Souvenirs, nouvelles et intérêts

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Je dévale les escaliers de l'immense banque et rejoins l'extérieur par l'entrée principale, bondée, en pestant face à ces imbéciles qui ne comprennent pas le fonctionnement des portes de sécurité.
Certaines personnes devraient être interdites des lieux publics. Je lève les yeux au ciel, choqué ma propre intolérance avant de me souvenir que, heureusement, personne ne lit dans mes pensées.

Casque sous le bras, je rejoins le parking à la hâte, pressé de pouvoir rejoindre mon appartement. Une bonne douche et la soirée pourra démarrer avec gaieté j'espère. Ce rendez-vous avec la banquière m'a quelque peu déprimé. Mes affaires tournent convenablement, j'ai un salaire moyen et des extras non négligeables.
Ils ne sont donc jamais satisfaits, ces gens ?
Je me dirige un peu trop brutalement sur le trottoir de gauche pour accéder aux stationnements des deux roues quand je percute la silhouette élancée. Manquant de lâcher mon casque sur le coup, j'étouffe un juron et tends la main vers l'obstacle. Obstacle qui s'avère être une femme. Femme que je connais.

" Pardon ! "

L'étonnement sur mon visage disparaît et je souris poliment à Jessica, toute en beauté - comme à son habitude. Je m'assure qu'elle va bien d'un coup d’œil rapide et reprends un air plus malin, voire méfiant - en toute ironie.

" Salut ; est-ce qu'après toutes ces années tu as choisi de m'espionner en douce au lieu de passer un coup de fil ? "

La taquinerie est facile, légère, vraiment pas accusatrice. Nous avons été collègues, et même plus, avant que je me mette en couple avec la juge ; depuis nous n'avons fait que nous croiser sans prendre la peine de s'arrêter. Le temps est précieux, je ne lui en tiens pas rigueur du tout. Aujourd'hui pourtant, la curiosité prend le pas.

Jessica est une avocate que j'apprécie et si près de six années se sont déroulées, je suis sincèrement content de la voir. Je pensais ne jamais être capable de prévoir une conversation, ne serait-ce que pour poliment prendre de ses nouvelles. Le hasard fait parfois bien les choses, la preuve, et comme il n'est jamais trop tard dit-on, je me lance :

" Ça va ? T'es dispo pour un verre ou, tu partais ? "

Qu'elle ait malgré tout le droit de s'esquiver, pour de réelles raisons ou une futile excuse...

Une fois n’est pas coutûme, le beau temps étant enfin au rendez-vous, Keenan s'octroie un après-midi buissonnier. Avec le départ de l’année, sur les chapeaux de roues, l’hiver est passé plus vite que dans un rêve. A peine le temps de gagner deux procès, de mettre Hook à la porte, qu’avril amène son cortège printanier. La saison de la renaissance et du renouveau de la garde-robe assurément. i Si la bure judiciaire cache bien souvent le style de l’Américaine, elle n’en est pas moins une mannequin contrariée.

Parfois il est bon de se faire plaisir. Dépenser 1000 livres dans une robe de grand couturier fait partie de la liste non exhaustive de ces petits plaisirs. Jess a donc fait le grand tour de ses enseignes favorites. Un pèlerinage personnel dans l’univers de la mode. Elle a songé à appeler Samarah sa tante adorée, meilleure conseillère que LA ait créé. Mais le plaisir égocentrique de ne penser qu’à elle et ses envies a emporté le reste.

Pour que cette charmante journée se termine en beauté, l’avocate est même décidée, à mettre les dossiers de côté jusqu’au lendemain. De toute façon, elle n’a pas de rendez-vous au tribunal au planning. Le cabinet peut bien ouvrir sans elle. C’est l’un des rares avantages à partager l’affiche avec deux autres avocats. Par acquit de conscience elle envoie donc un message personnel à Lyov le stagiaire pour l’informer qu’il a la matinée du lendemain libérée. La voilà donc libre comme l’air pour faire ce qui lui plaît de la soirée.

Elle passe donc par chez elle pour déposer ses achats et en utiliser une bonne partie. Après un bon bain, une palette de soins du corps, elle prend un plaisir non dissimulé à choisir la tenue nocturne. Elle ne sait pas encore si Tinder est dans son humeur du soir. Le sale coup de James l’a échaudée. Elle s’est tournée vers des filles. Mais tout de même ce n’est pas la même chose qu’un corps masculin viril. Jess attrape son sac-à-main italien cousu main et décampe le sourire aux lèvres. Son dévolu s’est posé sur un night-club underground où l’on peut encore trouver de la vraie tequila.

Pour aller au centre le plus simple et d’être piéton. C’est donc à pied qu’elle traverse la City en activant l’appli de géolocalisation. Deux trajectoires qui se rencontres dans la précipitations et Jessica manque de portière en arrière. Un bon réflexe lui permet de ne pas perdre totalement l’équilibre.

_ « Vous ne pouvez pas... » L’incendie est douché par l’étonnement. De tous les passants de Londres voilà qu’elle tombe -littéralement- sur une vieille connaissance. Une fois les esprits retrouvés, elle s’arme de son sourire en coin. Le sourire de la féline qui se trouve devant un beau spécimen. Andréa n’a pas tellement changé depuis leur petite aventure. Un peu plus de cheveux gris, les pattes doigts plus prononcées, mais il échappe à la bedaine du prés cinquantenaire par chance ! Le charme est là.

_ « En douceur ? » L'humour est là tout comme la séduction. Keenan cherche de mémoire. Oui, sans doute a-t-elle encore son numéro à la lettre “V”. Peut-être même a-t-elle été tentée de lui envoyer une boutade en découvrant sa romance avec une Juge. Une façon de rester dans le corps du métier!

