.

Le problème ne venait pas d’elle. L’expatriée n’était pas assez imaginative pour avoir fantasmé une telle situation ; et pas assez tête en l’air pour avoir malencontreusement omis de mentionner la contrepartie qu’on réclamerait un jour ou l’autre à Vaughan. Quant à la carrure de son compatriote, véritable armoire à glace devant se placer de biais pour passer les portes, elle doutait qu’il n’ait su se montrer assez persuasif. L’épine dans le pied de la True IRA, c’était donc l’interlocuteur lui-même. Une preuve de plus qu’il fallait se méfier de tout et de tous, surtout des Anglais qui fricotaient avec ces fichus Ritals.

Accoudé au zinc, comme inconscient de l’épée de Damoclès qui planait au-dessus de sa tête, Andrea Vaughan sirotait un verre au contenu blanc et transparent. De l’eau, sûrement. Il avait la gueule d’un hydrophile. Llewyn s’éclaircit la gorge d’une nouvelle lampée de bière avant de saisir son téléphone et de pianoter le nom du brun dans son moteur de recherche. Il ne fallut pas trois secondes pour trouver ses coordonnées, et pas une de plus pour l’appeler. Sa voix rauque résonna dans le combiné, d’abord railleuse, charmeuse, puis plus grave quand la rouquine l’assomma de reproches. Confortablement installée dans un petit renfoncement à l’autre bout de la salle, elle prit un malin plaisir à le regarder scruter l’assemblée plusieurs fois sans repérer l’unique rousse au timbre rayé qui causait à son téléphone, à défaut d’avoir un interlocuteur physique avec lequel tailler le bout de gras. Elle se décala finalement un peu pour abréger les souffrances du quadragénaire et reposa son portable, écran caché, sur la table quand il raccrocha pour la rejoindre.

« Tu permets, lança-t-il en arivant à sa hauteur. »

Et, sans réellement attendre de réponse, Vaughan prit place, se laissant choir sur la chaise en face de la sienne. Llewyn le détailla discrètement tandis qu’il prenait ses aises, espérant graver une bonne fois pour toutes les contours de son visage dans sa mémoire défaillante. Elle prit le temps de quelques gorgées de boisson maltée avant d’attaquer le vif du sujet.

« Un conseil, détective. D’où je viens, on s’acquitte au plus tôt de ses dettes, surtout quand le créancier à tendance à se montrer un peu radical sur son taux d’intérêt. Faire son possible, ce n’est pas suffisant. Il va falloir faire mieux, et vite. »
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08.04.20 11:39
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Dry the rain
Llewyn & Andrea
Méfie-toi des irlandais...
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Une fois placé en face de la rouquine, je fais au mieux pour ne pas me focaliser sur la découverte de son visage plein de caractère. C'est presque trop, trop de tâches de rousseur, trop de roux dans ses cheveux, trop de beauté dans ses yeux. Là où certaines ont été mal équipées par dame nature, cette irlandaise a récupéré plus d'un lot ;
Je souris à cette pensée, pas vraiment certain que le destin ai préparé un package également réparti pour chaque naissance. Il est clair qu'autrement, mon interlocutrice s'est jetée sur les cadeaux d'autres bébés et s'est goinfrée. Pas d'overdose en vue, elle n'a pas l'air de souffrir de la moindre indigestion et personnellement elle n'inspire rien d’écœurant. Lourd euphémisme ;

Elle pose sur moi les orbes luisantes tandis que je me concentre sur ma boisson. D'une qualité médiocre - on ne s'attend pas à mieux dans un tel endroit voyez-vous - je m'en contente. C'est suffisamment corsé, pas assez frais, divertissant. Je jette un œil à son verre avant d'entrouvrir les lèvres.
La jeune femme dégaine la première.

« « Un conseil, détective. D’où je viens, on s’acquitte au plus tôt de ses dettes, surtout quand le créancier à tendance à se montrer un peu radical sur son taux d’intérêt. Faire son possible, ce n’est pas suffisant. Il va falloir faire mieux, et vite. »

" Oh alors j'ai affaire à une véritable expatriée ! "

L'air fanfaron sur mon visage n'est pas surjoué, je m'amuse de cette information livrée gratuitement. Rien de grave, rien qu'elle souhaitait dissimuler j'imagine, n'empêche, il n'y a pas de mince récolte. Et puis si je tiens à le souligner, c'est probablement pour la dérider un peu. Je n'aime pas - je déteste en fait - le ton qu'elle emploie. Venir jusqu'ici pour me sermonner ? Que la rencontre soit hasardeuse ou non n'est pas le problème ; pourquoi venir remuer le couteau dans la plaie ? A moins d'être très proche des leaders de l'IRA, d'avoir elle aussi des dettes ou de s'emmerder sévèrement, je ne vois pas ce que ça peut lui faire...
Je soupire et tente néanmoins de retrouver un brin de sérieux.
Je sais qu'il ne faut pas rigoler avec ces gars.

