« Bon… Pas toutes les compétences » se corrigea-t-il « Mais toutes les qualités, si. » Violet était comme lui, dans le sens où elle ne voulait pas se donner de faux espoirs en espérant quelque chose qui n’adviendrait pas. C’était peut-être pour ça que l’avenir les torturait autant. Néanmoins, Prem n’avait pas le moindre doute que Violet possédait toutes les clés pour mettre à bien son projet. « Tu es travaillante, perfectionniste, et tu ne fais rien à moitié. Je suis certain que tu y arriveras », murmura-t-il, sourire aux lèvres, en la regardant dans les yeux. Admirer ses jolis yeux lui rappelait à quel point elle allait lui manquer, lorsqu’elle serait là-bas, en Écosse. Pour le moment, chaque seconde en sa présence comptait. Les doigts de Violet sur son torse, sa bouche contre la sienne et son souffle sur sa peau le berçaient encore et toujours d’une parfaite illusion où ils n’avaient pas à se cacher pour vivre leur amour. Il sourit doucement avec elle « Laisse-moi t’aider aussi… », souffla-t-il avant de l’embrasser, et glisser ses mains sur son ventre.

Leur séance d’habillage fut quelque peu plus longue que la dernière fois, tous les deux retenus par la langueur amoureuse et la chaleur des draps. Il aurait pu la garder dans ses bras jusqu’au dîner… Embrasser le corps de sa douce et courageuse princesse pendant des heures encore. Mais s’aurait été perdre la magnifique journée qu’ils avaient devant eux. La balade à cheval se déroula mieux que la première fois pour le journaliste, maintenant plus familier avec les techniques. Sans doute, Violet devait lui avoir donné le plus sage des chevaux, puisqu’il l’écouta tout de même, malgré ses signaux plus ou moins clairs. Prem prenait également un plaisir particulier à brosser la robe de l’étalon, son côté minutieux veillant à ce que chaque poil soit dans le même sens.

Après un long bain chaud à leur retour au château, Prem s'isola avec elle dans la salle de danse, et lui apprit quelques pas de Kathak du mieux qu’il le put. Au-delà du rythme, il fallait surtout avoir beaucoup d’équilibre pour exécuter les mouvements. Avec de grands coups de jambes, des gestes des bras et des pirouettes, parfois énergiques, parfois sensuelles, les danses indiennes étaient élaborées, tout comme c’était le cas pour bien des aspects de sa culture. Prem dissimulait très mal le plaisir qu’il prenait à danser avec elle, mais aussi à la regarder bouger, à sentir ses mains dans les siennes, à voir le monde tourner autour d’eux. Les mains autour de sa taille, il la buvait des yeux. Ce soir-là, il ne fit pas l’erreur de se mettre à parler, après le dîner… Il réserva sa voix pour prononcer, souffler, murmurer, et expirer le seul prénom qui comptait à ses yeux, jusqu’à ce qu’il s’endorme, son visage près du sien.

Ce fut tôt, trop tôt, ce matin-là, qu’on le reconduisit à la gare. Le comte et la comtesse avaient été des hôtes attentionnés et bienveillants. Malgré sa mélancolie du départ, Prem les remercia chaleureusement, avant de monter dans le véhicule, sur la banquette arrière, et serrer Violet dans ses bras. Tandis qu’il l’embrassait dans le cou, il lui demanda de caresser ses cheveux. Le temps de faire remonter doucement ses lèvres de son cou, à sa joue, puis à ses lèvres douces, et ils étaient déjà devant la gare. Comme d’habitude, le temps avait filé à une vitesse folle. Prem appuya davantage son baiser, glissant une main derrière la nuque de sa tendre chérie. Pendant un petit instant, Prem fut persuadé qu’il n’arriverait pas à se détacher d’elle. Il avait naïvement cru qu’il serait moins pénible de la quitter, plutôt que de la voir le quitter, comme cela avait été le cas jusqu’à présent. Maintenant, il se rendait compte que cela lui faisait tout aussi mal. Son coeur battait, solitaire et désespéré devant l’approche fatidique de leur énième séparation, ressentant immédiatement cette sensation de manque douloureux et intolérable. « Je t’écrirais », lui promit-il, la voix rauque « Prends soin de toi et soit prudente. Tu me manques déjà… Je t’aime ». Il déposa un dernier baiser sur son front, sur ses lèvres, et dû fermer les yeux pour arracher son regard à celui de Violet. Remerciant finalement Tommy, Prem prit alors ses jambes à son cou, déjà affreusement en retard pour son train. Il s’arrêta tout de même pour regarder une dernière fois la voiture pour envoyer un baiser du bout des doigts à sa bien-aimée invisible derrière la vitre opaque du véhicule.