_ « Je partais oui. Mais je n’avais pas encore fixé mes plans. Et tu m’intrigue. D’accord pour un verre. » L’appli devenant superflue pour le moment Keenan glisse le smartphone dans son sac. Elle rehausse la bretelle sur son épaule. La malice qui s’est glissée dans son regard depuis quelques secondes ne faiblit pas. Elle observe la belle gueule d’Andréa avant de décréter. « Continuons un peu par là. Y a deux trois adresses qui devraient faire notre bonheur. » Maintenant qu’elle a des clefs en main Jess affiche cette expression de chasseresse qui fait parler le Barreau londonien depuis un moment. « Alors ? La vie de détective privé ? Plus ou moins excitante que celle d’avocat ? » Bien entendu, elle connaît la reconversion à laquelle il a été obligé. Dommage, qu’est ce qu’ils auraient pu s’amuser ensemble à faire des grands éclats dans la sainte demeure de la Justice.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Quand Jessica me reconnait je vois apparaître sur ses traits fins ce sourire malicieux, séducteur. Elle n'a pas changé. Quoique les années écoulées lui donnent l'air encore plus sûre, dangereuse, attractive. Je penche la tête sur le côté face à son répondant efficace avant que mon sourire s'élargisse. Ainsi donc, elle est d'accord ;
Cette soirée part sur des sentiers insoupçonnés. J'adore ça.

_ « Je partais oui. Mais je n’avais pas encore fixé mes plans. Et tu m’intrigue. D’accord pour un verre. [...] Continuons un peu par là. Y a deux trois adresses qui devraient faire notre bonheur. »

" Je sais, je suis un homme fascinant ; "

J'accepte aveuglément la direction choisie par Jessica. Elle fait partie de ces rares personnes dont je ne me méfie pas, au fond. Certes en surface je la sais assez sournoise et intéressée pour ne pas louper l'information que je pourrais libérer à son avantage, après tout elle est professionnelle douée et femme intelligente. Mais si elle est capable de m'utiliser à des fins plus ou moins louables, je sais que je ne crains rien de grave à ses côtés.
Et c'est réciproque, bien entendu. Nous ne nous sommes pas fréquentés longtemps mais le respect a toujours plané au-dessus du divertissement.

Tandis que nous traversons la rue désormais éclairée par les vieux lampadaires de l'avenue, l'avocate m'interroge sur ma nouvelle activité. Ah oui, détective, ça intrigue. Feignant une indifférence mesurée, je lui souris et balaye le sujet assez sommairement :

" Eh bien figure-toi que c'est presque aussi excitant que dans les films. Mais les stimulations des procès me manquent, j'admets. "

En croisant son regard je me souviens de quelques échanges devant les cours, la provocation dans mes yeux, les répliques acides entre ses jolies lèvres. Je me souviens aussi le goût de celles-ci, la saveur particulière des étreintes entre faux rivaux.
Sait-elle que la juge et moi avons préféré interrompre notre relation ?

" Et toi ? Toujours aussi brillante ? As-tu fini par accepter les propositions d'un de tes nombreux courtisans ? "

Elle plaisait beaucoup, je ne vois pas pourquoi son charme aurait moins de succès aujourd'hui. Je ne doute pas un instant qu'elle continue de papillonner mais Jessica finira-t-elle par s'installer avec quelqu'un de façon, officielle et plus conventionnelle ?
Si Jessica m'annonce un mariage et deux gamins je ne saurais masquer ma surprise ;

Ils marchent ensemble le long des rues commerçantes. Il y a un effet de reviens y dans l’air. De quoi remémorer quelques soirs du printemps 2019. Jess n’était pas sur Londres depuis très longtemps à l’époque. Elle avait jeté son dévolu sur ce rebelle avec l’appétit d’une jeune tigresse. Il n’y avait pas eu de raison particulière, à ce que l’aventure s’arrête, il n’y en avait pas eu non plus pour qu’elle continue. Juste assez de plaisirs partagés pour ne pas avoir de regret. Si tenté qu’elle en ait eu un jour.

La dérision de Vaughan fait ricaner la rouquine tout bas. Elle reconnaît son humour, celui qui les avaient distraits pendant les longs après-midi passés en salle d’audience. Tout comme leurs escapades dans les salles d’archives pendant les pauses déjeuner. Il a fasciné, défrayé la chronique, avec des coups de chauds et ses envolés colériques en plein milieu de plaidoyers. Un cowboy de la Justice dont Londres n’avait pas su quoi faire.

_ « Quoi ? Tu ne suis pas mes éclats dans la presse ? » Parle-t-elle des chroniques du Times ou des tabloïdes ? Probablement les deux à la fois. La force, ou la faiblesse, de cette avocate c’est d’avoir une activité trépidante sur les deux tableaux. Les journalistes anglais sont peut-être plus flegmatiques mais ils sont tout aussi acharnés que leurs confrères américains. Et elle, la sulfureuse héritière s’en amuse. « Je m’en sors bien. Très bien même. Mon talent les horripilent tous. C’est même devenu un peu routinier. Tu t’imagines ? » Elle arme ses lèvres d’un sourire provocateur. L’exposé est un peu exagéré. Mais il le sait et c’est pour jouer. Il d’en demeure pas moins que son talent dérange.

« C’est bien pour ça que je n’ai pas de corde au cou. Personne n’est assez riche et mourant en même temps! » Le romantisme n’a jamais étouffé la vanité de Jess. L’amour ne fait pas partie de sa vie non plus. Parfois, il lui arrive d’avoir des petits élans d’affections. Comme elle en avait eu pour ce motard au cuir tendre. Peu importe, elle a très vite assumé, si ce n’est revendiqué, son absence d’âme. « Mais si tu as un nom à proposer ? » Un client de la petite auto-entreprise peut-être ?

Son regard descend alors ostensiblement en direction de la main gauche d’Andréa. « Toujours pas de contrat de mariage ? » La moquerie est facile et même prévisible. L’avocate est clairement une anti convention. Ce qui déroute parfois ses opposants juridiques. Une jusqu’au boutisme du libéralisme sur laquelle peu de choses semblent prendre prise. Elle se demande pourtant. Celui-là a-t-il cédé à la force centrifuge de la classe bourgeoise ? Le secret aurait sans doute transpirer entre les murs du grand palais ceci dit.

Ils arrivent dans une zone moins touristique. Les rues sont plus calmes. Il y a un peu plus haut une petite enseigne qui clignote. Le “RED Corner” est un de ces bars clandestins que le Brexit a fait émerger.