" Écoute, je vois que t'aime donner des conseils et j'te remercie pour celui-ci, mais j'avais saisi le caractère implacable de vos méthodes. N'empêche que je ne peux pas inventer les choses. Il vaut mieux perdre un peu de temps et se manger des taux enflés plutôt que de mal rembourser. Je n'aime pas donner de fausses infos, mais si vous insistez... je peux bricoler quelques artifices. "

Agacé, bien que mes rancœurs ne soient pas directement dirigés contre elle, je sais que l'intonation utilisée dévoile mon ressenti. J'attrape un peu brutalement mon verre et le porte à mes lèvres dans un soupir. Non, vraiment, ce cru n'est pas bon. Il est même plus dégueulasse que tout à l'heure, avant que l'IRA m'envoie leur plus jolie messagère.
Puisqu'elle n'a pas encore pris la fuite, je repose ma vodka sur la table, puis mes coudes de chaque côté. Mes yeux attrapent les siens et mes traits se tordent d'espoir :

" Tu sais ce qu'ils attendent exactement, tes meneurs ? Si je savais où chercher, précisément, ça m'éviterait d'allonger ma liste d'ennemis du côté des tiens et des italiens. "

A partir du moment où je suis entré en contact avec ces blonds, je crois que je me suis lié aux ennuis pour des décennies. Quant à la famille de maman, honnêtement, je ne peux m'en faire une opinion positive. Leurs méthodes sont différentes mais pas moins sévères, menaçantes.
Je suis dans la merde, et elle, bougonne, fermée, critique, belle, jeune - j'avais donc raison, pense pouvoir m'impressionner ?

Je me demande ce qu'elle sait de moi, des vérités que l'on veut m'extirper. Puis ma curiosité s'étire à son statut dans l'Armée. La nature de ses relations avec les extrémistes et, pourquoi pas, les autres mafias.
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08.04.20 17:20
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La pitié, la compassion ou la grandeur d’âme, peut-être, rendait Llewyn extrêmement bienveillante ce soir ; des ailes de bonne Samaritaine lui poussaient doucement dans le dos.

« Oh alors j’ai affaire à une véritable expatriée ! »

Elle lui décocha un sourire incrédule, incapable de déterminer s’il se foutait ouvertement de sa gueule ou s’il était simplement le pire détective de la ville. Le doute était-il seulement permis, quand on l’entendait parler ? L’accent tranchant de la rouquine criait à l’Irlande, et c’était sans compter la flopée d’expressions toutes vernaculaires auxquelles les Anglais n’entendaient rien. Fière de ses origines et du caractère pour le moins incendiaire qu’on prêtait à ses compatriotes, Llewyn ne comptait guère se défaire de la mélodie chantante et caractéristique qui lui traînait sur la langue. Le sectarisme qui la poussait à fréquenter majoritairement d’autres locuteurs du gaélique n’aurait certainement pas aidé, de toute manière.

L’expatriée ravala ses remarques cinglantes et une gorgée de bière pour éviter de vexer son interlocuteur.

« Écoute, je vois que t’aime donner des conseils et j’te remercie pour celui-ci, mais j’avais saisi le caractère implacable de vos méthodes. N’empêche que je ne peux pas inventer les choses. Il vaut mieux perdre un peu de temps et se manger des taux enflés plutôt que de mal rembourser. »

Llewyn haussa un sourcil. Le quadragénaire n’avait pas l’air de saisir l’importance et l’urgence de la requête. La patience n’était pas le fort des grands gars de l’Armée. Ils étaient devenus étonnamment plus exigeants depuis l’accord d’indépendance du pays, et terriblement moins enclins à attendre sagement. Leurs récentes frasques, pour le moins explosives, trahissaient l’état d’esprit actuel des troupes. On n’avait plus le temps de rien, pas même de souffler plusieurs fois dans les bronches d’un allié ou d’un débiteur avant de l’envoyer rejoindre son créateur. Le jambisme se pratiquait bien moins ces dernières années que l’aération pure et simple de cerveau à coup de balle entre les deux yeux.

« Je n’aime pas donner de fausses infos, mais si vous insistez… je peux bricoler quelques artifices. »

Un éclair grave passa dans le regard de la transporteuse. Et elle s’empressa de le chasser dans une lampée d’ambrée.

« Tu sais ce qu’ils attendent exactement, tes meneurs ? Si je savais où chercher, précisément, ça m’éviterait d’allonger ma liste d’ennemis du côté des tiens et des italiens.
- Et tu ne voudrais pas qu’on te tienne la main durant ta petite enquête, puisqu’on y est, lança-t-elle, railleuse. »

Un sourire condescendant illumina immédiatement les traits de la rouquine, réorganisant les éphélides qui lui tachaient le nez, tandis qu’un soupir amusé agitait ses épaules. La jeune femme posa son coude sur la table et sa joue sur mon poing refermé. Vaughan devait bien se douter, au fond, que l’IRA n’aurait pas fait appel à ses services s’ils savaient où chercher. C'était comme de demander à celui qui avait perdu ses clés s’il se souvenait où il les avait égarées. Du reste, elle était bien incapable de lui répondre, puisqu’ignorante du petit accord qui unissait l’enquêteur à l’Armée.

L’espace d’un instant, la rousse fut tentée de lui demander plus d’informations, de fourrer son nez dans des affaires qui ne la concernaient pas. Curieuse sans être suicidaire, elle se laissa cependant guider par sa raison qui lui intimait de rester sur le banc de touche où l’IRA l’avait reléguée pour l’occasion.

Llewyn fit doucement tourner son verre entre ses doigts pour faire danser le liquide malté qu’il contenait. Ses orbes clairs attrapèrent ceux de son interlocuteur, noirs, sombres, brûlant d’une assurance presque insolente qui frôlait l’arrogance. Une longue seconde s’écoula en silence avant qu’elle ne clappe sa langue contre son palais.

« Je croyais que tu étais du côté des Ritals ? »

Pourquoi diable avait-il des ennemis chez eux ?
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12.04.20 2:16
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Dry the rain
Llewyn & Andrea
Méfie-toi des irlandais...
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Suite à ma déduction hyper logique, son expression déjà très fortement sceptique se renfrogne davantage. Je n'aurai pas parié sur un visage à la fois si joli et si méprisant. Sa voix transporte à elle seule bien assez de raillerie, d'allure, de tempérament. Mais son minois devient progressivement celui d'une orgueilleuse qui me jauge sévèrement.
Malgré les lignes dures que tracent ses tâches de rousseur je ne peux m'empêcher de penser que cette austérité ne lui convient pas.
Elle doit être bien belle, en souriant sans dérision.

Pas forcément bavard ni très social - ok, carrément sauvage - je profite néanmoins de la situation pour interroger l'irlandaise sur les détails de l'enquête à mener. Il s'avère que je prends mal la chose : il ne s'agit pas d'une enquête. L'IRA me demande de partager des informations personnelles. Parce que l'Armée me croit, à tort, complice des italiens de Birmingham. Je suis carrément un des leurs, par le sang. S'ils savaient que dans les faits, je suis une belle victime.
Une flopée d'insultes apprises spécialement pour eux en italien me monte aux lèvres. Je me contente de froncer les sourcils, avant que la rousse, pour me répondre, sorte une nouvelle dague :

« - Et tu ne voudrais pas qu’on te tienne la main durant ta petite enquête, puisqu’on y est,

" Aaah ça dépend, si c'est vous qui la tenez, pourquoi pas ? "

La main. Elle a dit la main ;

Insensible à sa froideur - ou presque - je me nourris de son beau rictus, faisant fi du sarcasme qui le teinte.
Pour noyer ce trait d'humour niais, je vide mon verre et le repose sur la table, déçu de voir à quelle allure je peux avaler ces alcools pourtant loin d'être délicieux. Je m'enfonce alors dans le dossier de la chaise avec un soupir las, fatigué. Je fais craquer mes cervicales et replonge mon regard dans celui de la jeune femme quand elle daigne parler avec une curiosité qui me paraît naturelle ;

« « Je croyais que tu étais du côté des Ritals ? »

" C'est indiscret, ça. "

Dis-je comme si je réprimandais une enfant. Puis je lui souris et hausse les épaules. La prudence me conseille de rester discret, de noyer le poisson, de grossièrement clore le sujet. Allez savoir s'il s'agit de son charme ou au contraire de sa pénible manie à me regarder de travers qui me pousse à un semblant de confession.
Elle connait mon identité, celle-ci parle pour moi.

" Je ne suis pas vraiment de leur côté. Disons que, je bosse pour eux. Et sans oser les comparer à vous autres, irlandais, ils ne sont pas non plus commodes. "

Clairement, si les amis de la pigmentée me cherche des emmerdes, j'aurai deux gangs sur le dos. C'est sans doute plus que je puis supporter. Difficile de prendre du recul et d'estimer clairement à quel point je suis en danger ;
J'essaye de ne pas trop y penser.