_ « Comme au bon vieux temps. » Keenan commence à enlever son manteau noir en entrant dans la venelle de gauche. La robe de haute couture rouge est charmante. Dans le dos le tissu est échancré juste comme il faut pour dévoiler la peau lactée et sertie de grains de beauté. « Tant que je t’ai sous la main… » Là le regard de feu de Jess s’arrête sur lui. Elle fait volontairement planer le silence pendant quelques secondes. Qu’il puisse imaginer sur quel plan elle va lancer la première attaque. « Tu me feras danser! » C’est quand il aura bu qu’elle prendra le sujet sérieux en main.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Oh oui, j'imagine qu'elle les "horripile" tous - pour reprendre son terme exact, trop bien choisi.

Jessica est une juriste consciencieuse, déterminée, joueuse, habile, belle ; ça fait beaucoup de qualités pour une avocate qui maîtrise parfaitement l'art de la plaidoirie et qui manie la loi comme une jongleuse de haut niveau. Je l'ai vu faire, j'ai pu constater, apprécier et parfois souffrir de ses capacités. C'était de bonne guerre à l'époque et, puisque je suis excellent également, l'échange de coups bien portés était d'autant plus intéressant.

Côté vie privée, Jess doit faire autant de dégât qu'à la Cour.
Ça m'amuse.

Nous avions une relation légère, sans le moindre inconvénient. Tout était basé sur l'imprévu, l'amusement, le plaisir et le bon temps. C'était presque l'opposé de ce que j'ai pu vivre ensuite, avec la juge. J'ai eu des sentiments pour cette dernière, nous avions des projets et quelques points communs. L'alchimie était essentiellement physique, nous n'aurions pas dû jouer les gens capables de se caser ;

[...] « Mais si tu as un nom à proposer ? »

" Mince j'ai tant d'articles sur ta belle personne à rattraper ? Haha non, je ne te donnerai pas de nom. T'es bien assez douée pour trouver tes proies sans coup de main. "

Et puis, maintenant qu'on a franchi le pas de discuter à nouveau, je ne voudrais pas être celui qui amène la concurrence. Non. Nous sommes bien, là, anciens collègues anciens amants, pas tout à fait amis, pas rivaux non plus, mais l'électricité dans l'air enrobe notre binôme avec le même charme qu'autrefois.

Jessica se moque de l'absence d'anneau à mon doigt, je lui souris avec un soulagement non feint :

" Tu sais bien que ça ne m'irait pas ; et qu'aucune n'est prête à supporter ma perfection au quotidien ! " Je secoue la tête pour balayer la prétention et confirmer ce qu'elle a déjà du entendre : " Célibataire depuis janvier, je ne me plains pas. "

Alors que nous approchons du RED Corner, je réduis la distance entre nous et viens presque murmurer à son oreille.

" En fait, je suis étonnement ravi d'être libre, ce soir. "

Ce n'est pas peu dire. La revoir est déjà une gourmandise, et je connais assez la Keenan pour anticiper une soirée pleine de tentations. Ne fera-t-elle qu'attiser la flamme ?
J'entre derrière elle et récupère le manteau qui glisse de ses épaules, dévoilant la peau douce et un souffle de parfum envoûtant. J'agrippe le vêtement à l'un des cintres mis à disposition quand mon regard est capturé par ses yeux, le suspens au bord des lèvres.
Peste.
Nous danserons, mais je lève les yeux au ciel, déçu d'être encore si facilement manipulé par cette prédatrice.

" Fais ta maline : je te ferai danser, avec plaisir. "

Nous prenons place lorsque j'ai entraîné la belle jusqu'à une table excentrée. Si elle attire de nombreux regards envieux, inutile de la placer au centre de l'attention. Une envie à peine égoïste me saisi. Je veux la savourer, seul, sans partager avec ces avides qui me considèrent soudain bien chanceux ;
Je la sais impossible à capturer et il ne s'agit pas de mon intention.
Juste ce soir, en hommage au bon vieux temps ;

" Les serveurs ont l'air débordés, je vais aller directement au comptoir. Tu veux quoi ? "

Dis-je en posant délicatement mes doigts sur son bras tandis que mes pas m'éloignent bientôt de notre table. Ce fut trop tentant. Je m'amuse du peu de résistance que j'arrive à imposer à mes idées et mon imagination.
Je m'empresse d'aller récupérer nos boissons avant de me rassoir en face d'elle.

Les personnalités sulfureuses comme cette Américaine ont une Persona, un rôle public. Derrière les tailleurs Diors et le rouge-à-lèvre rouge sang Jess est plutôt facile à comprendre. La seule motivation qui l’anime, c’est elle-même. Elle pense à elle en premier. Les caresses et les coups de poignards sont distribués en réaction de ce qu’on lui donne ou de ce qu’on tente de lui prendre.

Peu de monde a montré des crocs devant elle. Mais ô combien de propositions d’alliances… économiques. Un mariage arrangé avec un sang bleu peut l’amuser. Un bel hommage à l’histoire de la Couronne anglaise. Mais en jeu, pour 24h00, comme un un petit jeu de rôle distrayant.

_ « OuI c’est amusant. » Amusant aussi que le hasard n’est pas provoqué une telle rencontre plus tôt. « Ne me dit pas que tu as oublié le ravissement ? » Le ravissement qui vient quand ils se retrouvaient dans le coin sombre d’un lieu public pour des frivolités.

Jess pose la sacoche noire sur la table. A l’intérieur une golden-carte, des amphétamines cachés dans un pilulier, des préservatifs saveur macaron pistache. Parce que le concept marketing a obtenu son fou rire. Elle pose nonchalamment ses coudes sur la table. L'élégance féline dont elle irradie trahie sa classe sociale. Une femme qui prend et qui prend le meilleur seulement. Un regard un rien mutin posé sur le détective.

_ « Gin, rondelle de citron. » La même boisson que le soir de leur première fois. Est-ce par réelle envie ou pour le symbole ? Biberonnée au brandy du grand-père paternel, ivre à 13 ans avec la bouteille de vodka-blue, Keenan est loin des cocktails de midinettes. De quoi faire friser les moustaches des paternalistes vicieux. Elle est de ces nombreux créatures dorées empoisonnée par la richesse.