" Bon, plus sérieusement : t'es aussi bonne que moi en filature ou c'est le hasard qui nous réunit ? "

Ce verre était plus corsé que je ne pensais. Il faudrait que je me tire d'ici pour trier les données et choisir lesquelles leur livrer au lieu de bavarder. Elle est peut être plus que livreuse. Espionne ? Double-agent ?... Veuve noire ?
Non vraiment, je dois partir. L'idée sera d'être assez généreux pour satisfaire mes créanciers, tout en veillant à ne rien donner de trop risqué. C'est tout le problème, le moindre détail pourra être exploité à l'encontre de ma famille si adorable.
Je ne veux pas être responsable aux yeux des ritals orgueilleux ;
Si ce que je fournis au peloton de blonds en furie ne leur suffit pas, je serais juste mangé différemment...
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12.04.20 17:36
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Llewyn fronça légèrement les sourcils comme elle tentait de percer les secrets de son interlocuteur. En pensées, elle s’affaira à décrypter ce que son nom, sa voix et son attitude voulaient bien dire de lui. Le patronyme était trop anglais pour fleurer bon le soleil italien. Américain, à la rigueur, mais son accent le rattachait sans mal à la grisaille londonienne. Elle entendait la pluie s’abattre sur les carreaux de Buckingham Palace chaque fois qu’il ouvrait la bouche, et le froissement des jupons de feu la Reine dans chacune de ses respirations. Son prénom, en revanche, couplé à la fierté suffisante qui émanait de lui, rappelait sans mal ces foutus Macaronis. Elle soupçonna soudain la famille du brun de s’être établie dans ce beau pays depuis plusieurs générations.

« C’est indiscret, ça, se buta-t-il.
- C’est de notoriété publique, pourtant. »

Dans le cercle restreint de l’IRA, cette information se savait, en tous cas. C’était l’une des seules choses qu’on avait bien voulu lui dire de son interlocuteur en la missionnant de lui transmettre l’enveloppe, et Llewyn avait précieusement gardé ce détail. Les liens qui unissaient les Italiens aux Irlandais n’avaient rien de très palpitant. On s’ignorait avec une méfiance toute particulière la plupart du temps, on s’associait avec défiance par moments. On s’accordait, surtout, à ne pas empiéter sur les plates-bandes du voisin. Par respect, comme pour assurer sa survie. Personne n’avait envie d’une guerre sanglante et explosive entre les deux extrêmes de l’Europe. Il valait mieux garder ses bombes pour les Anglais.

Vaughan ne se braqua pas davantage, et Llewyn ne put s’empêcher de se demander si la vodka qui dansait à présent dans son estomac déliait sa langue. Les hommes qui parlaient facilement ne faisaient pas long feu dans leur univers.

« Je ne suis pas vraiment de leur côté. Disons que, je bosse pour eux. Et sans oser les comparer à vous autres, irlandais, ils ne sont pas non plus commodes. »

Une moue convaincue pinça les lèvres de l’expatriée. Elle voulait bien croire que les méthodes employées par ces deux nationalités n’étaient pas les plus douces. Ils n’avaient pas la fragilité des Français qui n’osaient plus entreprendre quoi que ce soit de radical depuis qu’il avaient étêté leur roi, deux-cent cinquante ans plus tôt.

« Bon, plus sérieusement : t'es aussi bonne que moi en filature ou c'est le hasard qui nous réunit ? »

Elle haussa les épaules, un air mutin flanqué sur le visage. Llewyn retourna son téléphone et en avisa l’écran, désespérément vide de notification. Le dernier message reçu datait d’une bonne vingtaine de minutes déjà et annonçait un retard d’une petite demi-heure. Dans un réflexe adopté depuis qu’elle s’était installée à cette table, ses prunelles dérivèrent vers l’entrée du bar qui cracherait sans doute d’une minute à l’autre la figure connue de l’un de ses collègues. La rouquine reporta son attention sur le brun installé en face.

« J’attends quelqu’un, répondit-elle simplement. »

Il n’avait pas besoin de savoir si le destin les précipitait l’un vers l’autre ou si elle s’était amusée à provoquer leur rencontre.

La jeune femme glissa une main dans ses cheveux pour les plaquer en arrière. Peu coopératifs, ils retombèrent cependant de part et d’autre de son visage. Elle soupira silencieusement avant de lever sa pinte pour terminer d’une traite les dernières gorgées qui ne demandaient qu’à être bues. Arrivé à ce niveau de bière, le liquide avait perdu ses bulles et sa fraîcheur, ce qui ne manqua pas de lui tirer un plissement de nez. Le cul du verre finalement nu, Llewyn attrapa celui de l’enquêteur et se releva en repoussant sa chaise.

« Tu reprends la même chose ? »

Rassemblant les deux godets entre ses doigts tatoués, elle s’assura de sa main libre que son portefeuille n’avait pas quitté la poche arrière de ses jeans couleur d’encre. Doucement, la rouquine se faufila entre les tables pour rejoindre le bar. Quelques livres en échange d’une nouvelle bière et de la consommation choisie par Vaughan, et elle revint sur ses pas, claquant la boisson de son interlocuteur sous son nez.

« C’est un peu triste de picoler seul dans son coin, mordit-elle en se réinstallant. La journée était particulièrement dure, ou tu es l’un de ces gars qui joue les piliers de comptoir parce qu’ils n’ont rien de plus intéressant à faire, le soir venu ? »

La prohibition n'avait rien effacé de sa piètre considération des hommes qui noyaient seuls leur chagrin dans l'alcool. Amatrice d'un bon verre, plus souvent qu'il ne le faudrait, sans doute, Llewyn n'en mettait pas moins un point d'honneur à ne jamais boire sans être accompagnée. Elle avait toujours jugé durement les types qui passaient leurs soirées assis à un comptoir, désespérément solitaires.
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12.04.20 19:37
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« J’attends quelqu’un, répondit-elle simplement. »

Eh, forcément, la seule option que je ne présentais pas est la bonne. Mes lèvres se tordent en une moue d'approbation alors que mon regard suit automatiquement le sien jusqu'à l'entrée du piteux bar.
La raison aurait pu être partagée. Il m'arrive d'avoir rendez-vous avec quelques amis ; sont bien peu nombreux. Jess, croisée récemment peut à la limite être considérée comme une bonne camarade, mais les autres avocats sont loin de figurer si haut dans la liste de mon estime.
Une pensée pour la juge, je me frotte la barbe distraitement au moment où l'irlandaise se bat avec ses cheveux. Le geste captive mon attention - que je fais discrète. Dingue, cette tignasse. Ne sont pourtant pas si rares les rouquines, ici en Angleterre. Elles attirent forcément l'attention et j'arrive à me persuader que c'est là ce qui fait à ce point pencher la balance de mon évaluation. Oui, la fille est jolie, mais je ne dois pas laisser ces artifices me faire surestimer son charme.

Elle m'arrache à mes pensées - illogiques et stupides - après avoir terminé sa bière.
Inconsciemment le ton est devenu plus familier. Nous nous passons des tournures mondaines superflues car, je pense, cela ne fait pas plus partie de ses usages que des miens. J'apprécie au moins ça. A défaut d'avoir l'air jovial et de partager mes nombreux sourires - à qui sait les voir, j'admets - son parlé est franc, direct, inaltéré. L'expérience des plaidoiries m'a appris que cela n'empêchait pas l'hypocrisie et la parfaite manipulation. N'empêche, je me méfies moins de ces langues-ci ;
Puis cet accent.
Délicieux.

Lorsqu'elle revient avec deux bières - puisque je me suis proposé de la suivre plutôt que de retenter la mauvaise boisson précédente - la messagère devient plus bavarde, visiblement libérée d'un poids. Elle était donc ici pour me mettre en garde ? Non, je crois qu'elle attend bien quelqu'un. Remarque, si elle est organisée, l'un n'empêche pas l'autre.
Je la remercie et tente de ne pas me vexer à ses nombreux sous-entendus. Bah, je ne lui demande pas son avis. Si j'étais un vulgaire alcoolo solitaire ou un habitué du comptoir, j'assumerais pareil.
Ce n'est pas le cas.

Je me penche sur la table en enroulant mes doigts tatoués autour de ma pinte. Le sourire malicieux s'étire, plus que d'habitude, et je me permets ce petit rappel sur le ton de la confidence, moqueur :

" J'suis détective. "

Ici, à notre époque, il y a guère meilleure mine d'informations qu'un de ces établissements. C'est cliché, presque aussi réaliste que ces livres que j'ai pu dévorer pendant mon adolescence. Combien d'auteurs de science-fiction et autres dystopies ont si bien anticipé ce futur charbonneux ou les censures sont intégrées à la loi sur fond de guerres entre minorités et les privations gagnent du terrain quotidiennement sur des libertés parfois durement acquises ?
Comme dans les livres, je tire d'ici des dizaines de ragots à exploiter. Ensuite, je croise les sources, mêle les données et en extrais les renseignements de valeur ;

Ce soir, malheureusement, je dois admettre qu'une réalité plus pénible ainsi qu'un certain pathétisme m'ont conduit ici. Si j'en profite pour glaner les paroles des clients trop bavard, j'espérais pour une fois oublier mes tracas grâce à un heureux hasard.
Bingo.

" Non je préfère encore m'isoler face à un joli paysage ou tomber dans un roman que m'accrocher tristement à un verre.