_ « Grazier. » Dit elle à son serviteur italien. Elle approche la main pour servir le verre. Ses ongles rouges semblent prêts à agir. « On porte un toast à ta liberté donc ? » Une belle insolence se devine dans cette simple phrase. Elle aime provoquer et quand c’est un ex c’est d’autant plus divertissant. Elle porte lentement le verre à sa bouche. Un arrêt théâtral lui permet de provoquer ce “triste” destin. « On ne devrait pas essayer de se faire passer pour un coq quand on est un aigle. » Un compliment déguisé. Une conclusion dont l’ironie n’est pas bien piquante encore. Jess prend le temps pour s’échauffer.

La rouquine dépose le verre, tranquille. Le tissu cache juste assez sa peau pour garder son secret nocturne. Elle profite de ce mouvement pour déchausser son pied gauche, agile, pareille à une Geisha dévergondée. Tandis que son visage transpire le calme et l’humour, l’avocate croise les cuisses et balade son pied nu le long du mollet de son vis-à-vis. Un frottement lent, langoureux, fait plus pour raviver les souvenirs communs.

_ « Pourquoi tu n’es pas passé au cabinet ? » Ignorer le champ personnel soit, elle le comprend. Mais pourquoi ne pas avoir tenté de venir frapper ? Connaissant son savoir faire, Jess aurait pu gagner plus facilement certains dossier. « Je t’aurais introduit. » Dans un double-sens amusé elle lui adresse un sourire rieur.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Le ravissement rattaché à son sourire n'a pas été oublié, non. Ma mémoire plutôt sélective a tendance à faire le tri et se débarrasser de toutes les informations qui sont devenues inutiles ou qui ne sont plus d'actualité. Est-ce que je comptais de toute façon recroiser la route de Jessica ? Ou est-ce que le fameux ravissement a été plus solidement ancré dans mes souvenirs que je ne pensais ?
Je lui souris avec malice pour toute réponse et me rends rapidement au comptoir réclamer le fameux :

_ « Gin, rondelle de citron. »

Je n'ai pas oublié l'effet de nos étreintes cachées dans les recoins du tribunal, elle n'a apparemment pas oublié le détail de la boisson partagée ce soir où nous sommes devenus un peu plus que collègues ;
Pas décidé sur ce que je vais avaler, je choisi de la suivre sur cet alcool agréable. Lorsque je lui reviens, l'avocate propose que nous fêtions mon célibat. Je lève mon verre en acquiesçant :

" Avec joie, je ne l'avais pas encore fait. A ma liberté ; "

Puisque la sienne est évidente.
J'avale une gorgée tandis qu'elle articule une remarque que je décide de prendre comme un compliment. Un sourcil haussé en guise d'interrogation, j'aimerai connaître le fond de sa pensée mais m'empêche de la questionner plus explicitement. Le sujet - moi, en l’occurrence - n'est pas très intéressant, je préfère de loin me concentrer sur les atouts physiques de la juriste. Mon verre placé près du sien, je cale mon dos au fond du siège et la dévore des yeux tandis que, fourbe, elle fait glisser son pied déchaussé contre ma jambe. Je frémis.
Prenant sur moi pour lui répondre avec sérieux, je me redresse légèrement :

" Hm je n'ai pas cherché à te fuir, désolé si c'est l'impression que j'ai laissé. Je n'ai pas bien eu le temps et, ça aurait fortement déplu à la juge que je vienne chercher des contrats vers toi. "

L'ex ne me faisait pas confiance ? Pas que je sache, notre relation était honnête. Mais je n'oublierai pas les réactions de ma conjointe les rares fois où j'ai évoqué Jessica. Elle la déteste. Détestait, en tout cas, tant que nous étions en couple. Savoir que nous partageons un repas ou une réunion l'aurait mise dans tous ses états. Enfin, ce n'est pas pour rassurer ma copine mais réellement par manque d'opportunité que je ne suis jamais allé saluer la jolie Keenan.
Le côté tendancieux de sa remarque me réchauffe, rien qu'à l'idée de pouvoir à nouveau goûter sa peau. Je me souviens de bien des scènes mais les exacts éléments sont assez flous pour que j'ai envie de réclamer un nouveau round ;

" Je suis étonné que tu n'aies jamais contacté l'excellent détective que je suis, j'espère que tu n'as pas opté pour la concurrence : la boîte les Enquêteurs de Londres est tellement mauvaise. "

Critique facile ? Amertume rivale ou réelle analyse ? Un peu les trois. Je leur ai volé assez d'affaires pour amener les preuves que je suis meilleur.

Je reprends mon verre et coince, doucement, le pied de Jess entre mon mollet et ma cuisse, laissant la chaleur de nos peaux traverser le tissu.

" Passons un accord : on prendra désormais des nouvelles tous les mois. Pour le boulot, ou autre... "

_ « Ta juge... » Relève Jess moqueuse pour de bon. Un pronom possessif entre les lèvres de Mr Vaughan c’est tout de même amusant. En cinq ans et la belle ne lui a pas ouvert une seule fenêtre vers le Palais. Surprenant. Surtout qu’il avait le métier dans la peau. Est-ce encore le cas ? Une intelligence comme la sienne permettrait de créer un contre-pouvoir plus solde. Entre Richard, la Earnhart et le petit premier de la classe la bataille va se durcir. Pas que ça ne fasse peur. Mais Keenan ne veut pas se pourrir la santé. « Elle t’as assagie ? » Rien n’empêche une petite enquête.

Un petit rire échappe à la tigresse. Elle regarde Andréa avec humour puis détourne ses yeux brillants. Ils dérivent sur la salle pendant qu’elle retrouve son visage mutin. Les agences de détectives ne manquent pas dans la capitale. L’offre est même plus importante que la demande depuis les années 2010.

_ « Non. On a nos propres hommes. » “On” appelant tout le champ des mystérieux patrons de cette rousse aux dents longues. La rumeur lui prête une affiliation directe avec des malfrats européens. Lanceurs d’alertes et journalistes revanchards ont déjà cherché à la condamner. Mais Jessica est trop maligne pour se faire prendre. Cinq ans à s’approcher lentement des parrains les plus sombres. Cinq ans à protéger ses arrières. Si ce n’est dernièrement l’affaire Lorca qui l’a mise dans de beaux draps. Elle prépare son bouclier dans l’ombre. « Ils sont bons. Des vrais pros. » Provocation facile, mais c'est elle tout de même, elle peut pas manquer d'entretenir l'orgueil d'un spécimen pareil.