J'avale une gorgée en lui levant mon verre puis réalise que nous ne sommes pas à armes égales :

" Je suppose que tu refuseras de me donner ton prénom ? Même un pseudo, ça ne me dérange pas. Je ne veux pas être indiscret mais si tu me laisses choisir un sobriquet tu pourrais vite te lasser. "

Comme si nous allions nous revoir, comme si cela avec la moindre importance ;
J'ai cette tendance à vendre le chaleureux et l'optimisme, l'amitié, l'apparente confiance. Il n'en est rien et mes traits, mes gestes ni mon intonation ne sont une vraie invitation. Mais ça n'est pas non plus le contraire. Cette rouquine, je ne la verrai probablement plus. Sauf, peut être, pour enfin payer ma dette. Si ensuite l'IRA pouvait m'oublier, je signe tout de suite...
Quoiqu'il en soit, la réalité ne me prive jamais d'être, certes impertinent et fermé, mais civilisé.
Voire aimable. La preuve.
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12.04.20 21:51
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Ce qu’elle percevait de son interlocuteur ne lui permettait pas de penser qu’il appartenait à cette dernière catégorie d’hommes. Il était trop propre sur lui, trop parfaitement négligé pour ne pas lui laisser supposer qu’il entretenait volontairement cette apparence. Les sacs à vins ne décollant pas du comptoir n’avaient pas cette allure là. Ils dégageaient quelque chose de tristement pathétique qu’elle ne retrouvait pas chez l’Anglais.

La jeune femme glissa ses doigts contre son verre, s’amusa distraitement de la condensation qui s’y formait puis le porta finalement à ses lèvres. Ils ne trinquèrent pas, puisqu’ils n’avaient aucune raison de le faire. Llewyn retrouva la fraîcheur désagréable de l’ambrée. Elle espérait que le premier verre aurait suffisamment anesthésié ses papilles gustatives pour n’avoir plus à subir le goût déplaisant de la boisson, en vain. Avisant son verre, elle trouva la couleur bien trouble et conclut à une fin de fût. Comme si la consommation n’était pas déjà assez indigeste comme ça. Du coin de l’œil, la rouquine vit le barman pester contre sa tireuse qui venait de lui cracher à la gueule, confirmant ainsi sa pensée première. Il n’y avait pas besoin d’être enquêteur pour comprendre cela. L’homme derrière son zinc s’essuya à peine avant de disparaître dans une arrière salle pour connecter un nouveau baril. La jeune femme profita qu’il sorte de son champ de vision pour redonner pleinement son attention à son interlocuteur.

« J'suis détective. »

Les lippes de l’Irlandaise s’étirèrent doucement sous le flot de piques qui lui traversa l’esprit. Il se pouvait bien, finalement, que le brun soit là parce que son emploi n’avait pas la saveur escomptée. Une vie misérable, un besoin de se réconforter comme on le pouvait. Elle comprendrait et ne le jugerait point. Pour ne pas paraître désobligeante, l’expatriée préféra cependant taire ses moqueries en se rinçant le gosier d’une nouvelle lampée maltée.

« Non je préfère encore m'isoler face à un joli paysage ou tomber dans un roman que m'accrocher tristement à un verre. »

Elle ne se le figurait pas comme le héros romantique par excellence, quoique sa longueur de cheveux semblait idéale pour qu'une brise légère vienne s'y glisser durant la contemplation d'un paysage bucolique. Les contours confus d’un tableau plutôt connu lui revinrent en mémoire. Elle retrouva la silhouette de dos d’un homme habillé à la mode du dix-neuvième siècle devant Dieu savait quel panorama gorgé de nuages. Siobhan l’avait étudié au lycée. Si elle voyait encore en pensées les couleurs fades de la peinture, elle ne pût mettre un nom sur l’œuvre ou son créateur.

Finalement, le quadragénaire leva son verre dans sa direction avant d’attaquer sa bière. Llewyn le regarda faire sans lui répondre, se contentant de baisser sa propre pinte dont le cul tapa la table dans un claquement cristallin.

« Je suppose que tu refuseras de me donner ton prénom ? »

La jeune femme haussa les sourcils et les épaules pour acquiescer. Il n’était peut-être pas si mauvais dans son domaine que cela, en fin de compte.

« Même un pseudo, ça ne me dérange pas. Je ne veux pas être indiscret mais si tu me laisses choisir un sobriquet tu pourrais vite te lasser.
- Ou je pourrais vite te faire passer l’envie de me flanquer un surnom à la con. »

Elle se laissa tomber contre le dossier de sa chaise en dardant vers Vaughan un regard empli de défi. Elle soupçonna immédiatement un cruel manque de créativité chez son interlocuteur qui n’hésiterait probablement pas à se servir des indications qu’il avait sous les yeux pour lui accorder un sobriquet déplacé. Sa main à couper qu’il aurait quelque chose à voir avec sa couleur de cheveux.
Llewyn avait une tolérance toute relative des surnoms. Si elle acceptait sans mal que ses proches l’appellent comme bon leur semblait, elle avait un peu plus de mal avec ce type de familiarités lorsqu’elles venaient d’un inconnu. Par confort, elle consentit donc à accorder son pseudonyme au quadragénaire.