Keenan fige son pied. Une dent féline vient mordre sa lèvre inférieure. Andreas et la chaleur de ce mollet nourrissent ses pensées.

_ « Deal. » Souffle-t-elle tandis que la frontière entre chasseresse et proie tremble un peu. Son regard de feu trahit toute sa satisfaction de se savoir désirée. Jess n’a jamais été aussi épanouie que dans cet espace grégaire. Peter est peut-être aigri ces derniers temps. Néanmoins, il a raison sur un point concernant son opposante. Jessica aime autant gagner que s’exalter au corps à corps. Alors équilibrer les deux ? « On commence par quoi ? » Ses doigts viennent caresser le rebord du verre de gin. Elle boit. Le feu de l’alcool ajoute à l’alchimie intérieure.

Le verre est vide maintenant. Il revient sur la table qui sépare sépare ces nouveaux alliés. Jess laisse sa main flâner dans le périmètre de celle de l’autre. Elle s’avance, prête à toucher cette main qui l’a connue. Mais comme le tiraillement est plus bon encore le mouvement est inversée. Jess effleure la naissance de sa gorge, lentement ses yeux dérivent vers la piste. Une meute de danseurs y font parade.

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_ « Elle t’as assagie ? »

" J'ai cru, pendant un temps. Mais force est de constater que personne ne peut réussir cet exploit. "

Dis-je en souriant trop largement pour que l'aveu soit sincère. Non, je n'ai jamais pensé que mon ex était en train de "m'assagir". Qu'est ce que cela signifie, au fond ? Je ne suis pas un mauvais gars, mais la gentillesse est une autre qualité. Sage, ce serait sous-entendre que j'ai rangé mes railleries, que mon insolence s'est évaporée avec ma capacité à provoquer les autres, ma curiosité souvent déplacées, mon goût pour l'aventure et la séduction. Je suis toujours aussi moqueur, critique, hautain, joueur, intrépide, calculateur et charmeur.
Je l'étais avec cette femme qui a partagé ma vie pendant cinq années. C'est ce qui lui a plu, au départ, et probablement ce qui nous a conduit à nous séparer. Aussi.

Je n'ai jamais changé, quoique certains traits de caractère ont du s'intensifier là où d'autres se sont affinés. Les avantages de l'expérience. Quarante ans passés, ne suis-je pas dans la force de l'âge comme on dit ?
Moins insouciant mais plus présomptueux, je me sens à la fois intouchable et particulièrement prudent. Je ne dépense plus mon énergie à me méfier de tout, je vois presque venir les coups.

Jessica et ses employeurs - collègues ? Partenaires ? - ont apparemment leur propre réseau d'enquêteurs. Je ne suis guère étonné mais impossible de savoir à quel point elle bluffe. Je me perds dans ses jolis yeux, pas décidé à gâcher la soirée pour quelques vérités qui ne me concernent pas. Qu'elle continue de me taquiner ; j'adore ça.

" Lorsqu'ils rencontreront leurs premières difficultés, pense à moi. Je devrais pouvoir dégager quelques heures pour leur montrer le travail d'un bon. "

J'avale une gorgée en feignant une modestie déplacée une fois que nous avons trinqué.
Tandis que mon verre retourne sur la table, mon regard suit sa main aventureuse mais celle-ci, évidemment, se retire furtivement jusqu'à sa gorge. Là aussi, je pose mon regard envieux et mon rictus diverti devient plus sombre d'envie.

" Je ne sais pas, je propose qu'on laisse le boulot de côté. "

Ma jambe se déplie de sorte à libérer son pied et je me rapproche de la table, plaçant sa jambe entre les miennes afin de ne surtout pas rompre le contact. La chaleur est encore timide, amusante, je veux qu'elle continue de s'accroitre.

" Et puis je dois me faire pardonner d'avoir été silencieux tout ce temps. Non ? Dis-moi, qu'est ce qui te ferai plaisir ? "

Je sais son attention sur la piste de danse. Je ne l'inviterai pas, pas si facilement. Je veux bien me plier en quatre pour exécuter ses ordres, être galant et assouvir ses désirs, mais je suis loin d'être un amant esclave, pas même un ami pigeon. Je tire toujours avantage de la situation ; toujours. Et puis nous ne sommes pas deux inconnus en pleine tentative de séduction. Nous nous plaisons déjà et puis l'espèce de rivalité qui a pu nous opposer un jour nous a trop plu pour qu'on s'en sépare bêtement ;

" Je me réserve un ou deux vétos, bien sûr. Je ne suis pas fou. "

M'amuser avec Jess oui, mais jamais la sous-estimer.

Il faudra du temps pour découvrir si Andréa a changé en profondeur ou non. Keenan ne doute pas qu’il sait encore cacher son jeu. Mais elle croit aussi qu’il ne se protège pas forcément d’elle. La réciprocité est un peu moins vraie, à cause de la paranoïa du métier. Il n’y a qu’un espace où un être peut être véritablement sincère. Cet interstice qui se nomme le bonheur. Ce moment qui échappe à toutes les maîtrises. Recherchés de toute l’Humanité et pourtant détruits par cette même espèce.

Ceci dit, la proposition à peine déguisée, de collaboration est intéressante. Jessica obtient ce qu’elle veut. C’est lui qui se propose et non elle qui réclame des heures. Bien sûre avant elle devra assurer quelques détails. Mais, il n’y a pas de raison pour que sa clientèle fasse la fine bouche.

_ « Oui. Je note. » Quand Maître Keenan s’engage c’est acté. Elle classe leur accord tacite dans un coin de son esprit. Chloé s’occupera de faire un dossier sur Vaughan. Grâce à la réputation de Jessica elle a accès à des canaux d’informations différents. L’occasion de creuser sur l’historique d’un homme.

Jess suit l’activité sous la table sans quitter son complice des yeux. Elle en profite pour remonter le tissu du bout du pied et caresser la cheville d’Andréa.