« Oz. »

La jeune femme ne se présentait que rarement autrement. Pas dans les cercles liés de près ou de loin à l’IRA, en tous cas. Et puisque qu’une majorité écrasante de sa vie tournait autour de l’Armée, Oz était le nom qu’on employait le plus pour se référer à elle. Même ses amis s’y étaient faits, au point d’oublier son prénom.

« Si je comprends bien, commença-t-elle en se rapprochant et en baissant le ton, tu es là pour récolter des informations sur quelqu’un ? C’est ça ? Elle balaya les différentes tables du regard pour essayer de déterminer la cible de son interlocuteur. Qui ? Pointant discrètement du doigt, au hasard, un type au visage porcin et à la chemise rouge rayée de noir à cinq mètres de là, elle poursuivit : c’est lui ? Attends. Elle plissa les paupières, comme pour faciliter sa concentration. C’est un agent d’entretien à l’Hôpital universitaire. Boulot de merde, à peine considéré par ces petits cons d’étudiants qui seraient pourtant foutrement contrariés s’il n’était pas là pour assurer la propreté des lieux. Il arrondit les fins de mois en détournant des cachetons qu’il revend sous le manteau. Tu as été appelé par le conseil d’administration de l’établissement pour enquêter. Et il s’appelle ... »

Elle tapota la table d’un doigt le temps de trouver le nom idéal à cet homme dont elle venait d’inventer la vie.
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14.04.20 0:11
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Dry the rain
Llewyn & Andrea
Méfie-toi des irlandais...
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Un surnom c'est lourd de sens, et de connerie. Certains veulent tout dire, d'autres sont vulgairement trop réducteurs. Moqueurs. Sans parler des sobriquets qui reprennent bêtement la première syllabe d'un prénom et donnent un effet de bégaiement que je n'apprécie pas. Quand-même, je trouve le concept amusant et toujours assez révélateur ;
C'est presque un bout d'histoire, comme une empreinte du passé laissée sur un post-it anodin qu'on oublie ou néglige.

Je me suis déjà fait la réflexion suivante : je n'ai pas de surnom. Oh bien sûr, on m'a donné quelques appellations temporaires qui avaient plus le tempérament de celle qui nomme plutôt que le mien. Mais je n'ai pas, de manière générale, un diminutif particulier. Je me doute que cela a un rapport avec plusieurs défauts - dont je suis responsable ou non. Solitaire, méfiant, hautain, ça limite les amitiés et la confiance. Et puis il y a cette histoire familiale catastrophique que je découvre à peine mais qui explique bien des failles.

« Oz. »

Dit-elle finalement après m'avoir si gentiment menacé.

" Oz. "

Je répète, vérifiant si cela sonne correctement entre mes lèvres, si l'unique son colle à son visage. Soit. J'enregistre l'information, me délecte de cette sensation de découverte, le mystère qui plane autour de sa personnalité encore inconnue mais progressivement esquissée. Certains grossiers détours apparaissent, flagrants, je sais néanmoins que les subtilités - bien plus personnelles et importantes - se cachent sous ses airs de dure.
Ce qu'elle est, indéniablement.

Je suis alors étonné de la voir se prendre au jeu. Un type plutôt moyen est choisi comme cible et je m'installe, bras sur les accoudoirs, tandis qu'elle rend son analyse. Mes yeux cernent un instant le fameux agent d'entretien avant de revenir à la frimousse tâchée, séduisante, distante.

« [...] Et il s’appelle ... »

" Austin. Signification latine bien noble pour un type qui se considère à ce point raté, ce qui ajoute à son ridicule un côté triste, une ironie du destin dont il se serait passé. Il est secrètement amoureux d'une des professeurs, il suppose qu'elle est trop bien pour lui malgré ses rondeurs et sa timidité excessive. Qu'importe, un d'ces quatre il ira lui parler, prenant son courage à deux mains en ignorant les moqueries des étudiants - s'il évite de percuter le seau, cette fois. "

Mince, j'espère qu'on se trompe et que le gars n'est pas si près du suicide que le suggère notre petit jeu.

Je souris - sans réelle méchanceté, plutôt diverti par notre échange - avant de guider la bière à mes lèvres dans un discret soupir. Elle n'est pas si méprisante finalement, Oz. Je me demande qui est son rendez-vous et surtout s'il sera à l'heure, mais j'aime penser que nous allons encore pouvoir échanger. Avec légèreté, innocence - presque. Sans que l'ombre de ses supérieurs ou de mes déjà trop nombreux ennemis ne gâchent ce semblant de sympathie ;

" Je ferai en sorte de ne pas trouver les preuves de son petit trafic ; de toute façon les établissements de ce genre font toujours l'erreur de contacter les flics en premier. "

Ce qui brise toutes les chances d'effectuer des recherches discrètes.
Je lui souris et repose mon verre sur la table avant de jeter un œil à la porte brutalement ouverte. Son mec ? Non, il se ale au bar celui-ci.
Et puis elle n'a jamais dit que c'est son conjoint qu'elle attendait.
(c) princessecapricieuse


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14.04.20 19:15
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Le misérable portrait ainsi dépeint n’appelait pas à l’originalité pour son baptême. Son esprit déroula une liste de prénoms quelconques, tristement banals pour coller une personnalité transparente. Deux secondes de plus, et Llewyn se figurait l’homme chanter Mr Cellophane. Vaughan, par chance, lui coupa l’herbe sous le pied et la ramena à la réalité en terminant sa phrase.