_ « Bonne idée. » Une anglaise rousse et volage se libère du chignon professionnel. Jess demeure imperturbable. Elle écarte la gêne avec une coquetterie étudiée. « J’ai besoin de me détendre. » Le sous-entendu est clair. Il n’en est pas moins vrai. Elle sort d’une semaine dense, que dire un mois, un trimestre rempli. Il y a longtemps qu’elle n’a pas pris le temps d’aller vers les excès de Dionysos. Le résultat de son succès et de son appétence pour le défi. « Tu n’as pas oublié comment on fait ? Non. Je suis sûre que non. »

Un sourire félin trahit la pensée de la belle devant la résistance de son ex.

_ « Beaucoup de choses. Une soirée ça va faire court pour tout ce que j'ai en tête. » Le murmure a un timbre érotique qui est embellie par un sourire gourmand. Puis Jess recule ses épaules pour l’observer d’un peu plus loin. Il est beau. Elle s’amuse. Ceci dit, en repensant à leur passé commun, elle voit plus que des parties de jambes en l’air. « Un petit-déjeuner! » Elle convoque des images bien moins sportives que ne le prête son jeu de vampe. Oui, de toutes les facéties c’est bien cette chose simple qu’elle réclame en premier. Est-ce une nouvelle provocation ou l’envie de mélanger sexe et complicité ? « Avec la musique. » Un rire vient affranchir la demande qui pourrait être interprétée. Elle désamorce tout de suite et se penche vers lui. « Mais surtout une nuit totalement décomplexée, de gin, de danses et de sexe. » Directe et sans compromis avec les envies qui l'habite.

Doucement sa main repousse le verre d’Andréa. Jessica reprend contrôle sur sa jambe pour remettre son pied dans l’écrin de cuir. Elle recule la chaise de quelques centimètres. Elle se lève et vient lui tendre une main pleine de défi. Viendra, viendra pas ? Véto ou non. Dans les souvenirs de la rouquine il se débrouille bien.

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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Elle note. Une remarque souvent anodine, banale, superflue ; pas entre les lèvres de Jessica. D'apparence si détachée, hautaine, inaccessible, la belle n'oublie jamais d'enregistrer les informations utiles à sa carrière et sa réputation. En affirmant ainsi que l'idée d'une future collaboration est "notée" je suis désormais certain qu'elle l'étudiera et l'envisagera si l'occasion se présente.
J'acquiesce afin de signer à mon tour ce contrat verbal. Aucune promesse, zéro engagement. Nous savons simplement que l'autre est porteur d'affaires et ça, dans le milieu, ça n'a pas de prix.

Boulot de côté, nous sommes sans surprise d'accord sur le moment détente qui s'annonce. A son interrogation sur mes capacités à y parvenir, je hausse un sourcil plein de défi. Elle apporte elle-même la bonne réponse et tandis que ses cheveux osent venir rendre son visage encore plus séduisant, je m'offre une gorgée alcoolisée.
Laisser libre cours à l'imagination de Keenan est un jeu dangereux, exaltant ;

_ « Beaucoup de choses. Une soirée ça va faire court pour tout ce que j'ai en tête. »

" Ah, ce sera déjà un début. Rien n'empêche qu'on reprogramme ce genre de soirée à l'occasion. "

Engagés à prendre des nouvelles, allons-nous aller jusqu'à s'assurer déjà d'un prochain rendez-vous ? Je souris et tente de la sonder avant qu'elle articule une malicieuse réponse. Petit-déjeuner implique pas mal d'éléments en amont, mais, joueur, j'attends qu'elle y vienne. La musique marque un point, je valide, jusqu'à ce que Jessica mette les mots sur ce que mon corps attend si impatiemment.

« Mais surtout une nuit totalement décomplexée, de gin, de danses et de sexe. »

Voici des exigences limpides et franches qui me vont également très, très bien. Lorsque l'avocate se lève je ne me fais pas longtemps désirer et quitte mon siège, mes doigts enroulés autour des siens. Nous rejoignons la piste de danse et si c'est elle la première à avoir proposé - en silence - l'activité, je prends l'initiative de me coller à elle sur l'ouverture du rythme. Mon souffle chaud dans son cou, mes mots portés à son oreille :

" Le déroulement proposé est accepté. "

La validation n'était pas nécessaire - Jessica n'attend jamais un accord pour exécuter ses projets - mais la remarque fait partie du jeu. Un sourire étire mes lèvres et je tombe quelques secondes dans ses yeux gourmands.
Les pulsations relativement sages des enceintes me permettent d'apprécier en douceur les courbes de la juriste. Je pose une main sur sa hanche et m'empêche d'aller capturer ses lèvres. Si nous savons à peu près comment vont se passer les prochaines heures, je ne veux pas gâcher l'ambiance adverse du face à face ;

" Hm j'oubliais : tu es ravissante, Jessica. "

L'espièglerie sur mes traits n'empêche en rien la véracité des propos. Les années passées ne l'ont pas abimée, au contraire. Son sourire est plus carnassier, plus fin. Sa gestuel est toujours parfaitement chargée en séduction et ses mots judicieusement pesé. A sa façon de parler je devine l'expérience amassée, le succès qui l'entoure... difficile de cerner autre chose que la réussite de cette femme. Oh elle a bien des faiblesses, c'est inévitable. Pourtant, quiconque pose son regard sur elle à cet instant ne peut que l'admirer, la jalouser.

Aux prémisses de la nuit toute projection vers l’avenir est caduc. Cependant, l’avocate est une joueuse d’échec. Elle ne perd jamais totalement de vue ses objectifs. Les objectifs qui la guide depuis qu’elle est entrée à l’Université pour entamer les études de droits. Elle limite les risques depuis des années. Dire “oui” à la régularité maintenant c’est laisser croire que Vaughan l’a déjà gagnée à leur cause. Une victoire trop facile pour entretenir l’envie masculine... et féminine.

_ « Rien n’est interdit non. Ca dépendra de toi… » Rebond de la balle dans le camp italien. Jessica n’a pas de doute sur le savoir-faire d’Andrea, que ce soit pour l’exciter ou la détendre. Cela participe sans aucun doute au plaisir de cette petite conversation.

Ils vont sous les lumières crues. Le morceau est un tube du moment. Il passe bien. Keenan n’écoute pas vraiment. Elle s’imprègne du tambour des basses. Celui qui résonne sous leurs pieds. Ses doigts de fauve se posent dans le creux du dos du Détective. Le bassin ondule tout en souplesse et suggestions. Elle le dévore du regard avec un sourire amusé. Bien entendu il la flatte. Elle aime ça. Elle aime ça, venant d’un homme, qui l’a connu plus splendide encore. Mais elle ne veut pas qu’il le sache.

_ « Je sais oui. » Puisque chaque jour, chaque aube Jess soutien la nature. Elle se fait la plus belle, la plus séduisante. « Les années te vont bien. » La petite juriste l’a bien entretenue c’est sûre. Il ne va pas rester un célibataire encore longtemps. La rouquine est prête à en faire le pari.

Le doux feu allumé par leur jeu de table revient vers la frontière des reins. Ils sont proches. Leurs corps sont fermes. La belle profite de cette présence forte contre elle. Vaughan n’est pas un de ces primates. Elle apprécie l’aura qu’il dégage. Elle sent son odeur. Ce n’est plus la même exactement. Mais elle est assez plaisante. Les phéromones agissent bien. Dans une douce symphonie Keenan déploie la sensualité, l’érotisme. Elle effleure son épaule, comme on peut caresser une entrejambe. Elle souffle sur sa gorge comme elle le ferait pour attiser des braises.

_ « Dis-moi… A quoi tu penses là ? » La petite tension de corps est un délice. Un vrai délice qui ne coûte pas bien cher lui. De quoi éloigner le reste du monde. Le mettre au rabais.

Jessica réduit les derniers millimètres entre leurs corps sensuels. La main dans le dos monte, serpente à l’orée du crâne. Elle s’attarde sur le nuque une seconde puis effleure la masse de cheveux grisonnants. Un sourire vient confirmer l’intuition charnelle. Jess approche ses lèvres de celles d’Andrea. Elle capture, elle vole, elle prend, cette bouche qui lui fait envie. Une lente conquête qui mélange salives, langues et désirs. La mémoire s’en mêle un peu. Lorsque Keena recule sa bouche ses yeux luis. Puis, elle reprend la danse, paisible comme la lionne au soleil de minuit.

_ « Où est-ce que tu loges ? » Question anodine… toujours pas.

Souvenirs, nouvelles et intérêts

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Les années qui passent apportent irrémédiablement rides, cicatrices et autres traumatismes physiques comme psychologiques. Heureusement, elles amènent aussi de nombreuses richesses et nous sommes tous les deux bien assez jeunes pour ne pas souffrir de l'âge grandissant. Vraiment, je crois qu'entre trente et cinquante ans, l'Homme est dans sa plus belle vie ;
Je me trompe sans doute, après tout, je serai en mesure de le confirmer seulement après...

Son compliment m'arrache néanmoins un sourire, sans grande surprise. Pas que je sois si prétentieux - quoique - mais Jessica n'aurait pas donné à cette soirée tant de promesses séduisantes, de charme, de tensions sexuelles si je n'étais plus à son goût. Dès notre rencontre, le feeling est passé. Entre nos corps et nos mots.
Je suis rassuré que ça n'ait pas changé.

Les doigts malicieux de l'avocate traînent dans mon dos alors que les miens courent de manière abstraite sur son avant bras, frôlant avec la frontière de son coude par provocation, sans se hisser davantage. Entre gourmandise et prudence, je me délecte patiemment de ces retrouvailles bienvenues.
Le volume sonore m'oblige à tendre l'oreille mais je ne vais surtout pas me plaindre de devoir me pencher un peu plus vers ses lèvres.

« Dis-moi… A quoi tu penses là ? »

" Au hasard, qui ne cesse de semer les surprises sur ma route. Elles sont loin d'être toutes appréciables, tu es même la meilleure depuis longtemps. "

Le décès récent de mon père, l'arrivée brutale des Italiens de Birmingham dans ma vie, ces révélations sur mes origines, l'IRA qui me cherche les emmerdes ; je commence à cumuler les nouveautés désagréables. Heureusement, cette fois, le destin me fait une fleur : croiser la route de cette sublime créature est une compensation méritée !

J'ai l'intention de profiter de ce lot sans aucune modération. Tandis qu'elle se déplace sur la musique, je dévore Jess des yeux et ramène malgré moi mes mains autour de ses hanches qui ondulent sans gêne, explicitement, au point d'attirer encore le regard de certains clients - jusqu'à ce que leurs compagnes respectives les rappellent à l'ordre.
Puis une nouvelle barrière tombe quand nos lèvres se retrouvent. Le simple contact de ses mains contre ma nuque m'électrise la peau. Je frémis et viens chercher sa langue dans un échange lascif chargé d'empressement, de soulagement et d'avidité mêlés. Quand nos bouches s'éloignent je maintiens la juriste curieuse au plus près de mon corps, une main dans le bas de son dos.

" Quoi, tu as déjà assez bu ? "

Plusieurs choses : je me demande si sa question n'est pas plutôt une façon de me signaler qu'il est l'heure de passer à la vitesse supérieure. Mais je me demande surtout si elle n'est pas en possession de la réponse ; à coup sûr, Jessica sait le quartier dans lequel je vivais avec la juge. J'ai gardé l'appartement - pour l'instant. Enfin, cette indiscrétion m'oblige à freiner un peu, ne serait-ce que pour la taquiner et me faire désirer.
Pourquoi irions-nous chez moi ?

La piste s'enflamme lorsqu'une jeune femme se met à faire tournoyer sa chevelure blonde et mouvoir ses cuisses sous les encouragements et autres acclamations des plus éméchés. J'admire la jolie poupée un instant, mais les seuls atouts superficiels ne m'intéressent pas - pas s'il y a une déesse aussi belle qu'intelligente à portée. Ce qui est le cas.
Mes lèvres s'échouent dans le cou de la Keenan et j'avoue à voix basse :

" Okay, j'admets : j'ai envie de toi. Maintenant. "

_ « Ah ? » Une ponctuation interrogative qui invite seulement à en dire plus. Andrea entrouvre un livre personnel et elle aimerait savoir ce qu’il a à raconter. Les journaux n’ont rien évoqué. Keenan l’aurait lu. Néanmoins, il s’est immergé dans un Londres qu’elle conquiert. Elle ne peut pas s'empêcher, même à l’orée d’une nuit blanche, de venir glaner des infos. Vil tactique qui a échaudé des amants sur son parcours. Mais le prix a toujours été payé sans grand remord. Ici, ce jeu est un peu plus risqué. Le détective a une valeur ajoutée.