« Austin. Signification latine bien noble pour un type qui se considère à ce point raté, ce qui ajoute à son ridicule un côté triste, une ironie du destin dont il se serait passé. Il est secrètement amoureux d'une des professeurs, il suppose qu'elle est trop bien pour lui malgré ses rondeurs et sa timidité excessive. Qu'importe, un d'ces quatre il ira lui parler, prenant son courage à deux mains en ignorant les moqueries des étudiants - s'il évite de percuter le seau, cette fois. »

L’expatriée accorda une œillade amusée à son interlocuteur. Elle considéra avec gravité le bien-renommé Austin, plaignant presque sa vie misérable. L’homme dut sentir un regard peser sur lui ; il tourna la tête et croisa furtivement celui de la transporteuse qui se reconcentra sur le quadragénaire en face d’elle.

« Je n’entends rien au latin, confessa-t-elle sobrement en laissant traîner ses yeux vers la chemise rouge rayée de noir pour s’assurer qu’il ne les observait plus. »

Elle pouvait se targuer de savoir causer trois langues - deux et demi compte-tenu des nombreux emprunts à l’anglais et au gaélique du shelta - mais le grec et le latin, elle les avait laissé à d’autres. À ceux qui en avaient réellement besoin, pour leur avenir professionnel ou pour gonfler leurs résultats scolaires à coups d’options. En la matière, Llewyn s’était contentée de strict minimum : la note nécessaire à passer au niveau supérieur, et ce jusqu’à la fin des années d’école obligatoire.

« Pauvre bougre.
- Je ferai en sorte de ne pas trouver les preuves de son petit trafic ; de toute façon les établissements de ce genre font toujours l'erreur de contacter les flics en premier.
- Ah, bon prince, avec ça, grinça-t-elle, moqueuse. »

L’enquêteur ne lui faisait pas l’effet d’un homme qui acceptait, par charité, d’abandonner un contrat. Elle fronça les sourcils et inclina légèrement la tête pour détailler son profil, comme il détournait le nez vers l’entrée de l’établissement. La jeune femme réalisa subitement qu’elle considérait en réalité les détectives comme des charognards prêts à tout pour obtenir leur obole. Elle n’eut cependant pas le temps de piquer Vaughan en lui faisant part de cette réflexion. Le téléphone vibra sourdement, faisant trembler les verres et frétiller la bière. Llewyn retourna le portable pour voir s’afficher le pseudonyme de son collègue qui annonçait arriver d’une seconde à l’autre. Sa lecture à peine finie, la porte du bar s’ouvrit une nouvelle fois, crachant la silhouette connue d’un trentenaire aux cheveux sombres et aux cernes marqués. La jeune femme braqua aussitôt ses prunelles sur l’Irlandais qui balaya la salle du regard pour la trouver. Ses lippes tachées d’éphélides s’étirèrent en un sourire franc quand il l’eût repérée, et elle indiqua d’un signe de tête qu’elle le rejoindrait au bar.

La rouquine reporta son attention vers son interlocuteur. Elle jaugea le niveau de bière derrière les doigts masculins, celui dans son propre verre, et décréta qu’il restait bien trop de gorgées pour se permettre un cul-sec. Elle avait passé l’âge de prouver sa descente facile de la sorte, aussi se contenta-t-elle d’ordonner ses cheveux en arrière avant de se lever.

« Bonne chance avec Austin. »

Elle se risqua à espérer que la présence de Vaughan n’était pas liée à celle de son collègue. Qu’il cherchait des informations ailleurs, espionnait sournoisement une autre personne. Le pourcentage de chances était de toute manière trop faible, aussi chassa-t-elle immédiatement l’éventualité de ses pensées. Llewyn récupéra ses effets personnels et s’esquiva sans plus attendre, souhaitant à son compagnon de fortune une belle soirée. Elle rejoignit rapidement son compatriote, claquant sa pinte sur la surface poisseuse du bar et une accolade à l’Irlandais qui insista immédiatement pour qu’elle décline l’identité de l’homme qui l’accompagnait jusqu’alors. Un haussement d’épaules nonchalant et une référence à la Cause suffirent à calmer les esprits trop imaginatifs.
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15.04.20 22:03
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