Le baiser est bon. Jessica garde sa prise sur la nuque même après. Elle malaxe lentement la peau comme elle caresserait le cou d’un chat. Ses doigts conquérants remontent malaxer les cheveux. Ils remémorent sa prise aux moments les plus vifs des ébats. Plus particulièrement ceux où d’autres lèvres attendent les baisers.

_ « Qui a dit ça ? » Joue-t-elle malicieuse. L’alcool fait partie intégrante des plaisirs de cette femme. Elle boit beaucoup. Une alcoolique qui est consciente de son addiction et la gère seule. De la même façon qu’elle gère les quelques une autre. C’est un mode de vie. Une structure avec laquelle elle fait. L’argent lui épargne une prise d’otage par ses besoins toxiques. Elle pourra toujours avoir accès direct à ce qui la tient. « Je suis juste curieuse. De voir ton antre... Entre autre. »

L’animation perturbe le jeu de la tigresse. Forcée à ralentir elle retient ses douces griffes. Elle regarde par dessus son épaule. Son œil moqueur jauge la danseuse. Le déhanché n’est pas mauvais. Il fait l’effet. Une jolie petite bimbo telle que Jess en attire pour un moment de divertissement. Elle se détourne et étudie le profil de Vaughan. Un plan à trois n’est pas dans son idée. Mais elle n’est jamais contre de l’improvisation. Un rire vient doucement de sa gorge en apprenant que l’inspiration est allée dans son camp.

_ « Maintenant alors. » Lui souffle-t-elle avant de mordre son oreille comme une chatte coquine. L’envie la taraude depuis une ou deux minutes. Elle referme sa main sur la sienne et l’attire loin des projecteurs. Elle lui lance un regard amusé, alors qu’elle relâche ses doigts, pour prendre ses affaires. « Chez toi. Tu es le plus près. » La carte de Londres est dans la tête de l’avocate. Elle sait comme ça où allez récupérer ses clients avinés le cas échéant. Ou gagner du temps entre deux rendez-vous.

Arrivée devant le vestiaire Jessica refait la scène ne l’entrée. Elle expose son dos à son cher collègue pour qu’il la drape de son manteau. Un feu brûle doucement mais sûrement dans le fond de son regard.

_ « Tu es avec la moto ? » Une pointe d’envie se devine dans la question. Keenan a toujours eu envie de passer le permis moto. Elle n’en a pas pris le temps ou le risque. Mais elle adore avoir l’engin chaud entre ses cuisses. Quel sentiment de liberté ! La belle pousse la porte du bar. Dehors, elle remonte le col de son manteau pour ne rien perdre de la chaleur accumulée. Ses doigts vont ensuite chercher la main d’Andrea pour garder la connexion à cet autre corps.

Souvenirs, nouvelles et intérêts

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Ses lèvres continuent d'articuler douces provocations et envies déguisées alors que je me vois obliger d'avouer mon impatience. J'ai envie d'elle, je pourrai même céder à ce caprice de mon corps dans un recoin pas bien clean de l'établissement mais non, Jessica n'est pas qu'une amante, qu'une jolie à posséder le temps d'ébats légers. Elle mérite au moins un lieu propre et plus sécurisé. Et puis si je veux accéder à sa demande de petit déjeuner, autant ne pas traîner à l'extérieur et profiter d'un endroit où nous pourrons inlassablement pratiquer notre activité préférée ;

Les regards appuyés de la danseuse blonde vers son public conquis ne m'atteignent pas. En d'autres circonstances, peut être, mais l'avocate attire tous mes sens, impossible d'en laisser une part à une autre. Et c'est d'ailleurs avec un égoïsme certain que je la veux pour moi seul. Les autres ont assez bavé ; il est temps de leur enlever la plus belle.

« Chez toi. Tu es le plus près. »

Ben voyons.
J'enfile mon blouson en deux secondes avant de prendre soin de ce dos dénudé qu'elle me tend. Ses bras glissent dans les manches et je me colle derrière elle en refermant mes mains sur son ventre. Simple façon de m'assurer que le vêtement est fermé ; voyez.
A sa question je devine la hâte, l'excitation. Ah oui, ma fidèle Harley nous conduira.

" Je suis avec la moto. Viens ; "

Nous retrouvons la fraicheur du soir et j'inspire profondément l'air vivifiant. Il n'apaise en rien la chaleur qui boue dans mes veines sachant les projets qui nous attendent, mais ça me permet au moins de ne pas lui bondir dessus immédiatement. Nos mains enlacées, nous revenons sur nos pas, là où le hasard nous a permis ces retrouvailles. Derrière la banque, la cylindrée attend sagement et j'abandonne les doigts de la juriste pour caresser ma plus précieuse conquête. Libérant le casque je le lui tends :

" Et ne me dis pas que ça pose problème vis à vis de ta coiffure, elle sera de toute façon un peu chahutée. "

Moqueur, je plaque mes lèvres sur les siennes pour un dernier échange langoureux avant de prendre la route. Elle s'installe derrière moi et nous mettons moins de dix minutes à rejoindre mon quartier. C'est rare de ne pas profiter plus amplement du trajet en moto, mais là, j'ai plus urgent à l'esprit.
La Harley à l'abri dans son garage, je saisis Jess par les hanches et lui fais grimper les deux étages en vitesse, les mains baladeuses, les murmures aguicheurs. Je déverrouille vite la porte d'entrée et invite mon hôte dans un geste plus patient. Les clés rangées, l'appartement verrouillé, je lui prends sa veste et l'agrippe derrière la porte avec mon blouson.

Où en est sa résistance ? La mienne est quasi inexistante mais je prends sur moi et propose poliment :

" Tu veux boire quelque chose ? "